Glanures du second semestre 2001

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N. Lelubre J. Rousselot J. Taurand P. Esperbé B. Lorraine J.-V. Verdonnet Y. Artufel M. Martin A. Allais L. Scutenaire
J. Vodaine S. Méliade M. Caussat L. Savary M. Sendelaire M. Struvier C. Cailleau P. Chavardes I. Guigou Marjan
H. Badescu A. Pintescu V. Stancu G. Vulturescu R..Thirault N. Boitaud G. Lades T. Crassas Chantal Bas de page



Dans le n° 33/34 du Cri d'Os

Norbert Lelubre

Les louanges que son oeuvre peut susciter ne sauraient compenser les réticences, qu'en son for intérieur, l'artiste entretient sur elle. Après tout, c'est peut-être ça la vraie marque du créateur: l'intime déception.

Comment peut-on espérer qu'un auteur qu'on ne lit pas écrive pour tout le monde?
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Jean Rousselot cité par Christophe Dauphin

Malgré moi j'ai pitié des cours profondes et visqueuses
Sans oiseaux, sans feuilles tourbillonnantes
Et du pétrin invisible qui geint en bas
Jour et nuit comme un forçat enterré.
Malgré moi j'ai pitié des vieilles repasseuses
Aux jambes lourdes, aux yeux rougis
Et de l'ivrogne rentré tard qui bat sa femme
Dans l'entresol fumeux
...
Malgré moi je me souviens des mansardes sombres
Où l'ennui accrocha un sourire figé
Des linges qui sèchent au-dessus de l'âtre
De la cuvette usée et des vitres chevrotantes.
 

L'homme est derrière son regard
Comme derrière une vitrine
Lavée à grande eau par le jour
 

La ligne unique qu'il suffit
De tracer chaque jour
Pour rester digne du peu de langage
Que l'on est capable d'être
Protégera-t-elle ou non
En ce si tardif aujourd'hui
La bonté l'amour et autres
Passagers clandestins qu'il te faut bien nourrir
Tandis qu'au couteau tu tailles
Le bout de ta route en toi.
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Jacques Taurand

Tout être privé d'emploi devient captif de liberté.

Convoiter le fruit, le mordre à belles dents, en savourer la chair... cela permet, plus tard, de mieux jouir d'une nature morte.
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Pierre Esperbé

Exhortation

Homme... tu n'as pas le droit de ne rien dire; tu n'as pas le droit de garder tout pour toi! Je sais, je sais, je sais: tu es fier de ce que tu possèdes... de ton secret! Mais ton secret, il n'est pas à toi tout seul; les autres doivent en profiter! Ils sont là, chacun dans leur coin, dans leur nuit, dans leur solitude; et tu aurais le courage de les abandonner dans leur détresse! Mais qui es-tu donc pour te croire au-dessus des autres dans ton Olympe baignée de lumière? Il faut que tu fasses un retour sur toi-même; il faut que tu descendes auprès des êtres dans les ruelles de la Cité... pour leur murmurer ton secret... dis leur, je t'en prie... dis leur, je t'en conjure... dis leur donc... ce que tu mets sur tes chaussures pour qu'elles brillent comme ça?
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Bernard Lorraine

Portrait en pied du poète

Dans la démesure de l'impossible
Il adhère à la ligue des droits de l'âme
Il collectionne les cartes de discrédit
Ses poches sont pleines de monnaie de sphynge
Il revendique le droit à l'indifférence
Il lui est même arrivé de demander le droit d'exil
Sa plume a la transparence du vers
Il n'est pas branché sur les intersornettes
On le soupçonne de toutes les rimes possibles et imaginables
Il aime jeter l'encre aux marges du cap de bonne désespérance
Avant de prendre la parole il se livre à un examen d'inconscience
Et avec ça il ose plaider capable!
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Jean-Vincent Verdonnet

La journée à grands traits crayonne
quelques détails du paysage
pour en garder une lueur
L'esquisse reste inachevée
on ne peut cerner ce qui passe

Voici que l'épaisseur de l'air
a rejoint celle des étangs
et s'uniront l'eau et la nuit

Même insaisissable il t'épie
l'inconnu en toi qui te hèle
lorsque les sèves à l'automne
redescendent dans les racines

Quand les chemins ont disparu
alors le voyage commence
vers ce qui n'aura plus de fin
et dont on n'a jamais parlé
qu'à voix très basse sur un seuil
où tantôt s'attardait l'été
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Yves Artufel cité par Annette Blier

Et souviens toi que tu es taillé dans l'oubli!

