Le Moyen-Âge:
 
Le 10ème siècle est caractérisé, en Auvergne, par une grande instabilité politique mais aussi par le début d'une renaissance spirituelle, intellectuelle et artistique, sous l'impulsion des évêques et des abbayes, qui s'effectue, jusqu'au 13ème siècle, dans le cadre d'une large autonomie dont les magnifiques églises romanes portent témoignage. C'est l'époque où Guy, vicomte de Clermont et d'Auvergne, se proclame comte d'Auvergne inaugurant ainsi une dynastie héréditaire ayant Montferrand pour capitale. C'est aussi l'époque où, sous l'influence de l'Église, qui s'efforce de pacifier les moeurs, est instaurée la "Trêve de Dieu", laquelle contraint les seigneurs à respecter un code de chevalerie et à suspendre toute activité guerrière à certaines périodes. La hiérarchie féodale se met en place: le duc d'Aquitaine est vassal du roi de France et suzerain des comtes d'Auvergne qui sont eux-mêmes suzerains de nombreux seigneurs locaux, par exemple les barons de La Tour dont il sera question plus loin. Cet édifice politique n'en reste pas moins secoué par la volonté des vassaux de s'affranchir de la tutelle de leurs suzerains.

C'est au 11ème siècle que l'on voit apparaître dans les actes mansus Sancti Sindulphi qui vocatur Maismacus, le mas de Saint-Sandoux, appelé Maismac. Un prélat mérovingien nommé Sandoux fut confesseur en Champagne, aux 6ème et 7ème siècle (mort en 620), c'est-à-dire juste après la chute de l'empire romain et les grandes invasions (3ème au 5ème siècle). Un autre, à moins que ce ne soit le même, voire l'un de ses frères, honoré le 10 décembre sous l'orthographe de Sandou, fut évêque de Vienne (Isère), au 7ème siècle (mort en 650); mais s'il y en a deux, lequel est le patron de Saint-Sandoux ? D'après Ambroise Tardieu (Dictionnaire historique du Puy-de-Dôme), Saint Sandoux, prêtre et solitaire, mourut le 20 octobre 620 (voir encadré ci-dessous) dans le diocèse de Reims. D'autres pensent que ce serait plutôt l'évêque de Vienne qui aurait donné son nom au village. Celui-ci tiendrait ce nom des reliques du saint qui y auraient été apportées; on parle même du corps entier. Mais il n'en reste aucune trace.
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"Sendou est né en Aquitaine. Plusieurs années de sa jeunesse se passèrent dans les exercices de la vie chrétienne. Pour avancer dans la perfection évangélique, il abandonna sa famille, ses amis, sa patrie et vint chercher refuge dans le diocèse de Reims pour y vivre inconnu, en un lieu solitaire où, s'étant pratiqué une cellule, il put mener une existence très pénitente. Ce genre de vie, peu courant, excita la curiosité; Sendou, voyant arriver de plus en plus de pénitents et d'oisifs, pensa que Dieu lui donnait ainsi l'occasion d'instruire ses visiteurs dans les vérités du salut. 

La ferveur avec laquelle il marchait dans la carrière sainte connut sans cesse de nouveaux accroissements. Dans sa vieillesse même, il pratiquait la plus grande austérité. 

Comme il n'aimait guère son corps, il ne se souciait point de le voir détruit. Il regardait la mort comme un gain, le terme au delà duquel on trouve la sûreté et la paix. 

Dieu qui l'avait conduit durant sa vie, le fit arriver heureusement à son terme le 20 octobre de l'an de grâce 620. Son corps fut enterré dans le lieu de sa pénitence, mais il en fut levé au cours du IXe siècle et transporté dans l'abbaye de Haute-Villiers, à quatre lieues de Reims". 
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Crozet R. Les saints d'Auvergne cité dans "Le pays de Saint-Saturnin" - Éditions Créer
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Voici maintenant une légende telle qu'elle se racontait au début du 20ème siècle. Elle a été recueillie par Lili Andrieux (1909-1980) auprès de l'un de mes oncles, Auguste Monestier, qui la tenait de son grand-père, et m'a été communiquée par Madame Josette Albot. 

