Glanures de l'an 2009

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Y. Greco C. Dupuy-Dunier T. Crassas C. Le Penven A. Mounic G. Cathalo A. Duault J. Baude F. Y. Caroutch J. Billaud
M. Migozzi G. Le Gouic J. P. Siméon B. Balteg J. A. Guénégan M. Alhau M. Cazenave D. Emorine L. Fels L. Á. Piñer
R. Momeux G. Sédir E. Biedermann A. Lebeau N. Lelubre S. Stétié L. Balzer J.-M. Roth J.-M. Tixier J.-D. Roumieu
F. Álvarrez Velasco J. J. Tablada J. Chatard C. Danjou J. Castillo Fan A. Merini J.-J. Dorio Bas de page
 
Portal de Poesia
 
Luis Álvarez Piñer (1910-1999):  Suite Hallucinée

MÈRE l'éventail pose sur ton âme
cette rose que je t'ai achetée pour naître
en renouant le cristal du sort dans lequel nous contemplons
l'unité porteuse de l'oscillation du berceau et du cercueil

Quelque chose reste cependant mère
entre les jours et les nuits tombés sur les villes
qui réchauffent un peu le mot destin
Entre les syllabes amères brisées jusqu'au ravissement
de tant de cellules occupées à te consommer

Malgré ces nourritures précipitées que tu agites
et qui t'aiment avec leurs saveurs si pleines de futur
parlant avec la voix de la terre depuis ton coeur

quelque chose demeure cependant mère
dans l'extase des doigts affûtés par l'obéissance
dans cette caresse trouvée au fond de l'indicible
j'ai peur de grandir sans empêcher que tu ne meures

C'est un pain de saveur pauvre bien qu'il réchauffe
quand il est déjà nuit et que l'on trouve la maison vide.
 
Luis Álvarez Piñer est un poète espagnol
____________________________________________________
Francisco Álvarrez Velasco

La soirée est humide, la nuit s'en vient,
petit à petit, par l'orient
et l'espoir se couvre de rouille.
La mémoire et la roue du temps
sont immobilisées.

La craie de la souffrance s'efface lentement
ainsi que la douleur de la chair exigée,
peu ou prou.
Ta solitude est tienne.
Bois-la gorgée par gorgée.

N'étends pas les mains:
cette heure n'est que poignée de cendres,
pareille au lendemain d'un bûcher.

La solitude est tienne
-A quoi bon les yeux,
la bouche, les mots,
les pas
qui te menaient vers les autres? -.
Gorgée par gorgée!

Ce poème est extrait de l'ouvrage bilingue (espagnol-hollanais) "Les eaux silencieuses" ("Las aguas silenciosas/Het stille water")

D'autres textes de Francisco Álvarrez Velasco sont  ici

Des études et des oeuvres des poètes qui précèdent  sont accessibles en espagnol sur le site  Portal de poesia



Chantal Dupuy-Dunier: Éphéméride

Flammarion éditeur

(6 juin)

Dès que l'enfant articule
               "Tu es",
il formule le meurtre d'Abel,
l'arrêt de mort primitif de l'Autre.

Une main sans doigts,
du fer et puis des lames,
l'absinthe au lieu de l'aube,
ce qui ôte du sens,
déconstruit l'homme et la syntaxe,
ce que l'on nomme guerre
comme si c'était peu.
 

(13 juin)

Il y a des fées
cachées dans le tableau,
de ces petites fées de la campagne anglaise
en robe pastel,
avec une pervenche pour le chapeau.
De loin,
on les confond avec des libellules.
L'une boit dans ses paumes
au bord d'un pot de fleurs.
Une autre s'est posée
près de la boîte aux lettres
dont la peinture verte s'écaille.

Depuis trois jours pas de courrier.
Seul le journal,
les faits divers.
 

(5 novembre)

Côté cour
derniers feux jetés du géranium
avant sa longue retraite
dans l'ermitage de la cave.

Côté jardin:
une nuée d'abeilles
sur le lierre encore en fleurs.
Comme on cache des oeufs,
nous plantons des bulbes de jacinthes
aux pieds des iris,
à côté des lavandes et près de la bruyère.
 

(25 décembre)

Aujourd'hui,
les maisons demeurent closes
leurs barrières tout autour
comme des poings serrés.
Le ravi est à l'asile,
les braconniers en garde à vue.
Abrité par ses persiennes,
chacun épie l'étranger qui passe.
 

(1er avril)

                  Carpe diem:

      Quelles rive,
hier vives de loups,
       emprisonnent en leurs filets
       un regard d'onde où vibre
       l'alose d'un iris vairon?
   Le fil en proie
aux errances du vers
       plonge
sa ligne dans l'encre rouge et
                      les cendres des chimères
où le pèlerin hésitant
       choisit entre
   ombles et ombres
jusqu'aux mots brochés dans la nasse du papier.
_____________________________________________
Saorge, dans la cellule du poème

Voix d'Encre éditeur

Saorge germinative
perlée, dépouillée,
humble sous la lombarde
qui manie le fouet
avec sa poigne de vent.

Saorge panifère et abreuvante.

