Pour revoir la cueillette du 2ème semestre 2002: cliquez ici
Pour accéder directement à un auteur , cliquez son nom dans le tableau ci-dessous:
La fille de Rimbaud
L'enfant à la robe entrouverte
se lève à l'heure
où les paroles sont des mots de fête
car elle même est une fête
quand elle repose les cuisses au sol
et que le vent la parcourt
de ses doigts infinis
Un tricycle de cristal l'attend
réuni aux fleurs du patio
et un nid de papillons aveugles
se dénude entre ses os de miel
et dans son lit de plumes bleues
elle suspend ses tresses de blé
et se raconte à elle même
ses abeilles mortes
jusqu'à ce quelle s'endorme
tandis que l'après-midi l'enveloppe
de ses lèvres jaunes
La petite à la robe entrouverte
s'éveille à l'heure
où les horloges rêvent
parce qu'elle même est un songe
quand bâillent ses vêtements
et que les moineaux s'assemblent
fous d'amour
sur sa poitrine de papier
Poème
de Mario Meléndez, poète chilien, extrait du recueil "Vol
souterrain" que l'on peut lire dans Portal
de poesia
Peut-être que si je touchais du doigt
le signe
d'avoir enfin avancé
et que se déchirent en moi les rideaux
les voiles aveugles
les lourdes tentures qui occultent le ciel
bleu
ce n'est pas tant le bleu mais l'immense
quelque effraction de l'intouchable à
respirer
et que le pas que je fasse me mène
vers d'autres lieux
comment les concevoir sans le vertige de se
hisser
que ce passage quel qu'il se nomme ne soit
que dans la verticalité du voyage l'atteinte
du souffle
dont nous avons manqué pour vivre
car nous avons survécu avec une âme
tourmentée
et nous nous sommes toujours tenus en attente
de ce qui devait advenir espérant
que ce ne serait pas seulement le vent dispersant
ses rumeurs ni le murmure des vagues retourné
alors même s'il n'y avait rien
il resterait ta main pour traverser la vie
Poème lu sur la "Liste
de Poésie", extrait de "Angarie"
L'amour brûle le circuit
Tu passeras comme j'ai passé
répands tes yeux pourtant sur mon poème
afin qu'un peu de vie s'étende encore
ici où j'ai tué
un de mes grands songes dérisoires.
***
Est-ce qu'il faudra mourir
et tenter d'oublier
tous ces parfums liés
à l'éclat de fleurir?
Alain Borne est mort accidentellement le
21/12/1962
___________________________________________
Norge
(1898-1990) cité par
Simonomis
Ce qui fait votre langage
Si noble et si riche de ton
C'est qu'il puise dans l'herbage
Le cri même du limon.
...
Couteau, ce chant, tu le trouves
Dans la gorge du cochon.
...
La fille au garçon
Parlait de façon
Si douce
On dirait sous bois
Un petit patois
De source
___________________________________________
Philippe
Biget
Variations pharaoniques
1- Il avait un sexe en forme de Tour Eiffel.
Elle
avait des rêves d'une profondeur vertigineuse.
...
____________________________________________
Claude
de Burine
Plus seul
Plus seul qu'une dragée
Perdue dans la boue
Aux portes d'une église
Qu'un sou dans un terrain vague
Qu'un corps avec sa peau qui flanche
Plus nu que le mot de l'adieu
Il crève lentement
Sous les buissons, les ronces
De la maison des riches
Où l'homme fait son blé
_____________________________________________
Micheline
Dupray
Probabilité
Neige plus belle encor
de n'être pas tombée
Sans mémoire au réveil
le rêve de la nuit
ressuscite en lumière.
Appel muet d'amour
entre deux inconnus dans le métro,
plus troublant de rester toujours
secret, sans avenir.
Quand l'Homme aura tout dit
-même l'inadmissible-
le monde se retrouvera
dans la fourrière du cosmos...
