Le voyage dans le monde souterrain de Niels Klim
(D'après le roman de Ludwig Holberg)
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Après avoir obtenu ses diplômes universitaire, Niels Klim retourne dans sa patrie. Il n'y trouve pas d'emploi et végète en visitant les environs. Intrigué par une caverne d'où sort un souffle ressemblant à celui d'un ronfleur, il décide d'en explorer les profondeurs. Il se rend donc à la bouche de cet abîme, convenablement pourvu d'outils et de nourriture, et entreprend de descendre dans le gouffre. Malheureusement, avant qu'il n'en ait touché le fond, la corde se rompt et il est précipité dans le vide, un croc et un morceau de corde en mains. La chute semble ne devoir jamais finir. Pourtant, au bout d'un long moment, il sent que sa vitesse ralenti. Il se satellise autour d'un astre qui gravite au centre de notre planète et il apprendra plus tard que les habitants de cette terre intérieure l'on prit d'abord pour une comète, avec sa corde flottant derrière lui. Il est attaqué par un méchant griffon volant avant d'atterrir doucement sur le sol d'un monde inconnu. Il va y vivre de nombreuses aventures et rencontrer des peuples tous plus bizarres les uns que les autres, la plupart étant des arbres ou des animaux, qui pourtant ne sont pas sans présenter de nombreux points communs avec les humains.  

Dans la principauté de Potu, peuplée d'arbres, on pend les innovateurs dont les inventions ne sont pas indiscutablement utiles à la société; les emplois les plus élevés sont réservés aux cerveaux les plus lents, la vivacité d'esprit étant considérée comme l'indice d'un manque de réflexion; Niels est mortifié d'apprendre que, malgré tous ses diplômes, on ne le juge bon qu'à servir de coureur, en raison de l'agilité de ses membres inférieurs; il conteste ce jugement devant le prince; celui-ci consent à ce qu'il passe un nouvel examen; le nouvel examen ne lui ayant pas été favorable, il s'est rendu coupable de calomnie à l'encontre des premiers examinateurs; cette faute devrait lui valoir une saignée des deux branches (les deux bras) et le cachot; heureusement, le prince lui fait grâce, en raison de son ignorance des lois du pays, et l'affecte, comme coureur, auprès d'un arbre à onze branches, capable de rédiger onze lettres à la fois; une égalité parfaite règne entre les Potuans qui ne sont distingués que par le nombre de leurs branches; les femmes peuvent accéder, comme les hommes, à tous les emplois; les plus riches sont les plus civils à l'égard des autres, pour la raison que c'est à eux qu'ils savent devoir leur aisance; un cocu, qui a supporté sans récriminer les écarts de son épouse, est élevé à la dignité de professeur, car il faut beaucoup de patience pour enseigner; ceux qui discutent de l'essence et des attributs de la divinité sont enfermés dans des asiles d'aliénés; les joutes oratoires sont des spectacles de cirque où les deux champions sont stimulés à coups d'aiguillons; quand une cause est introduite en justice, l'identité des antagonistes est cachée, afin de ne pas biaiser la décision des juges...   

A force de courir à travers la principauté, Niels découvre beaucoup de choses qu'il note et dont il fait un ouvrage qu'il soumet au prince; celui-ci le goûte fort et autorise le voyageur surterrain à se rendre dans les pays voisins.   

Les habitants de Quamfo ne sont jamais malades mais ils n'en sont pas plus contents pour cela car ils ignorent qu'ils pourraient l'être.   

Les Lalaciens ne sont pas plus heureux que ceux de Quamfo car, n'ayant pas besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins, ils vivent dans l'indolence et sont perclus de maladies.   

Les habitants de Mardak sont tous des cyprès qui ne diffèrent que par la forme, le nombre et la position de leurs yeux (ceux qui n'en ont qu'un le portent derrière la tête comme un rétroviseur); Niels assiste, à Mardak, à la flagellation d'un vieillard condamné comme hérétique, pour avoir affirmé qu'une table était carrée, quand la multitude la voyait ronde; notre voyageur se hâte de quitter cette contrée, avant que son dos ne goûte du fouet, puisque lui aussi la voit carrée.   

La principauté de Kimal regorge de richesses: or, argent et perles, ce qui ne rend pas ses habitants plus heureux car elle est infestée de voleurs, particularité qui oblige les Kimaliens à vivre perpétuellement dans la crainte et le soupçon.   

Dans le petit royaume de Quamboia, tout est sans dessus dessous; les vieillards y ont la verdeur et tous les défauts de la jeunesse et ce sont les jeunes gens qui les ramènent à la raison avec un martinet.   

