"Au Pays du Vin Fruité"
(extraits)
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Les textes ci-dessous ont été rédigés voici bien longtemps par des enfants qui ont maintenant vieilli et dont plusieurs ne sont plus de ce monde. Ils sont donc non seulement le témoignage d'un passé à bien des égards révolu mais également un hommage rendu à tous ceux qui nous ont quittés. Que les vivants qui les ont connus se souviennent d'eux.

1947

On relève* la vigne, tout en gardant les vaches

Je prends la ceinture de cuir de maman, je glisse dedans une poignée de paille d'avoine humide coupée à 50 cm. Je rassemble les branches en prenant garde aux grappes fleuries et je les attache au fil de fer avec trois brins de paille que je noue. Mais au commencement ma paille se détordait toute seule. Michelle** va bien plus vite que moi. -Va chercher les vaches, me dit-elle.

François Monestier - 10 ans 1/2
* attache.
** La soeur aînée de l'auteur.
 
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Un malheur est vite arrivé

Vendredi après-midi, nous sommes allés, Jean, mon grand-père, ma grand-mère et moi sulfater la vigne. Nous avons passé à Coudet et de là au Grand Pan. Grand-père conduit les vaches qui mènent le tombereau chargé du tonneau d'eau, de la sulfateuse et des produits. Voici la traverse* qui franchit le tertre. Grand-Père va tourner dans un pré au-dessus et dit:
-Il vaut mieux descendre.
-Comme tu voudras dit grand-mère.
En voyant la roue droite qui grimpe sur un buisson, je crie: tu verses. Attention, pépé, tu vas verser. Le tombereau se soulève à droite, brusquement le tonneau glisse sur la gauche et tout se renverse dans les buissons.
-Le tonneau se vide!
-Mais non, mais non.
-Nous avons de la chance, il est tombé sur la bonde.
-Ernestine, passe devant et avance.
Le tombereau glisse sur la roue. J'appelle Jean et tous trois nous le relevons. La sulfateuse n'a pas de mal. Le soir:
-Grand-père, c'est la première fois que tu verses?
-Oh oui! J'ai baqué** souvent mais jamais versé! 

André Dif - 11 ans 1/2
* La traverse, ou raccourci, est ici l'entrée dans le champ.
** Le tombereau baque quand la plate-forme bascule.

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L'Hôtel des Voyageurs autrefois
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Une description de l'Hôtel des Voyageurs*

L'hôtel des Voyageurs est le coin le plus fleuri de Saint-Sandoux. Les murs blancs, les grilles peintes de frais, les pots et les caisses colorés en vert et le beau soleil d'été font ressortir les couleurs vives des fleurs.

Dans la cour rectangulaire se haussent de beaux lauriers dont les feuilles étroites disparaissent sous les bouquets de fleurs roses ou blanches. De chaque côté s'allongent 2 parterres où voisinent les pensées, les capucines, les géraniums, les dahlias. En face, sous l'escalier du café, les hortensias dressent leurs boules crèmes teintées de rose ou de bleu. A gauche, du côté de la grande salle, des géraniums roses et rouges et un fuchsia passent entre les barreaux de la rampe qui borde l'escalier et le balcon. Derrière les barreaux de la grille d'entrée, géraniums et capucines offrent leur nectar aux abeilles.

Jean et André Dif aidés de Lisette
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* La table de l'Hôtel des Voyageurs, sur la place, était alors réputée et sa cuisine attirait les gens qui aimaient bien manger. Des années plus tard, un terrain de boules avait été aménagé sur l'arrière; je me souviens y avoir joué, quand je venais en vacances.
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Ce qu'est devenu l'Hôtel des Voyageurs (2003)
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D'autres photos de l'Hôtel des Voyageurs au cours du temps sont ici
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Le lavage de la pièce*

Jeudi après-midi, Mr. Bernard est venu nous appeler pour aller laver sa pièce. Mon frère est venu aussi.

Nous voici dans le cuvage. Mon frère prend des pantalons déchirés par dessus les autres. La porte de la pièce est ouverte, la bonde enlevée. Émile rentre la tête la première mais ses épaules ne passent pas.
-Ton frère va y rentrer, dit Mr. Bernard.

