LE SAINT-SANDOUX DE NOTRE ENFANCE
Dès les années 1948-1949, ma sœur et moi sommes souvent allées en vacances chez ma marraine (native de St-Sandoux) et son mari (qui était des Martres) : Marie-Angéline (dite Angéline) née Ratail, dont le père fut maire de St-Sandoux (probablement au début du 20ème siècle), et Jean-Baptiste (Baptiste) Madiaure. Mais pour nous ils étaient Tonton et Taty. Tous deux étaient "montés" à Paris dans leur jeunesse mais revenaient chaque année, à l’époque des vacances, à St-Sandoux où ils ont fini leurs jours. Ils reposent à présent dans la partie ancienne du cimetière en haut du pays. Leur maison, dont la salle du rez-de-chaussée était voûtée, avait été un café dans un lointain passé; elle était située sur la place principale, accolée à celle de Célestin et Marie-Jeanne Brionnet (je me souviens de Mme Brionnet buvant le matin un bol de vermicelle sur le pas de sa porte), eux-mêmes voisins de l’hôtel-restaurant Martin, réputé pour sa bonne cuisine. Nous jouions avec Robert Martin (émigré aux États-Unis) et le beau chien noir Dick. Il arrivait, à la fin d’un repas, que les convives dansent la Bourrée dans la grande salle du restaurant. M. Martin lui-même la dansait très bien. Toujours sur la place se trouvait la grande
maison de la cousine de M. Martin, Annette Perroux, dite « Nénette
», et sa fille Marcelle (Pépète).
Je me souviens aussi de l’épicerie de Ferdinand et Arsène Prugne. Nous appelions M. Prugne : "Monsieur Arsène". Il nous emmenait dans sa charrette tirée par Mignon. Nous sommes montées avec Madame Arsène jusqu’au Puy (le facteur montait le courrier à pied jusqu’à Pressat!). Un jour, elle nous fit la surprise de nous montrer de mignons petits lapins qui s’agitaient dans le fond de son tablier. Juste à côté se trouvait la maison des Beauvert : Antoine que ma marraine appelait Toine, son épouse, Adeline, leur fils Alfred, leur belle-fille, Marinette, décédée prématurément, et Alexandrine, "Drine", sœur de M. Beauvert, sans oublier leur chien qui s'appelait Rip. Sur la place le joli bruit d’eau de la fontaine
égrenait une musique légère et continue. Les vaches
venaient s’y abreuver le soir avant de rentrer placidement à l’étable.
On entendait de loin leurs sonnailles. Quelquefois nous allions chercher
le lait dans la chaude et odorante étable. Lorsque le soleil déclinait
et que les bruits familiers s'estompaient, le village devenait silencieux.
Seules les cloches de l'église troublaient le silence. Nous allions
alors au jardin situé un peu à l’écart du village.
"Tonton" en profitait pour arroser ses fleurs. A cette époque la
campagne mêlait toutes ses senteurs d’herbe coupée, de paille
chauffée par le soleil... Si je pouvais ouvrir un flacon contenant
toutes ces odeurs, je revivrais ces années heureuses.
Un peu plus haut se trouvait la maison de M. et Mme Rives (M. Rives fut, je crois, instituteur). En face se trouvait la boulangerie de Blanche Bonhomme. Ah ! la bonne odeur de pain chaud mêlée à celle du feu de bois. Et comme j’aimais entendre le bruit du rideau de perles de bois lorsque l’on entrait ! Au bout, du village il y avait la maison (à présent démolie) et la grange des Courtial et de leur fils Francis, dit Six-Sous. Leur maison abritait une épicerie : chez COCEDA. L’un des chiens de chasse des Courtial s’appelait "Ronflot". "Taty" connaissait très bien l’institutrice Mme Morel. Sur l’une des photos d’école, j’ai reconnu un petit Girona (peut-être l’aîné Jean-Pierre, décédé lui aussi prématurément). Sur une autre photo on voit la maison Madiaure, avec son escalier extérieur, la maison Brionnet et l’hôtel-restaurant Martin. La maison de "Nénette", avec la balustrade ajourée, se trouve sur une photo de 2003. Après les moissons, il y avait un grand
repas dans les familles. En revenant des champs avec d’autres fillettes
du village, nous chantions cette ronde :
Pour le 14 juillet il y avait bal (une piste
de danse était installée sur la place des Forts située
non loin de la poste je crois) et le défilé des pompiers,
de la fanfare et des majorettes.
Aux Martres se trouvait une source d’eau pure légèrement gazeuse où "Tonton" nous emmenait souvent pour y remplir des bouteilles. A cette époque on se baignait dans l’Allier. Dans les années soixante, des voitures ambulantes faisaient la tournée : un charcutier, un marchand de fromages qui se nommait Fernand Raynaud (ça ne s’invente pas) et venait de Montaigut-le-Blanc, et un boucher : M. Emile. "Taty" voulant remplir mon bol de café au lait, me disait : "donne-moi ta bacholle". Elle employait le verbe "babeler" pour "bavarder". J’ai aussi souvent entendu, à Saint-Sandoux, les expressions "tâcher moyen de" pour "essayer de" et "tout à l’heure" pour "tout de suite". Je ne saurais dire si l’origine en est auvergnate. Tout ce passé est bien révolu, mais que de bons souvenirs inoubliables, en même temps si proches et si lointains !
Danielle Bac
Michelle Lefebvre
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