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1er
jour: Saint-Denis
(lien avec les photos) |
Nous partons en direction de Saint-Denis, chef-lieu du département de La Réunion, où est situé notre hôtel. Chemin faisant, nous lions connaissance avec notre chauffeur-guide. Il est originaire des bords de la Loire. Parmi les quinze voyageurs, il y en a qui habitent la région où il est né. Les autres viennent de Paris, de Corrèze, de Toulon, de Corse...
Notre chauffeur-guide est établi à La Réunion depuis plusieurs années. Il a épousé une créole qui lui a donné plusieurs enfants, ses marmailles, pour reprendre une expression locale. Il nous fournit quelques renseignements sur le peuplement cosmopolite de l'île: les Créoles qui forment le fond de la population, les Malbars originaires de l'Inde, les Zarabes c'est-à-dire les musulmans, les Chinois dont l'origine n'a pas besoin d'être explicitée, les Cafres qui viennent d'Afrique et les Zoreilles, ou métropolitains, dont nous faisons partie (voir en annexes: La population). D'après notre guide, tout ce monde vit en bonne harmonie. S'il faut l'en croire, les femmes créoles n'ont pas toujours un caractère facile.
Y-a-t'il des requins autour de l'île? Oui, mais les accidents sont rares. D'ailleurs, les côtes se prêtent assez peu aux plaisirs de la mer. Elles sont rocailleuses, souvent bordées de falaises et le rivage plonge brusquement dans la mer pour atteindre rapidement des fonds impressionnants. Bref, je retrouve là les traits d'une topographie que j'ai déjà rencontrés dans d'autres régions volcaniques, au sud du Chili, par exemple. Les plages fréquentables de la Réunion sont peu nombreuses et toutes situées à l'Est. Les amateurs de baignades ont donc intérêt à se rendre plutôt à l'île Maurice. Mais La Réunion possède bien d'autres attraits touristiques que notre bref séjour nous permettra d'apprécier.
Nous remontons la rue Juliette Dodu, dont le nom est facile à retenir. Cette héroïne contestée de la guerre de 1870 est native de Saint-Denis où l'on peut voir sa maison natale. Une rue de Paris, qui longe l'hôpital Saint-Louis, porte son nom. Nous tournons à droite pour gagner l'hôtel Central. Une mauvaise surprise attend quelques-uns d'entre nous: toutes les chambres n'ont pas encore été libérées. Fort heureusement, la chance me sourit et je peux immédiatement prendre possession de la mienne. Une bonne douche tiède me remet d'une nuit presque blanche. Mes ablutions achevées et mes affaires sorties des valises, je descends à la réception, bavarder avec ceux qui sont encore en attente de leur logement. Le guide nous a donné rendez-vous à 10h1/2, il est près de 9h et le temps m'est apparu trop court pour une sieste. De plus, je commence mon voyage avec un bon rhume et le nez qui coule; il me faut trouver d'urgence des mouchoirs de papier. Ce ne sont pas les pharmacies qui manquent à La Réunion. Un jour prochain, en nous rendant vers le volcan, nous en rencontrerons sur la route une tous les kilomètres. A telle enseigne qu'on leur donne le nom des bornes kilométriques: la pharmacie du km 12, la pharmacie du km 13... Mais, aujourd'hui, nous sommes dimanche et tous les magasins, à l'exception des boulangeries, sont fermés. Heureusement, grâce aux indications qui m'ont été fournies par la réceptionniste, je finis par trouver une petite échoppe créole qui vend de tout, ou à peu près, et des kleenex en particulier.
Tous les membres du groupe ont enfin obtenu leur chambre avant l'heure du départ et nous reprenons le bus pour notre première excursion. D'abord un tour de ville: en premier lieu l'ancien hôtel du gouvernement (1835) qui a gardé son caractère quelque peu suranné; ensuite la maison natale de Raymond Barre, qui est aussi celle de Léon Dierx, un poète de la Belle Époque (une fiche sur Léon Dierx est ici), c'est une grande bâtisse coloniale peinte en vert pâle agrémentée d'un beau jardin; puis le jardin de l'État ex-jardin du Roy... D'après notre guide, l'ancien Premier ministre du président Giscard d'Estaing, Raymond Barre, n'est pas l'homme politique le plus populaire de La Réunion. La palme reviendrait à Michel Debré; ce dernier représenta l'île à l'Assemblée nationale pendant plusieurs années, à partir de 1963. Le passage devant le jardin nous vaut quelques informations sur le langage botanique local. Ici, on ne dit pas un bananier, mais un pied de banane, un manguier, mais un pied de mangue... et lorsqu'on ignore le nom du fruit, l'arbre est tout simplement désigné comme étant un pied de bois!
Nous abordons bientôt la route en lacets qui permet de gravir la montagne dominant Saint-Denis. Dans un virage, de vieux canons nous rappellent que les Anglais n'étaient pas attendus ici autrefois avec des fleurs! (Voir en annexes les pages historiques). Nous nous arrêtons à un point de vue d'où l'on découvre la quasi totalité de la cité. Notre chauffeur-guide nous indique, dans le lointain, l'hôtel au toit orange où Jacques Chirac est descendu, lors de son dernier séjour dans l'île. Il nous montre, à nos pieds, le long de la côte, la route de la corniche, de construction relativement récente, qui serait, d'après ses dires, une des plus coûteuses du monde. Il nous donne également quelques précisions économiques et culinaires: nous ne devons pas nous attendre à trouver du fromage à tous les repas. On en sert rarement à La Réunion. On y élève bien des vaches, sur les hauteurs, et aussi des chèvres, que l'on appelle ici des cabris, mais la production de lait est insuffisante et les importations reviendraient trop cher. Le fromage est donc une denrée de luxe et il faudra nous en passer. Nous repartons en direction de l'ancienne léproserie où nous devons déjeuner. Je ne sais qui soulève la question des cyclones. Nous avons tous lu que ceux-ci avaient lieu en février. La vérité, c'est qu'ils peuvent se déchaîner sur une période de l'année beaucoup plus longue, disons de novembre à mars. Nous aurions donc pu en bénéficier (si j'ose dire!). Mais les agences touristiques ont un intérêt évident à réduire cette période sur les brochures qu'elles destinent à leur clientèle. Nous avons donc été trompés mais n'en souffrirons pas.
Nous nous arrêtons devant le restaurant Saint-Bernard, installé dans l'ancienne léproserie. De l'autre côté de la route, la végétation est luxuriante: bananiers, bambous et d'autres plantes qui me sont inconnues. Des oiseaux tisserins ont tressé leurs nids en chapelet en haut d'un bambou. Des nids qui me rappellent ceux que j'ai vus en Guyane, à Madagascar et en Afrique du Sud. La branche, autour des nids, est entièrement dépouillée de ses feuilles.
Nous pénétrons à l'intérieur du restaurant. Nous mangerons dehors, mais le maître des lieux tient à nous montrer sa panoplie de rhums arrangés. Elle est impressionnante. Les murs sont couverts de bocaux de différentes couleurs où des fruits ou des herbes échangent leur saveur avec l'alcool. Ne croyez pas qu'il suffit d'une simple macération. L'opération est beaucoup plus complexe et les recettes plus diversifiées. Parfois il faut qu'herbes ou fruits trempent dans le liquide et d'autres fois il convient qu'ils ne le touchent pas. L'aubergiste nous montre un bocal qu'il devra jeter car le fruit, qui devait rester suspendu au dessus du rhum, est tombé dedans. En plus, la durée du séjour dans le bocal des ingrédients varie selon le résultat que l'on souhaite obtenir. Bref, la confection d'un bon rhum arrangé est un art!
De charmantes hôtesses créoles nous servent le punch accompagné d'amuse-gueules locaux: accras, boudins, samoussas... Il y en a pour tous les goûts: punch citron, punch coco, punch orange, punch pamplemousse, jus de fruit... et rien n'interdit aux gourmands et aux curieux de les essayer tous. L'apéritif est pris dans la cour de l'ancienne léproserie. Des pieds de banane-figue ont poussé devant la galerie qui court le long des bâtiments; un de ces bâtiments comporte un clocher, il devait servir de lieu du culte. Juste derrière, la montagne dresse ses pentes raides couvertes d'une dense végétation,.