Dehors,
sur une terrasse du jardin,
un laurier amoureux,
dont deux branches enserrent
le tronc entre leurs bras,
fait rougir de désir les orangers voisins.

Déjà, quelques abeilles inventorient
les promesses des mélèzes.
 

Au puits,
nous puisons des mots.
 

L'écriture est un mythe,
                            une incessante résistance,
                            notre tension vers...

Cela suppose l'exil et la fracture,
                                                            Loin de...

Un autre texte de Chantal Dupuy-Dunier est ici



Théo Crassas: Vierges royales

Encres Vives - Collection Encres blanches
. 
La Danse d'Aphrodite 
. 
... 
Ses oreilles délicates 
ont la couleur des coquillages 
des rives de l'Euripe 
et sont la parure de sa nuque alabastrine! 

Un collier de perles 
dont la beauté est rehaussée 
par la splendeur de sa gorge lunaire, 
orne son cou, 
blanc comme le lait de la femme! 

Mais, ce qu'il y a de plus beau 
en elle 
ce sont ses seins ronds 
dont les mamelons sont si rouges 
que le soleil couchant 
en conçoit du dépit! 

Oui, ses mammes sont si opulentes 
que j'aurais de la peine 
à les écraser contre ma poitrine, 
ainsi que des grappes 
du raisin de Corinthe! 

Les plantes de ses pieds sont 
des roses volantes 
et ses chevilles s'élèvent 
avec tant de noblesse 
qu'on dirait qu'elles ont été 
à l'école des cygnes royaux! 
...

D'autres textes de Théo Crassas sont ici



Cédric Le Penven: L'immobile serti de griffes

Encres Vives N° 365

Tu sais que je m'enfonce. Que j'ai besoin de créer des murs autour du silence. De lui construire une gangue. Un piètre édifice. Tu sais que je m'enferme pour chercher. que je parle avec un double. Que je frôle des canines aiguisées. Tu voudrais que je parvienne à expirer, lentement, comme un ballon de baudruche percé. Un sifflement perceptible à qui prête l'oreille.

Écoute mourir la soif.
 

... Dans la poêle, à feu vif, le sang caillé d'un soleil noir.

... les fruits oubliés qui font l'alcool des maraudeurs,...

Laisse couler la bouche, fondre les lèvres à la faveur du sommeil. Le ravinement dérobe la mémoire des berges et dépose la plaine des tendres. Un marcheur empiète sur la clarté de son ombre.



Anne Mounic: Cobra sous le chant, médusé, dansant, conquis pour un instant...

Encres Vives N° 366

Les paroles depuis l'enfance ont créé des lieux de paix dans les replis de l'âme
...
Le paysage, comme le langage sur la page, rayonne de résonances.
C'est l'infini qui y converge - toutes les images, tous les présages,
et les pulsations de nos nuits, là où se crée le rythme qui tout réverbère
sans rien défigurer, aucune ébauche, aucune attention. a chacun son reflet
dans la parole où puise le familier aux mille visages, aux inflexions variées,
dans le paradoxe de l'être, le même mouvement des lèvres, la même joie,
le même effroi - une seule ardente figure pour un déploiement illimité de lueurs,
de moirures, nuances et infléchissements, autant que nous sommes,
avons été, serons, chacun, notre particulière floraison qui se reconnaît
en sa singularité dans l'immobile résonance, aux aguets,
l'oreille du monde en sa clarté, azur et or
au paradis de l'instant, qui est l'éternité de l'enfant.

...
Le chemin le plus ardu ne mène nulle part si ce n'est à lui-même
...

La mort triomphe de la main vaincue,
qui ne connaître d'autre vengeance que la plume,
sa pleine mesure, sa détresse,
sa plénitude d'inquiétude, sa tâche d'écriture.
...

Il est dans l'existence des présences en filigrane,
des modèles, à certains égards, des figures lointaines
qui tracent des idéaux.
...

...mais les mots ne sont pas le baume. Ils sont
plaisir pur posé à côté de l'irréparable malheur,
...
 

Vertige

Joie,
générosité d'être dans le dépouillement du vivant,

Joie,
cri de l'être au seuil de naître,

et puis l'angoisse,
retournée comme un gant.

La joie au deuil du temps arrache la parole.

Cette chute dans le vide est un envol,
                                                               aussi.

D'autres textes de ce poète sont  ici



Georges Cathalo: A l'envers des nuages

Encres Vives N° 367

silencieux

ils portent en eux leurs mystères
et leur silence est éloquent

des larmes ont séché sur leurs joues
on ne peut rien en dire
pas plus qu'on ne peut deviner
l'étendue de leurs secrets

ils n'ont ni futur ni passé
ils vont et viennent sans un mot
et rodent autour de leur enfance

et pourtant leur cri est limpide
comme une main qui se tendrait
vers un nuage disparu.
 

consigne

n'ayez pas peur laissez-moi faire
confiez-moi vos rêves et vos désirs

ouvrez vos portes et vos fenêtres
aux vents de tous les déserts
aux nuages de tous les cieux

laissez-moi faire
vous pouvez partir tranquille
en me confiant vos clés

en revenant tout sera là
rien n'aura bougé rien n'aura changé
n'ayez pas peur laissez-moi faire
je suis l'oubli je ne fais rien.