C'est à mon tour d'enfiler les pantalons. Je me déchausse. Je glisse la tête, je me tourne sur le côté, je force sur mes épaules. J'y suis. Je rampe jusqu'au fond de la pièce. Une moisissure blanche en couvre les flancs. Mr. Bernard introduit une lampe à pétrole allumée, un petit seau d'eau chaude et une brosse à chiendent. Je frotte bien partout. Quand j'arrive en haut, l'eau retombe sur ma tête. La pièce est propre. Je chasse soigneusement l'eau qui reste au fond.

Mr. Bernard me donne un seau de vin. Je badigeonne tout l'intérieur. Ma voix résonne.
-Maintenant, tu vas y rester, plaisante Mr. Bernard.

Mais je me hâte de sortir les pieds en avant. Mr. Bernard me remercie.

Louis Sarre - 13 ans
* Une pièce est un gros tonneau, un foudre.
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Le pressoir

Mercredi après-midi, Mr. Bernard est allé chercher le pressoir avec ses vaches. En descendant la Grand'Rue l'écrou du timon s'est dévissé. Papa crie:
-Bernard, tourne tes vaches vers le haut, tu vas leur faire casser les jambes.

Il cale le pressoir; Mr. Bernard fait la réparation. Enfin, il place le pressoir devant le cuvage. Les hommes enlèvent les bois, ouvrent la claie. Ils portent le marc dans des bacholles* et le vident dans la claie. Mr. Bernard l'écarte et moi je le tasse. Nous replaçons les bois. Les hommes, deux en haut, deux en bas, font aller et venir "la barre". On entend un bruit clair: tic-tac. Le vin coule, rouge. Une pompe aspirante et refoulante le transporte dans la cuve maintenant vide. Je pompe quelquefois.

C'est fini: le vin ne coule plus. Les hommes enlèvent les pièces de bois. Papa, avec sa fourche, sort le marc pour le transporter vers l'alambic.
 

Roger Gauthier - 10 ans
* comportes.

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Les trieuses de poires*

Jeudi soir, après avoir mis l'eau de la soupe, préparé les légumes et bourré le feu, je suis allée avec ma cousine voir les trieuses dans le garage de Mr. Cely.

En face de la porte, les trieuses sont debout, trois d'un côté, trois de l'autre. Entre elles, à leur hauteur, un plateau porte les caisses. Entre chaque groupe de 2 trieuses face à face se trouvent: au milieu la caisse à trier, à droite la caisse des belles, à gauche celle des petites et dessous celle des pourries. Le travail est machinal, les langues vont bon train. On entend parfois le bruit flasque d'une poire pourrie qui s'écrase dans la caisse.

Derrière les trieuses, du plancher au plafond, les caisses de poires emplissent le garage. Un ouvrier et un Allemand** les empilent en s'aidant d'une échelle.

Pendant que maman allait voir à la maison, je l'ai remplacée. Avec Camille Sarre, nous avons trié une caisse. Elles étaient si petites que la caisse des grosses ne s'est pas enrichie.
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Élise Bonville 10 ans
* Les fruits étaient triés et calibrés à la main. Pour le calibrage, on utilisait des planchettes percées de trous ronds de différentes dimensions.
** Un prisonnier de guerre.

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Nouvelles

-Mr Cely a acheté une jeep pour rentrer ses pommes: elle attire les curieux
-19 octobre: la première gelée
-Mr. Mallet est élu seul*
-24-25 octobre: l'école à trois écoliers de passage: ceux du cinéma-cirque ambulant
-27 octobre: le froid est venu

-11 novembre: par un temps magnifique, défilé au cimetière
-18 novembre: tempête de vent
-26 novembre: première neige
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* Il sera le nouveau maire d'après guerre.
 
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Premier Labour

Jeudi soir, je gardais les moutons près du château. Plus haut, dans le champ, mon papa labourait avec mon frère. Ils avaient attelé les deux paires, les boeufs et les vaches devant. Papa m'appelle. Il me dit:
-Tu vas essayer de tourner le brabant*.

Pendant que papa fait une cigarette, j'appuie sur le levier et je tourne les versoirs. Mon frère tourne l'attelage. Voilà les bêtes dans la raie: le soc s'enfonce. Je passe du côté travaillé et je tiens le brabant pour qu'il ne verse pas. Tout d'un coup, un rocher cale: l'attelage s'arrête. Je soulève le brabant. Mon frère commande:
-Joli! Marquis! Les boeufs démarrent.

