Évariste de Parny (1753-1814)
 
Évariste Désiré de Forges de Parny, chevalier, puis vicomte de Parny est l'un des poètes mineurs du 18ème siècle. Il publia de nombreux textes lyriques et érotiques. Son style n'est pas dépourvu de la grâce et de l'élégance propres aux auteurs de la fin de l'Ancien Régime. Les accents mélancoliques de quelques-unes de ses pièces annoncent le romantisme et il exerça d'ailleurs une influence indéniable sur Lamartine à ses débuts. 

Il naquit le 6 février 1753, à St Paul, sur l’île Bourbon. Il était le fils de Paul de Forges de Parny, Chevalier de St Louis, commandant du quartier de St Paul, et de Marie Geneviève de Lanux. Il appartenait à l’une des premières familles de l'île. À l’âge de neuf ans, il fut envoyé en France faire ses études au collège de Rennes, puis à l’École militaire de Paris, où il mena la vie brillante et dissipée des jeunes gens de l'époque. En 1773, dans sa vingtième année, sa famille le rappela à Bourbon. Il y rencontra une jeune fille pour laquelle il s'éprit d'une passion d'autant plus vive qu'elle était contrariée. Il revint alors en France où il publia, en 1778, un recueil de poésies érotiques. En 1785, il partit comme aide de camp à Pondichéry. A son retour, un an plus tard, il se remit à la littérature et publia plusieurs ouvrages dont les "Chansons madécasses", en 1787. Au moment de la Révolution, il abandonna la vie militaire et fut un instant inquiété pendant la Terreur. Il exerça ensuite divers emplois administratifs. Il se maria, en 1802, fut élu à l'Académie française, en 1803, et obtint une pension de Napoléon, en 1811. Il ne survécut que peu de temps à la chute de l'Empire et mourut, à son domicile parisien, le 5 décembre 1814. La Restauration fit rechercher et détruire un de ses ouvrages jugé antireligieux.  

Parny conserva des lecteurs jusqu'au 20ème siècle. Maurice Ravel mit en musique ses chansons madécasses et la première audition de cette oeuvre du grand compositeur souleva une vive émotion en raison des accents anticolonialistes de l'un des poèmes. Louis Durey composa également plusieurs airs sur les paroles du poète. 


Deux chansons madécasses

Chanson 2 

Belle Nélahé, conduit cet étranger dans la case voisine, étends une natte sur la terre, et qu'un lit de feuilles s'élève sur cette natte; laisse tomber ensuite le pagne qui entoure tes jeunes attraits. Si tu vois dans ses yeux un amoureux désir; si sa main cherche la tienne, et t'attire doucement vers lui; s'il te dit: viens, belle Nélahé, passons la nuit ensemble, alors assieds-toi sur ses genoux. Que sa nuit soit heureuse, que la tienne soit charmante; et ne revient qu'au moment où le jour renaissant te permettra de lire dans ses yeux tout le plaisir qu'il aura goûté. 
 

Chanson 5 

Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage. Du temps de nos pères des blancs descendirent dans cette île; on leur dit: voilà des terres; que vos femmes les cultivent. Soyez justes, soyez bons, et devenez nos frères. Les blancs promirent, et cependant ils faisaient des retranchements. Un fort menaçant s'éleva; le tonnerre fut renfermé dans des bouches d'airain; leurs prêtres voulurent nous donner un dieu que nous ne connaissons pas; ils parlèrent enfin d'obéissance et d'esclavage: plutôt la mort! Le carnage fut long et terrible; mais, malgré la foudre qu' ils vomissaient, et qui écrasait des armées entières, ils furent tous exterminés. Méfiez-vous des blancs. Nous avons vu de nouveaux tyrans plus forts et plus nombreux planter leur pavillon sur le rivage. Le ciel a combattu pour nous; il a fait tomber sur eux les pluies, les tempêtes et les vents empoisonnés. Ils ne sont plus, et nous vivons; et nous vivons libres. Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage. 
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