_____________________________________________
Jean
Claude Tardif
L'homme sous la lanterne
au teint hâve de miroir
cherche ses mots au creuset
de la lumière
Tourne lui le dos
et c'est encore toi que tu fuis-
ton frère de poème
l'étranger que tu tutoies d'un silence
Assis sur le trottoir,
pieds dans l'eau sale
coudes sur les genoux du rêve
et de la désillusion,
il sait qu'il porte
dans le grand havresac de son corps
le noir innommé
où la nuit s'absentent les étoiles.
______________________________________________
Vladimir
Maïakovski (1893-1930) cité par
Christophe Dauphin
Ici - les mâts qui passent sous le
pont - ont à peu près la dimension d'une épingle.
- Je suis fier de ce kilomètre d'acier - en lui ont pris vie mes
visions - la bataille pour les constructions au lieu des styles, - le calcul
rigoureux des boulons, du métal. - Si survient la fin du monde,
- si le chaos pulvérise la planète - et que seul demeure
ce pont, - cabré au-dessus de la poussière du désastre
- alors - comme à partir d'un os minuscule - plus fin qu'une aiguille,
- on fait grandir dans les musées des dinosaures debout - c'est
ainsi qu'avec ce pont - le géologue des siècles - saura reconstituer
les jours d'aujourd'hui.
______________________________________________
Louis
Lefebvre cité par
Michel Monnereau
Celle que j'aime est morte.
Que Dieu ait son âme!
Moi, j'ai eu son corps.
Chacun sa spécialité.
______________________________________________
Michel
Gay cité par
Michel Monnereau
Tout amour porte en lui sa fin,
et c'est cela l'éternité.
Michel Gay est décédé
prématurément en 1998.
______________________________________________
Christophe
Dauphin cité par
Jacques Simonomis
...Une infusion de thé traverse les
conversations...
...Le monde se construit dans l'homme que
l'on tue...
...Le voyageur ne part jamais qu'à
sa propre rencontre...
D'autres extraits de C. Dauphin
sont ici
______________________________________________
Odile
Caradec citée par
Jacques Simonomis
Petits travaux
Je suis porteuse de poèmes
façonnière en poésie
Je suis le socle de la torche
le clair-obscur de mon logis
Le pur métier de la modiste
fleurs, oiseaux, plumes sur chapeaux
je l'exerce en faisant chanter
de la musique dans mes os
Au plus secret de mon squelette
sous toute la peau de ma tête
il y a des rubans de sons
Ma tête de mort est inquiète
quand serai-je en pleine raison?
Pour lire un autre poème
d'Odile Caradec, cliquez ici
_______________________________________________
Paul
Vanderborght (1899-1971) cité par
Jacques Simonomis
Amitié: banquet du coeur ordonné
par l'intelligence
Et ce sourire est grand comme un pardon de
pauvre
_______________________________________________
James
Douglas Morrison (1943-1971) cité par
Jacques Simonomis
Être saoul est un bon déguisement
J.D. Morrison, chanteur des
Doors, est enterré au Père Lachaise.
_____________________________________________________
Michel
Manoll cité par
Jacques Taurand
Ceci est mon visage
Sculpté par les automnes
En sais-je davantage
Qu'un frêle coquillage
Où l'infini résonne?
...
Il n'est pas de prison à qui se sait
voisin
De l'arbre, du ruisseau, des profondeurs marines.
Le mouvement furtif d'un saule qui s'incline
Fait tanguer dans le coeur ses secrètes
racines.
______________________________________________
Jehan
Despert cité par
Jacques Taurand
Orgueil des chambres closes,
l'armoire de famille
est pleine jusqu'en haut
où ça sent les lavandes
entre les draps de lin
brodés de monogrammes.
C'était avant-hier,
dans des temps où le temps
vivait de sa lenteur,
lorsque la belle ouvrage
emplissait les bahuts.
...