A Cokléku, les hommes, soumis aux femmes, s'adonnent aux travaux ménagers et se prostituent; les messieurs qui vendent leurs charmes sont fouettés en place publique comme en Europe les catins; les femmes battent leurs maris; Niels, qui a été remarqué pour sa bonne mine, redoute d'être saisi par les sbires de la reine et enfermé dans son sérail, où croupissent trois cents beaux éphèbes!   

La crainte lui donne des ailes et il s'enfuit au pays des Philosophes, Mafcattia, par un chemin raboteux et malaisé; la capitale de cette contrée est gardée par des oies; les habitants du pays y vivent parmi les porcs au milieu des crottes; comme Niels s'arrête devant le socle d'une statue, pour déchiffrer le texte écrit dessus, il sent un liquide tiède lui couler sur le dos: c'est un philosophe qui lui pisse dessus, du haut de son piédestal, selon la coutume du pays où l'on soulage sa vessie en méditant; Niels riposte, il est aussitôt entouré par une foule vociférante qui le roue de coups de bâton; traîné dans une maison, on l'y jette au fond d'un réduit; des visiteurs l'en sorte pour l'amener dans une salle de dissection où un chirurgien, frappé par les étrangetés de son anatomie, se dispose à lui ouvrir le ventre pour voir ce qu'il a dedans; la femme du chirurgien, fait sortir notre homme de la maison par une porte dérobée et l'emmène hors de la ville; mais les bons sentiments de la dame ne sont pas désintéressés: elle se plaint de l'indifférence de son époux, qui sacrifie son devoir conjugal aux joutes philosophiques, en espèrant que celui qu'elle vient de sauver de la dissection la dédommagera; la froideur de son débiteur ne fait que l'enflammer davantage; Niels hâte le pas et se sauve finalement, grâce à l'agilité de ses jambes, poursuivi par les imprécations de la furie qui le traite de chien ingrat.   

Le village de Nakir est traversé rapidement; les villageois assurent Niels de leur probité; à peine sorti de là, notre homme rencontre un voyageur, chargé d'une lourde malle, qui le félicite de s'être tiré sain et sauf d'un endroit habité par des fripons.   

Niels se rend ensuite au pays de la Raison, en traversant un lac de couleur rouge foncé; ce pays est peuplé de logiciens et Niels se félicite d'abord d'être tombé au milieu de tant de sages; il déchante vite quand il s'aperçoit que l'ardeur mise à l'activité intellectuelle manque à celle qui sert habituellement ailleurs à se procurer les premiers biens de l'existence; il en retire la leçon que la sagesse n'est rien, sans un grain de folie; les Raisonneurs envoient d'ailleurs une partie de leur peuple coloniser d'autres terres pour les remplacer par des fous enlevés dans les pays voisins; Niels est lui-même menacé d'être retenu comme étant cinglé; il quitte sans regret ce pays.   

Il en parcourt plusieurs autres de peu d'intérêt avant d'arriver dans la province du Cabac, dont les habitants n'ont pas de tête, donc pas de cervelle, et parlent par une bouche ouverte sur leur estomac.   

A Cambare et Spélek tous les habitants sont des tilleuls; ils se différencient par leur espérance de vie: 4 ans à Cambare et 400 ans à Spélek; les Cambariens atteignent l'âge adulte quelque mois après leur naissance et passent le reste de leur vie à penser à la mort; on se croirait dans la république de Platon. Les Spélekiens dépensent leur vie dans le vice et les plaisirs, ce qui leur donne l'illusion qu'elle ne dure pas plus que celle des Cambariens.   

Les habitants de Spalank sont innocents et d'humeur pacifique; ils exercent tous les métiers, sont amis avec leurs voisins et n'ont pas besoin de lois pour être gouvernés; ils n'ont ni écoles, ni prisons, ni châteaux, de sorte que l'on a l'impression d'être chez eux au milieu d'une forêt d'anges.   

Les habitants de Kiliac portent, marquée sur leur front, la date de leur mort; ils passent leur temps à compter les jours qui leur restent à vivre.   

Ceux d'Askarak sont des monstres qui peuvent posséder jusqu'à sept têtes; on vénère ces heptacéphales mais, comme chaque cerveau pense une chose différente, ce qu'ils élaborent est si confus qu'il faut des siècles pour le débrouiller; on les montre comme curiosités anatomiques dans les ménageries, sauf ceux à qui l'on coupe six de leurs têtes. D'Askarak à Bostanky s'étend un désert.   

Les Bostankis ressembleraient aux Potuans si leur coeur n'était pas placé dans leur culotte, ce qui en fait les plus poltrons des êtres; ils paient tribut à un peuple guerrier voisin pour les protéger, ce qui n'empêche pas les maris de battre leurs épouses comme du plâtre.   

Les Maskattes usent leur vue à regarder les étoiles dans des lunettes, ce qui fait qu'ils ne voient plus rien de matériel, renversent tout sur leur passage et ne peuvent être employés que dans les mines.   