A l'époque où Saint-Sandoux s'appelait Maismac, vivait dans le village la famille Sandoux qui avait deux fils; l'un d'eux fut nommé évêque de Reims*, l'aîné resta simple laboureur au sein de sa famille, selon la tradition de celle-ci. Chaque année, l'évêque rendait visite à ses parents. Un jour, l'agriculteur vit arriver un cavalier: c'était son frère. Il interrompit son travail pour lui souhaiter la bienvenue. La chaleur était forte et, comme les deux frères n'avaient pas de bousset**  sous la main pour se désaltérer, l'évêque enfonça sa crosse dans le sol d'où jaillit une source qui fut plus tard canalisée sous le nom de Saint-Sandoux.  

Au cours d'une autre visite, l'évêque fut poursuivi par des soldats. Pour leur échapper, il prit des chemins de traverse qui l'amenèrent à Pierres Noires. Il s'assit sur un rocher en forme de fauteuil qui est toujours visible et porte depuis cet événement le nom de Siège de Saint-Sandoux. L'évêque, ayant la prémonition de sa mort prochaine, pria pour son village natal, tout en admirant la beauté du paysage environnant. Reprenant son chemin, il contourna les bois où devait s'élever plus tard le château de Travers pour se diriger vers le lieu où se dresse aujourd'hui la chapelle Notre Dame des Prés. A une centaine de mètres de cet endroit, il fut atteint par une flèche et succomba; on l'enterra sur place. Des années s'écoulèrent, il fut canonisé et le village de Maismac prit le nom de Saint-Sandoux en souvenir de son glorieux fils. 

Après la guerre de 1870, le travail d'un laboureur fut interrompu par un rocher qui affleurait la surface du sol. Ce rocher s'avéra être la statue de la Vierge, cachée là pour éviter sa destruction, probablement pendant la période révolutionnaire. La statue retrouva sa place dans la chapelle. 

* D'après l'histoire, Sandoux est né en Aquitaine. Mais la légende n'est pas en contradiction avec l'histoire sur ce point puisque la province romaine d'Aquitaine s'étendait grosso-modo des Pyrénées à la Loire au nord et de l'Atlantique au-delà de l'Allier à l'est. Saint-Sandoux était donc alors situé en Aquitaine (voir la carte de la Gaule). 

** Le bousset était un petit baril que l'on emportait dans les champs pour étancher la soif des travailleurs (voir le lexique).

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Trois représentations de Saint Sandoux (vitrail, statue, peinture) visibles à l'église
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Vers 1078, un certain Bertrand effectue un don à l'abbaye bénédictine de la Chaise-Dieu fondée en 1043 par Robert de Turlande. Un prieuré dépendant de l'abbaye et comportant deux moines va s'installer à Maismac; une église romane dédiée à Saint-Sandoux y est construite; l'ensemble est fortifié au moyen d'un clocher-donjon crénelé.

Dès 1080, on trouve les traces d'une communauté de prêtres filleuls (nés et baptisés dans la paroisse).

Le prieur, nommé par l'abbé de la Chaise-Dieu, possédait des dîmes dans la paroisse et nommait le curé auquel il devait verser une partie de la portion congrue. La dîme était une redevance ecclésiastique frappant les produits du sol et des animaux; elle était perçue par le patron de la paroisse et reversée au desservant et au vicaire selon des proportions variables. La portion congrue était une rétribution annuelle que les gros bénéficiaires ecclésiastiques versaient à ceux qui remplissaient leurs fonctions à leur place. L'église deviendra plus tard à la fois prieurale et paroissiale. Son curé sera nommé par l'évêque de Clermont sur la présentation du prieur. La dépendance de la commanderie d'Olloix, située à Paulagnat, possédait une chapelle; elle percevait des dîmes et payait aussi une partie de la portion congrue du curé de Saint-Sandoux. Au cours du temps, grâce aux services religieux rendus, la communauté des prêtres, qui semble n'avoir jamais dépassé trois personnes, acquerra de nombreux biens.