Vivre, c'est surtout fatiguer du rêve.
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Michel Martin cité par Jehan Despert

Sous la couverture imbriquée
Ta charpente bien chevillée,
Tes jambages calligraphiés,
L'encorbellement de tes hanches
Le balcon de tes seins bombés,
Les mâchicoulis de tes lèvres,
Les claustras de tes yeux mi-clos,
Les esses de tes symphonies
Et les harpes de tes soupirs
Sous mes solins de solitude
Ombragés par la jalousie.
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Alphonse Allais cité par Jacques Simonomis

Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Être de quelque chose, ça pose un homme, comme être de garenne, ça pose un lapin.

Si vous sortez dans la rue en scaphandre, ne prenez pas de parapluie, vous vous feriez remarquer.
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Louis Scutenaire cité dans l'entretien de Jeanine Rivais avec Maurice Rapin

Les tableaux ont été pendus. Ils l'avaient bien mérité!
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Jean Vodaine

Motocyclette de l'angoisse, pourquoi ce matin défonces-tu la quincaillerie des mots tendres? L'inventaire du salut te fait peut-être peur? allons zazou du fer, proscrit, mineur, la sueur, noire nuit, roule sur ton front, ta révolte recule comme l'horizon...

... on rogne les dernières promesses...

... la raison n'est qu'une embouchure filetée, elle s'adapte trop au quotidien...

... il neige, avec indifférence...

... la promesse illumine le vitrail, comme un fruit qui troue la terre, pour forcer la semence à naître.

Pour qui sonne l'espoir, pour ceux qui savent se taire et boivent l'eau maudite entre cendre et poussière, qui acceptent le travail de la vie, à travers les yeux, les peines, pour ceux à qui la mort est plus utile qu'un baiser, pour ceux qui ont renié Dieu et le cherchent immensément...

... le temps se trahit aux tempes...

... la paix fait grandir les maisons... plante jusqu'à la garde les mots que tu dis, ils n'auront raison de personne...

Le silence installe son désert, la fontaine tend un piège à la soif...
... donnez à vivre la nuit seule la nuit, elle est un jardin pour l'homme...

... le jour du départ en septembre avec les migrateurs vers les oranges...

... les  baisers volés loin de la grand-mère... les mains moites, les seins pointés et la vulve coite, quand le papa travaille au chemin de fer, on n'épouse pas le fils de l'étranger... on l'invite dans le chemin noir.

... on ne savait jamais jusqu'où la main pouvait chercher le lisse ou le velu jusqu'au pas-touche...

Sapin, sapin, bouge, agrandit la forêt, quand elle sera rouge, on va te décorer d'une pomme rouge et d'étoiles dorées, étincelle rouge, quand le fer sera cuit on en fera charrue, plume sergent-major ou canon gris, hélice de bateau pour faire le tour du monde, étincelle, étincelle rouge, tout est cendre, rien ne bouge, le fer ferme ses portes, les ouvriers sont dehors, leur pays est-il mort?

Extrait de "4 photos du profil droit" - Voix édition



Dans le n° 7 de la revue An +

Stéphane Méliade

Chatières

.....

Dans mes yeux il y a une chatière
pour l'évasion de la lumière
quand tu viens bleuir mes feux d'homme
avec ton ventre allongé sur le dos

J'ouvre les cils entre tes jambes
comme un visage prolongé de pinceaux

.....
____________________________________

Michelle Caussat

.....
Homme de ma vie, Arbre de la Pomme
.....
____________________________________

Louis Savary

le vent
qui étale
tes taches d'encre
sur le papier
te rappelle
que lui aussi
se sent une âme
d'artiste

***

je soulève la vague
j'attise le feu
je peux même
tout balayer sur mon passage
pourtant je ne suis rien
rien que du vent



Dans le n° 39 de Parterre Verbal

Muriel Sendelaire

La déclinaison du peu
.....
La conscience
bat l'aile du trottoir

et éventre le mot
d'un pas lourd
_________________________________
Michelle Struvier

L'univers manie le mental
.....
24.
Je te sens
Plus blanc
En moi
.....