D'autres extraits de J. Despert
sont ici
_______________________________________________
Jean
Rousselot cité par
Jacques Taurand
Sois sans crainte Poésie
Désintégrée réintégrée
sans cesse
Comme le cogito auquel tu survivras
Ta place est réservée
Que tu l'occupes ou non parfois
À égale distance
Des orpailleurs et des mineurs de fond.
...
Peu de gens sauraient dire
Ce que pouvaient bien être
La luciline le bois de Campêche
Le dieu Pan les bons de la Semeuse
Mais le coiffeur Bounoure
Premier gagnant de la Loterie nationale
Est resté aussi célèbre
Qu'Hannibal, Ponce Pilate
Rouget de l'Isle ou Fausto Coppi
Beau sujet de réflexion
Quand à bout de souffle on s'assoit
Sur le tronc d'un chêne tricentenaire
Décapité la veille en trente
secondes.
N° 290 d'Encres Vives
Chanson
à l'île
...
Sur la mer, immense, brille l'enchantement
d'un dauphin qui joue
avec le soleil.
...
On entend les voix des anciens:
les sages, les fous, les héros oubliés
et ça et là, parmi les ombres,
les vaincus
avec les vainqueurs confondus
donnent un baiser au soleil
qui s'endort.
...
N° 291 d'Encres Vives
...
Chaque jardin revendique un matin.
...
Il y a les fruits
Qui ourdissent des vermeils
Pour que naisse
Une lèvre
...
Entre les cyprès
Coulent les saisons
De notre attente
...
Le bois bourgeonne de désirs
...
Un jour viendra
Il fait noir, il fait bon
je cours après mes rêves
un grand sac vert
plein de livres, de terre, de boue
sur mon épaule, je serre les mâchoires
à m'en faire mal aux oreilles
dans la bouche quelque chose à ras
bord
me fait cracher
à chaque pas je me retourne sur
des gens que je ne reconnais pas
tout de suite j'ouvre un instant
les yeux, je les reconnais
à leur fracture ouverte.
____________________________________
François
Taldir
...
Autrefois, je fus jardinier d'enfants, ingénieur
des eaux minérales, marinier dans les lavabos, scaphandrier d'eaux
de vaisselle, requin dans un tuyau d'arrosage, passager clandestin d'un
sous-marin, caillot dans un vaisseau sanguin.
Aujourd'hui, la vieillesse est là, je
dois chercher mes mots, et les trouve dans la mémoire d'autrui,
dans les flots de la conversation. Les mailles des filets sont larges,
et ne m'intéressent que les grosses prises: léviger, arachnoïdes,
quater. Chaque organe du corps a son totem: la tête, la linotte;
le cerveau, son araignée; l'estomac, ses papillons; les jambes,
leurs fourmis; la langue, sa vipère; le pied, sa grue; l'oeil, son
faucon. Aujourd'hui, je ligature une offense, et remorque en pleine mer
une remarque désobligeante que je désempare, afin qu'elle
coule au plus vite. Se font pendant, les mots d'enfants, et les maux du
vieillard.
In Memoriam Dagadès et Jean-Pierre Metge
Ton coin de ciel tracé à la craie
blanche
sur le trottoir secret des petites voisines
tu cours au fond du pré un mouchoir
au genou
La grille des marelles devient la cage vide
où meurent les initiales
ces oiseaux de l'automne
Les colliers d'orge bleu redeviennent ficelles
Assis sur ce seuil triste
toi l'enfant que je fus
tu lances des graviers
sur les feuilles d'octobre
et les grillages gris
emprisonnent le soir.
Dagadès
...
Souvenir de l'excrément
Souvenir à jamais de la souillure
et des coeurs qui crevaient
comme des bouses sur le sol
Souvenir de ma peine et ma peine d'être
homme (...)
condamné à choisir (...)
vers où porter l'épée
et de quelle sève l'abreuver, la
purifier.
