Les mondes souterrains
La croyance en l'existence de mondes souterrains
remonte à l'aube de l'humanité. Elle a donné naissance
à de nombreuses légendes, à des mythes religieux et
à une littérature fantastique, parfois mâtinée
de scientisme.
Dans l'Antiquité, l'intérieur
de la terre est supposé être le siège des Enfers. C'est
là que les Grecs Demeter et Orphée iront tenter d'arracher
au dieu du monde souterrain, Hadès, l'un Proserpine et l'autre Eurydice.
C'est également sous terre que Gilgamesh rencontrera Outanapishtim
rescapé du déluge. Pour les chrétiens, le monde souterrain
est associé à la damnation. Dans certains pays d'Asie, il
est celui des dragons et parfois aussi celui des maîtres du monde,
comme l'Agartha. D'après les légendes irlandaises, les divinités
fondatrices du monde celtique, chassées par les envahisseurs, se
réfugièrent sous terre où elles se fondirent parmi
les fées. Enfin, le trésor des Incas aurait été
emporté par eux dans une contrée souterraine, pour le soustraire
à la convoitise des conquistadores.
Au 17ème siècle, certains astronomes,
dont Halley, émettent l'hypothèse d'une terre creuse éclairée
par un minuscule soleil intérieur.
En 1722, un auteur anonyme publie à
Paris la "Relation d'un voyage du pôle arctique au pôle
antarctique par le centre du monde". L'auteur part de Hollande pour
aller pêcher au Groenland. Une tempête se lève en cours
de route et le bateau est entraîné par un fort courant vers
un tourbillon qui s'enfonce dans le sol, au niveau du pôle nord.
Ce tourbillon traverse la terre de part en part pour ressortir au pôle
sud. L'équipage, incapable de lutter contre la force qui l'entraîne,
ferme hermétiquement toute les issues et se réfugie à
fond de cale. Le navire est aspiré par le tourbillon. Une torpeur
s'empare des marins. Lorsqu'ils reviennent à eux, ils ont la surprise
de se retrouver sur une mer calme, de l'autre côté de la terre.
La température étant plus clémente qu'ils ne s'y attendaient,
ils décident d'explorer les terres voisines, avant de regagner l'ancien
monde. Ces îles montagneuses ne sont pas inhospitalières.
On y trouve des plaines herbeuses, des lacs, des marais, des cascades et
beaucoup de grottes. En dehors des oiseaux, qui se laissent attraper à
la main, la faune est constituée d'animaux connus: veaux marins,
ours blancs, renards, crapauds... mais d'une grosseur et d'une force inusitées;
dans la mer les poissons volants sont si énormes et si voraces qu'ils
viennent chercher deux matelots sur le pont pour les déchiqueter
à belles dents. Ce territoire a dû être autrefois habité;
les explorateurs improvisés y découvrent des ruines et une
curieuse construction sur laquelle des caractères étranges
sont gravés. Le navire remonte ensuite vers le nord, en direction
du Cap, en évitant écueils et montagnes de glace. Au Cap,
le narrateur apprend qu'une de ses connaissances est décédée
brusquement quelques jours plus tôt. Comme il la sait sujette à
des crises de léthargie, il fait ouvrir la tombe et ramène
le mort à la vie. Tout le monde regagne ensuite la Hollande sans
histoire.
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La
curieuse construction du pôle sud |
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En 1735-1737, le fécond romancier français
Charles de Fieux de Mouhy rédige "Lamekis ou les Voyages extraordinaires
d'un Égyptien dans la terre intérieure avec la découverte
de l'île des Sylphides" où il fait allusion par trois
fois au mythe de la terre creuse. La première fois, il s'agit de
la narration de l'initiation de Sémiramis, supposée être
une reine égyptienne. Celle-ci, déguisée en homme
parce que seul le roi, lors de son avènement, à le droit
de pénétrer dans cet asile sacré, se fait conduire
par le grand prêtre, dont elle s'est entichée, dans le temple
dédié au dieu Sérapis dans une cité souterraine,
au fond des catacombes mystiques, à plus de mille marches sous terre,
là où est enfermé le Livre suprême aux pages
d'airain; la reine, déçue par le prêtre qui refuse
ses avances, détruit le monde souterrain qu'elle perçoit
comme une menace contre son pouvoir. La seconde fois, il s'agit de la relation
des aventures de Motacoa; ce dernier, fils blanc d'un roi africain, est
descendu encore tout petit avec sa mère, soupçonnée
par le roi d'adultère, pour avoir donné naissance à
un enfant d'une couleur inattendue, dans une corbeille au fond d'un puits
tapissé d'ossements (un souvenir de "Mille et une nuits"?);
là, Motacoa croise un personnage de la cour, condamné injustement
comme sa mère; cet homme va faire l'éducation de l'enfant;
ce dernier rencontre ensuite un chien qui triomphe d'un serpent monstrueux
et d'autres personnages dont une population de vers de terre géants
à tête humaine pourvus d'intelligence. La troisième
fois, c'est l'auteur lui-même qui devient le personnage principal
du roman; en plein Paris, il s'aperçoit un jour qu'il est suivi
par un grand chien noir; plusieurs événements étranges
se déroulent autour de cet animal; une nuit, le chien organise un
bal de danois, éclairé par des barbets tenant dans leur gueule
un flambeau, sous les fenêtre du romancier; la même nuit, un
vers de terre géant rejoint le chevalier de Mouhy dans son lit et
l'enlace; puis les personnages du roman viennent lui reprocher la manière
dont il les a dépeints dans son livre, Sémiramis en tête;
l'écrivain comprend que le chien est celui qui fut rencontré
par Motacoa au fond du puits; le chien guide le chevalier dans les fossés
de la capitale vers une entrée qui donne sur des catacombes païennes;
l'homme et le chien s'enfoncent dans les entrailles de la terre, en suivant
un dédale de couloirs et de grottes; sur les parois sont représentées
les aventures racontés dans les différentes parties du récit;
l'auteur passe devant un miroir qui reflète les productions de son
esprit fécond au lieu de reproduire ses traits; finalement le chien
et l'homme arrivent devant un trône sur lequel siège l'Arménien
dont de Mouhy prétend tenir le récit transcrit dans son roman,
et cet Arménien n'est autre qu'un philosophe du-dit roman. Ces trois
épisodes d'une oeuvre foisonnante d'un écrivain à
l'imagination débridée, et pleine de réminiscences,
ne suffisent cependant pas pour classer complètement le livre parmi
ceux qui traitent du sujet de la terre creuse.