Nous savourons dehors notre premier repas créole: différents plats de viandes épicées; du riz et des grains (haricots ou lentilles) servis à part. On nous apprend comment manger selon l'usage local: prendre son riz, sa viande, puis étaler les grains sur le riz, pour le mouiller de leur jus. Il y a aussi, pour ceux qui aiment la nourriture forte, du rougail, mélange de tomate et de piment, et du concombre macéré avec du piment. On dirait que ce macérat de concombre décuple la force du piment! Comme dessert: des bananes flambées. Seul le vin était métropolitain. Enfin, pour aider la digestion, un rhum arrangé au choix; pour les audacieux, il y a du rhum au piment; je l'ai goûté: il était réellement brûlant, parole de quelqu'un qui aime la nourriture épicée!
Retour vers la ville. Petit cours de langue créole: un marmaille c'est un enfant, une zoreille c'est une oreille (ou une métropolitaine), une case c'est une maison, un îlet c'est le plateau sur lequel s'élève un village dans un cirque, l'argent braguette ce sont les allocations familiales, un bonbon la fesse c'est un suppositoire, un cabot c'est un sexe d'homme! Dans cet idiome, presque tous les mots qui commencent en Français par une voyelle sont dotés d'un z comme première lettre (un zoiseau, la zerbe, une zoreille...). Cette particularité lui confère le caractère chantant d'un zozotement qui n'est pas sans charme. Quand on rencontre quelqu'un, on ne dit pas "comment ça va" mais "commen y lé". Notre guide ne nous le dit pas, mais je le sais de source sûre, les noirs nous traitent aussi des "fesses roses".
Parvenu en bas de la montagne, j'aperçois au bord de la mer, sous des palmiers, des gens qui terminent leur pique-nique. A La Réunion, on ne pique-nique pas avec des sandwichs. On amène sur place ses victuailles et ses chaudrons. On allume un feu et on fait cuire un vrai repas. C'est presqu'une cérémonie.
Nous
voici sur le Barrachois, une vaste place en bord de mer avec des arbres
d'essences diverses: palmiers, agaves... des canons antiques, des statues,
celle de Roland Garros, un enfant du pays, peut-être aussi celle
de La Bourdonnaye, je ne sais pas trop, de nombreux lieux de divertissement,
cafés et autres, une belle promenade, des bancs, un bassin à
jet d'eau, malheureusement aussi des routes et une circulation automobile
assez intense. Nous passons devant la préfecture qui n'est autre
que l'ancien bâtiment de la Compagnie des Indes Orientales: tradition
oblige.
Les canons du front de mer |
Départ le matin de bonne heure en direction de l'Est. La circulation est intense. Ce n'est certes pas le périphérique parisien aux heures de pointe mais ça bouchonne tout de même. Les Réunionnais aiment les voitures, surtout les belles. Nous passons devant un monument fait de troncs d'arbres brisés qui rappellent les effets des tempêtes de vent sur les forêts. Notre chauffeur-guide nous promet une vision réelle de ces effets lorsque nous visiterons les cirques.
Sur le chemin d'une chute baptisée Niagara, nous passons à travers des plantations de bananiers et des champs de cannes à sucre. Sur les bords de la route étroite qui serpente à travers eux, j'aperçois de grosses pierres rondes qui ressemblent à des bombes volcaniques. Mais ce ne sont peut-être que d'énormes galets roulés par une rivière. Des coupeurs de cannes s'affairent machette en main comme autrefois. Notre chauffeur-guide nous a déjà donné quelques explications sur la culture de la canne dont la récolte est maintenant largement mécanisée. Un peu plus loin, un homme regagne sa camionnette avec, sur les épaules, des régimes de bananes qu'il vient de cueillir. Situés où ils sont, les champs et les plantations pourraient passer pour des parcelles abandonnées et l'on serait tenté de s'y servir. Mais notre chauffeur-guide nous confirment qu'ils ont tous un propriétaire et que les larcins seraient mal venus.
La chute de Niagara est une cascade assez haute mais plutôt fluette qui se précipite du haut d'une falaise dans un bassin où quelques personnes se baignent. Rien à voir avec l'original. Peut-être est-ce la forme légèrement incurvée de la falaise qui lui a valu son nom pompeux (lien avec les photos).
Comme la chute se trouve au fond d'un cul de sac, nous faisons demi-tour et revenons par le même chemin. Nous nous arrêtons pour prendre une photo de nids de tisserins installés en haut de minces bambous dénudés qui poussent le long d'une rivière. Quelques oiseaux jaunes volent autour des nids. Il paraît que le mâle construit d'abord le nid; la femelle choisit le mâle qui a édifié un logis à sa convenance; l'accouplement a lieu; elle y pond ses oeufs et les couve.
Les photos prises, nous repartons en direction de Sainte-Suzanne. Nouvel arrêt devant un temple hindou (lien avec les photos). Un peu plus tôt, notre chauffeur-guide nous a raconté les pratiques religieuses des Malbars. Une des plus spectaculaires est la marche sur le feu. Les futurs marcheurs se livrent auparavant à des rites de purification et d'abstinence. Malheur à celui qui les enfreindrait. La plante de ses pieds en pâtirait. Il serait irrémédiablement brûlé. Je me souviens avoir vu, lorsque j'étais enfant, l'une de ces cérémonies, qui se déroulait aux Indes, lors d'une séance de projection cinématographique du patronage que je fréquentais; j'en avais été très impressionné. Certains Malbars se livrent aussi à des pratiques de sorcellerie. Dans quelques endroits, on trouve des sacs en plastic contenant des objets d'envoûtement au bord des routes. La population réunionnaise semble d'ailleurs assez superstitieuse. Il n'est pas rare de rencontrer de petits autels, souvent peints en rouge. Ils sont dédiés à Saint Expedit, un saint aux manières lestes qui exauce rapidement les voeux des fidèles. Sa fête tombe le 19 avril. Officiellement, un soldat romain de ce nom, converti au christianisme, aurait été mis à mort à Mélitane, en Arménie, au 3ème siècle. Mais l'existence de ce martyr est mise en doute par les esprits forts qui parlent d'une méprise; selon eux, des religieuses auraient mal interprété le sens du mot expédition, écrit en italien, sur un colis de reliques qui leur avait été envoyé dans le cadre des missions de restauration de la foi au 19ème siècle. Quoi qu'il en soit, l'Église a pris ses distances avec un saint qui sent quelque peu le soufre; ne l'invoque-t-on pas pour jeter un sort à ses ennemis? Ce mélange de foi chrétienne et de sorcellerie m'apparaît être l'un des traits significatifs de la culture créole. Mais ce n'est qu'une impression qui mériterait d'être confirmée.
Nous voici maintenant à la distillerie Savanna. Un film relatif à l'industrie sucrière, l'activité la plus importante de l'île, nous est d'abord présenté. Ensuite, nous visitons les installations de la distillerie où de nombreuses explications nous sont dispensées. Le rhum, à tout prendre, n'est qu'un sous-produit de l'industrie sucrière. La visite s'achève par une dégustation au cours de laquelle nous sommes conviés à apprécier les saveurs et personnalités respectives de trois sortes de rhums. Puis, ceux qui le souhaitent achètent quelques souvenirs: paquets de sucre de plusieurs couleurs disposées en damier, bouteilles de rhum... Je n'ai pas voulu alourdir outre mesure ces notes en présentant cette visite de manière détaillée. Les lecteurs intéressés pourront se reporter aux annexes qui lui sont consacrées (annexes: le sucre, le rhum, les recettes d'apéritifs et digestifs à base de rhum).
Nous
prenons ensuite la route en direction du cirque de Salazie. Chemin faisant,
notre chauffeur-guide aura souvent l'occasion de nous faire découvrir
des fleurs et des plantes de l'île. Il s'arrêtera même,
chaque fois qu'il le pourra et qu'il le jugera nécessaire, pour
aller nous cueillir des échantillons, feuillages odoriférants
ou veloutés dont, malheureusement, je n'ai pas retenu le nom. Nous
faisons halte pour photographier des pieds de litchis si chargés
de fruits qu'ils en sont rouges (lien avec les photos).
Le litchi (ou letchi) est si abondant cette année qu'il sera difficile
à vendre et que les prix vont inévitablement chuter. C'est
au moins la prédiction qui nous est faite. Sur une pente, des cultures
du fameux chouchou, appelé christophine aux Antilles, nous sont
montrées (voir en annexes: La flore
créole). Nous passons au lieu dit "Pisse-en-l'air" où
une cascade qui tombe sur la route lave notre voiture. Puis
nous nous arrêtons au "Voile de la Mariée" (lien avec les
photos) où plusieurs chutes dévalent
la montagne dans un cadre grandiose. De l'autre côté d'un
ravin étroit mais profond, on aperçoit des bassins d'élevage
de truites et des cultures probablement de chouchou. Le cultivateur traverse
le gouffre dans une nacelle suspendue à un câble.
