Le Monastère de Labrang
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Le monastère de Labrang est à la fois un lieu du culte, une université et un musée. Très vaste, le nombre de bâtiments qu'il comporte est important et les richesses que ceux-ci contiennent sont impressionnantes. La plupart des visiteurs ne peuvent en admirer qu'une faible partie. Il faudrait plusieurs jours pour en épuiser tout l'intérêt. Voici une rapide présentation des principaux édifices qui méritent d'être vus. 

Le Grand Pavillon des Sutras constitue le coeur du monastère. La géographie de ses vastes dimension rappelle une lune entourée d'étoiles, avec sa large cour que ferment huit bâtiments ornés de roues du dharma encadrées de daims mâle et femelle. On compare ce pavillon à une lionne des neiges contemplant ses disciples du haut d'une montagne ou à un éléphant portant sur son dos une charge de trésors. Plus de quatre mille moines peuvent se rassembler pour étudier, prier ou réciter des sutras dans la grande salle de prière. En son milieu s'élève une estrade recouverte de soie jaune où prend place le bouddha vivant Jamyang. A l'origine, 80 piliers monumentaux soutenaient la charpente, 60 autres ont été rajoutés ultérieurement. L'architecture mélange les styles han et tibétain; le centre et l'arrière sont tibétains: on ne voit pas de bois sur les murs extérieurs et pas de pierre ou d'adobe à l'intérieur; au sommet des murs, un empilement de chevrons d'un arbre des montagnes locales, élastique, à l'épreuve de l'eau et résistant aux tremblements de terre, le hui, en garantit la solidité; la toiture est recouverte de tuiles vernissées de style han. Plusieurs statues de bouddhas dorés, tirés de la pénombre par les lampes à beurre posées devant eux, des tankas raffinés suspendus le long des piliers, des fresques dessinées sur les murs, une magnifique broderie de soie au motif de dragons, ornent ce lieu qui est l'un des plus élégants du monastère.  

Le Grand Pavillon aux Tuiles d'Or tient son nom du grand nombre de tuiles de cuivre qui couvrent son toit plat décoré de plusieurs tambours, roues et sculptures dorées. Il est aussi appelé Pavillon du Bouddha Maitreya ou encore Pavillon de Prière Shouxi, en raison de la faveur de l'empereur mandchou Jiaqing. Il comporte six étages sur une hauteur d'une vingtaine de mètres. Sur un tableau de bois horizontal, on peut y voir, inscrit en caractères d'or, un texte en han, tibétain, mandchou et mongol. Une statue dorée monumentale de Maitreya (8 m de haut) s'y dresse, accompagnée de huit bodhisattvas de cuivre doré. Sa salle de prière est la plus vaste des six qui se rencontrent à Labrang. 

Le Petit Pavillon aux Tuiles d'Or comporte moins de tuiles de cuivre que le précédent. On l'appelle aussi Pavillon du Bouddha Sakyamuni. Il comporte trois étages et fut bâti sur le modèle du Jokhang de Lhassa. Il contient, au second étage, une statue géant de Sakyamuni, encadrée de deux dragons dorés faisant office de piliers. On y trouve aussi une statue d'or de 0,7 m de haut; d'après la légende, cette statue aurait été confectionnée, parmi 107 autres, par un sadhu hindou du temps du Bouddha Sakyamuni qui l'aurait lui-même ondoyée pour la consacrer. 

Les deux pavillons aux tuiles d'or sont situés à proximité du Grand Pavillon des Sutras, vers l'ouest. 

Le Pavillon du Bouddha Lion est situé au sud-ouest du Grand Pavillon des Sutras. Sa porte est surmontée d'un panneau de bois où sont gravés trois grands caractères chinois; ce panneau fut offert par l'empereur mandchou Jiaqing qui l'envoya directement de la capitale. On y trouve une majestueuse statue de cuivre de Tsongkhapa. 