Au bout de la raie mon frère tourne les vaches et les boeufs avancent jusqu'au bout. Je tourne le brabant mais c'est plus dur. Le champ est en pente de ce côté. Il faut que j'empêche le brabant de reculer.
-Mignonne, Moutonne, allez!

Un moment après papa me dit:
-Va rentrer les moutons. Je pars content de mon travail.

Louis Sarre - 13 ans
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* Le brabant est une charrue. Les enfants commençaient à rendre service de bonne heure. Au même âge, je fossoyais déjà les vignes. On commençait à garder les vaches et les moutons bien plus tôt, avant 9 ans. Dans la France rurale d'alors, le travail des enfants n'indignait personne. Aider ses parents était considéré comme naturel, même si on eût souvent préféré s'amuser. On s'initiait ainsi au dur labeur qui était alors le lot des agriculteurs adultes. C'était une manière d'apprentissage. Je me souviens que ma grand-mère avait coutume de dire: "La destin t'a fait un sort de poule, il te faudra gratter pour trouver ta nourriture!"
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Un brabant pour charrouler
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Le fromage*

Maman avait gardé du lait de trois repas. Hier soir, elle me dit:
-Va chercher le seau du porc pour mettre le petit lait!
Je l'apporte.

Elle place sa cassette pleine de lait sur le feu tiède, verse un peu de présure. Il ne faut pas longtemps pour le faire cailler: la présure fraîche, faite avec une caillette de veau, est bonne. Je soulève l'écumoire.
-Il est caillé.

Maman le coupe. Puis, avec une louche, sort le petit lait verdâtre. Puis elle va chercher une faisselle en bois, ronde percé de petits trous. Elle renverse un bol dans une cassette vide et place la faisselle dessus. Avec les mains, d'un bloc, elle saisit le caillé et l'entasse dans la faisselle. Puis elle le retourne et le presse. Le petit lait sort par les trous. Maman le sale d'un côté et le place dans la cheminée pour le faire sécher.
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Gilberte Lafarge 10 ans et demi
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* Description exacte de la fabrication du Saint-Nectaire artisanal. La cassette était un vaste récipient de terre cuite vernissée, la faisselle  un moule cylindrique percé de trous pour l'évacuation du petit lait, généralement en bois, mais aussi en fer galvanisé; un morceau de panse servait de présure; le lait tiède caillant plus facilement, on le mettait sur un coin du poêle de fonte, chauffé avec le bois coupé pendant la mauvaise saison; le petit lait engraissait le cochon. Tout cela est du passé: la réglementation européenne a prohibé cette façon traditionnelle de faire le fromage.
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Une faisselle en tôle
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Le rhabilleur*

Dimanche matin, papa et Mr Prugne avec son auto sont allés chercher le rhabilleur pour notre boeuf Mouton.

Ils arrivent. Le rhabilleur descend. C'est un vieil homme, grand, maigre, à longues moustaches qui porte un chapeau de feutre. Papa l'emmène à la cave puis ils vont à l'étable.

Le rhabilleur tâte la jambe du boeuf. Il trouve le mal dans le pied. Il quitte son chapeau, se frotte les mains.
-Ce n'est pas grave. C'est une entorse!

Avec le talon de son soulier, il fait le tour du pied et monte et descend le long de la jambe. Puis il donne sept coups de talon sur le pied du boeuf qui lève la jambe chaque fois.

Ensuite il marmonne des prières et termine par un signe de croix.

Il caresse le boeuf et dit:
-Il est guéri.

Et c'est vrai: il ne boite plus.

Michel Robert
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* Le rhabilleur était un homme habile dans l'art de remettre les membres en place ou de réduire les fractures. Il faisait encore souvent office de médecin ou, comme ici, de vétérinaire.
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La page des tout petits

Vingt-trois cartouches pour tuer les moineaux.
Vingt-trois moineaux tués!
-Papa, tu n'as pas entendu
Dans la cuisine, le coup de fusil?
-Oh si!
-Il a fait assez de bruit
Pour nous réveiller!
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L'étoile filante

Le petit garçon explique:
Elle cherchait un petit coin pour elle.
Il y avait bien une place dans le ciel au-dessus de la grange.
Elle ne l'a pas vu.
Elle est partie.
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1948

Une corvée* volontaire

A l'appel de la municipalité, beaucoup d'hommes sont venus, ce lundi 1er mars, aider à creuser la tranchée de la route, longue de 120 m.

