Symzonia : un voyage de découverte
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Cet ouvrage est supposé avoir été écrit par un navigateur, nommé Seaborn, qui aurait eu l'idée de monter une expédition afin de vérifier la théorie de Symmes. Seaborn construisit un navire particulièrement solide et confortable, navigant à voile et à vapeur, capable de surmonter les difficultés d'une navigation à proximité des pôles. Il prit soin de n'employer aucun métal afin d'éviter les conséquences du magnétisme. Animé par la volonté de se rendre, à travers le trou du pole sud, à la recherche des terres intérieures, il fit croire à son équipage que le navire allait chasser le phoque dans les mers du sud.  

L'expédition aborde les Malouines, une terre hospitalière, où Seaborn s'intéresse aux moeurs des pingouins, avant de se diriger vers la Géorgie du Sud. La recherche de la terre des Sandwich demeure infructueuse. Comme l'équipage commence à murmurer, Seaborn expose à ses hommes ses idées sur l'existence probable de terres à proximité du pole sud. Une mutinerie éclate conduite par un certain Slim, un des lieutenants du navire, assoiffé de gain, qui sera le mauvais génie de l'expédition. Heureusement, la découverte d'une terre montre la validité des hypothèses du capitaine. L'équipage décide de donner à cette terre le nom de Seaborn. Après avoir échappé au danger d'une mutinerie, une second danger se présente: dans ces parages, les marées sont d'une telle ampleur que la mer paraît se vider lorsqu'elle se retire. Seaborn redoute que son retour ne prenne les allures d'un tsunami et ne disloque le navire. La vague est effectivement très haute mais, en raison de sa forme, elle soulève le navire au lieu de le heurter de plein fouet et elle le repose dans le lagon, où il est à l'ancre, au lieu de le précipiter sur le rivage. 

Les dispositions sont prises pour qu'une partie de l'équipage reste sur place à chasser le phoque, abondant dans les environs, tandis que le navire poursuivra sa quête de découvertes. Un établissement est construit pour loger les hommes et stocker les fourrures, non sans alarme d'ailleurs car des traces laissent supposer la présence sur l'île d'animaux énormes d'origine probablement préhistorique. Seaborn, qui collectionne des ossements, des pierres et des plantes, suppose que certaines espèces pourraient venir du monde intérieur. 

Le navire repart vers le sud avec Slim à son bord, Seaborn tenant à garder toujours l'oeil sur lui. L'expédition double l'extrémité sud de la Terre de Seaborn qui est nommée Cap du bout du monde. Bientôt, les instruments de navigation deviennent inutiles: la boussole perd le nord. Il faut trouver un passage dans la couronne de glace qui entoure la région polaire, laquelle reste libre pour la navigation une fois franchie la barrière de glace. Au moment de pénétrer dans le monde intérieur, Seaborn découvre une île qu'il nomme Token. Les difficultés s'accumulent en raison de l'inclémence du climat et une nouvelle tentative de rébellion de l'équipage menace d'éclater. 

Heureusement, les parages paraissent habités puisque le navire aperçoit un autre bateau. Il cherche en vain à le rejoindre, mais ce vaisseau s'éloigne étrangement à une vitesse qui laisse supposer qu'une puissante force inconnue le pousse. En le poursuivant, Seaborn pénètre dans le monde intérieur et finit par atteindre une terre qu'il appelle Symzonia en l'honneur de Symmes. Le navire des Terriens de surface entre dans un port à la rencontre d'un monde nouveau où paraît s'être développée une civilisation supérieure. Les Symzoniens ne sont pas très grands mais leur force est prodigieuse et il bondissent comme des gazelles, beaucoup plus haut que les hommes du monde extérieur. Leur peau est blanche et délicate. Ils saluent par un geste bizarre qui ressemble à un pied de nez. Le premier contact est difficile, compte tenu des différences de langage et de comportement. Mais, une fois la communication établie, la population locale se montre accueillante et pourvoit les visiteurs de nourriture en abondance. Les fruits sont notamment exquis et infiniment plus succulents que ceux du monde extérieur. Dans cette immense caverne, la lumière extérieure ne parvient que par ricochet ce qui permet à Symzonia de jouir d'un climat continuellement tempéré propice à la vie. 