En 1741, l'écrivain
danois d'origine norvégienne Ludwig Holberg (1684-1754), auteur
réputé de plusieurs pièces de théâtre,
publie en latin de manière anonyme "Un voyage dans le monde souterrain
de Niels Klim" inspiré par les idées de Halley. Cet étrange
récit passe pour le premier ouvrage écrit sur le thème
d'un monde intérieur dans une terre creuse. Au cours de son périple,
Niels Klim visite plusieurs États qui rappellent ceux de notre monde,
comme Martinia (la France) ou Quama (la Russie); l'auteur y dépeint
avec humour les travers des peuples dont il a fait la connaissance au cours
de ses voyages. Niels devient temporairement l'empereur de Quama, après
avoir conduit ses habitants à la victoire contre leurs voisins;
une rébellion contre sa tyrannie l'oblige cependant à fuir.
Il revient finalement en Norvège en sortant de terre par un autre
trou que celui par lequel il y était entré (une
analyse détaillée de cet ouvrage est
ici).
En 1750, l'Anglais Robert
Paltock publie "La vie et les aventures de Peter Wilkins". Orphelin
d'un père exécuté par suite d'une rébellion
contre Jacques II, le héros de cette histoire connaît une
jeunesse heureuse jusqu'au jour où sa mère devient la proie
d'un aigrefin qui le dépouille de la fortune amassée par
son grand-père et son père. Devenu marin, il connaît
alors de nombreuses tribulations; captif et réduit en esclavage,
il s'évade en compagnie d'un Africain; avec d'autres Anglais, il
échappe aux Portugais en leur volant un navire; au cours d'une tempête,
il est séparé de la plupart de ses compagnons qui sont descendus
sur terre pour une aiguade; le bateau désemparé, sur lequel
il se trouve, est invinciblement attiré par un énorme rocher
magnétique, sa cargaison étant composée de barres
de fer destinées à être échangées en
Afrique contre des esclaves; le naufrage est d'autant plus inévitable
que Peter Wilkins perd son dernier compagnon, précipité à
la mer en essayant de sauter sur le rocher. Le bateau s'encastre dans une
anfractuosité du rocher et s'y immobilise. Notre héros fait
à plusieurs reprises des excursions en barque autour du rocher,
au cours desquels il pêche plusieurs poissons singuliers, dont une
énorme anguille blanche aux ouïes rouges, et tue sur le rocher
une sorte de lapin aux petites oreilles et aux pieds semblables à
ceux d'une chèvre. Il finit par être emporté par un
fort courant dans une caverne au coeur du rocher. Il échoue sur
une île, au bord d'un lac. Il s'aménage un logis près
d'une grotte et se familiarise avec la faune et la flore inconnues de son
nouveau domaine, dans l'espoir d'y trouver des ressources. Il entend des
voix harmonieuses et assiste à un phénomène inexplicable
sur le lac. Finalement, une jeune femme tombe sur son toit, puis dans ses
bras. Cette jeune femme, qui vole dans les airs au moyen d'ailes semblables
à celles d'une chauve-souris, lesquelles, repliées, lui servent
de vêtement, devient sa compagne. Le couple a plusieurs enfants qui
tiennent plus ou moins de leurs parents, notamment pour ce qui concerne
les ailes et la vue (la clarté du jour offusque les yeux des autochtones
qui semblent presque nyctalopes). La nostalgie ayant gagné la compagne
de notre héros, celle-ci part rendre visite à sa famille
en compagnie de ses enfants qui peuvent voler, car il faut traverser les
mers pour parvenir à son pays natal. La famille de la jeune femme
vient ensuite en visite dans l'île. Peter Wilkins est reconnu comme
l'envoyé du ciel qui doit réunifier le pays, divisé
en deux parties qui se font la guerre, suite à une sécession.
Il est appelé à la cour et s'y rend dans une chaise à
porteur volante de son invention. Dans la terre natale de sa compagne,
les homme sont dépourvus de barbe; on exile les criminels, au loin
dans une île parmi des rochers, à la merci d'une lumière
cruelle, après avoir déchiré avec un couteau de pierre
les membranes de leurs ailes, afin qu'ils ne puissent pas s'échapper;
on s'y éclaire avec des vers luisants déposés dans
des calebasses à la peau translucide et on y cuit les aliments en
utilisant l'énergie des sources chaudes; comme la faune du pays
est inexistante, ses habitants sont végétariens, mais certains
fruits ont le goût de la viande ou de la chair de poissons. On jette
les morts dans un puits profond de la Montagne Noire qui descend jusqu'à
la mer. Peter Wilkins déjoue un complot visant à renverser
le roi et triomphe des rebelles, grâce à une artillerie antiaérienne
improvisée tirée du bateau naufragé. Avant de consentir
à diriger l'armée, s'étant mué en missionnaire
protestant, il a convaincu les habitants du royaume de s'adresser directement
à la divinité sans passer par l'intermédiaire d'une
hideuse idole de terre. A son retour, dans l'apothéose de la victoire,
il obtient l'abolition de l'esclavage. Un peu plus tard, il apprend la
lecture et l'écriture à un enfant du pays et appelle sa femme
et ses enfants auprès de lui, dans la capitale. Il visite ensuite
les alentours d'un volcan en activité, dans le cratère duquel
on précipite les condamnés à mort; les grottes
voisines sont supposées être habitées par des démons;
en fait ce sont des métallurgistes réduits en esclavage qui
exploitent des mines de fer, de cuivre, d'argent et de plomb; Peter Wilkins
défait leurs gardes, leur rend la liberté et annexe le territoire
au royaume des hommes volants qu'il a réunifié. Il se rend
dans une contrée voisine, pour accomplir une autre prophétie;
il y tue le neveu du vieux roi, qui caressait le secret désir de
s'emparer du trône en évinçant la princesse légitime;
et conclut le mariage de cette dernière avec le roi du pays des
hommes volants. Les métaux désormais à la disposition
du royaume des hommes volants, notre réformateur y introduit la
monnaie, donc le commerce; il amène des animaux des contrées
voisines; il ouvre une fabrique de papier, traduit une bible en latin dans
la langue du pays et couronne son oeuvre en propageant le christianisme.