Mutak est peuplé de saules; Niels y assiste à la punition d'un individu qui avait la démangeaison d'écrire; des médecins, qui font office de bourreaux, lui administrent force purges et une chaise percée préfigure la chaise électrique; les apothicaires tiennent à la disposition de la justice des laxatifs spécialisés pour chaque sorte crime; il existe même des livres dont la lecture procure de violentes tranchées.   

A Mikrok, peuplée de cyprès, Niels est accueilli par les ronflements des dormeurs, car on y consacre 19 heures au sommeil, sur les 23 de la journée, encore passe-t-on le reste à veiller; les habitants portent sur le front des sortes de loupes qui changent de volume suivant l'heure; il en découle, lorsqu'elles sont enflées, une humeur qui les contraint à fermer les yeux; pour remplir toutes les tâches de la vie, on y abrège les sermons et on va directement à l'essentiel.   

A une journée de Mikrok, s'étend le pays des Makrokans, ceux qui ne dorment jamais; à Makrok, tout le monde s'agite, comme s'il y avait le feu à la ville; Niels est accablé de verbiage pour des riens; des bibliothèques entières sont publiées pour exposer des futilités; le moindre traité comporte plus de 10 volumes; les Makrokans sont des cyprès comme les Mikrokans, mais ils n'ont pas de loupe sur le front, pour leur malheur, et, en remuant comme des diables, ils ne font pas la moitié du travail accompli par leurs voisins; la sève qui coule dans leurs veines est plus épaisse qu'ailleurs; on dit qu'il s'agit de vif argent; elle produit d'ailleurs le même effet que ce dernier dans un thermomètre.   

A deux journées de Makrok, Siklok est une petite république divisée en deux provinces alliées mais régies par des lois différentes; dans la première, le luxe est banni; les mendiants abondent, les pauvres n'y ayant pas d'ouvrage parce que les riches se contentent du strict nécessaire; dans la seconde, on fait constamment bombance et tout le monde trouve un emploi.   

Lama est le siège d'une faculté de médecine réputée; les médecins se bousculent dans les rues; les morts y sont plus nombreuses que les naissances, des épidémies y exerçant perpétuellement leurs ravages; Niels s'empresse de gagner un lieu sans docteur et sans épidémie!   

Dans le pays Libre, chacun est son propre juge; l'effigie de la Liberté est partout arborée; cependant les factions déchirent la contrée en proie à une guerre civile permanente.   

Jochtan est le réceptacle où sont venues se mêler toutes les religions; la tolérance doit y être scrupuleusement respectée, sous peine de mort, et la société entière vit dans la concorde et l'harmonie, discutant sans acrimonie des divergences d'opinion; Niels en conclut que la liberté de penser est un gage de tranquillité.   

Le pays de Tumbac confine à la principauté de Potu; les Tumbaques sont des oliviers; ils sont à la fois dévots et brutaux; après une longue attente, un aubergiste y régale Niels d'un mauvais brouet tout en maugréant; notre voyageur se retient de toute remarque, sachant combien il est dangereux d'agiter la bile des dévots; les Tumbaques prêchent la tempérance, ce qui ne les empêchent pas de se griser!   

De retour à Potu, Niels montre ses notes de voyage au prince qui les fait imprimer; l'ouvrage remporte un grand succès. Ce succès ne change cependant rien à la fonction de notre homme qui, malgré la bienveillance du prince, est remis à sa place dès qu'il s'avise d'oser espérer un changement de statut. Fort de l'expérience acquise à Cokléku, et des dangers que représente un pouvoir à la discrétion des femmes, Niels élabore un projet de réforme visant à écarter celles-ci des emplois publics; mal lui en prend, le Sénat le condamne à mort, en application de la loi qui frappe les innovateurs de mauvais aloi, mais, en raison de son caractère d'étranger, le prince commue sa peine en bannissement. On profite de la migration des oiseaux de poste, qui viennent régulièrement à Potu se nourrir des mouches y pullulant à certaines époques, pour expédier Niels et ses compagnons d'exil vers le Firmament, enfermés dans des cages attachées aux volatiles (Allusion à un voyage interplanétaire).   

Au Firmament, Niels est accueillis par des singes aussi laids qu'ils sont affables; ses nouveaux hôtes ne s'étonnent que de l'absence de sa queue. On l'emmène dans une grande maison brillante de miroirs et de pierreries, c'est celle du consul qui désire l'interroger. On lui apprend d'abord la langue du pays pendant trois mois; la durée inusitée de cet apprentissage lui vaut le surnom de nigaud, après celui d'étourdi attribué par les Potuans; au Firmament, on n'apprécie en effet rien tant que les bavards. Le consul envisage d'offrir Niels à un sénateur, afin de tirer quelque bénéfice d'un cadeau si peu habituel.   

