Le château de Tournoël, campé
sur un éperon rocheux, domine la plaine de la Limagne. Admirable
forteresse médiévale remarquablement conservée, il
nous restitue l'atmosphère de la vie du Moyen Âge, derrière
les enceintes de pierres des châteaux forts. On traverse une première
enceinte, afin d'accéder à la cour d'honneur Renaissance,
ornée d'un escalier flamboyant qu'il faut gravir pour accéder
à la salle des gardes, avec ses immenses cheminées en pierre
de Volvic, avant d'atteindre la chapelle, sa vierge et ses fresques, puis
de parvenir à la terrasse du premier donjon. On visite également
les cuisines, les jardins de la châtelaine et ses appartements. Enfin,
par un autre chemin de ronde, on parvient au pont-levis qui garde le dernier
réduit de défense, un donjon haut de 32 mètres. Du
haut de ce donjon, une vue superbe s'étend sur plus de 100 kilomètres
au-dessus de la Limagne jusqu'aux monts du Forez. Défiant les siècles,
témoin vivant d'une histoire agitée, pendant la guerre de
cent ans comme pendant les guerres de religion, au cours desquelles la
châtelaine, qui avait été chassée de la forteresse,
dût la reprendre de haute lutte, Tournoël illustre à
la perfection la vie au Moyen Âge et à la Renaissance. A proximité
de l'entrée, on pourra voir une curieuse cuve de pierre.
Un peu d'histoire:
Au 12ème siècle, la féodalité
atteignit en Auvergne sa plus grande puissance. Autour de Guy II de la
Tour, seigneur de Tournoël, qui donna son nom à Chatelguyon
(Chastel Guyon), vrai bandit féodal, rançonnant les voyageurs,
pillant les abbayes, telle celle de Mozat près de Riom, se groupaient
les possesseurs de petits fiefs, ses vassaux, non moins turbulents. Les
principaux étaient les barons de Mercoeur, de Murat, de Polignac.
Les Polignac faisaient régner la terreur en Haute Auvergne. Héracle
de Polignac, qui pilla la riche abbaye de la Chaise-Dieu, était
surnommé le "roi de la montagne". Cette noblesse indisciplinée
étendait son emprise sur les villes, par l'intermédiaire
de l'Église. C'est ainsi que Robert, évêque de Clermont,
n'était autre que le frère de Guy II. Lassé de l'agitation
de cette noblesse indisciplinée, Philippe-Auguste, entra en lutte
contre Guy II. Il s'empara de Tournoël et confisqua le Comté
d'Auvergne. Au cours de cette expédition punitive, le château
fut presqu'entièrement détruit. Plus tard, en 1299, Blanche
de Castille restitua au fils de Guy II quelques terres qui formèrent
un nouveau Comté avec Vic-le-Comte pour capitale. Au 14ème
siècle, Hugues de la Roche, reconstruisit le château et s'attacha
à le rendre inexpugnable, notamment en fortifiant les soubassements
contre les sapes. Tournoël connut alors une époque brillante.
Françoise de Talaru, jeune et séduisante veuve, y créa
une sorte de cour d'amour attirant la société des environs.
Les musiciens, les comédiens, les troubadours et les jongleurs y
affluèrent. Mais, la maîtresse des lieux dut faire face à
la cupidité de son beau-frère, co-tuteur de sa fille. Elle
le chassa du château. Elle fut pour cela sévèrement
blâmée par le bailli de Montferrand qui l'accusa de sorcellerie
et lui retira la tutelle de sa fille. La jeune femme réagit en fiançant
cette dernière, âgée de 7 ans, au fils du bailli qui,
séduit à son tour, finit par épouser la veuve avant
de mourir quelques jours plus tard. En 1594, un parti de ligueurs s'empara
de la forteresse. La châtelaine, Lucrèce de Gardagne, dont
le défunt mari avait épousé la cause royale, mit le
siège devant le château avec l'aide du gouverneur d'Auvergne,
Châteauneuf d'Urfé. Les ligueurs refusant de rendre la place,
le canon éventra le donjon et les assiégeant pénétrèrent
dans la place par la cave. Le château était ruiné,
mais rendu à sa légitime propriétaire. Lors des Grands
Jours d'Auvergne, Tournoël défraya la chronique à nouveau.
Son seigneur, Charles de Montvallet, avait tant d'enfants naturels qu'il
les élevait au château pour s'en faire des domestiques. Ils
étaient soumis à l'un des leurs promu au grade envié
de chef des bâtards. Ironie du sort, Charles de Montvallet était
battu par sa femme! |