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Élevage de truites, cultures et nacelle |
Arrêt au Point du Jour (lien avec les photos). Ce point de vue était autrefois le rendez-vous des curistes du village voisin d'Hell-Bourg. Ils venaient, aux premiers rayons de soleil, y admirer le panorama et guetter l'arrivée de nouveaux curistes. Ce qui devait être un étang, la Mare-à-Poules-d'Eau, n'est plus visible aujourd'hui. Mais le point de vue sur le cirque demeure superbe. Un schéma d'orientation nous permet de repérer et d'identifier les sommets environnants. Le guide local nous fournit d'autres explications à partir de la végétation présente devant nous. J'apprends ainsi que la fleur de bananier, ou plutôt l'appendice qui prolonge le régime, est comestible et se mange. J'apprends aussi que certains bambous poussent d'un mètre par jour. Notre chauffeur-guide a peine à le croire, mais il paraît que c'est vrai. Avant de repartir, je photographie le panache pourpre d'un superbe bougainvillier qui s'épanouit juste au bord de la route.
Nous déjeunons à Hell-Bourg dans une auberge accueillante, au milieu d'arbres et de fleurs (fougères arborescentes, hibiscus...). Punch, gratin de chouchou, truite, rougaille, viandes, riz et grains, feuilles de chouchou qui ressemblent à des haricots verts, bananes flambées, vin métropolitain, rhum arrangé. Le guide local nous récite un poème et nous interprète quelques chansons en nous demandant de répéter le refrain. La maîtresse de maison se divertit avec nous. L'ambiance est chaleureuse (Voir en annexes: le poème, des chansons).
Ensuite nous redescendons chez Tonton, un oncle âgé du guide local, pour revivre la vie lontan (d'autrefois) (lien avec les photos). Sur le bord de la route, un étal offre au passant les productions du maître des lieux: papayes, piments nature ou en conserve, chouchous en feuilles ou en fruits. Du même côté de la route, diverses plantes sauvages ou cultivées s'offrent à la curiosité des visiteurs: cerises pays (arbouses?), tomates naines pas plus grosses que des groseilles, maïs... De l'autre côté, s'ouvre le chemin qui permet d'accéder à la case du propriétaire. Divers végétaux le bordent à commencer par une vigne de noa. Ce cépage, dont le vin attaquait le cerveau, a été arraché du sol français vers 1960.
Nous nous arrêtons devant une première cabane, qui ressemble à une paillote et sert d'entrepôt. Devant elle, disposés au sol sur une natte, sont étalées diverses feuilles et graines: haricots, poivre, café qui est une sorte de petite cerise dont il faut enlever la pulpe pour trouver le grain... Des explications très détaillées nous sont fournies avec passage d'échantillon à goûter ou sentir. Ensuite nous gagnons une seconde paillote: la cuisine. Un foyer de pierre sans cheminée y figure dans l'un des angles. C'est là que se préparaient autrefois les repas. La fumée du foyer servait à boucaner les viandes suspendues aux poutres. C'est aussi là qu'était moulu le maïs pour confectionner les galettes avec une meule à bras que l'on actionnait assis sur le sol. Tonton nous en fait la démonstration. Un peu plus loin, une troisième paillote est pourvu d'un lit. C'est l'habitation principale qui servait de salle de séjour et de chambre à coucher. On s'y éclairait avec une lampe à pétrole rudimentaire. Le sol de terre battue était damé de temps à autre avec une lourde semelle de fonte emmanchée d'un long morceau de bois dont un exemplaire figure encore parmi les objets de ce petit musée rustique. Les fenêtres des paillotes étaient évidemment dépourvues de vitres et ne comportaient que des volets rudimentaires. On voit que les cases étaient dispersées et que la cuisine, en particulier, était séparée des autres pièces. Cette disposition, qui me rappelle celle des maisons de Pablo Neruda au Chili, n'était pas dépourvue d'esprit pratique. Elle rendait certainement plus facile la maîtrise du sinistre en cas d'incendie, toujours à craindre lorsque l'on entretient un feu dans une maison aux murs de paille.
Autour des cases, dans le bois qui les environne, on reconnaît quelques plantes familières: coquerelle du Pérou, pamplemousse, baies roses, poivre, café...
Aujourd'hui Tonton n'habite plus là. Il vit plus bas dans la vallée. Tout les matins, il monte du village, situé à plusieurs kilomètres de là, pour surveiller ses plantes et redescend le soir. Il effectue gaillardement l'aller et le retour à pied.
Nous remontons ensuite en direction d'Hell-Bourg (lien avec les photos) pour achever la visite du cirque par celle de cette ancienne station thermale. Le village étage ses maisons, à 950 m d'altitude, sur les pentes, de part et d'autre d'une longue rue centrale. Les villas créoles, pimpantes et colorées, sont ornées de bois chantournés et de lambrequins typiques de l'architecture locale du 19ème siècle. Classée "plus beau village de France", la bourgade s'enorgueillit d'avoir été la première d'outre mer à s'être vue attribuer cette distinction. A l'entrée, le monument aux morts présente la particularité de ne comporter aucun nom. Il nous rappelle tout de même qu'un millier de soldats venus de l'île sont tombés sur les lointains champs de bataille du premier conflit mondial (voir annexe historique). De l'autre côté de la route, une plaque apposée sur un mur attire mon attention. Un poète, dont je n'ai pas retenu le nom a vécu ici. Sans doute s'agit-il d'Auguste Lacaussade, qui écrivit "Les Salaziennes". En remontant la rue principale, on découvre à gauche l'ancien hôtel des curistes, juché au-dessus d'un escalier monumental de pierres volcaniques qui rappellent celles de Volvic. Plus haut, dans une rue qui débouche perpendiculairement dans l'artère principale sur sa droite, on peut voir une très belle maison coloniale, la case Folio, que nous n'aurons pas le temps de visiter. Mais nous pourrons tout de même jeter un coup d'oeil sur son jardin agréablement fleuri de nombreuses plantes tropicales. A très peu de distance de cette villa, s'élève une vaste église moderne qui semble quelque peu démesurée par rapport aux dimensions de l'agglomération. Hell-Bourg dut connaître une activité plus intense à l'époque où les curistes, en l'absence de route, montaient de la vallée en chaise à porteurs. La bourgade semble mener aujourd'hui une vie calme, presque somnolente, à peine troublée par le passage des touristes, au milieu des hauts sommets boisés qui l'environnent, depuis que des mouvements de terrains, dus à l'activité volcanique de l'île, ont tari ses sources thermales.
Nous
redescendons en direction de la côte où nous devons dîner
et passer la nuit. Les montagnes escarpées et verdoyantes que traverse
la route me rappellent, par leur aspect grandiose, celles que j'ai vu dans
les Andes, notamment en Équateur. Un peu avant le village où
il habite, nous rejoignons Tonton qui regagne sa maison. Nous nous arrêtons
un peu plus haut que la pancarte qui signale le "Pisse-en-l'air" afin d'admirer
une longue et mince chute qui se jette du haut d'une paroi vertigineuse
dans une vallée superbe (lien avec les photos).
Une vigne sauvage, comme on en voit dans les forêt de l'est de Madagascar,
pousse drue entre les arbres qui s'élèvent en bordure de
la route. Ce genre de vigne, que l'on appelle marronne, pullule à
La Réunion.
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Le début de la matinée est consacré à la vanille. Nous allons visiter les installation de la coopérative de Bras-Panon. Mais, auparavant, nous franchissons la Rivière des Roches où l'on pêche les bichiques, considérés comme le caviar créole. Le mot bichique serait d'origine malgache. Les bichiques rappellent les civelles qui se mangent dans la région nantaise. Ce sont en effet des alevins emportés par le courant qui remontent de la mer dans la rivière durant l'été. Les pêcheurs les attrapent au moyen des nasses coniques en osier, appelée vouves, qu'ils placent à l'embouchure du fleuve. Le cari de bichiques et un met très recherché. Nous n'aurons pas l'occasion d'y goûter. Nous ne mangerons pas non plus de tangue, une variété comestible de hérisson qui prospère sur l'île. Les bichiques, pour en revenir à eux, sont un produit de luxe qui se vend cher. Notre chauffeur-guide ne nous parlera pas d'une sorte de poissons de taille médiocre que la mer en se retirant abandonne en grand nombre sur les rochers. Je connais leur existence par mon fils qui a fait leur connaissance lors d'un séjour sur l'île. D'après lui, ces disgracieuses bestioles, qui se nomment je crois les cabots de fond, tiennent à la fois du poisson, de la limace et du lézard. Leur tête s'orne de gros yeux proéminents et, lorsqu'ils sont hors de l'eau, ils sautillent comme des grenouilles.