Le pays où a échoué notre téméraire voyageur porte le nom de sa capitale, Martinie, célèbre par sa situation et par la beauté de ses ouvrages. Son gouvernement est aristocratique mais les innovateurs y sont prisés plus pour la fécondité de leur esprit que pour les bienfaits tirés de leurs inventions. Le consul, issu de la plèbe, s'est avancé de cette manière. Rendu dans la capitale accompagné de son cadeau, le consul est assailli par une armée d'attifeurs qui s'occupent de sa présentation: on fait briller son épée, on mesure ses habits, on attache des rubans à sa queue... Devant tant de soins donné à un mâle, Niels se demande ce que ce doit être pour des femelles; celles-ci sont couvertes de plusieurs couches de fards; la sueur fait dégouliner cet emplâtre et il se dégage d'elles une odeur de sauces mêlées à faire vomir: on ne sait pas ce qu'elles sentent mais on sait que ce n'est pas bon!   

Niels est présenté au syndic, second personnage du Sénat, qui lui parle avec la loquacité d'un barbier. Le syndic consent, malgré l'évidente sottise de notre voyageur, à l'employer parmi sa domesticité. Niels, promu porteur de chaise, est chaudement félicité par la valetaille qui l'assaille de questions sur ses origines. Après une nuit agitée par la déception d'avoir été traité en larbin, un sapajou attache une queue postiche au derrière de notre voyageur afin qu'il fasse bonne figure, si l'on peut dire, parmi les autres porteurs. Niels commence son emploi en trimbalant son maître jusqu'à l'Académie; ce dernier y est reçu en grande cérémonie; ceux qui l'accueillent lui montrent leur dos et leur queue, et c'est la raison pour laquelle on orne richement les queues.   

La séance de graduation d'un nouveau docteur commence par un débat sur le thème de savoir si le bruit émis par les mouches provient de leur bouche ou de leur derrière; chacun défend son opinion avec tant de feu qu'il faut toute l'autorité du Sénat pour que la discussion ne se termine pas en pugilat, et ce malgré la musique jouée pendant le débat pour adoucir les moeurs; à la fin, tout le monde se congratule, on verse un seau d'eau sur la tête de l'impétrant, on le parfume d'encens et on lui administre un vomitif pour l'engager à se défaire de ses anciens vices, après quoi on le déclare docteur et on le raccompagne en fanfare à son logis traîné dans une brouette; un festin pantagruélique clôt la cérémonie.   

Dans ce pays, les procès sont jugés avec une telle célérité que mieux vaudrait tirer la sentence à pile ou face! Les lois y changent aussi rapidement que la mode des habits; il n'y a que la nouveauté qui soit prisée; il arrive ainsi que l'on punisse des crimes qui n'en étaient pas lorsqu'ils furent commis et, en appelant d'un tribunal à l'autre, pour faire durer une affaire, un coupable est presque toujours sûr d'être absout. On admire beaucoup la subtilité des avocats qui font triompher de mauvaises causes et l'art avec lequel les théologiens obscurcissent les questions les plus lumineuses; il est plus important de flatter les oreilles que de persuader.   

La légèreté de ce peuple de singes n'a pas d'exemple (c'est la France qui a servi de modèle!). Comme Niels est conscient de l'intérêt que portent les Martiniens aux innovateurs, il conçoit un projet utile à la population; malheureusement pour lui, ce projet n'est pas assez fou pour plaire, aussi n'est-il accueilli que par des railleries; pour se tirer de son état vil, il faudrait que notre voyageur trouve quelque chose qui soit digne de la potence ou de l'exil! Niels passe en revue les extravagances européennes et s'arrête sur la perruque; il en confectionne une avec du poil de chèvre; elle plaît à son maître, et plus encore aux sénateurs qui souhaitent la réserver à la noblesse; l'interdiction faite à la plèbe d'en porter stimule son envie; des milliers de roturiers achètent des titres de noblesse à seul fin de s'entignasser; devant un tel engouement, aucune barrière sociale ne peut résister; l'interdiction est levée et l'inventeur passe à la postérité simiesque: il est ennobli et son nom de Kakidoran devient celui de Kikidorian; les poètes lui découvrent des origines antiques et vont même jusqu'à louer la grâce de sa queue; un noble lui offre les faveurs de sa femme en échange d'une recommandation auprès du syndic.   

Las, tant de prospérité devait avoir son terme; l'épouse du Syndic s'entiche du noble inventeur; elle finit par lui avouer sa flamme; comme la perspective de partager la couche d'une guenon ne sourit que très modérément à notre héros, il décline l'offre. La passion de la dame se change en haine; elle dénonce à son mari de prétendues tentatives de viol. Niels, condamné avant d'avoir été entendu, est jeté dans un cul de basse fosse; il échappe à la mort en avouant un crime qu'il n'a pas commis. Le voici déchu, ses lettres de noblesse brûlées, condamné à ramer sur les galères d'une sorte de Compagnie des Indes qui vont chercher les produits exotiques en Mézendorie.   

