Un premier
château fut construit à Saint-Floret au tout début
du 13ème siècle (1225), par le dauphin Guillaume d'Auvergne.
Appartenant à la branche aînée des comtes de Clermont,
ce dernier se trouvait relégué, à la suite d'une querelle
familiale, sur le territoire des Puys et Couzes où il édifia
plusieurs tours, donjons et forteresses. Ce premier château se dressait
sur un rocher à pic de 20 mètres de haut. De cet ensemble
seul le donjon subsiste encore aujourd'hui. Il mesurait 11 m de haut et
4,8 m de diamètre. Il était bâti sur plan dit "philippéen"
correspondant au schéma royal introduit en Auvergne pendant le premier
tiers du 13ème siècle à la suite de la reconquête
royale de Philippe Auguste (1213). Sa défense était assurée
au niveau d'une galerie en hourds, sous son toit pointu. Il était
protégé par une enceinte renforcée de tours crénelées.
Tout cela est bien visible sur le dessin de l'Armorial de Revel (1450).
Il existe en Auvergne d'autres exemples de donjons "philippéens"
à Montpeyroux, Tournoël,
Léontoing, Champeix, Grandeyrolles,
Vodable, Chalus, La
Sauvetat.
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Le dauphin d'Auvergne échangea
la terre de Champeix contre celle de Saint-Floret avec René (ou
Robert) de Champeix, son vassal, qui fonda la première lignée
des seigneurs de Saint-Floret.
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Le blason de Saint-Floret
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En 1269, Jambert de Saint-Floret
et ses deux frères rendirent hommage au dauphin d'Auvergne pour
le château, le village et tout ce qu'ils possédaient dans
la paroisse et au Chastel; le Chastel est situé sur une éminence
de l'autre côté de la vallée de la Couze Pavin.
Vers la fin du 13ème siècle,
un bâtiment carré et massif commença à être
édifié. Une tour en encorbellement à forme de poivrière
s'élevait à chacun de ses angles; seule celle du Nord subsiste
encore. Le logis de 13 m de long montre l'importance de la fonction résidentielle
de cet ensemble fortifié dont la fonction défensive n'était
sans doute que secondaire, ce qui n'empêcha pas Richelieu de le faire
démanteler, comme bien d'autres forteresses d'Auvergne, dans les
années 1630.
Au bas de ce second ensemble,
la Aula (Salle d'Apparat), appelée parfois aussi Salle
des Gardes ou Salle des Chevaliers, est l'une des plus belles
salles civiles gothiques de France. Cubique, elle mesure 9,6 m à
la clef de voûte et sur chacun de ses côtés. Les voûtes,
autrefois semé d'étoiles d'argent en forme d'astéries
sont supportées par une douzaine de nervures trilobées peintes
aux couleurs de l'arc-en-ciel, dont les bases reposent à un peu
plus de 2 m du sol, sur des consoles sculptées, tandis que les sommets
se perdent dans une large clef de voûte dont le centre représente
un soleil à face humaine d'où partent ses rayons d'or. Toutes
ces consoles sont sculptées : à l'angle ouest de la cheminée,
c'est une reine souriante, au nord-ouest un abbé mitré courbe
la tête sous le fardeau de l'art, au milieu, du côté
ouest une large figure joviale, en pendant, au milieu du côté
sud, une femme à la physionomie gouailleuse, enfin, à l'angle
sud-est, un vieux couple.
Les murs de la salle sont couvertes
de fresques vivement colorées et de textes ayant trait à
la légende de Tristan et Yseult très célèbre
à cette époque. Combats et amour courtois s'y partagent les
scènes qui furent inspirées par les textes de Rusticien de
Pise, Meliadus, et Béroul. Athon de Saint-Floret, seigneur des lieux,
commanda ce riche décor mural entre 1364 et 1370, lors de l'installation
en Auvergne de Jean de Berry, troisième fils de Jean II le Bon.
Le thème de l'amour courtois est représenté dans la
Rencontre au verger où l'on peut deviner plus qu'on ne les voit
vraiment les visages de Tristan et Yseult, surveillés par le roi
Marc, caché dans un arbre. Le temps a fait son oeuvre et, sur les
multiples scènes originelles (on parle de 24 à 40), il n'en
reste guère qu'un peu plus d'une dizaine qui sont encore aujourd'hui
à peu près en état. Redécouvert en 1862 par
les peintres-restaurateurs Anatole Dauvergne et Antonius Mayoli, ce décor
a fait l'objet de relevés, pour partie exposés au musée
des Monuments français, actuelle Cité de l'architecture et
du patrimoine à Paris.
Le décor mural et architectural
de la Aula revêtait une grande importance puisqu'il avait
pour but de refléter la puissance et l'éducation culturelle
du seigneur de Saint-Floret. Elle servait aussi de salle de réception;
on s'y réunissait pour célébrer des fêtes; on
y organisait des festins et des banquets; les réunions étaient
agrémentées de danses et de divertissements, entre le service
des mets. Elle était enfin aussi utilisée comme salle d'audience;
le seigneur y rendit basse, moyenne et haute justice jusqu'au début
du 17ème siècle ainsi que l'atteste un texte de 1606. A l'époque
des guerres de religion, la Aula aurait aussi servi de temple protestant.
Au niveau au-dessus se trouve
une vaste salle appelée La Chambre. On y accède par
un escalier assez raide muni d'une rampe. Cette salle, au sol recouvert
de pavés carrés, était la pièce à vivre
de la famille seigneuriale qui s'y adonnait à ses diverses occupations:
manger, recevoir, écrire, lire, tisser, broder, jouer... La nuit,
les membres de la familles y dormaient dans des lits clos de courtines
(tentures). Haute de 8 m, elle était voûtée d'ogives,
ce qui en faisaient une salle prestigieuse mais au décor plus sobre
que celui de la salle du bas. La voûte d'ogives s'est effondrée
au 19ème siècle. Attenante à la pièce principale,
une petite pièce servait de garde-robe et renfermait les latrines
réservées au seigneur et à sa famille.
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Un poste de guet surveillait le
chemin nord-sud, qui vient de Champeix, première capitale des dauphins
d'Auvergne, et qui se poursuit au-delà jusqu'à Clermont.
Ce chemin était bordé par le ruisseau du Lard qui se jette
dans la Couze Pavin.
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On observera que cette disposition
architecturale, la aula, ou salle d'audience, en bas, le logement seigneurial,
plus intime, au-dessus, et les moyens de défense tout en haut,
est classique dans les châteaux forts.
Saint-Floret présentait
un intérêt stratégique indéniable. Il se trouvait
en effet à la jonction de deux routes importantes, celle de
Clermont vers Saint-Flour (axe-Nord-Sud), et celle d'Issoire à Besse
qui se prolongeait jusqu'en Limousin intégré au domaine royal
par Philippe Auguste, en 1213 (axe Est-Ouest).
Le château de Saint-Floret
est classé au titre des monuments historiques depuis 1909. |