Dans
la cour de la coopérative de Bras-Panon (lien avec les photos),
des tisserins ont construit leurs nids en haut d'un cocotier, dont les
branches qui les supportent ont été, comme toujours, complètement
effeuillées. On nous emmène auprès d'une plantation
de vanille où des explications nous sont données sur les
origines de cette plante et la façon dont la vanille est produite.
La liane, d'où pendent les gousses, a besoin d'un tuteur pour s'y
accrocher. Les plantations de vanille ressemblent donc à des raies
de vignes ou à des vergers en espaliers. De petits exploitants la
plantent également en forêt, où elle grimpe le long
des arbres. Nous visitons ensuite les installations où les gousses,
à la suite de plusieurs opérations, parviennent à
l'état dans lequel on les trouve dans le commerce. La visite s'achève
par la boutique, où ceux qui le désirent peuvent acquérir
divers produits dans la composition desquels la vanille tient une place
plus ou moins conséquente. Des précisions complémentaires
sur la vanille et son processus de fabrication figurent en annexes (voir:
la vanille).
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Noix de cocos et nids de tisserins |
La paroisse de Sainte-Anne (lien avec les photos) s'étend de la Rivière Saint-François à la Rivière de l'Est. Elle fut fondée le 5 avril 1857 par l'abbé Cornet. En 1892, le père Daubenberger y arriva. Il reconstruisit le clocher de l'église et l'intérieur de la chapelle qu'il dédia à Sainte-Thérèse. Il réalisa la décoration extérieure de l'édifice ainsi que l'intérieur de la chapelle avec l'aide des paroissiens, des enfants du catéchisme et surtout celle des jeunes filles de Marie. La paroisse lui devra encore deux petites chapelles près du pont de la Rivière de l'Est, une troisième, dédiée au sacré Coeur, et une grotte de Lourdes à Sainte-Marguerite. En 1946, à sa mort, le père Daubenberger fut inhumé dans le choeur où il repose à côté des restes de l'abbé Cornet. En 1981, le clocher et la chapelle ont été classés monuments historiques. Le clocher fut restauré en 1982.
L'église de Sainte-Anne est tout à fait remarquable. On a peine a imaginer que les sculptures si fines du porche ont été réalisées avec les moyens du bords par les fidèles. La décoration de la chapelle de Sainte-Thérèse est entièrement peinte, murs et plafond, en tons pastels très tendres d'un assez heureux effet. Il n'est pas jusqu'aux vitres qui n'aient été enjolivées de quelques touches de couleurs. L'ensemble me fait penser à l'église d'Iracoubo décorée par un ancien bagnard en Guyane. La même ferveur naïve s'y exprime.
Nous visitons un magasin où l'on vent des huiles essentielles, des cartes postales et différents autres objets pour touristes. Notre guide nous a recommandé d'éviter de nous parfumer au géranium rosat, dont l'odeur forte et tenace nous incommoderait ensuite, tout le long du trajet, dans le bus. Quelques-uns d'entre nous, dont je suis, achètent à un paysan, qui vend sa production, des litchis en branches. Je pourrai ainsi manger des fruits le matin avant mon petit déjeuner. Depuis deux jours que je suis à La Réunion, je m'étonne de la parcimonie avec laquelle les fruits tropicaux, que je suppose pourtant abondants sur l'île, nous sont proposés. Ce matin, par exemple, je n'ai vu que des pommes, provenant probablement de la métropole! Quelle différence avec les buffets d'Asie du Sud-Est qui croulent sous les fruits!
Nous traversons ensuite une rivière sur un pont suspendu (lien avec les photos) qui n'est plus utilisé que par les piétons. Un autre pont plus moderne a été construit pour y faire passer la route. Je pense qu'il s'agit de la Rivière de l'Est. Si c'est bien le cas, le pont date de 1894. Nous approchons de Sainte-Rose. Au large de ce village, pendant le long conflit qui opposa l'Empire français à l'Angleterre, un combat naval se déroula, entre des navires des deux nations. La flottille française obéissait aux ordres d'un enfant de La Réunion, le futur amiral Bouvet. La marine britannique fut sévèrement étrillée et son chef, l'amiral Corbett, y perdit la vie. Son corps fut inhumé sur le rivage, où ses compatriotes, qui occupaient alors l'île, lui élevèrent un monument. Nous ne le visiterons pas. Un récit de ce combat naval, extrait des mémoire de l'amiral Bouvet, figure en annexes (voir: Dates et événements historiques, Extrait des mémoires de l'amiral Bouvet).
Nous
allons bientôt entrer dans l'enclos Fouqué, qui délimite
les zones sujettes aux coulées de laves du volcan. Nous nous arrêtons
pour visiter une petite église (lien avec les photos)
qu'une coulée à respecté mais qu'elle a environnée
de laves. Celles-ci ont dû être creusées pour que l'on
puisse pénétrer à l'intérieur du lieu du culte.
La coulée est venue mourir le long des murs de l'édifice.
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Prochain arrêt à la vierge au parasol , statue saint-sulpicienne dressée à côté d'une coulée de lave récente (14 janvier 2002) qui s'abrite du soleil sous un parasol, lequel se transforme en parapluie lorsqu'il pleut (lien avec les photos). Notre chauffeur-guide nous invite à observer de près les laves où l'on voit briller de minuscules particules vertes, jaunes, violettes, bleues... qui révèlent, dans la masse grumeleuse des scories, la présence de divers minéraux. Il invite ceux qui seraient tentés de monter sur la coulée à faire preuve d'une extrême prudence. La roche est coupante comme du verre et, en cas de chute, les blessures pourraient être graves et douloureuses. Il fait chaud et j'achète à un restaurateur ambulant une dodo bien fraîche, la bière locale, qui est annoncée par des panonceaux, en langue créole, devant les débits de boissons qui la vendent: "la dodo lé la". On ne peut pas la manquer! L'étiquette de la bouteille est décorée d'un dodo, oiseau disparu devenu aussi mythique que l'autruche géante de Madagascar.
Nous longeons ensuite des pentes marquées par plusieurs coulées, nettement visibles, bien que la végétation reprenne rapidement ses droits. Lors des grosses éruptions, la lave descend du cratère jusqu'à la mer en coupant la route. C'est un sujet d'attraction pour les Réunionnais qui viennent assister dans l'enclos à ce phénomène naturel particulièrement spectaculaire la nuit. Les éruptions sont ici beaucoup moins dangereuses que dans les Antilles. Le volcan de la Fournaise n'est pas explosif. Par ailleurs, comme ses éruptions sont fréquentes, la population y est habituée. Enfin, toute construction est proscrite dans l'enclos, sur la trajectoire habituelle des laves.
Nous
terminons notre matinée au restaurant le Baril, à Saint-Philippe,
(lien avec les photos), au bord d'une mer
agitée dont les vagues viennent se déchirer sur les
ultimes débris d'une coulée de lave.
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Allamanda | Via | Fanjan | Rose des Bois |
Coeur de Boeuf | Sapote | Goyavier | Jaque |
Avant de partir, je remarque, de l'autre côté de la place, un arbre fleuri de jaune qui ressemble à un cytise (or béni en Auvergnat). Est-ce l'un de ces acacias-mimosas, qu'il ne faut pas confondre avec les vrais mimosas? Les uns et les autres se rencontrent à La Réunion et notre chauffeur-guide a promis de nous aider à les différencier, promesse qui sera tenue. Nous avons sagement pris nos précautions pour faire face à l'éventualité d'un temps humide et frais, car nous allons nous rendre en altitude et le climat qui règne là haut est très différent de celui de la côte. Nous démarrons sans perdre de temps, afin d'arriver le plus vite possible auprès du volcan. L'atmosphère y est souvent brumeuse et il faut y être assez tôt afin de bénéficier d'une éclaircie, faute de quoi nous ne verrions rien et la journée serait gâchée.