La galère lève l'ancre par un temps favorable et navigue d'abord seulement à la voile; mais lorsque le vent tombe, Niels commence à déplorer son sort. Heureusement, le capitaine est un amateur de perruques; il retire le piètre rameur de son banc, pour le hisser à la dignité de friseur de perruque privé. La nef traverse des parages où la mer est peuplée de sirènes avant d'aborder dans un port de Picardanie.  

Aussitôt une pie se met à voler au-dessus des vergues; c'est l'inspecteur général des douanes et gabelles. Un groupe de pies inspecte les cales; de l'herbe flac, produit de contrebande, y est découvert; cette herbe est très prisée des indigènes; il y en a bien chez eux, mais ils trouvent meilleure celle des autres. Le capitaine adoucit le sourcilleux inspecteur général des douanes en lui en offrant une poignée. Le navire peut être déchargé, ce qui attire une foule de pies commerçantes. Le capitaine et Niels sont invités à dîner chez l'inspecteur général des douanes. On mange par terre, parce que les pies ne peuvent pas s'asseoir. Ensuite, on visite une bibliothèque où les ouvrages sont minuscules. Les maisons des Picardans ressemblent aux nôtres mais ils dorment dans des lits suspendus sous les toits. Les Picardans, en guerre contre les grives, viennent tout juste de perdre une bataille, ce qui a valu au malheureux général vaincu d'être sévèrement puni: on lui a rogné les ailes. Sur les lieux de cette bataille aérienne, la mer est couverte de plumes.   

L'équipage débarque ensuite au pays de la Musique précédé d'une basse. Personne n'apparaît sur le rivage désertique; mais, au premier son de trompette, surgissent une multitude de basses marchant sur un pied. Ces curieux êtres se parlent par symphonies. C'est dans cette langue harmonieuse qu'est discuté le prix de la cargaison et négocié l'échange. Dans ce pays, les criminels sont condamnés à la privation de l'archet, c'est-à-dire de la parole.   

Une odeur puante annonce l'approche de la Pyglossie, contrée habitée par des humanoïdes dépourvus de bouche qui parlent par l'anus. A leur départ du pays, les indigènes souhaitent bon vent aux navigateurs en les saluant du derrière et Niels prend conscience des inconvénients d'un excès de civilité.   

La terre glaciale est le pays le plus désolé qui se puisse imaginer. Les habitants vivent sur les hauteurs neigeuses ou dans des cavernes pour éviter les rayons du soleil qui les feraient fondre. Les condamnés à mort sont attachés à des pieux dans le fond des vallées où la température est plus élevée.   

Tous les pays rencontrés au cours de la navigation sont sous la juridiction de l'empereur de Mézendorie. Dans cet empire, toutes les bêtes et toutes les plantes douées de raison ont droit de bourgeoisie et, malgré cela, une parfaite harmonie y règne. Les lois sont adaptées à cette diversité: la vaillance des lions les prédispose aux emplois d'officiers, la sagacité des éléphants en fait d'excellents sénateurs, les caméléons servent à la cour, les renards sont ambassadeurs, les boucs sont philosophes ou grammairiens à cause de leur barbe, les oiseaux sont courriers, les chiens sont sentinelles, les arbres ont les emplois de juges à cause de leur modération... les défauts des uns étant les vertus des autres: il suffit de mettre chacun à sa place pour que tout aille bien.   

Dès l'arrivée du navire dans le port, un loup maigre monte à son bord accompagné de quatre oiseaux; ils s'emparent des choses qui leur plaisent, montrant pas là qu'ils ne sont pas novices en leur métier. Le capitaine et Niels descendent à terre; aux portes de la ville, les nouveaux venus sont accueillis par un coq qui leur demande de décliner leur identité et de préciser leurs intentions. Le directeur de la douane, prévenu, les invite à souper. Sa femme, une très belle louve, ne sera pas présente: ce fonctionnaire est très jaloux et ne laisse jamais son épouse à portée des gens de mer, ceux-ci trop longtemps sevrés, se jetant sur la première femelle venue. Les femmes ne sont pourtant pas absentes du repas; Niels mange à côté d'une imposante truie, épouse d'un inspecteur des cloaques, fort sale, qui ne se lave visiblement jamais les mains, mais qui sert tout de même son voisin avec celles-ci par politesse. A la fin des agapes, Niels comprend que la truie en pince pour lui; l'interprète l'engage à fuir promptement car la femelle remuera ciel et terre afin d'assouvir ses instincts lubriques.   