... n'être plus rien que des bêtes
ravalées par le ventre des terriers.
je ne sais pas
dans quelle maison haute (...)
je pourrais retrouver
le coeur chaud qu'on rattache à
la mère
le front droit que l'on prête à
un père
et la main attentive du frère.
sables limés par le soleil
paumes aux plaies dévorées par
les mouches
ventres qu'on retient à deux mains
qui n'en peuvent plus
qui lâchent qui s'ouvrent
comme un jet de salive lancé sur les
terres
et ce front tiraillé par les fils
qu'on pousse en avant
dans l'éclosion
des champignons de poussière
____________________________________________
Serge
Pey
... Mes grilles sont peintes
au minium
les pointes
tournées vers vous...
____________________________________________
Françoise
Tchartiloglou
|
Fenêtres;
la buée pour rideau
je reste face à moi-même
J'ouvre;
un air glacé me repousse
...
Puis un silence
qui a connu la mort.
____________________________________________
Patrice
Angibaud
Le désert croît
La banquise fond
Nous voilà
Dans de beaux draps
....
A moins que
-Supposition-
Le sable n'absorbe
Les glaçons
Et devienne peu à peu
Limon
A moins que tout
Ne recommence
Sans nous.
_____________________________________________
Ch.
Rohu
Drap écorné
comme une page
de chevet
_____________________________________________
R.
Lahu
sans une mouche
le silence
ne serait jamais le silence
...
_____________________________________________
Jean-Christophe
Cros cité par
M. F. Lavaur
Son gâteau fini
la fillette se lave les mains
à coups de langue
_____________________________________________
Clod'Aria
Autour du mort
les bougies
pleurent
Pour lire un autre poème
de Clod'Aria, cliquez ici
_____________________________________________
Michel-François
Lavaur
N° 293 d'Encres
Vives
...
Pour le plus bel
Incendie de nos silences
Pour le diamant secret
De la nuit
...
Le jour met ses drapeaux
A toutes nos fenêtres
Nous moissonnons les cris
Qui surgissent
De la nuit
Incomparable
...
Il y a, en face de chez nous, de l'autre côté de la route, une maison proche et lointaine, que l'on n'ose pas aborder de peur de dévoiler quelque secret enfoui sous les pierres.
Elle est là, à l'orée
d'un bois, familière et insolite
baignée curieusement des lumières
du jour.
Qui vit là, dans cette métairie?
On songe à quelque pâtre, régent
inamovible des troupeaux.
... il lape cette eau intérieure qui ne parvient jamais aux lèvres, même en simple murmure (citation par Michela Landi)
...
ça va être l'époque des poissons blancs
ces gardons à gueule boudeuse aux yeux
rouges....
Ne dis plus rien. La parole est chargée
de dangereux pouvoirs
qui, parfois, tuent.
...
N° 295 d'Encres
Vives
...
Les bonheurs clandestins tremblent à
fond de cale
...
Là où nous serons passés
Londres, Paris, Chicago
remplaceront leurs noms par les nôtres
en signe de reconnaissances.
Mais nous leur pardonnerons cette sottise.
Cela, c'est l'avenir lointain.
En attendant, mères, emportez vos enfants
dès qu'un État apparaît
quelque part.
Jeunes gens, fuyez au galop, cachez-vous dans
les grottes
et dans les profondeurs de la mer
si vous apercevez quelque part un État.
Jeunes filles et vous qui ne supportez pas
l'odeur des morts
évanouissez-vous en entendant le mot
" frontières ".
Elles sentent le cadavre.
...
Ohé! Écoutez !
Au nom de l'humanité entière
nous entamons les pourparlers
avec les États du passé:
États, si vous êtes aussi magnifiques
que vous aimez à le raconter vous même
et que vous obligez vos laquais
à le raconter,
à quoi sert cette nourriture des dieux?
Pourquoi nous, les hommes, craquons-nous entre
vos mâchoires,
entre les crocs et les molaires?