Brève halte au Nez de boeuf, pour admirer la vallée de la Rivière des Remparts. Longue de 23 km, cette vallée impressionnante est bordée de falaises (les remparts) qui atteignent, sur sa rive droite, des hauteurs de 800 m, à l'aplomb du belvédère où nous nous sommes arrêtés, et jusqu'à 1000 m, à l'aplomb de Notre Dame de la Paix. La vallée a pour origine un accident tectonique majeur remontant à environ 290000 ans. Il s'agit de l'effondrement de réservoirs de magma, les caldeiras, et de glissements de flancs sur le massif initial du Piton de la Fournaise. Par la suite, la vallée se forma sous l'effet d'une érosion intense, facilitée par une pluviométrie abondante (4 à 6 m d'eau par an), d'écroulements de falaises et de coulées de boue (lahar). Une coulée de lave fluide, en provenance du cratère Commerson, recouvrit le fond de la vallée voici 2000 ans. Un des derniers événements naturels se produisit en 1965 lorsque plusieurs millions de mètres cubes de roches se détachèrent du rempart du Bras de Mahavel pour obstruer la vallée en formant un barrage naturel. Cet épisode causa le départ des derniers habitants encore présents sur l'îlet Roche Plate. L'occupation humaine, amorcée à la fin du 19ème siècle, avait atteint un millier de personnes. Mais les conditions de vie difficiles, l'isolement et les risques naturels (crues cycloniques et éboulements) vidèrent la vallée de ses habitants permanents. Des tentatives de retour se manifestèrent à partir de 1985, après la construction d'un gîte et de quelques cases à Roche Plate. Ce nouveau noyau de vie, associé à une petite activité vivrière, permet aujourd'hui d'accueillir et d'héberger les randonneurs et visiteurs épris de naturel et d'authenticité (lien avec les photos).
Un
peu plus haut, de l'autre côté de la route, on peut voir le
sommet du Piton des Neiges qui crève le plafond des nuages.
Sur
les pentes ouest du volcan, dominé par le Nez de boeuf, croît
une végétation typique de la Réunion, les landes à
bruyères appelées "brandes", dont on se sert pour confectionner
des balais rustiques. Ces landes alternent avec des pelouses de graminées.
On peut également y voir d'autres espèces remarquables comme
des fleurs jaunes, l'ambaville blanche et une multitude de petites marguerites
qui tapissent les talus en bordure de la route. Cette végétation
est dominée par un arbre endémique à l'île,
le petit tamarin des hauts, à floraison hivernale jaune (en juillet-août).
Dans la région de transition entre les terres habitées et
les espaces naturels, s'étendent des zones pastorales créées,
dans les années 80, par les éleveurs et les forestiers. L'activité
humaine a modifié le paysage en l'espace de deux décennies
offrant au touristes de passage une large gamme de couleurs et favorisant
le développement agricole de la plaine des Cafres. Des précautions
doivent être prises pour soustraire à la dent et au piétinement
du bétail une végétation et des sols très fragiles.
De plus, ces milieux naturels sont très vulnérables au feu.
C'est ainsi que l'incendie de 1996 détruisit une centaine d'hectares
de végétation. Cinquante ans au moins seront nécessaires
pour que les silhouettes calcinées, visibles encore aujourd'hui,
disparaissent totalement et que le paysage retrouve son aspect antérieur.
Après une longue ascension, la voie redescend en direction de la Plaine des Sables, un désert recouvert d'une poussière rougeâtre qui s'étale, à une altitude de 2260 m, au pied de remparts et de pitons (piton de Cirque, piton Chisny, Demi piton). Nous croisons des motards de la police de la route et nous arrivons enfin au parking du volcan. Il ne fait pas froid, mais un brouillard blanc assez dense recouvre la dépression dans laquelle sont situés les cratères. Nous nous promenons le long de la barrière qui protège les visiteurs, sur le rebord du précipice, en attendant que le brouillard se disperse. En face de nous, si le temps était clair, nous pourrions voir se dresser le piton de la Fournaise (cratère Bory - altitude: 2631 m). Hélas, les nuages ne disparaîtront jamais complètement. Mais ils daigneront tout de même s'élever par moment pour permettre à notre regard d'errer des remparts érodés qui cernent le gouffre aux laves et aux sables gris foncés qui en tapissent le fond. Sur la gauche, un petit cratère apparaît, ou s'éclipse, au gré du brouillard fantasque. Même si les conditions ne sont pas idéales, le point de vue est superbe.
Les randonneurs peuvent théoriquement se rendre jusqu'aux cratères. Mais, le cratère Dolomieu étant en éruption, le chemin d'accès a été interdit. Les éruptions sont fréquentes au Piton de la Fournaise. Il est rare que le volcan reste inactif plus de deux ans. Se situant le plus souvent dans l'Enclos Fouqué, ces éruptions sont néanmoins généralement plus spectaculaires que dangereuses. Pourtant, il arrive qu'elles débordent de l'enclos, comme cela s'est produit récemment à deux reprises. Elles détruisent alors habitations et cultures sur leur chemin. Il est donc important de les surveiller et d'anticiper leur trajectoire. Le risque, pour les promeneurs, consiste à ne pas se laisser surprendre par la nuit.
Nous
repartons jusqu'au cratère Commerson. Avec ses 200 m de diamètre
et ses 120 m de profondeur, ce cratère est le plus impressionnant
de l'île. Il fait partie d'un ensemble éruptif de trois cratères
contigus apparus il y a 1940 ans (à + ou - 55 ans), lors d'un phénomène
volcanique d'une intensité exceptionnelle de type phréato-magmatique.
A la différence des autres cratères, qui sont uniquement
éruptifs, le cratère Commerson est un cratère d'explosion.
Voici, d'après une hypothèse formulée en 1995, comment
se serait formé le site actuel. Tout aurait commencé par
une éruption classique. Un magma d'origine profonde, riche en gaz,
aurait été puissamment poussé vers la surface. Sous
la pression, le sol se serait déchiré laissant s'échapper,
par la fissure, des projections et des coulées de lave. Dans un
second temps, le niveau du magma aurait brutalement baissé dans
la cheminée entraînant par aspiration, vers les profondeurs
surchauffées, l'eau imbibant les terrains environnants. Cette eau
se serait alors vaporisée et de violentes explosions auraient projeté
à de grandes distances un nuage de vapeur, de cendres, de laves
et de roches pulvérisées. Un cratère d'explosion se
serait ensuite formé et le calme serait revenu avec la remontée
du magma et l'apparition d'un lac de laves. Dans un troisième temps,
une fissure aurait laissé s'écouler des millions de mètres
cubes de lave fluide en amont de la Rivière des Remparts. Cette
coulée aurait suivi la vallée jusqu'à la mer, 22 km
plus bas. A la fin de l'éruption, la cheminée se serait vidangée.
Le lac de lave aurait disparu dégageant le cratère béant
visible aujourd'hui. Quant à Philibert Commerson, qui donna son
nom au cratère, il naquit dans l'Ain, en 1727. Il partit, en 1766,
pour une expédition autour du monde, en tant que médecin
et naturaliste du roi. En 1771, cette expédition le conduisit, par
hasard, à l'île Bourbon. Pendant son séjour d'un an
dans l'île, il découvrit et décrivit le cratère
auquel son patronyme fut plus tard associé (lien avec les photos).
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Éruption classique | Explosion | Coulée de laves |
Nous redescendons vers la côte. Une pharmacie à chaque kilomètre. Un beau pied d'avocat couvert de fruits. A proximité du Tampon, arrêt pour photographier les flamboyants en fleurs qui bordent l'autoroute. Notre chauffeur-guide nous a dissuadé de prendre ailleurs des photos de ces arbres. Il paraît que ceux du Tampon sont les plus beaux. Il convient de préciser qu'il y réside. Le Tampon est une importante agglomération bien située et où la vie est paraît-il assez agréable (lien avec les photos).
L'après-midi, nous allons parcourir les 400 virages et traverser les trois tunnels de la voie qui monte jusqu'au cirque de Cilaos. Chaque tunnel porte un nom et possède sans doute son histoire. Je ne sais pas si les virages ont été baptisés. Peu m'importe d'ailleurs. Je n'ai pas retenu le nom des trois tunnels. Comment aurais-je pu me souvenir de celui des 400 tournants? Photographie d'un piton au milieu d'une vallée escarpée qui me rappelle encore une fois les Andes. Photographie d'un jacaranda en fleurs, dans un hameau qui se nomme, si j'ai bien lu la pancarte et si ma mémoire ne me trahit pas, le Peter Both, comme à Maurice. Embranchement de la route de Palmiste rouge. La chaussée est étroite et périlleuse. Il arrive que des voitures la quittent malencontreusement et tombent dans le profond ravin qu'elle suit. On en voit une accrochée à quelque saillie de la pente. Son conducteur est remonté de là indemne. Tous n'ont pas eu cette chance
Nous
parvenons en fin de journée sur l'îlet où se blottit
le bourg de Cilaos (lien avec les photos).