Lors du voyage de retour, les lamentations des sirènes laissent présager un orage; on ferle les voiles; une effroyable tempête se lève; le navire fait eau de toute part; le pilote, le capitaine et plusieurs matelots, jetés à la mer par les vagues, sont engloutis par les flots. Le bateau, désemparé, se brise sur l'écueil d'un rivage inconnu; Niels s'accroche à une planche et parvient à gagner la terre ferme. Il y est recueilli par des indigènes à figure humaine, les seuls qu'il ait encore vus dans les mondes souterrains.   

Le voici chez les Quamides (c'est la Russie qui a servi de modèle). Les Quamides ne connaissent ni les tables, ni les chaises, ni les lits: ils mangent et dorment par terre. Ils ne parlent aucune langue connue et Niels se voit condamné à retourner une fois de plus à l'école. Une fois instruit dans l'idiome du pays, il devient une sorte d'oracle. Il prodigue des conseils utiles, ce qui n'est pas difficile car la contrée est aussi fertile que mal exploitée. On lui décerne le nom de Pikil-fu, c'est-à-dire Envoyé du Soleil. Les Quamides ne connaissent qu'une loi: "ne fais pas ce que tu ne voudrais pas que l'on te fît". Ils obéissent à leur empereur sans discuter. Ceux qui ont accompli une mauvaise action sont mis au ban de la société et ils meurent rapidement, accablés par le mépris des autres. Les Quamides ignorent la chronologie, prennent le soleil pour une table d'or et la planète Nazar, où est situé Potu, pour un fromage. Ils fouettent de verges les arbres qui ne donnent pas de fruits. Leur principale ressource est l'élevage des cochons qu'ils emmènent se rassasier dans les bois.  

Les mérites de Niels, quasiment divinisé par la population, parviennent aux oreilles du vieil empereur itinérant, Casba le grand, dont la cour vit dans un camp de tentes. Trente émissaires, vêtus de peaux de tigres, marque suprême de distinction, les tigres étant les ennemis des Quamides, sont envoyé auprès du faiseur de miracles pour l'inviter à la cour. Niels non seulement accepte mais en plus il abrège le voyage de retour de 14 à 4 jours, en apprenant aux émissaires à monter les chevaux sauvages dispersés sur les terres de Quama. La cavalcade sème la terreur dans les villages qu'elle traverse et intimide même le souverain.  

Bien accueilli par l'empereur, Niels le dote d'une cavalerie. Une expédition est montée contre les Taquanides (ou tigres), auxquels les Quamides sont tenus de payer tribut. Les fantassins quamides, conduits par Niels, réorganisés et pourvus d'armes de jet pour combattre à distance, bien secondés par la cavalerie, défont sans peine les troupes ennemies et s'emparent de leur général, au cours d'une bataille homérique. Niels sauve de la mort les prisonniers qui allaient être massacrés, selon la coutume locale. Comme le salpêtre abonde, il se met à fabriquer de la poudre, des fusils et des canons. En récompense de tant de prodige, l'empereur nomme notre voyageur Jachal, c'est-à-dire général en chef. Les conversations que Niels entretient avec le général taquanide, un homme avisé, lui apprennent que les tigres sont férus de science et que, de l'autre côté de leur nation, se trouve celle des chats, race plus petite mais plus dangereuse. Niels est humilié de s'apercevoir que, dans le monde où le sort l'a jeté, ce sont ceux qui ressemblent aux humains qui sont les plus arriérés!  

Cependant les Taquanides ont levé une nouvelle armée composée des tigres les plus valeureux; ils pensent venir à bout des centaures, persuadés que seule la nouveauté a permis à ces hybrides de remporter la victoire, lors de la confrontation précédente. Une nouvelle bataille a lieu; elle est si rude que la victoire semble échapper aux Quamides dans un premier temps, mais les fusiliers rétablissent la situation et la cavalerie achève la victoire en massacrant l'ennemi en fuite. La capitale taquanide est conquise; tout le territoire se soumet; il est annexé à l'empire quamide.  