Alain Duault: L'effarant intérieur des ombres - Une hache pour la gelée, II

Gallimard

Ferais-tu cent photos de moi qu'aucune ne ressemblerait à
Une autre: comment alors m'y retrouver avec mon visage
Comment me reconnaître dans cette image que je lis dans
Tes yeux comme si quelque chose du désastre avait passé
En moi un vent qui caresse l'escalier des vagues jusqu'à l'
Énigme de l'horizon tous ces si j'étais comment savoir ça
Cette poignée de veines ces mots qu'on aurait voulus cela
Qui ne se fixe pas sur la pellicule: j'ai toujours pensé que
Si les oiseaux fuient quand on s'approche c'est sans doute
Parce qu'ils parlaient de nous qu'ils échangent des secrets
Sur nos hanches sur les arbres de nos doigts sur ce visage
Qu'on croît connaître mais tes mains seules en font le jour
Et la nuit: ça ne ressemble à rien un visage c'est du passé
Qu'on garde dans ses tiroirs pour se souvenir après quand
On ne sait plus même la douceur de ses collines son matin

Un autre texte de d'Alain Duault est ici



Jeanine Baude: Île corps océan

L'arbre à paroles

Attouchement d'espaces
autant de sable dans la mie de pain
Le paysage se met à table
 

Parmi les ronces les chairs
la parure étoffée du soir
la page   à flanc de coteau

Curer les fossés délivrer les marges
c'est obstinément ferrer le chant

Dans le lavoir il pleut des pierres
 

La mort sent le renfermé
 

Et si l'attroupement était suspect
des cailloux sur le muret
 

La perle ne donne pas son nom à l'huître
 

La direction de l'est
pour passer au large du cap

le cours est rapide   Le fleuve
Tes mains qui cherchent

l'orage ou le sac de blé

Un autre texte de Jeanine Baude est ici



Francesca Y. Caroutch: Naissance quotidienne

Encres Vives N° 368

Récit

Toi tu reviens de loin
sanglé dans ton costume d'éclipse
mais le coeur en charpie

Combien de fois
tournas-tu en orbite
autour du soleil

Aux lisières de la félicité
tu sais que le temps est toujours libre
le mouvement nu
et les piques de foudre
signent l'art de vivre

S'étreindre près de la mer
retombée en enfance
 

Offrande

Comme un orage tu surgis en moi
suscitant des folies artésiennes
La sueur coule au front des ténèbres

De frayeur le cyprès blanchit dans la nuit
Les présages tombent de si haut
sur nos vieux jardins de lotus
qu'ils se dissolvent aussitôt
comme le son des flocons de neige
Que de lunaisons
avant que ne se décante
le désir torréfié
à flanc de souffrance
Entre la matière et l'esprit
ruisselle une lumière dorée
Ne demeure
que l'aura d'un amour infini

D'autres poèmes de Francesca Y. Caroutch sont ici



Spécial Jean Billaud

Encres Vives N° 369

Les Pigeons de Chinon

...
Les pigeons de Chinon chient
Ceux de Given aussi
Mais ceux de Nancy
scient
de Gavarny
nient
et de Paris
rient
Seuls ceux de Chinon
ainsi que de Given
chient
 

Les mots brûlent parfois les entrailles la peau
Pourquoi tous ces efforts
quand des pas vous conduisent
vers un port sans bateaux
L'oubli est au bout de la vague
quelque chose de vague
qui boit les souvenirs
mais jamais ces regrets
d'avoir trop longuement
joué avec les mots
comme avec une flamme
sans voir qu'elle pouvait
allumer aux racines
l'incendie qui dévaste
la forêt d'une vie
puis regarde sur l'eau
l'ombre de la douleur
monstrueuse danser
sous des nuages noirs



Marcel Migozzi: Et si nous revenions, sans vieillir?

Encres Vives N° 370

Si je me souviens de la guerre, c'est que j'ai vieilli.
Et sur la photo l'étable reste bien seule en ses pierres et sa terre cuite usée du toit.
Gros plan sur le mur de derrière où tuiles touchent arbustes, orties, ciel bas.
Mais la pommeraie, où?
Deux barrières à fils de fer (on pense à la couronne d'un crucifié à la guerre), à pieux d'avant le déluge (troncs mal écorcés, barbelures noires de pluies anciennes) qui bornent un sentier d'herbes.
Des près à vaches mais déserts en ces heures où les insectes travaillent la terre, et dans et sur.
Pommeraie qui s'élève jusqu'à un ciel de vieux bleu écaillé, traînées de mauvais temps, en est bien quand même.
Quel enfant qui n'aurait pas vieilli se souviendrait?
Le silence, on dirait qu'il rouille.