Nous
allons dormir au Vieux Cep, louangé par un évêque et
chanté par un poète, s'il faut en croire la publicité:
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Je passe une bonne nuit. L'hôtel, situé dans un environnement agréable, est confortable et bien entretenu. Aux aurores, je me lève et me dirige vers la salle du petit déjeuner, qui est aussi celle de la réception. Las, tout est encore fermé. J'en profite pour aller faire un tour en ville. Il a plu pendant la nuit. Les rues sont mouillées. Une brume légère, en suspension dans l'air, assourdit les couleurs et brouille quelque peu la vision. Des nuages restent accrochés aux sommets qui encerclent le cirque. Je jette un coup d'oeil à l'élégant clocher blanc de l'église, frappé d'une longue croix bleue, puis reviens à l'hôtel. La réception est encore close. Je ne suis pas le seul à patienter. Enfin, les préposées au service viennent ouvrir la porte d'un pas nonchalant.
Le petit déjeuner expédié, nous grimpons jusqu'à la Roche Merveilleuse, d'où l'on jouit d'un beau panorama sur Cilaos et les montagnes environnantes. Le temps est encore nuageux mais la visibilité n'est pas mauvaise. A nos pieds, une vaste pièce d'eau, envahie de plantes aquatiques, s'étale au bord de la petite ville. Un peu plus loin s'étend un espace vert qui doit être un terrain de sport. Nous cherchons à nous repérer. Je crois apercevoir l'hôtel où nous avons passé la nuit. Au dos du belvédère, une forêt, aux arbres chenus de lichens et de mousses, emmêle ses branches.
Nous redescendons Cilaos. Ce nom dériverait du mot malgache Tsilaosa qui signifie : "qu'on ne quitte pas". Visite de la Maison de la Broderie, où l'on s'efforce de sauvegarder les traditions. La broderie de Cilaos est justement réputée. Patience et doigts de fées. Les motifs sont inspirés de la faune et de la flore locales. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Un petit détour nous emmène jusqu'à un point de vue d'où l'on aperçoit un rocher (lien avec les photos) qui ressemble vaguement à une géline couvant des oeufs sur son nid, comme la Poule Noire de Nouvelle-Calédonie.
Ensuite,
nous nous dirigeons vers la Maison du Peuplement des Hauts, une sorte de
musée sur la vie d'autrefois dans le cirque. Ce dernier fut d'abord
habité par des esclaves marrons d'origine malgache, africaine ou
hindoue. Ils cultivaient la terre et s'enfuyaient dans la forêt à
l'approche des chasseurs d'hommes. Un système de surveillance leur
permettait de donner l'alarme en cas de danger. Les chasseurs d'hommes
les ramenaient à leurs maîtres chaque fois qu'ils pouvaient
les attraper vivants. Les esclaves repris étaient alors sévèrement
châtiés afin de les dissuader de s'enfuir à nouveau.
Mais la poursuite s'achevait malheureusement parfois par la mort de l'esclave.
Le chasseur lui coupait alors les oreilles pour les ramener au maître
et toucher le salaire de son peu reluisant "travail". Après l'abolition
de l'esclavage, des gens d'origine diverse, peu fortunés ou en délicatesse
avec les autorités, s'éloignèrent des côtes
et vinrent s'établir eux aussi dans les cirques. La population des
Hauts résulte aujourd'hui du métissage de ces apports multiples.
L'économie est essentiellement agricole. Les lentilles de Cilaos,
on l'a dit, sont appréciées et une viticulture de qualité
se développe dans le cirque (voir en annexe: le
vin de Cilaos). De nombreuses explications, illustrées d'exemples,
nous sont prodiguées par le guide du musée concernant le
mode de vie, l'habitat, les croyances et les superstitions des habitants
des Hauts. Un tableau met en scène madame Desbassayns, une riche
propriétaire qui possédait plus de 400 esclaves. Elle en
envoyait tous les matins chercher de la glace sur la montagne, pour disposer
toujours de boissons fraîches! Son souvenir est encore vivace dans
l'île. Les grondements de la Fournaise seraient supposés être
les cris que lui arrachent, en enfer, les diables chargés de la
tourmenter, pour la punir de sa dureté envers les esclaves. Cette
propriétaire foncière fortunée ne méritait
cependant pas cette triste réputation. Pendant les guerres de l'Empire,
n'hébergea-t-elle pas les prisonniers dans le malheur, d'abord des
Anglais ensuite les Français, lorsque l'île fut tombée
sous la domination britannique.
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Farfar listoir
domoun léo
Le grenier de l'histoire des gens d'en haut |
Voici quelques éléments d'information concernant le sort des esclaves sous l'Ancien Régime. Le Code Noir de 1685 spécifiait en son article 38: "L'esclave fugitif, qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour où son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule; et, s'il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et sera marqué sur l'autre épaule; et la troisième fois, il sera puni de mort." Le 1er février 1743, une déclaration du roi décréta la peine de mort contre tout esclave porteur d'armes surpris en marronnage. On appelait "marron" l'esclave en fuite. Ce mot est issu de l'espagnol "cimarron" désignant un animal domestique échappé redevenu sauvage. |
Nous prenons notre repas à l'Auberge du Hameau, pas très loin de la Maison du Peuplement des Hauts. Lentilles de Cilaos, vins de la métropole et, fait notable parce que ce sera la seule fois que l'on nous en servira, du fromage!
Après le déjeuner, nous reprenons la route vers la côte. Notre chauffeur-guide attire notre attention sur une forêt détruite par un cyclone. Le résultat est spectaculaire mais pas plus que celui de la tempête de vent de 1999 en métropole. Nous traversons des forêts de tamarins et des cultures de géranium rosat. Nous nous arrêtons cinq minutes pour goûter au vin liquoreux offert par une habitante du cirque, qui vend sa production sur le bord de la route. Notre chauffeur-guide prend des tablettes de "colle-aux-dents", une sorte de nougat local, sans doute pour régaler ses marmailles.
Nous allons enfin savoir pourquoi les Réunionnais nous traitent de Zoreilles. Selon notre chauffeur-guide, il y aurait deux explications. Première explication: cette expression viendrait de ce que les colons blancs étaient originaires de la métropole et qu'ils faisaient couper leurs oreilles aux esclaves marrons. Seconde explication: les métropolitains n'entendent pas bien la langue créole et ils sont obligés de tendre l'oreille pour en déchiffrer le sens. J'ai trouvé une troisième explication sur Internet: les oreilles des touristes métropolitains qui s'attardent un peu trop sous l'ardent soleil des tropiques prennent bientôt une vive teinte écarlate qui permet facilement de les distinguer. Chacun choisira l'explication qui lui conviendra le mieux.
Rendus à la côte, nous sous arrêtons à Saint-Pierre, où nous flânons à travers les rues. Le petit marché n'offre pas grand chose de remarquable. Mais la ville possède plusieurs lieux du culte: église, temple hindou, mosquée qui symbolisent, en quelque sorte, le caractère pluri-confessionnel de la population de l'île. Je visite un temple hindou assez mal entretenu. Il comporte plusieurs effigies de Ganesh, dieu à tête d'éléphant, supposé incarner la sagesse. En revenant, je croise une musulmane qui semble venir tout droit de l'Afghanistan des Talibans. Dire qu'elle est voilée serait parler par euphémisme. Du bout des cheveux jusqu'à la pointe des pieds, elle est pliée dans un tissu noir qui ne laisse rien deviner de ses charmes. Ceux-ci sont trop bien cachés pour ne pas faire naître la moindre concupiscence!
Nous repartons pour Saint-Gilles, pimpante station balnéaire, dotée d'une belle plage. Nous y visitons l'aquarium. Il peut se voir, mais dire qu'il est sensationnel serait très exagéré . Comme il fait chaud, je me désaltère d'une bière blanche locale que je trouve, que la dodo me pardonne, tout à fait à mon goût.