Le prieur de Saint-Sandoux devait faire porter à ses frais chaque année trente setiers à la Chaise-Dieu (le setier était une mesure de volume d'environ 158 litres). Il devait tenir à la disposition du seigneur abbé au prieuré cinq setiers de pois pour le couvent et payer ceux qui viendraient les chercher. Il devait aussi entretenir un cloîtrier (religieux résidant dans le cloître) et verser au seigneur abbé une procuration ou le droit de visite. Il payait le décime (contribution du dixième du revenu des bénéfices versée par le clergé au trésor royal avec l'accord du pape) et devait six sols au sacristain. Toutes ces charges pesaient évidemment en dernier ressort sur les serfs de la paroisse. Elles évoluèrent au cours du temps. On  trouve des éléments d'informations à ce sujet dans les Archives de l'abbaye de La Chaise-Dieu: "Extrait d'une reconnaissance par laquelle Pierre de Montaigut, prieur de St-Sandoux, s'engage à payer à l'abbé de La Chaise-Dieu une redevance annuelle de 30 setiers de froment et de 5 setiers de pois, à entretenir un cloîtrier, à payer la décime et une rente annuelle de 6 sous au sacristain de ladite abbaye. Les dispositions de cet acte furent successivement confirmées par Jean de Beaufort (13 août 1467), Jean Pons (4 février 1485, n. st.) et Innocent de Prouzat (16 mars 1540, n. st.), prieurs de St-Sandoux (15 juillet 1366-1540)". 

En 1062, l'abbaye de Sauxillanges est transformée en prieuré par Hugues de Semur, 6ème abbé de Cluny. Entre 1094 et 1149, Odilon étant abbé, les bénédictins de Sauxillanges reçoivent, d'un notable de Rochefort nommé Eustorges, une manse (domaine exploitable par une famille de paysans), dans la villa (village) de Maismaco (Maismac) avec le serf Gastaud qui la cultive et toute sa progéniture (voir  ici). C'est un bel exemple du servage où l'on trafique des êtres humains comme des terres ou des animaux domestiques. Cependant, d'après Henry Doniol, qui a publié le Cartulaire de Sauxillanges, où figurent ces informations, de tels exemples sont exceptionnels en Basse-Auvergne où le servage ne tenait qu'une place minime. La plupart des roturiers étaient des hommes libres capables de posséder des propriétés. Il existe d'ailleurs encore sur le territoire de Saint-Sandoux des parcelles, généralement boisées, appartenant collectivement à plusieurs propriétaires titulaires de droits exprimés en superficies, généralement très limitées, qui remonteraient à la période médiévale.

En 1095, à l'occasion d'un Concile réunit à Clermont-Ferrand, le pape Urbain II lance un appel à délivrer le tombeau du Christ. On entre dans l'ère des Croisades auxquelles vont participer les comtes d'Auvergne et de nombreux seigneurs locaux. La mort en Terre Sainte de Robert III, comte d'Auvergne, entraîne une crise, le frère du comte, Guillaume l'Ancien, profitant de l'absence de son neveu, Guillaume le Jeune, parti avec son père en croisade, pour le déposséder de ses biens. Il en résulte une suite de conflits dans lesquels sont impliqués les rois de France et d'Angleterre, ce dernier, par le mariage de Henri II avec Aliénor d'Aquitaine, étant devenu suzerain des comtes d'Auvergne. Le roi d'Angleterre prend parti pour l'oncle et le roi de France, appuyé par l'évêque de Clermont, pour le neveu. Ces conflits aboutissent, après bien des péripéties, au démembrement du comté d'Auvergne qui, au début du 13ème siècle, est partagé en quatre parties d'importance inégale:  1°)- Le Comté d'Auvergne proprement dit, centré autour de Vic-le-Comte,  appartenant aux  successeurs de Guillaume l'Ancien, vassaux du roi d'Angleterre. 2°)- Le Dauphiné d'Auvergne, qui revient aux héritiers de Guillaume le Jeune, lesquels s'installent d'abord à Montferrand, puis à Vodable, où ils tiennent une cour qui s'illustrera dans les arts et la poésie en langue d'oc. 3°)- La Seigneurie épiscopale de Clermont, agrandie par les terres (Billom et Lezoux) saisies par Philippe-Auguste au cours de la guerre qui l'opposa au comte et au roi d'Angleterre Richard Coeur de Lion; cette seigneurie majorée devient la propriété de l'évêque de Clermont ainsi récompensé d'avoir choisi la bonne alliance. 4°)- La Terre d'Auvergne, qui sera érigée en duché au 14ème sècle, laquelle comprend la majeure partie de la Haute Auvergne et une large partie de la Basse Auvergne, avec Riom pour capitale, purement et simplement confisquée par le roi de France, et qui sera donnée en apanage à Alphonse de Poitiers, fils du roi Louis VIII, puis à Jean de Berry, et enfin aux ducs de Bourbon.