Un autre texte de Marcel Migozzi est ici



Avel IX N° 23: Les maisons, les lieux, la mémoire

Gérard le Gouic

Au parloir des solitudes (extraits)

38   J'arrachais des ronces
       un oiseau s'est envolé
       au bout de mes doigts.

67   L'ami retrouvé
       n'a pas vieilli d'une ride
       mais c'est dans le coeur.

D'autres textes de cet auteur sont  ici
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Jean-Pierre Siméon

Le jour où un homme a bâti une maison sur la terre
là où d'abord il dormit avec les vents
ce jour-là il a nommé le temps
en lui donnant séjour

Il fut celui qui dit:
une éternité me manque

et désignant le seuil
où s'arrêtait le monde
il fit de chaque jour un souvenir
une absence dans la chambre

ainsi il inventa la mort connaissable
celle qui grandit avec le mur l'arbre et l'enfant
et bientôt laisse ses souliers à la porte

depuis lors nous savons que la maison est vaine
...
______________________________________
Béatrix Balteg

J'habiterai

J'habiterai une roseraie
pour que chacune de mes cellules
soit pétale de fleur

J'habiterai le lit de la mer
pour que mon sang
soit arc d'écume

J'habiterai le nid de la terre
pour que ma chair
devienne fruit

J'habiterai l'écorce de l'arbre
pour que mes membres
ricochent sur des siècles

D'autres textes de cet auteur sont  ici
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Jean-Albert Guénégan cité par Françoise Coty

... Il rentra dans sa maison, s'empara des "Amours Jaunes" et s'affaissa dans un fauteuil. Il relut les "Rondels pour Après" pour leur fraîcheur. Sortant de la nuit des temps et de sa jeunesse il se remit à sa table de travail dans l'espoir insensé que la page blanche se noircisse. Mais la feuille de papier s'entêtait, heureuse dans son grand nord du rien à dire, pas prête à se laisser envahir par un flot de mots orageux, trempés dans l'encre du ciel.
...

Extrait de "Dimitri et les livres" - Éditions la clé du jardin

Un autre texte de ce poète est  ici
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Max Alhau

"Pierre veilleuse
qui ne connais
ni le sommeil ni la mort,
qui voyages immobile,
fermée sur ton ombre,
sois pour nous
ce jour et cette nuit
à jamais récusée,
cette plaine sur laquelle
il est permis
de renoncer à tout espoir
de se porter ailleurs.

"Qu'y a-t-il derrière le vide?
peut-être cette profondeur
qui habite la parole.
ce souffle que l'air
ne trouble pas,
mais surtout l'infini
sans lequel rien ne commence."

Extrait du recueil "D'asile en exil" - Editions Voix d'Encre - Prix Georges Perros 2008

Un autre texte de ce poète est  ici



Michel Cazenave: L'Avis poétique (1957-2006)

Éditions Arma Artis

Tout l'amour
de la Mère
est la mer
de l'amour

qu'illumine la grâce.

                              (1997)
 

Mémoire de la Licorne

quand un homme m'approche
                     dans le silence des bois
de ma corne de feu
                     je lui ouvre le ventre
pour qu'il reste à jamais
                     dans l'éternité de l'amour,
et je bois le sang frais
                      qui s'écoule peu à peu
de sa plaie dessinée
                       sur ma tête candide
 

La figure de l'aimée est la face de Dieu.
 
 
Si obscure 
la clarté  
qu'illumine l'abîme! 
 

Encore Issa! 

Couvert de papillons 
l'arbre mort 
est en fleurs! 

Le cadavre palpite...

 

Et l'abîme
se creuse
dans l'abîme

qui se creuse

de l'abîme
à l'Abîme -

qu'à l'abîme réponde
la voix nue
de l'abîme

se tait
toute voix

de l'abîme
qui se creuse

dans l'abîme
où se creuse
cet abîme
de l'Abîme...

Un autre texte de Michel Cazenave est  ici



Denis Emorine: A la croisée des signes - Divagations sur l'écriture

Éditions Soleil natal - Collection Nouvelle Tour de feu

Ceux qui, dans leur jeunesse, ont eu la révélation de la mort éprouvent une certaine répugnance pour l'oraison funèbre sous toutes ses formes.

Le silence n'est pas absence - ou carence - de paroles. C'est la parole qui se révèle usurpation du silence.

A la croisée des signes, l'écrivain attend le moment où les mots prendront racine.

Tu ajoutes un mot à un autre, rayes, effaces, déchires ou non pour finalement te retrouver aussi désemparé qu'avant.
 

Dans le temps divisé

Les Cahiers du Sens - Le nouvel Athanor

Toutes les nuits, je fais le même rêve. Je me promène dans le jardin. La nuit est tellement noire que j'avance à tâtons, et sans bruit pour ne pas être repéré. De ma chambre dont la fenêtre est ouverte, un homme m'observe, immobile.

Toutes les nuits, je fais le même rêve. De ma chambre, immobile, j'observe un homme qui se promène dans le jardin. La nuit est tellement noire qu'il avance à tâtons et sans faire de bruit.

Un jour peut-être, ces deux hommes n'en feront qu'un. Ce jour là, j'aurai cessé de rêver. Les deux hommes aussi, il faut l'espérer.