Devenu âgé, veuf et ses enfants pourvus, Peter Wilkins éprouve
le désir de revoir son pays; il sort du gouffre porté par
des hommes volants; le coup de canon d'un vaisseau effraie ses porteurs
qui le laissent tomber dans la mer d'où il est retiré. Ce
roman, qui tient à la fois des "Voyages de Gulliver" et de
"Robinson Crusoé" a charmé Walter Scott, Coleridge,
Charles Lamb et des générations de jeunes lecteurs. Son thème
n'est pas à proprement parler celui de la terre creuse car, si Peter
Wilkins atteint bien le monde qu'il décrit en passant à travers
une caverne, bien des détails laissent supposer que ce monde à
demi nocturne n'est pas souterrain mais plutôt situé au fond
d'un cirque, bordé par de hautes montagnes, au milieu de la grande
île que constitue le rocher magnétique, à proximité
de l'Antarctique. Si la première partie de l'ouvrage, pleine d'invention,
ne manque pas d'intérêt, le ton moralisateur de la seconde,
ses longueurs et son idéologie colonisatrice lassent le lecteur
moderne.
En 1788, Casanova, publie "Icosameron",
dans lequel il conduit ses héros, Édouard et Élisabeth,
chez les Mégamicres, habitants aborigènes du Protocosme,
à l'intérieur du globe terrestre, où les deux personnages
passent 80 ans. On accède à cette contrée souterraine
dans les montagnes de Slovénie. C'est une île gigantesque,
qui flotte sur de la boue et qui est éclairée par un globe
métallique dispensant une lumière rose. Les habitants, fils
du soleil, sont des bébés hermaphrodites (ce qui leur permet
de connaître les deux jouissances: celle active du mâle et
celle passive de la femelle, d'après l'auteur) et ovipares, pas
plus hauts que trois pommes, que l'on élève en couple dans
des cages dès leur naissance, de sorte qu'ils deviennent inséparables
et se comportent en jumeaux, l'un jouant le rôle de la femme et l'autre
celui de l'homme jusqu'à l'époque de leur stérilité
ou les deux prennent le sexe masculin. Seuls les individus de couleur rouge
se reproduisent, ce qui est l'indice de leur noblesse; mais ils peuvent
donner naissance à des êtres différemment colorés
de sorte que toutes les classes sociales se maintiennent. Ces humanoïdes
se nourrissent de leur propre lait, que chaque membre d'un couple suce
sur le sein de son conjoint, à l'exclusion de tout autre aliment,
notamment les fruits, comme les figues, qui sont défendus. Ils offrent
à leurs visiteurs la tétée comme chez nous le verre
de l'amitié. Leur temps est rythmé par les moissons et les
embrasements (le soleil?). Ils considèrent la curiosité comme
un défaut majeur. A l'approche de leur fin, ils se retirent spontanément
dans un lieu de repos. Ils parlent une langue composée uniquement
de voyelles et portent sur la tête un chapeau pointu naturel de même
composition que les oreilles. Leurs constructions sont cubiques; ils vivent
sous terre et la lumière du jour ne pénètre qu'au
dernier étage, à travers les fentes du plafond; ailleurs,
un système d'éclairage, fait de plaquettes de cristal et
d'acier, entre lesquelles on a glissé une matière phosphorescente,
dispense de la lumière artificielle. La faune ressemble à
celle de l'Europe, à l'exception des serpents à tête
humaine, animaux nuisibles que les géants venus de la surface de
la terre s'efforceront de détruire, et des chevaux volants, plus
nombreux que chez nous, pourvus d'une longue queue à deux plumes,
et dont le chapeau de cartilage se rabat sur les yeux pour former des oeillères.
Le verbiage excessif de ce roman en rend la lecture fastidieuse. De plus
Casanova y expose des idées qui choqueront plus d'un lecteur moderne:
dans les temples du monde idéal des géants, l'homme doit
se présenter le visage découvert parce qu'il est la gloire
de dieu et la femme doit porter le voile parce qu'elle n'est que la gloire
de l'homme; ce dernier peut avoir des secrets pour son épouse mais
il est interdit à celle-ci d'en avoir pour son mari!
En 1818, un vétéran
américain de la guerre de 1812, John Cleves Symmes, adresse un rapport
aux autorités américaines pour obtenir des subsides afin
de prouver que la terre est creuse et qu'elle contient d'autres globes
peuplés, disposés les uns dans les autres, comme des poupées
gigognes; la communication avec ces mondes intérieurs serait possible
par des trous percés aux pôles. Symmes parcourt le pays pour
populariser sa théorie et, grâce à l'appui d'un richissime
américain, James McBride, il tente d'influencer le gouvernement
des États-Unis pour monter une expédition aux pôles,
afin d'entrer en contact avec les habitants des mondes intérieurs
à des fins lucratives.