L'histoire du village s'inscrit évidemment dans le contexte générale de l'évolution de la province. A partir du 12ème siècle, la terre de Saint-Sandoux appartient à la famille de la Tour, un puissant lignage auvergnat originaire des montagnes occidentales. Au 13ème siècle, le bourg est désormais cité comme étant Saint-Sandoux (Sanctus Sindulphus en latin), du nom du saint vénéré dans son église. Sandoux serait un nom d'origine germanique dérivé de "Sindulfus", orthographié parfois Sendulfum dans le Cartulaire de Sauxillanges. S'il ne semble exister qu'un seul lieu appelé Saint-Sandoux, d'autres sites portent un nom dérivé de "Sindulfus": Saint-Sidoux, Saint-Sindulphe, Saint-Sandon dans la Marne (Auguste Longnon: Les noms de Lieu de la France - Paris - Honoré Champion - 1920-1929).

Dans le courant du 13ème siècle, les seigneurs de Latour semblent transférer leur résidence principale vers la plaine où ils possédent notamment les signeuries voisines de Saint-Sandoux, Saint-Amant et Saint-Saturnin. En 1245, un testament de Guillaume de La Tour, prévôt de Brioude est signé dans l'hôtel des La Tour à Saint-Sandoux; il demande d'être enterré à Saint Saturnin. 

Après 1250, probablement entre 1276 et 1280, les seigneurs de la Tour construisent un manoir à l'intérieur de l'enceinte fortifiée, contre la muraille nord. Il n'en reste guère aujourd'hui qu'une fenêtre gothique remarquable et quelques autres vestiges peu importants. On dit que l'un d'entre eux correspondrait à l'ancienne justice. Béatrice d'Olliergues et son fils Bernard y reçoivent le procureur du comte de Rouergue, futur beau-père de Bernard, pour lui remettre quittance de 5000 livres tournois versées en dot à la fiancée dans la galerie couverte. Cette résidence semble avoir été goûtée par les La Tour qui y reçurent à diverses reprises le bailli d'Auvergne. Les seigneurs dotent l'église et ses desservants. C'est ainsi que Bernard VII de la Tour lègue douze deniers à l'église en 1270.
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Une des tours de l'enceinte fortifiée sur les Forts
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En 1276, Bertrand de la Tour, chanoine de la cathédrale de Clermont, possède Saint-Sandoux. D'après le chanoine Pierre Audigier, ce chanoine de la cathédrale de Clermont, fils de Bertrand de La Tour, sixième du nom, et de Jeanne de Toulouse, eut de grandes contestations avec son frère aîné, Bernard, pour le partage des biens paternels et maternels. Il n'avait pourtant pas lieu d'être insatisfait de son lot puisqu'on lui avait laissé, outre Saint-Sandoux, les terres de Saint-Saturnin, de Saint-Amant, de Randoha (Randol?), de Fohet, de Tinières, de Chastries, de Gibertez, de la Fau, de la Broha, de Darbouville, de Ferreoles, de Banhols, de Saint-Donat, de Chastel-sous-Mercoeur, de Montpeyroux, de Coudes et de plusieurs autres endroits, ainsi qu'il ressort de son testament. Il laissa une grande partie de ses biens à l'église de Clermont (Chanoine Pierre Audigier: Histoire d'Auvergne - Tome 1 - Clermont-Ferrand - Louis Bellet). Il légua en outre quinze sous de rente en faveur du chapelain de Saint-Sandoux pour faire célébrer son anniversaire par les moines du prieuré.