De la terrasse, aux récréations, nous voyons très bien la route et les travailleurs. A nos pieds, ronfle le moteur; un peu plus loin, un Allemand** défonce la route avec la perforatrice qui pénètre dans le goudron en sursautant. Alignés dans la tranchée, de 2 m en 2 m, les volontaires, jeunes et vieux, tantôt piochent, tantôt sortent la terre avec la pelle. Ils trouvent souvent de grosses pierres et des canaux d'égout construits avec des dalles. Ils s'aident pour les sortir.

L'atmosphère est gaie: les hommes discutent, plaisantent et rient. La rue est drôle avec les vestes suspendues de ci de là, les boussets*** coiffés de leurs tasses en argent. Mais elle n'est pas propre. Mme Vergnol, avec son balai, rejette les pierres devant sa porte.

La classe
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* Les habitants du village étaient encore sollicités de temps à autre pour des travaux d'utilité publique; on appelait cela les prestations. Ici il s'agit de travailler au réseau d'adduction d'eau.
** Un prisonnier de guerre.
*** Le bousset était un tonnelet en bois où les travailleurs gardaient au frais leur boisson, la plupart du temps du vin du pays, que l'on buvait avec des tasses en argent.
 
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La maison du berger*

Hier, papa a été chercher les claies du parc puis la roulotte. Le berger a installé les claies.
-Il faut mettre la cabane sous le tertre, elle sera abritée du vent.

Charles 8 ans
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* Il y avait encore un berger pour garder les moutons à Saint-Sandoux. A la demande des paysans, il s'installait sur leurs terres pour les fumer. Le troupeau y passait la nuit au milieu d'une clôture de claies. Le berger dormait au milieu de ses bêtes dans une étroite paillote sur roues.
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Une roulotte de berger
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Les agneaux

Souvent le berger revient avec un nouveau-né dans sa musette. L'agneau sort sa petite tête et regarde. Il a l'air de dire: "Je suis bien, je suis au chaud, on me berce."

Les petits
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Les pâtes*

Dans la terrine, maman casse quatre oeufs, ajoute une pincée de sel, de la farine et mélange le tout avec la main. Puis, petit à petit, elle délaye avec un litre d'eau tiède.
-Prépare toi. Saupoudre la table de farine pour que la table ne colle pas.

Maman coupe deux petits morceaux de pâte, chacune le nôtre. Les manches retroussées, nous pétrissons la pâte, la parsemons de farine; nous la roulons, la déplions, la replions. Enfin, elle est dure.

Alors maman fixe la machine à la table.

On dirait une machine à hacher la viande. Elle met la grille percée de petits trous qui font le vermicelle. Elle tourne la manivelle. Moi je coupe les vermicelles et je les écarte sur un drap à terre. Elle change la grille; maintenant ce sont de grosses coquillettes à côtes. Ensuite, nous faisons des coquillettes fines et, pour finir, des spaghettis.

Gilberte Lafarge
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* Le guerre est finie, mais les restrictions subsistent. Il est encore difficile de se procurer certains produits. On les fabrique donc soi même. C'est ainsi que les macaronis maison voient le jour. J'en ai confectionné moi aussi avec une machine qui ressemblait effectivement au hachoir utilisé pour fabriquer les saucissons. On les mettait ensuite à sécher sur du linge.
 
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La belette à sa toilette

Vendredi, je revenais de Saint Amant. Dans une traverse*, j'ai aperçu de loin une belette sur une pierre plate. Je me suis approché sans bruit en me cachant derrière les buissons.

Assise sur son derrière, elle léchait sa patte de devant et la passait derrière sa tête. Puis elle mouillait de nouveau sa patte menue et nettoyait ses oreilles minuscules. Elle ébouriffait sa queue marron allongée derrière elle. Je voyais bien son ventre beige. Puis elle a lissé les poils de sa poitrine.

Soudain elle a dressé la tête regardant de tous côtés avec ses yeux verts comme ceux d'un chat. Elle m'a tourné le dos, un étroit dos marron; elle est descendue de la pierre et s'est glissée, lente et souple, sous un tas de feuilles sèches.