La même année, un Allemand, Steinhauser,
annonce une importante découverte dans une gazette littéraire
de Halle. D'après lui, la déclinaison de l'aiguille aimantée
s'expliquerait par la présence, à l'intérieur de notre
planète, à une profondeur d'environ cent soixante-dix milles,
d'un petit globe tournant autour du centre de la terre, d'occident en orient,
sur une durée de quatre cent quarante ans. Ce petit globe, doué
d'attraction magnétique, serait la cause de la déclinaison
de l'aiguille aimantée. Les calculs de Steinhauser lui auraient
permis de prédire les variations de la-dite aiguille et ces prévisions
se seraient révélées exactes.
En 1820, un ouvrage soi-disant écrit
par le capitaine Adam Seaborn: "Symzonia: un voyage de découverte",
relate une expédition au centre de la terre inspiré visiblement
par les idées de Symmes. On ignore si ce livre est une satire des
théories de Symmes ou si, au contraire, il est son ouvrage; on l'a
parfois attribué à Nathaniel
Ames (1764-1835). Quoi qu'il en soit, le narrateur y décrit un monde
habité par une société nombreuse et hautement civilisée
(une analyse détaillée de
cet ouvrage est ici).
En 1821, Jacques Saint-Albin (qui ne serait
autre que Collin de Plancy) publie "Voyage au centre de la terre".
Ce livre, supposé traduit de l'Anglais Hormidas-Peath, est présenté
comme le récit d'une aventure réelle. Les explorateurs, aspirés
dans un puits perforant le pôle, tombent sur des roches magnétiques,
puis se rendent dans différents lieux, continentaux et insulaires,
où ils rencontrent plusieurs civilisations se partageant la surface
d'une seconde petite terre tournant au centre de notre planète.
Après avoir traversé des endroits sauvages, ils abordent
Albur, où les hommes sont petits, les voitures tirées par
des éléphants pas plus gros que des veaux et où l'on
ne mange pas de chair, ce qui fera exiler nos Européens; ils se
sont en effet avisés d'aller à la chasse, divertissement
qui constitue dans ce pays un crime contre la religion, les animaux y étant
regardés comme des démons chargés de surveiller le
comportement des humains. A Sanor, l'un des visiteurs séduit l'impératrice,
devient pour un temps l'empereur, mais tous les géants venus d'en
haut doivent bientôt s'enfuir, pour échapper à l'hostilité
des prêtres. Au Pays des Banois, où l'on ne parle qu'en chantant,
les habitants répugnent à tremper leurs mains dans le sang
mais les étrangers peuvent chasser à leur guise, surtout
les bêtes carnassières. Les voyageurs, qui repartent pour
bercer leur ennui, traversent ensuite un désert illuminé
par une énorme comète chevelue, que l'on suppose être
le foyer d'un volcan. Une république, libre de moeurs et où
l'on ne pense qu'à s'amuser, est ensuite traversée, c'est
le Pays des Noladans, condamné à terme par sa débauche.
Vient ensuite le Royaume des Félinois, férus de théologie
et de chicane, où l'on accorde un grand crédit aux songes;
Burma, le prophète du pays, y a enseigné que le corps est
un oeuf dont l'âme s'échappe lorsque la mort en brise la coquille;
il a aussi déclaré que les plantes furent créées
pour les animaux et que ces deux règnes de la nature ont été
faits pour l'homme; Burma a promis la félicité à ceux
qui suivraient ses préceptes et l'amertume à ses contradicteurs;
Pour appuyer ses dires, il a accompli des miracles et accablé un
de ses adversaires sous une averse de grêle qui l'a tué, avant
de s'en retourner au ciel sur un éléphant bleu accompagné
d'un phénix; cette fable religieuse, ainsi que les bonnets métalliques
des prêtres, supposés permettre aux dévots de gagner
le ciel, donnent aux Européens l'espoir de revenir sur terre via
une montagne magnétique située sous le pôle sud; sans
doute de nombreux dévots se sont-ils déjà engagés
sur la voie du paradis de Burma et c'est probablement eux qui ont donné
naissance aux légendes relatives aux gnomes; les voyageurs se font
confectionner des bonnets à leurs mesures et, à l'occasion
de la fête de Burma, ils s'élèvent au-dessus du petit
globe, en compagnie d'un Félinois; le passage par le trou du pôle
est quelque peu mouvementé, mais, finalement, tout le monde se retrouve
en Antarctique, de retour à la surface de la terre; malheureusement,
le Félinois, déçu par l'apparence du paradis de Burma,
décède peu après, ce qui enlève au narrateur
le moyen de prouver la véracité de ses dires. Le récit
de cette curieuse excursion, à travers plusieurs populations de
traditions différentes, à la fois si proches et si éloignées
de notre humanité, prend souvent des allures de conte moral dans
le goût du 18ème siècle.
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Personnage
coiffé d'un bonnet magnétique |
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En 1823, McBride introduit une requête
auprès du Congrès des États-Unis pour obtenir des
fonds en vue d'une exploration des pôles. Il échoue par 56
voix contre 46.
En 1829, Symmes meurt sans être parvenu
à ses fins.
En 1838, un adepte de Symmes, Jeremiah Reynolds,
continue d'agir sur le Congrès et finit par obtenir le financement
de l'expédition Wilkes en Antarctique. Cette expédition inspire
à Edgar Allan Poe "Les aventures d'Arthur Gordon Pym". Au
cours de ses pérégrinations à proximité du
pôle sud, le héros de cette histoire parcourt un réseau
compliqué de couloirs souterrains dont les sinuosités ainsi
que des sillons artificiels tracés dans une roche tendre paraissent
dessiner une phrase en caractères hiéroglyphiques; dans cette
région du globe, où la mer est dégagée de glace,
existe une île où tout est noir, du sol à la peau des
habitants et jusqu'à leurs dents, et ces habitants paraissent redouter
tout ce qui est blanc; les animaux étranges y sont également
de couleur sombre; on y observe des phénomènes étranges
et des apparitions singulières; au fur et à mesure que l'on
se rapproche du pôle, l'eau devient de plus en plus chaude, jusqu'à
en être brûlante, et une barrière de vapeurs tombant
du ciel en cataracte bouche l'horizon, en direction du sud. Ce récit
se termine, si j'ose dire, en queue de poisson; Poe affirme qu'il tient
cette histoire étrange de Pym lui-même et que ce dernier a
mystérieusement disparu avant de lui en remettre la fin qui expliquerait
comment il a pu revenir de ces territoires éloignés où
nul n'est jamais allé. Cette particularité inspirera en 1897
une suite à Jules Verne: "Le sphinx des glaces".