Le site de Denis Emorine est  ici



Laurent Fels: Ourganos (calligraphies de Luc Templier)

Éditions Poiêtês
 
          ...Sphères  d'exil...  Midi  flairant   la 
solitude  des  rapaces   à leur  gîte,  flairant 
l'argile  de  la  demeure  sans  porte... 

          ...Trois  étoiles   comme   des yeux de 
Cyclope brillent dans  le miroir en triptyque. 
C'est l'eau du silence qui sort du pan de mur 
devant l'arbre mort... 

          ...L'odeur des cactées nous ravine la 
mémoire. Midi de fauve, je t'ai nommé jour- 
de-tristesse  sous  ta   longue  houppelande 
d'ascète...

 
D'autres textes de Laurent Fels sont  ici



Traces N° 169 et 170

Éliane Biedermann

L'enfant joyeux court
comme un voleur
dans la forêt éprise de songes

Le caillou de sa fronde
chante la victoire
sur les ombres du destin

Il frôle l'horizon
se glisse dans la bruyère
se mire à la fontaine
qui lave les faubourgs
et fait renaître les jardins
endormis par l'hiver.

Un autre texte d'Éliane Biedermann est ici
____________________________________
Alain Lebeau

Le pays d'ailleurs

C'est un pays d'ailleurs
Une île solitaire
Un lac de cailloux
Où les serpents tètent les chimères

C'est un pays de longues barbes sages
De vieillards accroupis
Et de guerriers furtifs
C'est au guichet de lourdes portes
Qu'on y dévoile la face cachée des femmes

C'est un pays de chaud et froid
De chevauchées interminables
De combats de molosses
De cris de faucons noirs
Sur les guirlandes enneigées
On y reçoit l'appel à la prière
Entre deux rafales mortelles
Deux râles empalés
Au-dessus des ruines de pisé
...

C'est l'Afghanistan
...

D'autres textes d'Alain Lebeau sont ici



Traces N° 171 et 172

Robert Momeux

Départ et augures contradictoires

L'enfant s'en va dans l'aube noire
Les brouillards sont plus grands que lui
Il part et des ombres s'agitent doucement
Sur les talus qu'élargissent des lumières pâles
La peur c'est comme un cheval fou
qui galope au loin près des arbres
Et ce qu'on entend c'est le vent
Qui se heurte aux portes du vide
Peut-être un jour de calme se prépare
Où des oiseaux feront très vite
De larges signes dans le ciel clair.

D'autres textes de cet auteur sont  ici



Georges Sédir: Il se fait tard

Maison de poésie

D'amour et de mort

Amours en allées
Le long des allées
Menant à la mort

Vous avez sans doute
Ignoré la route
Vers le divin port.
 

Des voix

... des voix, des voix parfois muettes
mais gonflées de sens et de sève
pouvant résonner dans les têtes,

des voix venues d'ailleurs et pourtant familières
murmurent sans relâche à qui veut les entendre:

IL EST PLUS TARD QUE TU LE CROIS.
 

Ombres errantes

Le peuple pâle des morts-nés et des fantômes
A laissé des lueurs fragiles dans les marges.
Entre vie et non-vie vole mainte existence
Apparaissant et s'effaçant dans l'intermonde.

Atomes d'énergie et lueurs de conscience
Perdues. Mondes pourris. Bouillonnement cosmique
Brassant des dieux déchus, des êtres improbables
Des rêves sans rêveur luttant contre l'oubli.

Savoir que ce chaos n'est qu'un jeu de folies
Loin du Réel. Les dévoiler. Et les détruire.
 

Tout est vrai

Tout est faux! déclare l'aveugle.
S'il a dit vrai, tout n'est pas faux.
S'il a dit faux, tout n'est pas faux.

Tout est vrai! lui répond le sage.
S'il a dit vrai, tout est donc vrai.
Si tout est vrai, il a dit vrai.

"Un long regard sur le calme des dieux".
Ou sur l'enfer dont souffrent les damnés.
Ou sur des riens, d'ordinaires sottises.
Tout peut être pensé, dit, contredit

Et nos erreurs même sont vraies.

Un autre texte de ce poète est ici



Francesca Y. Caroutch: Clameurs nomades

Éditions du Cygne

Les Roosens

Décembre soufflait sa buée de merveilles
Dans les aquarelles neigeaient des étoiles
Hameau palpitant autour du foyer
- topaze de vigilance
Que de rêves derrière le givre des vitres

Le visage de l'aïeule
donnait un nom à la cécité solaire
Dans la pénombre luisait une orange
petit soleil régnant un an
sur un coin de la cheminée
Ébriété des nuits piquetées par le cri
d'invisibles oiseaux
 

Dans l'île aux longs yeux de pirogue
belle à en perdre la raison
l'enfant d'une grâce inhumaine
comprend soudain
le chant des merles
la féerie de la rosée
le grognement de la truie
le gémissement de plaisir de la brise
dans les citronniers

La sève du verbe jaillit
jusqu'aux frondaisons flamboyantes

Maître de la discrétion
et des nuances inconnues de la soif
qui brûle les entrailles
 

La campagne bleutée tremble un peu
derrière une flambée de chardons
Près des bois d'aubépine
d'invisibles alouettes
ivres de leur ode au vertige
très haut dans les cieux
se laissent tomber presque jusqu'au sol