J'ai soulevé les feuilles mais la belette avait disparu.

Michel Robert 12 ans
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* Ici, il s'agit probablement d'un chemin menant à des prés ou à des champs..
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Les étourneaux

Mardi, avec papa, en vélo, nous sommes allés couper des roseaux.

Arrivés à mi chemin de St Saturnin nous voyons la forêt de roseaux dans la plaine marécageuse*. Avec sa faucille, papa abat les grands bâtons munis chacun, à l'extrémité, de son plumet.

Je forme les bottes. Le soir descend. Soudain, on aperçoit dans le ciel sombre un nuage d'étourneaux. Ils survolent les roseaux tournant et criant. Ils veulent se coucher mais nous les dérangeons. Parfois ils se perchent à la base des feuilles mais le craquement d'un roseau, un aboiement de Dick les font s'envoler.

Un autre groupe moins nombreux arrive. Tous s'abattent, sautent de roseau en roseau, crient. La nuit tombent. Les cris s'apaisent. Notre travail fini, nous revenons.

Michel Chevaleyre
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* A cette époque, il existait effectivement, dans le fond marécageux situé entre la route de St Saturnin et celle d'Olloix, au dessus du croisement de ces deux voies, une vaste étendue de roseaux. Ce terrain, asséché, est maintenant cultivé. Après s'être gavés de raisins, des nuées d'étourneaux, pilleurs de vendanges, venaient s'y cacher au crépuscule pour y passer la nuit.
 
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Les glaneuses

Après les moissons, nous avons été glaner, maman et moi.

Pendant que ma soeur dormait, notre sac sous le bras, nous nous dirigions vers les chaumes.

J'attachais ma tablière avec une épingle et je me promenais dans le champ, le dos courbé. A mesure que je voyais les beaux épis jaunes dorés, aux grains serrés les uns contre les autres, je les jetais dans ma tablière.

Elle était vite pleine, je la vidais dans le sac. Quand il faisait chaud, j'avais mal à la tête.

Plus tard, nous suivions l'emplacement des pignons*. Là, il y avait des épis à foison mais on risquait de se faire piquer par les guêpes, si nombreuses cette année.

Ginette Boivin 15 ans
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* Les moissons ne se faisaient plus à la faucille mais encore à la javeleuse (faucheuse dotée d'un équipement spéciale pour faire les gerbes) ou à la moissonneuse-lieuse. Les gerbes étaient ensuite mises debout quatre à quatre en groupes que l'on appelait des demoiselles. Elles séchaient ainsi un certain temps. Ensuite, on dressait à même le champ de petites meules rondes: les pignons. Ces pignons étaient défaits plus tard pour confectionner la grande meule, ronde et pansue, coiffée comme une tour pointue, sur l'aire de battage à proximité du village. L'avènement de la moissonneuse-batteuse fit disparaître les demoiselles et les pignons. Une fois la récolte achevée, le ramassage (glanage) de ce qui n'avait pas été enlevé était autorisé.
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La lecture d'une livraison de cette année nous apprend aussi que, lorsque l'âne qui tire la carriole s'emballe, c'est qu'il va pleuvoir. Il paraît que ce baromètre est infaillible!
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1949

Travaux sur les routes du village*

Quelle animation dans les rues du village cette semaine! Roulement du lourd cylindre teuf, teuf, de la vapeur, circulation des camions, bruit de pierres remuées!

A la rentrée et à la sortie de l'école, aux moments de loisir, les enfants, heureux, accourent.

Ils regardent curieusement le cylindre, grimpent sur les murs pour voir fonctionner les pistons, admirent la laine noire de la fumée, observent les pierres qui s'entassent.

Ils suivent le camion citerne qui arrose la rue avec son jet en éventail. Ils s'intéressent à la manoeuvre de la goudronneuse.

Sous le chaud soleil d'été quel travail pénible pour les ouvriers ruisselants de sueur.

La classe
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* C'est le début de l'asphaltage des rues du village. Mais les canalisations d'adduction d'eau ne sont pas encore terminées partout. Beaucoup de voies devront attendre encore longtemps avant d'être goudronnées. La boue continuera de les envahir après la pluie. Quant aux routes, seules celle de Saint-Saturnin est pour le moment bitumée.
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Une nuit d'émotion*

Je dormais. Soudain, vers 4 h du matin, mes chiens aboient, ils me réveillent, j'entends courir et crier dans la rue, j'appelle maman qui était déjà levée, je lui dis:
-Mais qu'est-ce que c'est?