Les habitants de Saint-Sandoux, soumis à la taille à volonté, se regroupèrent en communauté. En 1280, ils obtinrent de Bertrand de la Tour la fixation de cette imposition à la somme de trente livres, payables à la Saint Géraud, et trente setiers de froment, payable à la fête de la Nativité de la Vierge. Du 13ème au 15ème siècles les rapports des villageois et de leurs seigneurs sont venus jusqu'à nous par le truchement des procès et des accords, l'accord étant la meilleure manière de liquider un contentieux. Les problèmes traités étaient essentiellement fiscaux et judiciaires. Quatre consuls, renouvelés annuellement, contrôlaient la répartition des impôts et redevances, seigneuriales et royales. La taille était un impôt sur les personnes et les biens payés au seigneur, pour son compte ou celui du roi, qui pesait uniquement sur les serfs et les censitaires, la noblesse et le clergé en étant exemptés. En cas de danger, les habitants se réfugiaient avec leurs biens à l'intérieur des fortifications où ils disposaient de celliers et de caves pour mettre leurs biens à l'abri, précaution utile en ces époques troublées et qui devint cruciale lors de la guerre de Cent Ans (1337-1453) au cours de laquelle, pendant les périodes de paix, les routiers, soldats désoeuvrés, ravagèrent les campagnes.

Au Moyen-Âge, Paulagnat devint  un relais des Templiers. Ces derniers étaient  bien implantés en Auvergne. Selon André-Georges Manry, lors de la dissolution de l'ordre du Temple, Paulagnat comptait parmi ses quatre plus importantes "préceptoreries" d'Auvergne. Il dépendait de la commanderie d'Olloix, et resta la propriété de cet ordre jusqu'en 1309, date à laquelle l'ordre du Temple fut supprimé par Philippe le Bel, pour s'emparer de la fortune de l'ordre, après que son dernier maître, Jacques de Molay, ait été condamné et brûlé vif à Paris, non sans avoir maudit le roi de France et sa descendance. En 1312, Olloix et Paulagnat revinrent aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, plus tard ordre de Malte. En 1699, Paulagnat était toujours rattaché à la commanderie de l'ordre de Malte d'Olloix et le resta jusqu'à la Révolution. Il existe un autre Paulagnat, près de Saint-Bonnet d'Orcival, dont le nom proviendrait de la présence d'un temple d'Apollon à cet endroit.
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Le blason des la Tour d'Auvergne
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Bertrand de la Tour, neveu du chanoine précédemment cité, est seigneur de Saint-Sandoux en 1286. Par une transaction passée en 1304 entre Béatrix d'Oliergues, veuve de Bertrand de la Tour, et ses enfants, il apparaît que son mari lui avait donné Saint-Sandoux, à titre de douaire; le douaire est un terme de droit ancien désignant la portion de biens que le mari réserve à son épouse dans le cas où celle-ci lui survivrait. Bertrand de la Tour en dispose néanmoins par deux testaments de 1285 et 1286. La terre est énoncée dans son inventaire de 1288. Bertrand de la Tour, fils du précédent, est seigneur de Saint-Sandoux en 1320 et donne 500 livres de rentes à prendre sur Saint-Sandoux et Besse à son fils Bertrand, clerc. Cette terre fait partie aussi de la donation de Bertrand, comte d'Auvergne, à Bertrand, son fils aîné, en 1459. Le fief reste ensuite en possession de la maison de la Tour jusqu'au commencement du 16ème siècle.

La guerre de Cent ans (1337-1453) n'épargne évidemment pas l'Auvergne dont le comté entretient des liens de vassalité avec la couronne d'Angleterre. Jean II le Bon confisque les terres du comte pour les donner à son fils, le duc de Berry. Si la tentative du duc de Lancastre sur la Basse Auvergne échoue rapidement, devant la résistance des seigneurs locaux, la contrée reste sillonnée par les grandes compagnies et les routiers qui s'installent dans des châteaux de Haute Auvergne et pillent et rançonnent villes et villages aux alentours. Vers la fin du 14ème siècle, des bandes se constituent, principalement en Haute Auvergne, pour lutter contre les Anglais et les nantis leurs alliés; ces bandes, qualifiées de Tuchins ou Tue-Chiens, s'en prennent aux plus fortunés et le duc de Berry doit monter une expédition pour en débarrasser le pays. Pour ajouter encore aux calamités de la guerre, plusieurs vagues d'épidémie de peste noire, terme générique recouvrant plusieurs maladies mal connues, déciment la population auvergnate entre 1348 et 1383. En 1379, les La Tour ont une maison à Saint-Sandoux où ils séjournent assez fréquemment. En 1380, Charles V le Sage, qui a reconstitué le royaume de France contre les Anglais, grâce notamment à Dugesclin, réduit les impôts de Saint-Sandoux, peu de temps avant sa mort, en pleine épidémie de peste; il est vrai que les impôts, qui frappaient lourdement les contribuables, avaient causé des émeutes en Languedoc.