Elles grisollent
comme toi
qui rend vivants
les métaux morts

Serments scellés
 

Un matin te croyant seul
je t'ai vu te prosterner sur la terre mère
et lui faire une offrande de miel
Des langues de feu ceignaient ton front
Puis la vie reprit son cours
pas ordinaire

A présent c'est moi qui suis seule au monde
Seule la lune qui me regarde fixement
sait où je gîte
sur l'échine de la Terre-mère

D'autres poèmes de Francesca Y. Caroutch sont ici et ici



Traces N° 33 et 34 (an IX)

Norbert Lelubre (1912-2008)

...
Ce monde à cuit sa haine... a filtré sa vengeance, abruti la pitié! Il viendrait clouer le pardon des morts, le baiser des justes! La nuit tout entière écrase ses pauvres, sue sa honte et ses lâches!

Plus fort et plus vite! D'un horizon qui les vomit à l'horizon qui les dévore! De la gueule de glace à la gueule de flammes... Plus fort plus vite!

Ils sont là tout près. Je les vois malgré l'ombre... J'hésite... On dirait qu'ils sont beaux. Des profils plus droits que ceux des médailles... des lèvres dont l'arc est pur et sans flèche.

Mais je les connais. Je sais ce que vaut cette graine et ce qu'il en sort: ses puissants et ses capitaines.

Plus fort et plus vite! Allez en désordre! Allez en cadence! Tout ça c'est pareil! Le vieillard et l'homme! C'est la même griffe! C'est la dent vivante et la dent rongée! je n'aime pas la main pesante! Je n'aime pas la main tremblante! La vieillesse désarmée, fétide, cette sale vieillesse me dégoûte!

Et leur femme tendue comme un piège dans l'herbe... Celle qui se souvient d'avoir fait alliance avec le serpent! Celle qui nous pique et ne pense à rien... Repliée au soleil, tout heureuse d'être chaude, roulant son ventre ouvert, ses longs yeux vénéneux!

Voilà avec qui il faut rire, mentir et trahir! Allez! Allez! plus vite! Je veux vivre! Alors je vais dire que vous êtes majestueux, patients, doux, candides et c'est moi qui jetterai la dernière pierre! Malheur à l'homme seul!
...
 

On n'est jamais seul
quand la mer rapporte les voix des amis
on n'est jamais seul
quand le ciel et la terre sont du même poids à midi
...

L'oiseau que je te donne fait la roue sur ton souffle - L'oiseau que tu me gardes - un paon aux yeux de vierge... C'est le seul de sa race

Il vient sûr de lui-même. Il jette ses gants sur ton lit. Ce soir c'est avec toi qu'il couche

Il dit qu'il est l'Amour
...

D'autres textes de cet auteur sont ici



Salah Stétié: Si respirer

Éditions Fata Morgana

Tout ce qui compte, tu le sais, est liseré, lisière. Je pense à ce qui tremble. Ce gibier-là, soyeux, est de peau transparente sous l'oeil dur des fusils. Le sang aussi, facile à prendre. L'oiseau nous oubliera.

Mais toi, dans ce pays. Noire et dorée comme est la moisson de l'orage. L'épée du vent divisera le sel. Tu seras, mon amour, entrebâillée. Ton sang qui flue garnira l'obscure lampe, irradiera. Tu parleras la langue.

On ne saura jamais ce qui fait la nuit s'éclairer à la noirceur. Un ange est là, avec son dos terrible. Pour protéger nos dos.

Et la rivière aussi est là, enfouie avec ses ruches. Le temps est au silence.

L'abeille est brève entre l'aube et la fleur.

D'autres textes de cet auteur sont ici



Lucas Balzer: Insaisissable nous saisissant

Éditions Amalthée

Marie-Ange

Elle pour qui la planète est une pomme en suspens
Avec le sourire à entendre accorde
Les soucis du jour dans le mystère de la dérive

Suis calme avec toi comme un fou quand il aime

Exerce son espiègle pertinence la Nine
Où connaître que vivre n'est qu'échange du tout et du rien
Elle m'écoute en dormant rêver dans sa nuit



Anne Mounic: Puits du ciel

Éditions Caractères
...
Nous voici tous deux à la terrasse du grand café
sur la place où ne passent
que piétons et bicyclettes,
il palazzo communale, derrière nous
la loggia dei militi derrière le kiosque à journaux -
                mille couleurs, titres et photos,
                le bavardage du monde tel qu'il va,
                la mort entre les lignes, qui nous lorgne,
                tant de victimes, les chiffres, à corps et à cri -
le baptistère, en face, et puis la cathédrale, il Duomo,
de marbre blanc, rosé, vert pâle,
par-dessus les briques lombardes
et les deux lions, mignon minois,
qui gardent l'entrée, de part et d'autre.

Je me demande toujours ce qui fait la richesse d'un symbole
ou l'extrême beauté d'une forme - si ce n'est pas,
tout compte fait, l'attirance dans la parfaite ignorance
des tenants et des aboutissants.