Écoutez, États des espaces!
Voilà déjà trois ans
que vous faites semblant de croire
que l'humanité n'est qu'un gâteau,
un biscuit sucré qui fond dans votre
bouche.
Et si le biscuit se mettait à sauter,
tel le rasoir, et à dire "maman!"
Et si on le saupoudrait de nous
comme d'un poison?
Sied-t-il au Monseigneur Globe Terrestre
(que sa volonté soit faite)
d'encourager l'anthropophagie communautaire
à l'intérieur de ses propres
limites?
Et n'est-ce pas servilité grande
de la part des hommes, en tant que mangés,
de défendre le Mangeur suprême?...
Si les États sont mauvais,
qui de nous lèvera un seul doigt
pour ajourner leur sommeil
sous l'édredon "à jamais".
21 avril 1917.
Khlebnikov fut, avec Maïakovski, l'un
des principaux poètes
futuristes russes. Ce texte figure sur
le site de Sarah
Struve.
Il a été ici légèrement
remanié.
De
l'Amour Aristocratique
...
Les colombes grises
de tes prunelles
se joignent
aux blanches génisses
de tes hanches
afin de célébrer
ta divine beauté
dont je me fais
une Idée Haute
comme les Archétypes
de la Grâce!
...
Hispanité
...
C'est que tes hanches
submergent le Monde
par la beauté
de leur mer intérieure
pareille au lac Tanganyka
...
Éditions Associatives
Clapàs - Collection Mimésis Poiétiké
________________________________________
Promesse d'Amande
suivi de La Flûte
de Feu
La
Flûte de Feu
...
|
Bain
de Prunelles
|
Pour lire d'autres textes de Théo
Crassas, son site est
ici
Suave douche céleste
chaque goutte de pluie
murmure ton nom
Combien de tristesse
derrière ces fenêtres
qui ne s'ouvrent pas
Haïku
extraits du recueil "Gotas de otoño" que l'on peut lire dans
Portal de
poesia
Tiges de bambou
Entre les feuilles nouvelles
Trois poissons frétillent
____________________________________
Jacques
Simonomis
...
Le mouroir étincelle
un petit bois cache le cimetière
le mur abattu ouvre des perspectives
...
Posez vos ceintures
enfants du suicide
mon pain n'a pas d'os
...
Robinson compte les jours au canif
sur le dernier poteau télégraphique
...
D'autres textes de cet auteur sont ici
______________________________________
Clod'Aria
Pourquoi les arbres
se déshabillent-ils
quand vient l'hiver?
Pour lire un autre poème
de Clod'Aria, cliquez ici
______________________________________
Madeleine
Fiermonte
Les dents se déchaussent
Et dans la bouche
vont pieds nus
______________________________________
Damien
Gabriels
Moustique séché
Entre les pages du vieux livre
Depuis combien d'étés?
______________________________________
Odile
Caradec
Capitale de sang
J'en ai assez qu'on analyse mon sang
sans crier gare
On pourrait y trouver des marqueurs inconnus
mais connus de moi seule
de ces marqueurs qui sont griffes de poésie
Laissez-moi m'ébaudir dans mes étincelles
laissez mon sang tranquille
Que personne n'aille pêcher à
la ligne
dans mon corps intangible
Je suis capitale de sang
Pour lire un autre poème
d'Odile Caradec, cliquez ici
______________________________________
Sophie
Bykovsky
Le matelot boit
Mais lorsqu'il tombe à la mer
Il ferme la bouche
______________________________________
Claude
Cailleau
Il y a dans la vieille école,
depuis longtemps abandonnée,
des bruits de pas et de paroles.
Sur le temps qui s'est refermé,
du maître et de ses paraboles,
gémissent les voix du passé.
Ne marche pas sur cette feuille
tombée d'une petite main,
jadis, et qui porte le deuil
d'un écolier rieur, malin:
c'est toi, le vieux, dans ton fauteuil,
cet enfant qui ce soir revient.