Vers 1369 apparaît dans les actes La Motte d'Esporsac qui donnera naissance au hameau de Saint-Georges d'Esporsac. En vieux français, esparsac signifie eaux éparses; or, ce hameau était situé effectivement dans un fond quelque peu marécageux. Quant à La Motte, il pourrait s'agir d'une motte castrale artificielle sur laquelle s'élevait jadis un château primitif dont il ne reste aujourd'hui plus rien.

En 1436, lors d'un inventaire des reliques de Saint-Amant, on note la présence de reliques de Saint-Amant, de Saint-Sandoux et de Saint-Gal.

En 1450, le bourg de Saint-Sandoux était fortifié, église comprise; Revel en donne le dessin dans son Armorial d'Auvergne daté d'alors. Il est probable qu'une partie de ces fortifications a été édifiée pendant la guerre de Cent Ans, lorsque le roi de France ordonna de mettre les villes et les bourgs en état de défense pour résister aux incursions anglaises et à celles des routiers. Sur le dessin de Revel, le château figure en bas à gauche avec deux fenêtres géminées (disposées deux à deux). On remarquera, le clocher crénelé de l'église qui sera démoli à la Révolution (au centre du dessin), les fenêtres du château, dont l'une subsiste, et les tours, qui semblent toutes carrées à l'exception de celle qui avoisine la demeure seigneuriale; cette tour est peut-être celle aujourd'hui incluse à l'intérieur des bâtiments, à l'angle des Forts et de la Rue du Docteur Darteyre; les tours rondes actuelles seraient donc plus récentes; leur forme laisse d'ailleurs supposer qu'elles ont été construites après la découverte de l'artillerie. Les fortifications initiales ont certainement été modifiées au cours du temps, notamment au moment des guerres de Religion. Cet imposant dispositif défensif est complété par un fossé bordé d'un mur peu élevé. On notera également la présence d'un clocher hors de l'enceinte, dans le village qui s'étend au sud des fortifications. S'agit-il de la chapelle du prieuré? La chapelle actuelle de Notre-Dame du Bon Secours a-t-elle un rapport avec elle? Je n'ai pas de réponses à ces questions. On remarquera également que la partie de l'église qui jouxte le clocher est surélevée par rapport à la nef. Les maisons du village débordent largement à l'extérieur de l'enceinte surtout du côté sud; elles ne bénéficient donc d'aucune protection ce qui explique la nécessité de se réfugier à l'intérieur des fortifications à l'approche du danger.
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Saint-Sandoux en 1450 d'après Revel
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En 1465, le seigneur voulut obliger les Sandoliens à faire le guet et à payer le capitaine du château qu'il nommait. Ils contestèrent l'organisation proposée pour la défense du village et, après d'amples discussions, les quatre élus conclurent un accord avec le seigneur. Les clefs de l'enceinte seraient confiées aux quatre élus qui devraient les remettre à chaque réquisition du capitaine nommé par le seigneur. Le guet étant obligatoire en période de danger, les élus seraient chargés de lever auprès des habitants six setiers d'avoine et six setiers de froment pour solder le capitaine. En l'absence du capitaine, les élus organiseraient eux-mêmes le guet. Les habitants participeraient à l'entretien de la forteresse. En contrepartie, ils conserveraient leur droit coutumier et continueraient de trouver refuge derrière les remparts. A la fin du 15ème siècle, il ressort d'un terrier (document où étaient consignés les droits féodaux) que quatre-vingts familles environ possédaient des celliers, des chambres ou des caves à l'intérieur de l'enceinte, moyennant paiement d'un cens au seigneur. Ces celliers, chambres et caves servaient en fait de coffres-forts où les payeurs du cens pouvaient mettre leurs biens à l'abri de la convoitise des pillards. Le cens était une redevance fixe et annuelle, payée en argent, en grains, en gélines (poules) ou en corvées diverses (fauchage, fanage, charrois, transport du vin...); on portait généralement le cens payé en nature à la grange seigneuriale. Les différentes informations qui précèdent montrent que les impôts, au bénéfice du clergé comme de la noblesse et du roi, pouvaient être payés en nature, au moins partiellement, ce qu'explique la rareté du numéraire, laquelle favorise évidemment le troc; cette situation perdurera jusqu'à la fin de l'Ancien régime.