Seaborn se familiarise avec cette civilisation idéale qui rappelle l'harmonie du jardin d'Éden. Le pays est dirigé par un Meilleur, assisté d'une assemblée de Valeureux lesquels se subdivisent en trois ordres, celui des Bons, celui des Sages (les philosophes) et celui des Utiles (les inventeurs). Les natifs travaillent peu et jouissent d'importants loisirs parce que leurs besoins sont limités au strict nécessaire. L'envie leur est inconnue et chacun semble uniquement préoccupé du bonheur commun. Ceux qui se laisseraient gagner par le vice sont d'ailleurs exilés à proximité du trou du pôle nord, dans une région où la chaleur est plus ardente, et où ceux qui survivent voient leur peau perdre sa belle couleur blanche pour devenir de plus en plus foncée. On peut supposer que le monde extérieur a été peuplé, au moins en partie, par ces relégués dépravés. 
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On trouve sur cette terre intérieure de l'or et de l'argent en abondance mais peu de fer et c'est ce métal qui, étant le plus rare, est le plus prisé d'autant qu'il est aussi plus utile. Le Symsoniens ne mangent pratiquement pas de viande, si l'on fait exception des coquillages qui, étant inertes, s'apparentent pour eux aux règnes végétal et minéral. Ces coquillages produisent de très grosses perles dont on orne les maisons; ces perles dissoutes donnent une peinture dont on revêt les murs intérieurs, ce qui leur donne l'apparence irisée de la nacre. Les vêtements sont fabriqués à partir de la toile d'une sorte d'araignée de roches qui possède les propriétés ignifuges de l'amiante. 

Seaborn est reçu par le Meilleur. Il obtient l'autorisation de rester à l'ancre jusqu'à la période où son retour vers les terres extérieures pourra s'effectuer sans danger. Il en profite pour se familiariser avec la langue locale, les coutumes et à lire les ouvrages de ce monde merveilleux, rempli de sagesse, où tous les gens sont égaux, femmes comprises. Il apprend que les Symzoniens sont profondément hostiles au commerce avec l'extérieur. Ce ne fut pas toujours le cas. Autrefois, les productions d'une autre contrée, Belzubie, étant moins chères que celles de Symzonia, cette dernière se livra à l'importation. Beaucoup de Symzoniens se laissèrent alors corrompre par l'oisiveté et il fallu les exiler. La décision fut prise d'interrompre ce commerce qui dépravait la population. Mais les Belzubiens ne l'entendirent pas de cette oreille; ils voulurent imposer par la force le maintien des flux commerciaux. La résistance à l'invasion posait problème car bien des Symzoniens estimaient le meurtre d'autres hommes, quelle qu'en soit la raison, incompatible avec leurs valeurs. Finalement, un ingénieux inventeur fabriqua un engin volant à réaction dont la puissance destructrice était si grande que le montrer suffit à faire se débander l'armée de Belzubie frappée de terreur. Depuis ce temps, des engins volants sont employés à des fins pacifiques par les Symzoniens et c'est aussi grâce à ce type de propulsion que leurs navires sont si rapides. Mais le commerce international a été banni à jamais. 

Seaborn est engagé à rédiger un récit expliquant comment vivent les gens du monde extérieur. Horrifié par ce récit, un Sage propose de réduire l'auteur et son équipage en esclavage, proposition qui entraîne heureusement la destitution du Sage. Seaborn souhaiterait charger son navire d'une cargaison de perles mais il ne sait trop comment aborder ce sujet avec le Meilleur; il redoute que celui-ci n'interprète sa demande comme un indice de la cupidité des habitants du monde extérieur. Il n'aura pas à s'interroger longtemps sur la manière de s'y prendre pour arriver à ses fins; le Meilleur le convoque pour lui faire savoir que les Symzoniens, édifiés par les moeurs inqualifiables des habitants du monde extérieur, les visiteurs sont invités à quitter dans les plus brefs délais Symzonia, maintenant que le voyage de retour est possible sans risque démesuré; le monde intérieur ne veut pas courir le risque d'une contamination par le mauvais exemple! Mortifié d'être traité en pestiféré, Seaborn plaide sa cause en disant qu'il est Américain et que les moeurs qu'il à décrites ne sont pas les siennes mais celles des habitants d'une île du monde extérieur proche du pôle nord (l'Angleterre peut-être?). Le Meilleur reste intraitable et notre explorateur, chassé des terres qu'il vient de découvrir, se console en obtenant l'autorisation d'en emporter quelques ouvrages qu'il se propose de traduire (les moyens de défense de Symzonia en sont évidemment exclus). 