L'heure est venue de regagner les hauteurs où nous allons passer la nuit, au Parc hôtel du Maïdo. Chemin faisant, notre chauffeur-guide nous fait remarquer des sacs de plastic gisant ça et là dans les fossés. Ces sacs contiennent d'étranges débris: rognures d'ongles, dents gâtées, touffes de cheveux noués, poils de provenance douteuse, poupées éventrées ou percées d'aiguilles, d'épines ou de clous, fiel de margouillat, patte de poulet nain, oeil de chat noir arraché par une nuit de pleine lune ... tout un fatras d'objets hétéroclites doués de pouvoirs surnaturels propres à provoquer l'enchantement. Telles sont les pratiques des sorciers Malbars. Grâce à ces dépôts de sacs poubelles dans la nature, ils jettent des sorts, nouent ou dénouent des aiguillettes, envoûtent leurs ennemis et tarissent le lait de leurs cabris. Bien sûr, j'en ai rajouté, mais si peu!
A l'hôtel, je me rafraîchis dans la salle de bains lorsque j'entends clore les volets des deux pièces de mon bungalow. Tant d'attention me semble étrange mais je me dis que le personnel de l'hôtel s'assure peut-être, par lui même, de l'étanchéité des fermetures. Mon étonnement augmente lorsque j'entends quelqu'un remuer dans mon salon. Je décide alors d'aller aux nouvelles et me voilà campé en slip devant un grand gaillard, encore plus surpris que moi, qui achève de barrer la dernière ouverture. C'est un voisin qui s'est trompé de pavillon. Je le retrouverai au restaurant. Il riait encore de sa méprise.
Le
repas du soir ressemble à tous ceux qui nous ont été
servis sur l'île. Inévitablement, il y a du riz et des grains.
Mais, heureusement, ce qui est autour change. Un rosé de Cilaos
bien frais accompagne les aliments; on en prend l'habitude. La nuit est
plutôt fraîche même si l'on ne peut pas dire qu'il fait
froid; le bungalow est confortable, mais je me sens un peu au large dans
une habitation visiblement conçu pour accueillir une famille.
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Au Parc hôtel du Maïdo, la côte en arrière-plan |
Après
le petit déjeuner, nous repartons vers les hauteurs. Nous avons
pris la précaution de garder un vêtement chaud à portée
de main, mais nous n'en aurons pas besoin. Dès l'aube, le soleil
est de la partie. Nous traversons d'abord des forêts de tamarins,
puis la végétation se fait de plus en plus basse, pour se
terminer par une sorte de lande peuplée herbes rêches et d'épineux
rabougris, en arrivant à proximité du piton Maïdo. De
là, l'oeil porte d'un côté jusqu'au rivage maritime,
où s'étendent les villes de Saint-Gilles, Saint-Paul et Le
Port. De l'autre, il plonge dans le gouffre vertigineux de Mafate, profond
de quelques 1200 mètres. De l'autre côté de l'immense
cuvette, se dressent majestueusement plusieurs sommets qu'une table d'orientation,
fabriquée dans mon Auvergne natale, nous permet d'identifier facilement:
Grand Bénard (2898 m), Piton des Neiges (3070 m), Morne de Fourche
(2267 m), Cimendel (2228 m), Roche Écrite (2276 m), Crête
des Calumets, Crête de la Mariane, Crête d'Aurère. En
face de nous, dans le cirque, on reconnaît le cône tronqué
du Bronchard avec un îlet à ses pieds. Le paysage me rappelle
une fois de plus les Andes. Je me souviens plus particulièrement
de Machu
Picchu, au Pérou.
Mais ici la vallée est plus ample et il n'y a pas de vestiges d'une
civilisation disparue. Mafate est incontestablement le plus impressionnant
des trois cirques et notre chauffeur-guide ne manque pas de nous faire
observer que l'ordre de présentation des sites n'a pas été
choisi au hasard. De Salazie à Mafate, en passant par Cilaos, la
progression est manifeste.
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Une des tables d'orientation |
Les premiers habitants étaient des "noirs marrons". Esclaves en fuite, malgaches pour la plupart, ils se réfugièrent dans les forêts du cirque, à partir de la grande colonisation agricole de l'île (1730). Ils construisirent leurs campements sur les Orangers, à Roche-Plate et à Aurère. Plus tard, un colon, Nicolas Lemarchand, s'installa à Aurère. Il obtint, vers 1780, une vaste concession qui s'étendait d'Aurère à Grand-Place. Des esclaves du Mozambique et de Madagascar travaillaient sur ses terres. Il employait de petits agriculteurs blancs comme contremaîtres. Par la suite, d'autres créoles blancs franchirent les remparts à leur tour. Dès 1800, et surtout après l'abolition de l'esclavage (1841), ils quittèrent la côte à la recherche de nouveaux espaces. Les premiers s'installèrent à Roche-Plate et aux Orangers. Les suivants se fixèrent sur Maria et la Nouvelle.
Même si la modernité y a progressivement pénétré, Mafate semble encore appartenir à ces époques reculées où la vie s'écoulait en symbiose avec la nature. Aucune route ne permet d'accéder à l'intérieur du cirque. On ne peut l'atteindre qu'à pied ou en hélicoptère. On n'y rencontre donc aucune voiture. Mais plus de 100 km de chemins balisés relient les îlets les uns aux autres et permettent de sortir du cirque, après un cheminement qui, suivant l'itinéraire, prend de une à trois heures. L'hélicoptère permet d'amener les marchandises en quelques minutes là où il fallait jadis des heures, à dos de boeuf. Mais il n'est pas exempt de nuisance et les habitants des îlets se plaignent du ronflement, amplifié par l'écho, des hélicoptères qui transportent les touristes et viennent, dès l'aurore, les tirer du sommeil et troubler leur quiétude. Aussi les jours de brume sont-ils accueillis par eux comme une bénédiction, le manque de visibilité clouant alors les machines au sol. Les Mafatais travaillent la terre depuis toujours. Le maïs, les haricots, les lentilles, le géranium y sont des cultures traditionnelles. Depuis 1950, ils participent activement à la restauration des sentiers, au reboisement, à l'entretien et à la protection du site. La création de gîtes et tables d'hôtes, pour l'accueil des randonneurs, leur ont également apporté une activité supplémentaire.
Notre curiosité satisfaite, nous reprenons le chemin de la côte. Nous nous arrêtons à la distillerie artisanale d'essence de géranium Jean Yves Bègue (lien avec les photos). Nous assistons à une démonstration commentée devant un alambic de fortune. La plante, et non la fleur, est introduite dans une tour qui n'est autre qu'un gros bidon. De la vapeur d'eau la traverse et entraîne l'essence. Elle est refroidie dans une autre tour (ou un autre bidon); l'eau et l'essence mêlées tombent dans un entonnoir. Dans cet entonnoir, une boîte de sardine recueille un peu de liquide, à des fins de contrôle. Le liquide coule ensuite dans un vase florentin qui ressemble à un arrosoir. Ce vase est surmonté d'une bouteille renversée. L'eau s'accumule dans le vase et l'huile essentielle, plus légère, se réfugie en haut de la bouteille. L'eau est évacuée par le bec de l'arrosoir. On en recueille seulement une fraction pour être commercialisée. La plus grande partie est perdue. L'eau est légèrement parfumée par l'huile qui y est restée. Elle possède des vertus voisines de celle de l'huile mais très atténuées. L'huile essentielle est conditionnée dans de petites fioles pour être commercialisée. Une grande quantité de plantes est nécessaire pour obtenir quelques décilitres d'huile. La visite se termine par un passage en boutique où l'on nous offre un café à la vanille (voir en annexes: Les huiles essentielles).
Ensuite, nous continuons notre route pour nous rendre au marché de Saint-Paul. Nous longeons le cimetière marin où reposent le poète Leconte de Lisle, chef de file du mouvement parnassien au milieu du 19ème siècle (une fiche sur Leconte de Lisle est ici)*, et le pirate Levasseur, alias La Buse, qui sévit dans l'Océan Indien au 18ème siècle, finit pas se faire prendre à Madagascar pour être envoyé à Bourbon où il fut pendu (pour en savoir plus sur La Buse, cliquez ici). Son trésor, jamais retrouvé, se cache encore quelque part, dans les roches ou sous les broussailles. Avis aux amateurs! Au marché, on trouve de tout mais surtout des fleurs, des fruits, des légumes et des épices. Il est très coloré, comme tous les marchés tropicaux. J'aurais bien aimé goûter à l'une de ces jolies petites mangues jaunes, presque rondes, que l'on dit si sucrées. Mais comment la mangerais-je sans couteau? J'y renonce donc et achète quelques bonbons piments que j'offrirai, au moment de l'apéritif, à mes collègues de voyage, en m'en réservant bien sûr un ou deux.