Le symbole est l'éprouvé de la parfaite innocence.
...

Est-ce donc bien la blessure, et nulle autre qu'elle, qui nous dit que nous sommes vivants?
...

La blessure, c'est le temps qui nous fend;
...

La beauté n'est pas un rêve de pierre, mais la forme mouvante de nos instants...
.
D'autres textes de ce poète sont  ici



Jean-Marc Roth: Escarpement du portrait

Éditions Edilivre
...
Je raconte un sentier rocailleux un vieux piano
Une mansarde poussiéreuse
Une cour ouverte sur un bouquet de ciel
Aube griffée sur un port désaffecté
Mélancolie de la pluie sur la mer

Je raconte à voix basse l'arc-en-ciel
Kaléidoscope sur le pont du large
Aquarelle délirante
Lavée de ta silhouette
Au loin égarée sur une île vierge

Je te raconte la mort de ta chienne
La résurrection de l'ennui
L'effacement de ta mère
Un soir d'amour triste

Les volets du jour
Refermés sur les nuages

Seul je te raconte ô Violaine
Enfant instantané de l'orage et de l'éclaircie
Les yeux mouillés d'étoiles

Le peu de clarté qui m'habite
Une enfance à peine de mémoire ardente
Une éternité de légende inavouable
...
D'autres textes de ce poète sont  ici et  ici



Jean-Max Tixier: Le Grenier à Sel 2

Encres Vives N° 371

Dans la lenteur du jour qui naît des mots les pas s'en vont et se retournent. Le point n'a pas de point qui lui succède et du même poids pèse à cet endroit. Nous ne sommes pas en terre de similitude. Descendre alors dans les profondeurs de la langue, amener vers soi les strates accumulées à la lisière du temps. Là où la voix s'articule à l'écriture. Tu ne sauras jamais d'où vient ce que tu dis, ni si le sens que tu prêtes connaît son propre sens dans l'épaisseur des sens passés et à venir. Dire produit une béance dans l'infinité des fils qui s'entrecroisent. Écrire engendre une blessure dans le tissu vivant du langage.

... Qui ne laisse pas trace de son passage est né en vain...

... Il n'est ni spontané ni facile de contraindre la langue à la juste expression...

D'autres textes de ce poète sont  ici



Jean-Damien Roumieu: Veille le vent

Encres Vives N° 373

Autant de feuilles en la forêt que je traverse, autant de faces appelant mes cours d'eau. En leur cérémonial de lenteur intuitive, l'aubier et les écorces décrètent un jour sans feu d'épines. Filtrer la charge de lumière qui, sans la voix du récitant, serait déluge ou sécheresse.

Le long des failles des rochers, une herbe rare. Les horizons sont obstrués. La défiance altère l'air. Il est besoin d'ensemencer et d'assouvir nos évidences. Il est donné à la parole de traverser l'impénétrable.

Avant l'aube levés pour couronner l'inconnaissable. Arborescences, et l'impatience des sommets. Dans les vallées, échos, reflets. Cesserions-nous de désirer?



José Juan Tablada (1871-1945): Haïkus

L'ARAIGNÉE

En parcourant sa toile
cette lune plus que blanche
l'araignée ne dort jamais.
 

LES OIES

Pour un rien les oies
sonnent l'alarme
de leurs trompettes de boue.
 

FEUILLES SÈCHES

Le jardin est plein de feuilles sèches;
jamais je n'ai vu tant de feuilles
dans ses arbres verts au printemps.

Extrait de "Caleidoscopio nocturno" - José Juan Tablada est un poète mexicain



Théo Crassas: le Château des désirs

Encres Vives - Collection Lieu N° 211: Inde
 
Haleine de Nénuphar  

Quelle merveilleuse sensation 
que celle que me procurent 
les abeilles qui tournoient 
autour d'un bouton de rose, 
comme il est puissant leur bourdonnement, 
pourtant si aimable, 
si suave! 
.... 

Précisément, en quoi consiste la douceur, 
si je ne sens pas sur mes lèvres, 
consumées par la passion, 
la pression du papillon de nuit 
de ta bouche,  
plus tendre que toutes les roses rouges? 

Et comment ne pas songer 
à la nourriture des dieux, 
à cette ambroisie 
tant jalousée par les mortels, 
quand tu me parles d'amour 
de manière si capricieuse? 

Or, ton amour surpasse 
tous les contes de fées 
de nos aïeux 
par la grande tendresse,  
même mélangée 
d'une apparente désinvolture, 
qu'il faut attribuer à ton nonchaloir! 
.

D'autres textes de Théo Crassas sont ici



Traces N° 173

Jean Chatard

Les pistes de l'envol

...
A l'écoute toujours de ce rire inquiétant qui
radoube l'écho qui marchande les pluies je
m'appuie doucement contre le mur de tes départs
les singuliers - face à la nuit - debout
contre les pouls de la fatigue

J'ai navigué dans ces rumeurs j'ai eu
vingt ans sous ces linceuls

On me pendit au mât de très anciens
soleils habillé pour tout dire d'algues poivrées
et d'éperviers géants

Entre le flanc et l'eau je m'habitue
aux cris des profondeurs

Je parle à d'autres dieux
...