En 1864, le même Jules Verne (1828-1905)
publie son "Voyage au centre de la terre". Le milieu creux de notre
planète, éclairé par un soleil intérieur, y
est le refuge d'un monde antédiluvien où se rencontrent des
forêts de champignons géants. Les audacieux visiteurs atteignent
ce monde en pénétrant dans le cratère d'un volcan
islandais éteint et en reviennent à la faveur de l'éruption
d'un volcan sicilien! Cet ouvrage inspirera de nombreux romans populaires
qui broderont sur le même thème en plein vingtième
siècle.
En 1871, Edward Bulwer-Lytton (1803-1873) publie
"La race à venir", une utopie souterraine dans laquelle des
surhommes, réfugiés au centre de la terre, bénéficient
d'une énergie entretenue grâce à un mystérieux
"fluide vril". Ces êtres exceptionnels seraient destinés
à dominer le monde. Cette divagation littéraire aurait inspiré
des sociétés secrètes en Angleterre (Ordre hermétique
de l'Aube dorée) et en Allemagne pré nazie (Loge lumineuse
ou Société du Vril). En captant l'énergie intérieure
et en la soumettant à leur volonté, les adeptes de ces sectes
pensaient pouvoir devenir des surhommes; des dirigeants nazis auraient
été membres de ces sectes. Plus curieusement, le livre de
Bulwer-Lytton aurait pu être à l'origine des travaux de scientifiques
comme Nikola Tesla et son rayon de la mort.
En 1878, un auteur américain, Howard
De Vere, publie en livraisons un "Voyage au centre de la terre"
dans le New York Boys' Weekly.
En 1886, un écrivain mormon, Frederick
Culmer (1822-1892), publie "Le monde intérieur, une nouvelle
théorie" dans lequel on retrouve les idées de Symmes
et d'autres qui lui sont personnelles, notamment sur la gravitation.
En 1888, un auteur australien, Sherry J. Filmore,
publie "Phosphor: an Ischian mystery" dans lequel un jeune homme,
enterré vivant, rencontre une peuplade d'hommes préhistoriques
phosporescents parlant latin. Ils sont dirigés par une reine, à
corps admirable mais à tête de singe, qui souhaite l'épouser
pour régénérer sa race et dont il se défait,
au moyen du venin d'un serpent, avant de revenir à la surface de
la terre, grâce à une éruption volcanique.
En 1892, William Richard Bradshaw (1851-1927)
publie "La déesse d'Atvatabar" un roman où il est
question d'une race perdue, retranchée à l'intérieur
de la terre, dont la civilisation est si avancée que la cavalerie
y est constituée d'autruches mécaniques et que l'on y connaît
le secret de rappeler les morts à la vie. On se rend dans ce monde
souterrain en s'enfonçant dans une grotte située au pôle
nord. Le pays est dirigé par une monarchie élective; les
hommes y ont le teint des boutons d'or; outre les autruches mécaniques,
ils sont dotés de chemins de fer amphibies et de bicyclettes sans
roues, ils savent voler dans les airs, grâce au magnétisme,
et sont même capables de faire pleuvoir à volonté.
Leur monde est éclairé par un soleil intérieur qui
ne se couche jamais. L'or y est un métal commun. La langue atvatabarienne
est si compliquée qu'elle est pire que l'irlandais "que l'on
ne comprend pourtant pas avant d'être ivre-mort"!
En 1901, Robert Ames Bennet (1870-1954), un
auteur de science-fiction américain publie "Thyra" une aventure
qui se déroule au pôle nord où des explorateurs, naufragés
en ballon, découvrent un monde préhistorique souterrain.
En 1904, Franklin Titus Ives publie "La
terre creuse" en hommage à Symmes. La même année
paraît en Nouvelle Zélande "La dernière découverte
de M. Oseba"; dans ce curieux ouvrage, le colonel George W. Bell raconte
l'histoire d'un habitant d'un monde souterrain analogue à celui
imaginé par Symmes.
En 1906, dans son ouvrage "Le fantôme
des pôles", William Reed présente une compilation de rapports
d'explorateurs polaires relatifs à d'étranges phénomènes
inexpliqués, tels que des vents chauds, des dépôts
de poussière, des rochers pris dans des icebergs, de vastes surfaces
libres de glace, des étendues d'eau douce en pleine mer et des aurores
bizarres. Il en conclut que les pôles sont l'antichambre de la terre
creuse. Il prétend également qu'il est impossible d'atteindre
les pôles car ceux-ci n'existent pas, d'où le titre du livre.
En 1909, Emma Louise Orcutt, une Américaine,
dans "Le Sceau divin", associe l'Atlantide aux origines de la race
aryenne, au pôle nord et à la lycantrophie. Le mythe de Thulé
et des hyperboréens n'est pas loin.
En 1914, débute la publication de la
série des "Pellucidar" d'Edgar Rice Burroughs, qui débute
par "Au coeur de la Terre". L'auteur reprend le thème de
la terre creuse, laquelle contient un continent sans horizon, Pellucidar,
éclairé par un soleil fixe; une lune, également fixe,
occulte le soleil à une partie de ce continent appelée Pays
de l'Ombre Sinistre. Des animaux préhistoriques et des peuples primitifs,
humains et non humains, habitent ce monde souterrain dont les habitants
ont la particularité de toujours retrouver leur chemin, où
qu'ils se trouvent. Le peuple dominateur de Pellucidar est composé
de reptiles humanoïdes, uniquement de sexe féminin, qui se
reproduisent selon un procédé chimique; les humains leur
servent d'esclaves et aussi de nourriture.