Il y a le feu dans le hangar de Mr Courtial. La hangar de Mr Courtial est à peu près à 200 m de ma maison. Je me lève. Je regarde par la fenêtre, je vois une lueur rouge au dessus des maisons. J'ai peur. Mr Tribolet et d'autres personnes à la fontaine ouvrent la bouche d'incendie. Mr le maire crie:
-Déroulez les tuyaux! Attention! Le tuyau fait un coude, tirez.

Les gens tirent les tuyaux. Le clairon sonne, les cloches aussi. Dans la rue les gens crient, au secours. Au feu, la grange brûle. Le jour paraît peu à peu.

Il n'y a plus de toit.

Avec maman nous allons voir. Le feu est éteint.

Gilberte Lafarge 12 ans
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*Cet incendie détruisit le dernier bâtiment sur la route de Plauzat. Un panneau de limitation de la vitesse à 18 km/h pour tous véhicules était apposé sur un mur de cette grange, face à la route, du côté de Plauzat.
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Le moulin*

Je suis allé au moulin avec papa. Le chemin qui va au moulin, étroit, en pente rapide est bordé de rochers qui avancent.

On dirait qu'ils vont tomber sur nous. Des hommes ont déchargé les sacs de blé. J'aime voir tourner la grande roue. J'aime suivre le jeu de l'eau.

Nous avons emmené la belle farine blanche.

Gilles Rives 8 ans
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* A cette époque, les paysans allaient encore faire moudre leur grain. La farine était ensuite livrée au boulanger, sauf celle qui était gardée pour la confection de la pâtisserie maison, et, en échange, le boulanger donnait du pain, selon le principe du troc détaillé par ailleurs. La description laisse supposer que l'opération s'effectua au moulin de Chocot. Ce moulin était situé sur les bords de la Monne. Il était mu par la force hydraulique. La roue, les meules, l'eau du bief... autant de curiosité pour les enfants qui accompagnaient leurs parents. Le chemin pour s'y rendre débouchait au bas de Saint-Saturnin, en haut de l'allée des marronniers.
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Le noyer*

Sur un cheira**, il y avait un gros noyer.

Papa a enlevé les pierres tout autour du tronc. Avec une pelle et une pioche il a dégagé les racines et les a coupées avec une hache.

Avant de finir, il est monté sur l'arbre. Il a attaché un câble à une branche. Puis il a coupé la dernière racine.

En riant, il a dit à ma maman:
-Tire la corde...

Il n'a eu que le temps de se sauver. Le craquement des racines, le choc des branches m'ont fait bien peur.
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Charles Bournier
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* Opération classique d'abattage d'un arbre: on attachait une corde en haut de l'arbre, on entaillait la base à coups de hache, puis ont tirait sur la corde jusqu'à ce que le tronc entamé cède, en prenant garde de ne pas se trouver sous les branches; on amenait ainsi l'arbre abattu à l'endroit choisi pour son équarrissage.
** Un tas de pierres.
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Autres témoignages lus dans le même numéro: un amusement classique des petits Sandoliens, se faire chercher par son propre chien à travers les genêts du Puy, l'animal y prenait autant de plaisir que les enfants; la coupe au sécateur de l'osier pour lier les branches des ceps de vignes...
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L'huilerie

Mercredi soir, pépé a préparé les sacs de noix et d'oeillettes et les "buies"*.

Jeudi matin, de bonne heure, poussant les deux remorques, nous sommes allés faire l'huile à St Amant**. Le froid nous glaçait les doigts. Arrivés à l'huilerie, nous déchargeons les sacs et nous attendons car il y a beaucoup de monde. J'en profite pour aller voir la Veyre. Voici notre tour.

Pépé pèse les sacs, mesure les graines dans une auge en bois d'un double décalitre. Le fils du patron les vide dans l'entonnoir du broyeur. Deux cylindres écrasent les noix en pâte dans une poêle en cuivre scellée sur un four en briques réfractaires. Une barre de fer tourne la pâte qui brunit sans brûler.