Le retour s'effectue par Token Island jusqu'à la Terre de Seaborn où l'établissement de chasse aux phoques regorge de peaux. Les hommes sont absents, ce qui entraîne des murmures dans l'équipage, lequel accuse Seaborn d'avoir voué ses hommes à une mort certaine. Slim souffle à nouveau sur les braises de la révolte. Mais les chasseurs de phoques reviennent bientôt d'une dernière expédition de chasse fructueuse et tout rentre dans l'ordre. 

Le navire fait voile vers Canton où Seaborn espère vendre ses fourrures. Au passage, il découvre des îles auxquelles on attribue le nom d'Albicore, celui des lieutenants qui les a vues le premier. Le capitaine décide de tenir secrète la découverte du monde intérieur; il pense d'abord que l'on tiendra pour fou le premier qui en parlera; c'est ce qui est arrivé à un Sage de Symzonia qui, par de savantes déductions, était parvenu à mettre en évidence l'existence d'un monde extérieur, ainsi que l'ont révélé à Seaborn les documents qu'il a eu entre les mains, et cet exemple lui a servi de leçon. En second lieu, Seaborn imagine que, si ses révélations étaient crues, une bande de rapaces sans scrupule fondraient sur le monde intérieur et iraient certainement jusqu'à le priver de la paternité de sa découverte. Le capitaine expose à son équipage ses raisons de sa discrétion. Il est entendu par tous, sauf par Slim qu'il faudra enfermer dans sa cabine afin de retenir sa langue aux escales. 

Les peaux sont vendus avec profit à Canton où le navire est chargé de produits chinois, avant de faire route vers les États-Unis, via l'Océan indien. Au cours de la navigation, Seaborn perd ses papiers qu'il avait mis à sécher dans sa cabine. Un moment d'absence a suffi pour qu'un intrus les disperse et les jette à la mer. Slim est suspecté, mais les preuves formelles manquent; de plus, un singe, qui navigue avec l'équipage, peut fort bien être aussi l'auteur du désastre. A proximité de l'Île de France, une terrible tempête secoue le navire. Une secousse plus forte que les autres ouvre un sabord et les caisses contenant la collection d'ossements, de plantes et de minéraux tombent à la mer avec les livres ramenés de Symzonia. Slim, qui tentait sans doute par cupidité de sauver sa part du naufrage, périt victime des éléments déchaînés. 

Aux États-Unis, Symzonia et ses moeurs bienveillants sont désormais bien loin. Au lieu de traiter avec l'un de ses amis dans le besoin, Seaborn charge un commerçant, qui a pignon sur rue à New-York, Mr Slippery, de procéder à la vente aux enchères de sa cargaison, en échange d'effets de commerce à tirer sur lui dans le futur. Escomptant les profits qu'il retirera de la vente, Seaborn, s'endette pour acheter une maison. La fortune lui sourit. De nombreux amis l'entourent, attirés par l'or comme les mouches par le miel. Hélas, cette félicité est de courte durée. Slippery fait faillite et, de la cargaison, il ne reste que l'impôt à payer au Trésor américain! Seaborn, ruiné, doit vendre sa maison à vil prix, l'immobilier ayant baissé. Il ne peut même plus naviguer car, en tant que débiteur du gouvernement, il n'a pas le droit de quitter les États-Unis. Il ne sait pas le matin ce que sa famille mangera à midi et encore moins le soir. Il n'a plus aucun ami, à part un de ses anciens marins qui lui ouvre sa maigre bourse. En désespoir de cause, les ouvrages de voyage se vendant bien, il en est réduit à rédiger ses souvenirs, avec l'espoir incertain d'en tirer quelque argent pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants.

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