En 1927, Albert Bonneau publie "La cité
sans soleil", une ville souterraine, dans le désert de Nubie,
que l'on atteint en se laissant engloutir par des sables mouvants, où
les descendants d'Égyptiens fuyant l'invasion assyrienne perpétuent
les traditions le l'Égypte antique. On y parle un langage qui s'apparente
au français!
En 1930, Edgar Rice Burroughs, dans "Tarzan
au coeur de la terre", fait parvenir son héros à Pellucidar
en passant par un souterrain percé à travers le pôle
nord. Le voyage s'effectue en ballon dirigeable.
A la veille de la seconde guerre mondiale,
René Duchesne publie "Terre de mystère", dans la Collection
Voyages et aventures, chez l'éditeur Férenczy . Voici
une analyse de ce petit roman :
Un sculpteur italien raté et sans emploi,
venu tenter sa chance, grâce à l'aide de l'État, qui
encourage les chômeurs à devenir colons, un Espagnol, plus
ou moins polyglotte, fuyant la guerre civile qui ravage son pays, et une
équipe de prospecteurs de pétrole, qui viennent d'échouer
dans leurs recherches, composée de deux ingénieurs,
l'un anglais, et l'autre français, ce dernier accompagné
de sa soeur, avec un guide égyptien et quatre porteurs, se rencontrent
en Libye. L'Espagnol possède un parchemin sur lequel figure l'emplacement
d'une opulente cité antique engloutie lors d'un séisme :
Rhumhia, capitale du royaume de Coelum.
Ils décident de partir en expédition
pour découvrir les vestiges de cette ville. Ils sont accompagnés
de deux pachydermes et d'un chien, fidèle compagnon de la jeune
française. Chemin faisant, le guide égyptien, qui est aussi
archéologue et qui rêve d'être le seul découvreur
des vestiges, empoisonne l'un des deux éléphants de l'expédition
et cherche à égarer les membres de celle-ci au moment où
ils arrivent à proximité de l'endroit où la
cité antique a été ensevelie. Mais les Français
qui le soupçonnent emploient un stratagème pour le forcer
à ouvrir son sac où ils pensent découvrir le poison
dont l'éléphant est en train de succomber. Se sentant pris,
l'Égyptien feint la maladresse et fait tomber son sac dans un précipice.
Un membre de l'expédition descend au bout d'une échelle de
corde.
Il ne trouve pas le sac mais remonte une tête
d'or sculptée aux yeux d'émeraude qui ressemble étrangement
à l'Anglais. De plus, lors de sa descente, il a remarqué
dans le précipice des marches creusées de mains d'hommes
qui s'enfoncent dans la terre. Les membres de l'expédition comprennent
alors qu'ils sont arrivés au but de leurs recherches. Ils obligent
les porteurs, effrayés par la perspective de travailler dans la
bouche de l'enfer, à perfectionner les marches et à en tailler
d'autres sur les bords du gouffre jusqu'à une sorte de plate-forme
percée d'un trou qui doit conduire, pensent-ils, vers les vestiges
de Rhumhia. Munis de lampes électriques et à essence, l'Espagnol,
le Français, l'Italien et l'Anglais s'enfoncent par une échelle
de cordes dans les entrailles de la terre en laissant l'Égyptien
félon à la surface. La jeune soeur du Français, qui
devait rester en compagnie de l'Égyptien, finit par rejoindre les
spéléologues improvisés pour leur apporter une lampe
supplémentaire. Son chien, qui la suit intempestivement, la déséquilibre.
Les poids excessifs des personnes suspendues rompt les filins de l'échelle
et les cinq personnes tombent dans le vide.
Ils atterrissent dans une sorte de grotte sombre,
au plafond situé à peine à trente mètres du
sol, sur une couche d'herbe sèche qui n'amortit qu'imparfaitement
leur chute. Tous sont plus ou moins contusionnés, sauf la jeune
fille qui est tombée sur l'Anglais dont elle est amoureuse. A la
dernière lueur des lampes, ils s'aperçoivent qu'ils se trouvent
dans un immense caveau à l'atmosphère humide où tout
est gris et où ne pousse qu'une médiocre végétation
d'herbe et de champignons lesquels, après essai, s'avèrent
comestibles. Pour s'éclairer, ils brûlent une partie de leurs
vêtements et utilisent leurs briquets jusqu'à ce qu'une sorte
de liane s'enflamme par hasard. Elle se consume en dégageant une
odeur de caoutchouc brûlé et leur sert de quinquet. Ils aperçoivent
alors une sorte de route bordée de lianes qui se communiquent le
feu de l'une à l'autre. Les explorateurs sont bien mal en point:
l'Anglais a un bras luxé, l'Espagnol une épaule démanchée,
l'Italien est moulu comme s'il avait été roué de coups,
le Français semble avoir perdu l'esprit. Ils décident néanmoins
de suivre le chemin vers l'inconnu qui s'offre à eux. Ils arrivent
ainsi jusqu'à un village habité par des géants, mesurant
plus de deux mètres de haut, qui sont les descendant d'un couple
de Rhumhia rescapé de l'ensevelissement de la ville lors d'une éruption
volcanique. Ces géants ont la peau grise et sont mous et gras, en
raison de l'univers confiné dans lequel ils vivent, de l'absence
de soleil et de leur nourriture composée d'herbe pilée, de
champignons et de poissons verdâtres. Ils accueillent les nouveaux
venus comme des divinités car l'Anglais ressemble à la statue
du dieu soleil. Ils leur prodiguent leurs soins d'autant plus facilement
que les étrangers leur ont apporté le feu, une innovation
dont les géants apprécient rapidement les bienfaits, notamment
pour cuire les aliments, en particulier les poissons plus savoureux cuits
que crus. Ces poissons verdâtres, proviennent d'une rivière
intérieure glacée qui jaillit des profondeurs de la terre.