35.
Je me suis mise
Dans
Sa main

Il ne reste qu'une blessure
_________________________________
Claude Cailleau

Dans les plis du silence
.....
La nuit, les chiens
rôdent dans les cours,
gardiens de l'invisible,
et tu dors,
protégé par ton rêve.
Le vent de la déroute
n'atteint plus que ton double.

Pour lire un autre poème de C. Cailleau, cliquez ici
_________________________________________________
Patrick Chavardes
.....
Nous, les victimes programmées du syndrome identitaire,
nous exigeons le droit de vivre dans l'indignité, de tatouer
nos corps pour être différents, de prendre des drogues qui
rendent fou afin de pouvoir être accueilli dans les anciens
hôpitaux, avec des cellules capitonnées, sans fenêtres pour
y faire le séjour intra-utérin tant rêvé.
Nous exigeons la cessation de tout travail virtuel et de toute
communication informatique et conséquemment, nous
demandons le rétablissement des voyages et transports par
voie naturelle, corporelle ou sexuelle ainsi que toutes les
anciennes possibilités de mettre au monde des enfants libres
de nous reprocher de les avoir fait en cachette, pendant une
nuit de grand vent.
.....

Et nous sentons au fond de nous, comme un fracas de mots
blessés, cris de révolte, cris d'une guerre, mots prisonniers.

Et nous voulons reprendre ces mots à la nuit afin d'être plus
vrais, plus libres devant la mort.
.....
                                 ********
A propos de mots - L'éternité moins deux pages
.....
En général, les intellectuels n'aiment pas assez les arbres. C'est dommage. S'ils les fréquentaient plus, ils apprendraient à produire de meilleures feuilles.
__________________________________________________________
Isabelle Guigou

Un chant de scie
Les craquements d'un feu
Des pleurs d'enfants
Ces quelques bruits
Rendent à la campagne sa voix
Puisque les paroles des feuilles
S'en sont allées.
______________________________
Marjan

Le mot

-Epelle-moi le mot "Moquette"
demande le maître.
-D'accord, dit l'enfant Poète.
Il saute une lettre...
Et "Moquette" devient oiseau...



Dans le n° 275 d'Encres Vives: Poésie roumaine d'aujourd'hui

Horia Badescu

Les syllogismes du chemin
.....
L'essence du chemin
est l'inertie
non la marche,
le passage
n'est que l'état rêvé
du chemin.
.....

Rien d'autre n'est le chemin
que son aboutissement,
mais d'un bout à l'autre
il n'y a rien;
où le chemin devrait prendre
fin
là il naît,
et où il naît
depuis toujours il est déjà
arrivé.
______________________________
Alexandru Pintescu

Signal

Sais-tu ce qui se produira si tu tires
le signal et que le temps s'arrête
glissant hors de son cercle déraillant
avec un bruit de bête, agressant tes cellules
jalouses d'éternité, abandonnant
un goût de peur dans tous tes pores,
une sensation de frayeur dans tes papilles gustatives
te ficelant dans les classeurs de la mélancolie.
Tu oublies vite ce qui se passe,
le froid t'envahit lentement
de la tête aux pieds
ton corps est pénétré
de crabes minuscules et tu sens bien
comment bruisse l'herbe de mer
dans le sofa qui s'effondre
sous toi...
_______________________________
Valeriu Stancu

L'éternelle ballade du suicide raté
.....
pendant dix ans, je ne l'ai influencé que dans le mauvais sens; toujours, j'ai été son démon, un être débauché, détraqué, insoumis, un salaud, immortel. Toujours, c'est moi qui l'ai traîné derrière moi. A cause de notre amitié, sa famille l'a renié, les voisins l'ont chassé, la société l'a rejeté; et cependant, en ce temps-là, même les trocarts n'ont pas réussi à l'immobiliser. Sauf que lui se préparait à mourir terrifié par la vie, tandis que je me préparais à vivre horrifié par la mort.
.....
_______________________________
George Vulturescu

Dans la nuit, dans le brouillard

Le chien de vers et moi-même dans les rues:
nous escaladons les barrières et hurlons à la lune,
nous jouons les vampires aux fenêtres des gens obèses
plantés devant les vitrines nous soufflons des bouffées d'air chaud
sur le corps des mannequins
nous escaladons les statues pour y gribouiller des obscénités
nous entrons dans les bars pour y demander des nouvelles de nous-mêmes
comme des personnes distinguées
nous nous tordons de rire sur les parterres fleuris du parc
nous urinons sans souci sur les marches de l'escalier de la mairie
les gardiens se décident à nous conduire dans les sous-sols
de la police. Toute la nuit nous y menons grand tapage.
Au matin, ils nous jettent à la rue.