Niels conçoit le projet d'éduquer les Quamides en employant des professeurs taquanides. Il découvre un vieux livre qui lui montre qu'un autre Européen a déjà visité le monde souterrain. Ce visiteur était allemand et son ouvrage donne une piètre idée du monde surterrain: l'Allemagne, morcelée, est dotée d'une langue absurde qui oblige à écouter des phrases interminables jusqu'au bout pour comprendre la signification de leur commencement; la France a la prétention de régenter le bon goût en propageant des modes absurdes, en imaginant des habits aussi incommodes qu'ils sont ridicules, en se poudrant les cheveux de farine, en portant son chapeau sous le bras plutôt que sur la tête (que dirait-on si l'on procédait de la même façon avec ses culottes?); en Angleterre, les maris sont plus jaloux de leur liberté que de leur femme; la Hollande, se prétend démocratique mais le peuple n'y a pas voix au chapitre, et ses habitants, d'une propreté remarquable parce qu'ils se lavent tout à l'exception des mains, ont la bourse bien garnie mais la panse vide et se repaissent d'une fumée tirée de tuyaux d'argile; en Espagne, où rien n'est si noble que la paresse, les gens se nourrissent de vent... Dans toute l'Europe, des veilleurs parcourent la nuit les rues pour protéger le sommeil des autres qu'ils réveillent par leurs clameurs. Les Européens sont si méchants, qu'on rencontre des gibets à la croisée de tous les chemins, sauf en Angleterre où les gens se pendent eux-mêmes. Suivent plusieurs pages sur les poètes, d'autant plus prisés qu'ils sont menteurs ou obscurs, une gent que les fureurs ou les bagatelles rendent recommandables, sur les littérateurs qui redoutent seulement que leur folies ne passent point à la postérité, sur les imprimeurs qui changent sans cesse les caractères et le format des livres pour flatter le goût des lecteurs pour la nouveauté, sur les universités où l'on vend les diplômes, sur les grammairiens qui passent leur temps à se déchirer sur l'emploi du Q ou du K, sur les professeurs qu'il faut tout de même louer pour leur habileté puisqu'ils enseignent non seulement ce qu'ils savent mais aussi ce qu'ils ne savent pas... Après avoir pris connaissance de cette mercuriale, Niels en tire la conclusion qu'il vaut mieux que les Quamides continuent à le prendre pour l'Envoyé du Soleil que pour un Européen!  

Cependant, trois nations voisines, jalouses de la puissance nouvelle des Quamides, se liguent contre eux. Il s'agit de la nation des Arctons, c'est-à-dire les ours, de celle des Kispuciens, à savoir les chats, si redoutables par leur astuce, et de celle des Alectoriens, une variétés de coqs qui attaquent du ciel leurs ennemis à coups de flèches empoisonnées. Une partie des Taquanides se soulève pour rejoindre les coalisés. Ces derniers pénètrent sur le territoire taquanide et assiègent la place forte de Sibol. Niels lève une armée et marche à leur rencontre. La bataille est rude, mais les fusiliers quamides finissent par l'emporter, non sans pertes, car il est plus facile de tirer d'en haut que d'en bas, ce qui favorise les entreprises des coqs. Le vieil empereur, qui a tenu à participer au combat, est mortellement blessé; on dissimule la gravité de son état, afin de ne pas décourager l'armée.  

La victoire définitivement acquise, grâce à une nouvelle invention: la mitraille, qualifiée de dragées, Niels annonce le décès de l'empereur. Il propose de porter sur le trône le prince héritier, mais c'est lui que les guerriers quamides élèvent sur le pavois. Au milieu du camp et au son des trompettes, l'Envoyé du Soleil est donc proclamé empereur de Quama, roi de Taquanit, d'Arctonie, d'Alectorie et grand duc des Kispuciens. Il y aurait de quoi tourner la tête du plus sensé des hommes! Pour consolider son pouvoir, Niels épouse Ralac, la fille de l'empereur défunt. Il appelle des notables vaincus à sa cour, pour fidéliser les dernières conquêtes, ce qui ne va pas sans susciter des murmures parmi les nobles quamides. Il dote enfin l'empire d'une flotte.  

Se sentant désormais en mesure de régner sur l'ensemble du monde souterrain, il organise une expédition en direction de l'empire mézendorique, d'où il rêve de partir à la conquête de la Martinie, en emmenant prudemment le prince de Quama avec lui. L'impératrice, qui est enceinte, est chargée d'assurer la régence. Sur son chemin, l'expédition conquiert une île peuplée de femmes à barbe et d'hommes glabres, les Canalisques, qui ignorent l'usage des armes et ne combattent qu'en agonisant leurs adversaires de malédictions. Un coup de canon tiré à blanc suffit pour les subjuguer.  

L'empereur de Mézendorie ayant refusé de se soumettre, une farouche bataille oppose son armée à celle des envahisseurs; malgré la belle défense des éléphants mézendoriques, l'artillerie quamide à raison de leur résistance. L'armée de Mézendorie défaite se réfugie derrière les remparts de sa capitale et l'empereur vaincu offre la moitié de son empire et sa fille en mariage à Niels. Mais ce dernier se refuse à répudier son épouse quamide pour convoler avec une lionne. La grosse artillerie quamide entre en action et démantèle les murailles de la ville. A l'intérieur, bêtes et plantes s'affolent. Vingt demoiselles de l'impératrice, des roses, se fannent de frayeur. C'en est trop, l'empereur de Mézendorie accepte de passer sous le sceptre de l'assaillant.  