1477 - Le 29 juin, jour des saints Pierre et Paul, l'avant-dernier jour de juin, environ la septième heure, la terre tremble, et fort. L'épicentre se trouve dans un triangle entre Riom, Clermont-Ferrand et Orcival. De nombreux édifices sont endommagés ou s'effondrent. C'est le cas du transept de Notre-Dame-du-Port à Clermont, du clocher de l'église Saint-Amable et du dôme de l'église du Marthuret à Riom. A Orcival, le clocher, le pinacle et les voûtes sont dévastées. Dans le Puy-de-Dôme, Chauriat, Ambert et Maringues sont affectés. En souvenir de cet événement mémorable, le portail de l'église d'Ambert portera l'inscription épigraphique suivante: "l'an que la terre si fort trembloit et que le monde en comptoit mil quatre cens septante, ce portail cy se commençoit". 

1490 - Le 1er mars, un autre séisme, encore plus violent, secoue à nouveau la région. Les villes de Riom, Pontgibaud, Orcival, Sauxillanges, Billom et Cébazat sont durement éprouvées. A Clermont, plusieurs tours, la maison de ville et les portes des Gras et Saint-Pierre sont jetées bas. A Riom, la partie supérieure du clocher de Saint-Amable, deux chapelles de la même église, le dôme du Marthuret et une partie de l'église des Cordeliers sont détruits; l'église Saint-Jean-l'Évangéliste devra être reconstruite. L'abbaye de Mozac n'est plus qu'un amas de décombres. A Pontgibaud, de nombreuses personnes sont ensevelies sous les murs effondrés de leurs maisons; le tremblement de terre a duré cinq heures et a fait s'écrouler l'église et la majeure partie des bâtiments de la ville. La secousse a été ressentie jusque dans le Morvan, le Lyonnais, le Limousin et le Périgord.

On ne sait rien des dommages causés par ces deux séismes à Saint-Sandoux. Mais, compte tenu de l'ampleur des dégâts enregistrés ailleurs, il est probable que le village n'a pas été épargné.

L'Auvergne n'est certes pas une région à forte fréquence de secousses terrestres. On ne compte guère qu'un séisme par demi siècle et de façon irrégulière. L'abbé Henri Pelletier en dénombre une vingtaine depuis le 6ème siècle. Mais on doit supposer qu'il y en eut davantage car les informations manquent entre 542 et 1477. Certains tremblements de terre furent cependant particulièrement violents. Celui de 542 fut qualifié d'effrayant par Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours. Mais le plus destructeur semble être celui de 1490. On note également une secousse au milieu du 20ème siècle, en 1957. 
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Le quartier médiéval de Saint-Sandoux
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L'examen des anciens documents montre que des noms de lieux et même de personnes sont parvenus du Moyen Âge jusqu'à l'époque moderne. Saint-Georges, dit d'Esporsac, est déjà cité, on l'a vu, à cette époque lointaine. Le dernier enfant, un Courtial, y naîtra au 19ème siècle. Une Motte médiévale s'y élevait probablement; au 20ème siècle, ce lieu s'appelait d'ailleurs encore La Moutte. L'endroit où s'élève la chapelle de Notre-Dame-des-Prés, jadis Notre-Dame-des-Fleurs, s'appelait Monestrol (ou Monistrol) au Moyen Âge, ce qui suggère l'existence à cet endroit d'un monastère plus ancien, peut-être gallo-romain ou mérovingien; le terrier de Paulagnat mentionnerait l'existence d'un cimetière à Monestrol en 1426 et 1544; au 16ème siècle, selon Alexandre Bruel (Pouillés des diocèses de Clermont et de Saint-Flour du XIVe au XVIIe siècle), un hameau existait à un kilomètre environ de Saint-Sandoux, en direction du nord, à peu près à l'endroit de la chapelle; il faut peut-être voir dans ce hameau disparu la source de la légende, rapportée plus haut, selon laquelle le village aurait été déplacé vers les hauteurs; on dit qu'au cours de fouilles, des vestiges de sépultures auraient été déterrées, sur le site du Monestrol, ce qui validerait la thèse de l'existence d'un ancien établissement humain, et, dans les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale, les vestiges d'une colonne gallo-romaine y auraient été photographiés, comme on l'a dit plus haut. Les courageux qui n'hésitent pas à arpenter les alentours du village pourront encore découvrir, au hasard de leurs randonnées, les dernières bornes encore debout qui délimitaient la dîmerie de Saint-Sandoux; on prétend qu'il en reste plusieurs; j'en connais au moins une, au-dessus du cimetière de Chaynat. Enfin, pour ne citer que ce nom, il existait un Chamboulhas à Saint-Sandoux au Moyen Âge et j'ai retrouvé ce nom au 19ème siècle dans les papiers de ma famille dont il était voisin; il possédait un jardin contre la grange de mes ancêtres maternels et avait entassé les cailloux qu'il en retirait contre un des murs de cette grange; ce tas de cailloux s'élevait jusqu'au toit de chaume du bâtiment qu'il contribuait à pourrir par l'humidité qu'il y apportait; on plaida et le juge de paix de Saint-Amant condamna Chamboulhas à enlever ces cailloux sous astreinte d'une somme à payer par jour de retard. Enfin, plusieurs nobles habitaient le village, au Moyen âge comme au 18ème siècle; les traditions sont tenaces en Auvergne.