Le déjeuner nous est servi dans les hauts de Saint-Paul, à l'Auberge Gourmande. Après quoi nous nous rendons à Saint-Gilles, à l'hôtel les Aigrettes, où nous allons passer nos deux dernières nuits sur l'île. A partir de ce moment, notre chauffeur-guide nous quitte et nous avons quartier libre pour flâner dans la cité balnéaire et ses environs. J'aimerais bien me rendre à la case Villèle. Mais les informations obtenues à la réception, en compagnie d'une jeune femme du groupe, elle aussi intéressée, nous dissuadent de tenter l'aventure. Ce site est assez éloigné et il faut changer plusieurs fois de bus pour l'atteindre par les transports en commun. Nous resterons donc à Saint-Gilles.
* Un autre poète
est originaire de Saint-Paul: Évariste
Parny.
La
journée étant libre, nous sommes quelques-uns à avoir
décidé d'en profiter pour survoler l'île en hélicoptère.
Nous avons pris la précaution de retenir nos place en avance car
il est impossible d'en obtenir au dernier moment. Un des membres de notre
groupe va en faire l'expérience.
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L'hélicoptère de notre billet |
Nous franchissons un col pour nous retrouver dans un autre cirque, sans doute Salazie. Un plaine verte, parsemée de plusieurs anciens volcans et de nombreuses habitations, s'étale sous nos yeux. Ce sont maintenant des forêts de tamarins des hauts qui défilent. Nous nous approchons du volcan et la végétation se fait plus rare. Le sol se dénude. Il prend la couleur de la cendre. Nous reconnaissons les remparts d'où nous avons observé la plaine de lave, sous les nuages, il y a quelques jours. Aujourd'hui, le ciel est dégagé et le moindre détail est parfaitement visible. Une fumée nous annonce bientôt la proximité du cratère Dolomieu en éruption. Nous nous en approchons à faible altitude et nous en faisons le tour. Une coulée de lave incandescente s'échappe d'une boursouflure, qui a la forme d'un gros furoncle, pour se répandre dans une sorte de vallée de laves refroidies. Au sommet de la falaise bordant le cratère, quelques personnes, probablement des vulcanologues, observent l'évolution de l'éruption. Une station prolongée à cette endroit n'est pas sans danger car la falaise et friable. Si elle s'effondre sous les pieds d'un imprudent, il se retrouvera carbonisé dans les laves. Après le volcan, nous survolons la plaine des sables, ocre et grise, traversée par la route plus claire du volcan, limitée à l'horizon par des montagnes bleues (lien avec les photos).
Nous voici maintenant à l'aplomb de la Vallée de la Rivière des Remparts. De l'autre côté de la saignée, s'élève en lacets la route que nous avons suivie. On y devine le belvédère où nous nous sommes arrêtés. C'est ensuite la Plaine des Cafres, avec ses nombreux réservoirs à l'air libre, dont la forme rectangulaire évoque celle d'une grande piscine. Ils sont destinés à pourvoir d'eau éleveurs et cultivateurs. Nous entrons alors dans le cirque de Cilaos, nettement identifiable grâce à son plan d'eau. ce dernier nous paraissait situé sur l'un des bords de l'îlet, du haut de la Roche Merveilleuse. En fait, il en occupe à peu près le centre. Nous traversons ensuite des endroits escarpés où abondent des roches tourmentées et déchiquetées, le long de hautes falaises. Au loin se dresse le Piton des Neiges, bleu foncé sur le ciel clair. Nous revenons vers la côte et le pilote nous fait remarquer la barrière de corail qui ferme un étroit lagon (lien avec les photos).
Notre périple aérien est achevé. Nous sommes enchantés. Nous avons approché le coeur de Mafate que nous n'avions vu que de très haut. Nous sommes allés auprès d'une cascade inaccessible par la route. Nous avons revus les sites déjà visités sous un autre angle et nous ne les aurions jamais imaginés tels. Le survol en hélicoptère de La Réunion représente pour moi la moitié de l'intérêt du voyage. Aussi ne saurais-trop le conseiller aux touristes qui se rendent sur l'île. Ils ne regretteront pas leurs euros.
J'achève la matinée en prenant un bon repas dans un restaurant de la plage: punch citron, gratin de chou palmiste et de coquilles Saint-Jacques, rougaille de queues de langoustes, le tout accompagné de piment et arrosé d'un rosé bien frais qui, hélas, n'est pas de Cilaos. Je termine par un dessert de fruits exotiques et un café. La note vient avec un rhum arrangé. Elle est élevée mais le déjeuner était excellent.
L'après-midi, il pleut. Dernières emplettes, ultimes cartes postales, un peu de repos et préparation des bagages car le départ à lieu demain matin avant l'aube. J'attends l'heure du dîner-spectacle en lisant les journaux à la réception. Stasi vient de remettre son rapport sur la laïcité. Il y propose la création de deux nouveaux jours fériés, un pour les Juifs et l'autre pour les Musulmans. Cette disposition soulève une vive émotion dans l'île. Et nous, disent les Malbars et les Chinois! Des pétitions circulent déjà pour faire pression sur le gouvernement et obtenir quatre jours fériés supplémentaires au lieu de deux! Heureusement, l'autorité suprême de la République ne retiendra pas cette idée.
Le
dîner spectacle termine notre séjour à La Réunion
dans la bonne humeur. Orchestre et danseuses créoles en vêtements
vivement colorés. Nous entendons une fois de plus les chansons incontournables:
mon île, ça sent la banane, petite fleur fanée... et
d'autres encore. Les rythmes rappellent parfois ceux de l'Amérique
latine, sans doute à cause de l'influence des esclaves africains
sur la musique des deux continents. Notre groupe compte un couple qui fête
ses quarante ans de mariage. Il n'est pas oublié. Une petite cérémonie
est organisée en son honneur (lien avec les photos).
Le lendemain matin, nous sommes levés avant le soleil et aussi avant le service. Néanmoins, nous pouvons prendre notre petit déjeuner sans trop de difficulté. Un buffet a été préparé à notre intention et la machine à distribuer le café fonctionne sans interruption. La route est longue jusqu'à l'aéroport, où nous devons embarquer le matin de bonne heure, et nous risquons de tomber dans des embouteillages.
Tout
se passe bien. Nous voilà dans l'aéronef. J'ai la chance
de me trouver à côté d'un hublot. Nous contournons
Madagascar par le Nord et nous abordons le continent africain, probablement
à hauteur du Kenya ou de la Somalie. Je n'ai pas le loisir de faire
le point sur mon écran individuel qui est en panne. La côte
africaine est plate, presque rectiligne. De petits nuages moutonnent au
dessus d'elle sous l'avion. Un fleuve important sinue au milieu d'une vaste
plaine. Puis nous abordons une région montagneuse, de plus en plus
accidentée, que sillonnent des rivières encaissées.
Un plateau bordé par une falaise lui succède, suivi d'une
étendue désertique de couleur ocre. Un lac important s'étale,
grisâtre, dans un paysage marqué de petites collines (le lac
Victoria, le lac Turkana?). Puis un volcan s'élève à
l'horizon d'une plaine. On aperçoit maintenant quelques cultures
et des habitations. Où sommes-nous: au Kenya, au Soudan? Je ne saurais
le dire. A nouveau des montagnes, puis c'est le désert: du sable,
encore du sable, rougeâtre et percé par endroit de roches
sombres, abrasées par le vent, qui dépassent à peine
la monotone étendue ocre ou blanchâtre, comme enneigée,
d'un vaste plateau. Un fleuve. Aux approches de la côte libyenne,
des nuages apparaissent. Une côte droite et plate: nous voici sur
la Méditerranée. Nous survolons la Sardaigne aux sommets
couverts de neige. Mes voisins, dont l'écran fonctionne, m'aident
à identifier l'île que j'avais d'abord prise pour le rivage
français. Celui-ci est atteint à hauteur de Nice. La photo
pourrait être belle. Mais il ne me reste plus qu'une vue et je veux
prendre les Alpes. Nous y voici. Clic. C'est fini.
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Une oeuvre d'un peintre qui m'est inconnu |