Niels pense alors venir à bout facilement des Martiniens dont il connaît la mollesse. Mais ceux-ci ont amassé d'immenses richesses et ont à leur dévotion quantité de peuples belliqueux prêts à voler à leur secours au premier signal. De plus, leur marine est supérieure à toutes celles du monde souterrain. Niels envoie des émissaires soumettre au Sénat martinien ses exigences. Avant d'avoir reçu la réponse, une flotte impressionnante apparaît; l'armada quamide résiste, non sans mal, aux assauts des bateaux martiniens armés de catapultes qui lancent d'énormes pierres et des brûlots; elle triomphe cependant, grâce à la supériorité de son artillerie, mais ne peut empêcher la flotte adverse de regagner son port. La bataille terrestre qui suit est gagnée plus facilement. La déconfiture des Martiniens et de leurs alliés se mesure, outre les morts, à l'énorme quantité de perruques abandonnées sur le terrain.  

A Martinie, Niels reçoit les émissaires des nations voisines qui viennent spontanément se soumettre à lui; il est au faîte de sa puissance. De retour à Quama, son triomphe est indescriptible. On ajoute à son nom celui de Koblu qui signifie grand. Voici les titres qui furent les siens par la suite: Nicolas le grand, envoyé du Soleil, empereur de Quama et de Mézendorie, roi de Tanaquit, d'Alectorie, d'Arctonie, de tous les royaumes et États mézendoriques et martiniens, grand duc de Kispucie, seigneur de Martinie et de Canalisque.  

Tant de grandeur lui monte à la tête. Dévoré d'orgueil, il méprise ses sujets et les traite en esclaves. Il fait régner la terreur autour de lui. On ne s'oppose pas ouvertement à la désignation de son fils comme successeur au trône impérial, mais il devine que l'allégresse de ses sujets est feinte. Pour affermir son pouvoir, qu'il sent fragile, il pousse ses affidés à dénoncer un prétendu complot qu'aurait fomenté le prince fils de l'empereur défunt dont il se méfie. Ce dernier, jugé à huis clos, est décapité en secret, pour éviter une émeute. La folie d'un tyran ne connaissant pas de limites, il fait égorger des membres de son entourage: tout doit céder à ce qu'il appelle la raison d'État. On en vient alors à s'interroger; le peuple comprend enfin que les prodiges accomplis tiennent moins aux mérites du soi-disant envoyé du Soleil que de la propre ignorance des Quamides. Les juristes découvrent, dans les édits promulgués par l'empereur, des imperfections qui révèlent son ignorance. Cessant d'admirer, on cesse de respecter et bientôt de craindre. On murmure, d'abord en sourdine, mais bientôt les Canalisques, réputés, on l'a dit, dans l'art de l'invective, publient un violent pamphlet accusateur.  

Loin de ramener Niels à de meilleurs sentiments, cette opposition ne fait qu'accentuer sa cruauté: il livre ses détracteurs à la torture. Il en vient au dessein de se défaire du second fils de l'empereur défunt, encore enfant. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. La garnison refuse de s'associer à un crime aussi abominale. Niels, jeté bas, en est réduit à s'enfuir chez les Taquanites, dans l'espoir d'y lever une armée pour châtier les mutins. Espoir vain, ses troupes désertent en partie et les rebelles battent ceux qui l'entourent encore, avec les armes qu'il a forgé pour eux! Défait et poursuivit, il trouve son salut en se jetant dans une caverne. Il y est précipité dans un abîme sans fond d'où il revient finalement en Norvège, en sortant de terre par un trou autre que celui par lequel il était entré, déterminé à accepter le gouvernement d'une modeste province, si le roi veut bien le lui confier.  

Mais son accoutrement bizarre et la couronne qu'il porte sur sa tête le font prendre pour un cordonnier de Jérusalem. Il lui faut convaincre ses amis retrouvés qu'il est bien le jeune spéléologue amateur disparu dans une grotte douze ans plus tôt. Ces derniers ne peuvent croire le récit de ses aventures. Ils pensent que tout cela cache quelque diablerie et que Niels s'en revient d'un sabbat. Le bon peuple, quant à lui, voit dans l'apparition du cordonnier de Jérusalem l'annonce d'une grande catastrophe. Niels quitte donc le lieu de sa naissance, où il est si mal accueilli, pour aller chercher l'anonymat au milieu de la foule dans la capitale. On lui promet un emploi de recteur, ce qui lui conviendrait assez, la férule ayant quelque chose du sceptre. Mais, aucune place de recteur n'étant libre avant longtemps, il se contente de l'emploi de marguillier. Il se marie avec une demoiselle nommée Madeleine, qui lui donne trois enfants, ce qui fait quatre avec le petit prince de Quama, pour autant que celui-ci vive encore. A la fin de sa vie, il s'en retourne souvent méditer à la bouche de la caverne où débuta son périple: parti de bien bas pour monter si haut avant de retomber, il revient de ce lieu le visage baigné de larmes. 

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