Voici une anecdote tout droit venue de cette lointaine époque. Un habitant de Saint-Saturnin, nommé Vialette, possédait une terre sur la paroisse de Saint-Sandoux. Pour s'y rendre, il devait passer par la propriété d'un certain L'Escuyer, probablement notable. Ce dernier lui en interdit le passage. Vialette n'en tint aucun compte et continua comme avant de traverser le champ de son voisin. Un jour qu'il allait travailler sa terre, il se trouva face à deux valets de L'Escuyer qui lui barrèrent le passage. Vialette se fâcha et leur lança des pierres. L'un des valets, armé d'un marteau, se rua sur lui et lui asséna un vigoureux coup de son arme sur la tête. Vialette, blessé, fut contraint de battre en retraite. Quelques jours plus tard, il décéda. Les deux domestiques craignirent d'être accusés de meurtre et d'être livrés à une Justice dont l'humeur est toujours incertaine, ce qui pouvait fâcheusement amener leur col, un jour prochain, à éprouver le poids de leur séant; ils prirent donc les devants en adressant une supplique aux autorités, arguant pour leur défense que le coup de marteau n'était pas la cause de la mort du sieur Vialette, puisqu'on l'avait vu, selon leurs dires, fréquenter assidûment les estaminets de Saint-Saturnin, entre l'altercation, certes un peu violente, et son décès. L'affaire est parvenue jusqu'à nos jours par cette supplique. On ignore la suite qui fut donnée à l'affaire et à la supplique.

Sources:  Alexandre Bruel: Pouillés des diocèses de Clermont et de Saint-Flour au XVIIe siècle - Paris: Imprimerie nationale - 1880.
                Henry Doniol: Cartulaire de Sauxillanges - Paris: C. Dumoulin - Clermont-Ferrand: F. Thibaud - 1884
                Auguste Longnon: Les noms de Lieu de la France - Paris - Honoré Champion - 1920-1929
                Ambroise Tardieu: Grand Dictionnaire historique du Puy-de-Dôme - Moulins - imprimerie de C. Desrosiers - 1877
                André-Georges Manry: Histoire d'Auvergne - Éditions Volcans - 1965
                Henri Pelletier : Notes historiques sur les séismes d'Auvergne. - Revue des Sciences naturelles d'Auvergne. 35, p23-32 - 1969
                Crozet R. Les saints d'Auvergne cité dans "Le pays de Saint-Saturnin" - Éditions Créer
                Chanoine Pierre Audigier: Histoire d'Auvergne - Tome 1 - Clermont-Ferrand - Louis Bellet
                Journal La Montagne
                Bulletin de la Société d'Archéologie d'Auvergne
                Archives de l'abbaye de La Chaise-Dieu
                Archiprêtré de Merdogne - La paroisse de Saint-Sandoux - Association du site de Gergovie.


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