D'autres textes de ce poète sont ici
Cyprès
Le cyprès debout sur son ombre
angle droit quart de cercle
la mort est un cadran sans heures
C'est midi au soleil
les cigales sectionnent des fils de fer
champ grand ouvert
et sans issue
Bien d'aplomb le cyprès
marque l'heure avec son ombre
exactement c'est l'instant
qui jamais ne finira.
____________________________________
Christophe
Dauphin
Totem de Raguse
Tes yeux
Imprimés dans le journal du vent
Dont chaque lettre est un oiseau
Tes yeux
M'apportent la grande page bleue de la mer
Le collier d'un millier d'île sous les
paupières
Cri de liberté dans les poings fermés
de l'aube
...
Les étoiles l'emportent dans le foulard
de l'air
...
La pêche délivre ses guêpes
...
L'avenir aux muqueuses cannibales
...
Affûtée par le vent
La neige est l'haleine de l'ombre
La neige habite nos os
...
_______________________________________
Jehan
Despert
Quand nous aurons voilé
tous les miroirs, et clos
les fenêtres du jour;
après que nous aurons
arrêté les pendules,
vidé les sabliers
et masqué les cadrans;
quand nous aurons nié
le temps aux quatre faces
des saisons du courage,
aurons-nous pour autant
désamorcé la mort?
______________________________________
Maxime
Dupré
...
La mort à l'envers du visible
toujours emplit mon verre
...
j'abrite la pluie sous une marguerite
______________________________________
Pierre
Garnier
l'école près de la mairie
face à l'église
l'institutrice enseigne, l'enfant apprend
un peu plus loin il regarde la campagne
et s'y promène; elle donne sur le ciel
il n'y a pas de distance entre les blés
et les étoiles
dans le ciel fleurissent des coquelicots
...
on voit dans les luzernes un lièvre
debout
il se lave l'oreille
...
l'enfant regarde les petites choses
on peut s'emplir les mains
ça bouge dans les doigts
et quand il frotte la gomme sur le papier
elle émet un son de fontaine
le crayon, la gomme
là est la vie, là est la mort,
avec le crayon il dessine un chien,
il efface le chien avec la gomme,
et il pleure
...
l'enfant se dit:
"le coeur ne bat pas, il tourne"
...
le cirque sur la place
trapézistes jongleurs clowns lions
éléphants
échelles cordes poutres:
ce sont les décors de la crucifixion
mais avec les artistes et les bêtes
on est dans la résurrection
Extrait de "L'Immaculée
Conception (Litanie) - Éditions "En Forêt/ Verlag im Wald"
_____________________________________
Lewigue
Repus d'indifférence
Nous oublions le cauchemar de l'enfant
Le chat qui pleure sa patte brisée
Le sang que la haine exige
Nous allons et venons
De météos en week-ends
De velléités en cours de bourse
Sans prendre garde à la nuit
Qui lentement monte en nous.
_____________________________________
Georges
L. Godeau cité par
Gilles Arnaud-Meyniel
L'aveugle a tendu la main vers la rose. J'ai
regardé cet homme de près, mieux, je lui ai dit, et il m'a
répondu que dans l'oeil il avait un trou gros comme une épingle
qui laissait passer la lumière. De temps en temps, quand ça
valait la peine. J'ai souri à cet homme, je lui ai dit que j'étais
sourd mais que dans l'oreille j'avais aussi un trou, le même que
le sien.
_____________________________________
Maurice
Couquiaud cité par
Michel Passelergue
La réalité est une fleur pour
ceux qui la cueillent, de la vase pour ceux qui la remuent.
Ecrits des Forges/Phi éditeur
Je croyais que les mots
pouvaient nommer les choses
je croyais que la vie
préservait des registres
ceux qui comme refuge
ont choisi l'isolement
Claude Beausoleil est un poète québécois.