Je perds mon ombre à chaque escale je
penche un peu vers l'horizon

Il nous faudra vêtir cette nouvelle terre
que l'on nomme sommeil il nous faudra
marcher dans l'or des galaxies
où gravitent des mondes

puis s'étendre en pleurant dans les allées du froid

Tout recommencer pour apprendre aux couleurs
les joutes du regard

le cri de l'oiseleur

D'autres textes de Jean Chatard sont ici et ici



Chantal Danjou: blanc aux murs rouges

Encres Vives N° 374

rupture et
le temps étiré de plus en plus
vers l'ouest où les rouges reviennent
présence est-ce possible
la voici affleurante
sur la plaque sensible de l'étang
 

feuille rouge

autre réduction

d'une barque tirée

haut sur le sable
 

de la multitude
papillons pas plus gros que grains
de sable coloré jaune bleu gris
nos tas de petits trésors accumulés
d'où sortir éclats et éclaboussures

D'autres textes de Chantal Danjou sont ici



Jorge Castillo Fan: Poesía

Cañasanta (Revue d'Art et de Littérature latino-américaine)

(De "Écho du Feu")

Tu sais que je n'ai jamais eu d'âge seulement des battements
pour annoncer toute la rosée
que verse ton corps
sur le dernier iris du désir
Seulement cette chanson croissante à fleur de soif
qui souligne mon destin
Seulement ce navire insomniaque qui échoue en toi
sans que le saches.
 

(De "Revolver de l'amour")

                                                      Tandis que je continue de t'aimer
                                                                                                 Juan Gabriel

Que Dieu entre dans ta poitrine
avec une lampe sans temps
et que fleurissent les enfants
comme un jardin de miracles lilas
Que le pollen de ton rêve

adoucisse ton regard
et que tout le rêvé te couronne
(Tandis que je pleure dans l'obscurité
en continuant de t'aimer).

Juan Castillo Fan est un poète péruvien

La revue Cañasanta d'Art et de littérature latino-américaine est  ici



Alda Merini (1931-2009): Citations du journal Le Monde (3 décembre 2009)

Je n'étais pas un poète, je dois avoir été un grand fakir, un sage. J'ai supporté des choses ignobles sans piper, cherchant les raisons du mal. J'ai compris que le mal n'existe pas plus que le bien. Alors je suis devenue nihiliste: le matin, je prends ma tension, je tâte mon pouls, et je pense combien d'heures me restent avant de monter à l'échafaud qu'est la vie. J'offre ma tête à mes éditeurs, qui me laissent repartir une fois encore. Exactement comme à l'asile où, chaque jour, on nous rassemblait et on faisait l'appel pour nous laisser repartir ensuite: une torture qui a duré dix ans. Jusqu'à ce qu'une grande bourrasque, peut-être une grâce, peut-être une grande magie, m'a fait échapper à ces grilles. Et j'ai commencé à me demander pourquoi j'y étais entrée et c'est devenu une seconde torture.

La douleur n'est rien d'autre que la surprise de ne pas se reconnaître.

Un poète ne rejette jamais ses propres ombres.

La lobotomie est la touche finale d'un grand coiffeur.

Alda Merini, une Antonin Artaud italienne?



Jean-Jacques Dorio: Une minute d'éternité

Librairie-Galerie Racine

L’AMANDIER DES MARTIGUES

                                                             A Jo

D’arbres fascinants Humains n’ont pas fini
      de rêver de boire et de manger:
   pins chênes verts micocouliers
      et pour ceux de l’au-delà des mers
   zelvokas ginkgos hananokis

   D’arbres où l’homme étend son identité:
     arbre de neige, chêne écarlate
  et l’érable   qui est de charme, argenté
        ou du fleuve Amour

   D’arbres multiples polyphoniques
         d’arbres mortels   fruits défendus…

Mais ce matin j’oublie les dictionnaires et les académies
   les acacia acacie ailante albizzia aliboufier alisier
 Pour aller en ce neuf février
    contempler mon amandier

  Brassens en fit chanson légère
  Belle grignotant toute sa récolte
  Lamartine méditation:
    Allégorie de cette vie
    Qui feuille à feuille    s’enfuit

Mais c’est Van Gogh que je choisis
   Mon voisin d’Arles         qui en février 1888
     fut dit-il transporté par tous ces blancs
     et ces vergers qu’il voulait refigurer
            d’une gaieté monstre*
     Il se donnait du mal    Il éreintait la toile
     Mais foin de la technique et des Indifférents
            Ce matin pour Vincent
            L’amandier des Martigues
            Aide le ciel renaissant…

                * lettre à Théo

D'autres poèmes de cet auteur sont ici et ici

Le blog de Jean-Jacques Dorio est  ici



Yamila Greco: Écrit pour Cañasanta

Cañasanta décembre 2009

X

Avaler
la nuit
jusqu'à
mourir
dans
les
fenêtres
de la
lumière

j'ouvre mes jambes
en pleine recherche lunaire

et je rencontre des lapins.

Yamila Greco est une poète argentine. Son blog est  ici



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