Cependant, en surface, l'Égyptien, qui
se croit définitivement débarrassé de ses compagnons
d'équipée, médite de retourner à Koufra, avec
la tête d'or aux yeux d'émeraude, et d'organiser une nouvelle
expédition à son profit. Mais, au cours de la nuit, un des
porteurs, que le guide avait brutalement châtié à coups
de fouet au visage, et qui avait été soigné par la
jeune Française, s'enfuit avec le pachyderme survivant vers le sud,
dans le dessein de porter secours aux disparus ou, à défaut,
de sauver le chien de sa bienfaitrice qui est resté coincé
sur une plate-forme, dans le trou au fond duquel sont tombés les
explorateurs. Le matin suivant, l'Égyptien et les trois autres porteurs
se lancent à la recherche du fugitif, mais en vain. Ils prennent
alors le parti de se rendre à Koufra en abandonnant tout ce qu'il
ne peuvent plus emporter. Lorsqu'il pense que les quatre hommes sont partis,
le fugitif revient au campement, sauve le chien, non sans péripéties
et, pourvu de vivres en abondance, il décide de rester sur place,
tant que ses provisions ne seront pas épuisées, dans l'attente
d'un quelconque événement.
Pendant ce temps, les explorateurs captifs
du gouffre, se remettent peu à peu en compagnie des géants
gris. Ces derniers les couvrent d'offrandes, de bijoux d'or et d'argent
et de pierres finement sculptées, dont ils semblent d'ailleurs faire
peu de cas. A la jeune Française, qu'ils prennent pour une déesse,
à cause de ses cheveux blonds, ils offrent un lourd collier ornée
des plus fines pierres précieuses. Bientôt, les explorateurs
sont en possession d'un trésor que l'Espagnol, seul compétent
en la matière, évalue à plusieurs millions. Le problème
du retour à la surface se pose. Il n'est pas question de reprendre
le chemin qu'ils ont suivi à l'aller: il est impraticable. Mais
une autre voie doit se trouver quelque part puisque l'air de la grotte
souterraine est respirable. Pourtant, si cette issue existe, comment
se fait-il que les géants gris semblent l'ignorer? Sans doute parce
qu'ils ne savent pas que d'autres hommes qu'eux vivent à la surface
de la terre.
La décision est prise de partir à
la recherche de l'issue providentielle qui permettra aux enterrés
vivants de revenir à la surface chargés des trésors
qu'ils porteront dans les curieuses panières de fibres tressées
confectionnées par les géants gris. Avant le départ,
l'Anglais et la jeune Française se fiancent. L'Espagnol, qui parle
un peu l'hébreu, est parvenu à se faire comprendre du chef
de la tribu des géants gris. Il lui explique que d'autres hommes
vivent sur terre et qu'un chemin doit permettre d'accéder au jour.
Le chef consulte le prêtre de la tribu ; ce dernier lui conseille
de faire confiance aux dieux qui sont sans doute venus les délivrer
du tombeau où une malédiction les a enfouis par suite de
l'impiété des habitants de la cité détruite
par le volcan. La libération des géants gris est d'ailleurs
annoncée par les paroles sacrées que les prêtres se
transmettent de génération en génération.
L'Espagnol et l'Anglais, accompagné
du chef de village, se mettent donc en marche à la recherche de
l'issue. Ils traversent des champs de champignons géants qui ressemblent
à des villages de parasols. Ils rencontrent de grands lézards
gris, des scorpions qui effraient le chef de la tribu. Après avoir
parcouru une douzaine de kilomètres, l'obscurité fait place
à une lumière de plus en plus vive qui laisse supposer que
l'on se rapproche du but. Mais, cette clarté incommode le chef de
la tribu qui n'y est pas habitué. Deux kilomètres plus loin,
nos spéléologues involontaires se heurtent à l'affreuse
réalité. Il y a bien une faille par où passe la lumière
du soleil, mais elle est située à une vingtaine de mètres
de hauteur, au sommet des falaises qui délimitent l'extrémité
de la grotte! L'Espagnol envisage d'escalader ces falaises en y creusant
des marches. Ce ne serait pas pire que d'escalader les Pyrénées
déclare-t-il, seulement les habitants de la grotte souterraine n'ont
ni pioches, ni piolets, ni dynamite! Les trois hommes sont désappointés.
Le chef se jette à genoux et prie, tandis que l'Espagnol frappe
la muraille de ses poings. Cela lui vaut une piqûre de scorpion.
Celle-ci serait mortelle si le chef du village ne savait comment la soigner.
Il entaille la main de l'Espagnol avec une pierre aiguë, fait couler
le sang de la plaie jusqu'à ce qu'il soit pur, et applique dessus
un emplâtre d'herbe sèche. Après quoi les trois hommes
décident de revenir au village. Chemin faisant, de sourds grondements
se font entendre. On croirait le bruit d'un orage. La terre vacille, elle
tremble. Les trois hommes se hâtent. Le chef, à bout de souffle,
est aidé par l'Espagnol. Il implore l'Anglais, le dieu soleil, de
sauver les membres de sa tribu. L'éruption volcanique cause de tout
ce vacarme devient de plus en plus violente. La tribu, qui a quitté
le village détruit par les flammes, se porte à la rencontre
de son chef. Les autres étrangers l'accompagne. Le bonheur des retrouvailles
est de courte durée. Les éléments se déchaînent
et soudain la voûte de la grotte cède et s'effondre sur les
étrangers et les géants gris qui perdent connaissance.
Ils seront sauvés grâce au père
de l'Anglais. Ce dernier, ayant reçu le rapport d'échec envoyé
à la suite des recherches pétrolifères infructueuses,
s'est inquiété de la nouvelle expédition entreprise
par son fils. Il a monté une seconde expédition, beaucoup
plus imposante que la première, et s'est rendu dans le désert.