On la porte alors dans une presse. Un gros cylindre appuie et fait couler l'huile dorée et odorante.
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Marcel Renardias 10 ans et demi
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* On faisait alors de l'huile avec les noix mais aussi avec une variété de pavot: l'oeillette; la buie était une sorte de jarre pansue, à col étroit, en terre vernissée où l'on conservait l'huile.
** Après la fermeture de l'huilerie de Saint-Sandoux, rue du Commerce, chez Roux, les Sandoliens allèrent faire leur huile à Saint-Amant, sur les bord de la Veyre. Ils s'y rendaient bien sûr à pied, par des temps qui n'étaient pas toujours cléments.
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Les masques*

Samedi après-midi, les jeunes ont décoré les charrettes avec des branches de sapin, des genévriers, des fleurs et des serpentins roses, bleus, verts.

Dimanche, les masques ont défilé; la première voiture portait les musiciens qui jouaient; la deuxième voiture portait Bacchus avec son tonneau de vin et d'autres masques.

Ginette a reconnu son frère à sa blouse bleue et à son chapeau. Il était drôle avec deux grandes moustaches et un gros nez rouge.

Il y avait beaucoup de masques; deux vieux poussaient un bébé dans sa poussette.

Tout le monde les regardait passer.

Ginette Sarre et Gilles Rives
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* Une distraction de l'époque; on notera la présence de Bacchus: Saint-Sandoux est encore, mais plus pour longtemps, le pays du vin fruité!
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Le laitier*

-Tuhuhu!
C'est le laitier qui arrive dans le village.
-Tuhuhu!
Il appelle les ménagères qui lui donnent du lait
-Tu, u, u!
Les chiens aboient, mais le laitier corne plus fort.
-Tu, u, u!
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* Le laitier de Saint-Amant passe non pas livrer le lait, mais le ramasser. Il y a encore de nombreuses vaches à Saint-Sandoux. Sa corne éveille les échos, dérange les chiens et prévient les paysannes qui se hâtent, leur seau à la main, vers la voiture. Encore une scène pittoresque familière des Sandoliens au lendemain de la seconde guerre mondiale.
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Un bidon de laitier
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L'écureuil*

Nous avions un petit écureuil: on l'appelait Kiki. Je lui avais fait son nid dans une boite à chaussures que j'avais placée derrière le buffet. Je lui mettais des noix et des noisettes qu'il cachait sous ses chiffons. Quand il avait faim, il tournait tout dans sa boite.

Mais il ne s'y trouvait pas très bien. Il avait été nicher dans la poche du manteau de maman suspendu au porte-manteau. Il sortait sa tête par la fente de la poche, dans le sens de la hauteur.

A midi, à table, il montait sur les épaules de ma grand'mère et, avec ses pattes, lui défaisait son chignon.

Il était trop amusant!

Malheureusement, un jour que maman venait de repasser et qu'elle avait trop dressé la planche contre le mur, Kiki a voulu grimper. La planche est tombée sur lui et l'a tué.

J'ai bien regretté mon Kiki.

Claude Gounan
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* Beaucoup d'enfants apprivoisaient plus ou moins des animaux sauvages. Pour ma part, j'eus deux pics-verts et un geai. Ces pauvres bêtes finissaient généralement très mal.
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Mes deux petits agneaux

J'ai deux petits agneaux. Ils sont beaux. Ils sont tout blancs, comme la neige. quand ils sortent de l'étable, ils sautent. Je ne veux pas les vendre car ils sont trop beaux. Ils courent derrière les poules dans la cour. Quand je veux les caresser, ils vont vite se cacher vers leurs mères qui les appellent. Bientôt, ils sortiront avec le troupeau.

Ginette Sarre 7 ans
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Les petits sabots*

Mr Dif a creusé les sabots.
Il a cloué les brides vertes.
Il a verni les sabots.
Je regardais.
J'en ai emporté un
à chaque main.

Robert 6 ans
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* Les sabotiers, les frères Dif, portaient le même nom que mon père, mais nous n'étions pas parents. Leur atelier était situé rue des Barquets, à proximité de l'ancien lavoir désaffecté, de l'autre côté de la rue. Les sabots étaient les chaussures habituelles des Sandoliens. Il y en avait pour les jours de la semaine et aussi pour les dimanches.
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Une belle paire de sabots avec leurs coulavires de cuir

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