L'herbe, le ciel, les eaux me paraissent parfaits.
Que pourrais-je chanter, que pourrais-je glorifier?

"La plus belle chose du monde se trouve sur les poteaux
des parcs, gémit le chien de vers. Les dictionnaires
ne citent jamais les vers notés sur les poteaux:
nous restons dans la nuit, dans le brouillard,
tout comme les oiseaux, comme les bêtes sauvages..."



Dans le n° 276 d'Encres Vives: Le temps d'un nuage

Roger Thirault

Comme la lumière pénètre l'eau
des sons me traversent
tout bouge tout s'anime
les mots bruissent avec les feuilles
l'aube est là qui palpite
si fraîche sur le seuil!
et je sens
comme une odeur de grain levé
un souffle qui déchire le temps.
______________________________________
Nathalie Boitaud

Cette nuit
Où tu nais

Tout au bout de mes doigts

Cette nuit
Où nous peuplons les étoiles.
______________________________________
Claude Cailleau

Le temps est mort dans le jardin
où tu appréhendais l'automne,
gouttes de vie tombent aussi
dans le jour blanc qui se défeuille.
Parfois, au détour d'une allée,
paraît l'enfant que tu cherchais.
Il est vêtu de blanc, diaphane
image traversant le temps.
Ce sourire sur son visage
ouvre le ciel pour l'avenir.
N'approche pas: ce n'est qu'un rêve
à garder pour les jours de peine,
de doute à vivre ou de refus.
L'enfant au détour de l'allée
marchera longtemps dans tes jours.

Un autre texte de ce poète est ici



Gilles Lades

Visages pour mémoire
Encres Vives n° 277

Enfant

Le lit contre le mur et ma face sur l'orangé
me sauvent de la fenêtre noire et blanche

seul je pousserai ma peur
jusqu'à minuit délivré par qui m'aime

la chambre alors et la nuit sont légères
le drap frais lisse le drap rongé
le craquement léger du voyage
rejoint d'un trait le jour

déjà je parle et nomme
les créatures du rideau
vite avant qu'un bras ne les écarte et plonge
goulûment dans le bleu de la rue
 

Scène

Celle qui plume le coq
sous le hangar brûlé de rafales
ne voit pas la journée s'écouler dans les vitres

ses mains pillent les cuisses et le ventre
la crête peint ses jambes de sang
l'odeur de peau tourne en fureur

elle arrache les racines noires
comme autant de cheveux d'une autre
la rivale au rire de passante
qui aurait dû partir avant midi

le coq n'en finit pas de perdre l'infamie
sa face de destin coriace
de rebelle recuit de sang sec

les mains les pinces de terre rouge
mettront au four une chair claire
sous la paume un vrai matin
le seul qu'elle ait connu
quand son mari lui dit viens c'est ta maison
on n'y voit pas le temps passer
le cadran solaire n'est là
que pour montrer la pierre blanche.



Théo Crassas

Car en Amour
l'échange de cadeaux
est un troc de fruits
de l'Arbre de la Connaissance
qui confine à l'Acte divin!

Extrait de "Algues rouges"  suivi de "Trompettes angéliques"
Éditions associatives Clapas - Collection "Mimésis poiétiké"
__________________________

A la différente

.....
Et dans mes yeux
le canon de tonner
comme une foudre,
capturé dans un anneau
de rubis
qui le fait exploser
en mille bombes
te perçant
et te tuant
pour te ressusciter
tout de suite après
en une fête communarde,
en un feu d'artifice
du Quatorze Juillet
célébrant la chute
de la Bastille de ta pudeur
et où de partout
fuse
la musique de bal populaire
de la volupté parisienne!
.....
Extrait de "Fleuves de pourpre"
Éditions Encres Vives - Collection "Lieu"



Chantal
.....
Oasis quand tu es sable
Phare quand tu es océan
Étoile quand tu es ciel
Lune quand tu es loup
.....
Extrait d'un poème trouvé sur la Liste de poésie


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