Il y a retrouvé le porteur, son éléphant et le chien
de la jeune française. Le porteur a indiqué le gouffre dans
lequel ont disparu les Européens. Mais l'éruption volcanique
a éclatée avant que les recherches n'aient pu commencer.
Et, après le cataclysme, le père de l'Anglais et ses auxiliaires
se sont retrouvés devant un véritable chaos, sans grand espoir
de sauver qui que ce soit. Heureusement, il y avait le chien et son flair;
l'animal a tôt fait de déceler la présence des humains.
Les membres de l'expédition sont dégagés et leurs
nombreuses et graves blessures sont soignées, sauf l'ingénieur
français qui n'est pas retrouvé. Une soixantaine de géants
gris, hommes, femmes et enfants, sur les quatre cents de la tribu, sont
également retirés des décombres et il est pris soin
d'eux. Mais seulement une quarantaine survivront. Il est décidé
de leur reconstruire une cité, dans le désert, à l'écart
du monde, et de ne pas ébruiter l'affaire afin qu'ils puissent vivre
en paix.
Cependant l'archéologue égyptien,
parti avec la tête sculptée aux yeux d'émeraudes, pourrait
par ses bavardages faire échouer ce plan généreux.
Heureusement, ce personnage peu recommandable a été poignardé
et étranglé au cours d'une nuit par les trois porteurs qui
l'avaient suivi. Ils lui ont dérobé la tête d'or. Celle-ci
est retrouvée dans la demeure d'un Égyptien à qui
ils l'ont remise en paiement du logement qu'il leur a fourni quelques temps,
les porteurs n'ayant aucune idée de sa valeur. La tête est
authentifiée par les experts comme provenant d'une civilisation
ancienne disparue. Quant aux trois voleurs, ils sont condamnés à
une simple peine de prison, leur tentative d'assassinat ayant échouée.
L'archéologue égyptien, encore vivant, mais peut-être
pris de remords, ne se présente pas à leur procès
et préfère ne plus faire parler de lui.
Tout est donc bien qui finit bien et il est
à peine besoin de préciser que l'ingénieur anglais
et la jeune française convolent en justes noces.
Pendant la seconde guerre mondiale, une expédition
est montée par le gouvernement allemand en direction du grand nord
pour tenter, selon certains, de trouver l'entrée du monde intérieur
supposé peuplé d'êtres extraordinaires.
Pendant les années quarante, un auteur
prolifique, Paul Berato (1915-1961), qui signa ses récits de différents
pseudonymes, dont ceux de Paul Béra, Paul Mystère, Michel
Avril, André Gascogne et Yves Dermèze, reprend le thème
du monde souterrain dans certains de ses romans pour la jeunesse. Citons:
"La cité des Glaces" (1942), "L'Île de l'Épouvante"
(1945), "Le Pays sans Soleil" (1948), "Les Naufragés de
l'Île Bleue" et "Le Messager du Soleil" (1949).
En 1957, l'auteur de bandes dessinées
Edgar P. Jacobs, dans "L'Énigme de l'Atlantide", situe la
mythique civilisation engloutie au coeur de notre planète, sous
une île des Açores. Menacés par un nouveau cataclysme,
les rescapés de l'ancienne Atlantide, qui ont atteint un degré
de développement technologique encore inconnu sur terre et maîtrisent
les voyages interplanétaires, échappent une fois de plus
à la destruction en émigrant dans l'espace.
En 1968, un satellite américain tire
plusieurs clichés du pôle nord. Sur ces clichés, on
croit apercevoir une immense perforation à travers la couche nuageuse.
Il s'avèrera ultérieurement que ce "trou" est en fait
une illusion d'optique.
En 1970, la revue américaine "Soucoupes
volantes", s'appuyant sur les clichés obtenus grâce au
satellite, réactive le mythe de la terre creuse avec une entrée
au pôle. Le centre de la terre serait habité par une civilisation
très avancée et c'est de là que proviendraient les
objets volants non identifiés! Palmer, l'auteur de cette théorie,
un affabulateur qui n'en est pas à son coup d'essai, prétend
que l'amiral de l'US Navy Richard Byrd, célèbre par ses nombreux
survols des pôles, de 1926 à 1956, aurait découvert
un passage souterrain par lequel il se serait rendu en avion à l'intérieur
de la terre où il aurait trouvé des contrées verdoyantes.
Le pseudo-lama Lobsang Rampa (1910-1981) est
également un partisan de la thèse de la terre creuse. Il
se représente notre planère sous les espèces d'une
noix de coco percée au deux bouts, vidée de son lait, et
il explique les aurores boréales par la lumière du soleil
intérieur.
En 1990, le scientifique et auteur de science
fiction américain, Rudy Rucker, publie "La Terre Creuse".
En 1836, à Norfolk, en Virginie, quatre hommes, un chien, et trois
membres d'équipage se dirigent, à bord d'un ballon à
air chaud, vers l'Antarctique, à la recherche d'une des entrées
de la terre creuse. A leur arrivée au pôle sud, ils
creusent un trou dans la glace et tombent à l'intérieur du
globe vers le soleil central. La diminution progressive de la pesanteur
ralentit leur chute et ils se retrouvent en présence d'un monde
peuplé d'étranges créatures. Ils parviennent dans
une jungle où ils rencontrent le "Peuple des Fleurs" qui utilise
un bateau géant à forme de corolle comme moyen de navigation.
Sur le chemin de l'Anormalité, ils croisent les Shrigs, les Tekelili
(une allusion à "Arthur Gordon Pym" d'Edgar Poe?), et Woomoo,
l'ancêtre divin. À l'aide de Woomoo, et d'une soucoupe, ils
pénètrent l'Anormalité qui est le miroir du monde
terrestre où ils régressent de douze ans. Deux des personnages
reviennent sur terre pour raconter leur histoire mais cette expérience
les a radicalement transformés. |