Le Pavillon du Bouddha de Tsongkhapa est situé à l'est du Grand Pavillon des Sutras. Le réformateur, fondateur de l'école gelugpa, celle des coiffes jaunes, n'épargna pas sa peine pour critiquer la décadence du bouddhisme de son temps et remettre la religion dans la bonne voie. Dans ce temple qui lui est consacré, une statue de bronze dorée a été érigée pour manifester la vénération que lui portent les moines. Cette statue est accompagnée de celles des bodhisattvas Mahasthamaprapta*, tenant des écritures dans sa main, et Avalokitesvara, avec l'épée de la sagesse, symbole de la lumière qui éclaire le monde, chassant le malheur et apportant la félicité aux populations. On y trouve aussi 21 statues dorées de Manjusri** et Zhuoma (?) ainsi qu'un millier de bouddhas de bronze. 

* Mahasthamaprapta est un bodhisattva qui représente le pouvoir de la sagesse et de la compassion. Il apparaît presque toujours comme acolyte d'Amithaba, associé à Avalokitesvara, dans le groupe de la triade de la Terre Pure. Le fondateur de la branche japonaise de cette école, Honen Shonin, est parfois considéré comme son incarnation. En Chine, il est souvent représenté sous une forme féminine. 

** Manjusri est le bodhisattva de la sagesse; Wenshu en Chine. 

Le Pavillon Avalokitesvara est situé au sud-ouest du Grand Pavillon des Sutras. On raconte, qu'après avoir entendu le message délivré par le Bouddha, Avalokitesvara se dévoua corps et âme tant et si bien qu'il lui poussa un millier de bras et d'yeux pour protéger les autres humains et veiller sur le monde. Habituellement, les représentations de ce bodhisattva comptent 20 bras de chaque côté avec un oeil dans chaque main, soient 40 bras et 40 yeux. Celle de ce temple ne déroge pas à cette règle. 

Le Pavillon des Pagodes (Chorten) est situé à l'intérieur du complexe du Grand Pavillon des Sutras. On y trouve les sépultures des rois mongols, princes du Henan, qui apportèrent leur soutien financier à Labrang. Mais ce temple renferme surtout les sépultures des bouddhas vivants du monastères, lesquelles furent de plus en plus magnifiques. Normalement, après la fuite de l'esprit, le corps devrait être livré aux flammes; cependant, en raison de l'éminente contribution au bouddhisme du fondateur du monastère, le roi mongol du Henan consacra une importante quantité d'argent pour élever un cénotaphe décoré de pierres précieuses et d'autre ornements afin d'honorer la mémoire de ce grand lama. La tradition fut respectée pour ses successeurs. Le chorten du 5ème Jamyang (1916-1947) est le plus riche; c'est un édifice d'argent de 3 m de haut, orné de pierres précieuses: émeraudes, diamants, coraux, agates, perles, jades... ne comportant pas moins de 20000 joyaux, 700 kilos d'argent et 13 kilos d'or! 

Le Palais Deyang est situé à l'ouest du Grand Pavillon des Sutras. Il est construit à flanc de montagne, comme pour dominer les bâtiments monastiques. C'est la maison du Jamyang. Cet édifice, dont le nom signifie demeure de la chance, des bénédictions et des facilités en tibétain, se subdivise en deux parties: celle du haut et celle du bas, l'espace libre entre les deux parties s'appelle Tudanpizhang, ce qui signifie château en tibétain. Passée la porte d'entrée, on pénètre dans une cour où vivent les serviteurs et les cuisiniers; ensuite, s'élève la demeure du Jamyang. Le palais du haut, décoré avec magnificence, renferme la salle de réunion; au centre du mur nord s'élève le trône d'or du Jamyang; ce trône, d'une hauteur de 1,2 m, mesure 1,5 mètres carré à sa base, il est décoré de neuf dragons volant. De chaque côté du Palais Deyang se dressent des tours de bois; celle de droite sert de résidence d'été au Jamyang. Plus de 20 paires de splendides lanternes ornent cet ensemble monumental. 

Le Bibliothèque des Sutras est située à l'est du Grand Pavillon des Sutras. Cette riche collection ne contient pas seulement des textes sacrés mais aussi de nombreux autres ouvrages accumulés au cours des siècles par le peuple tibétain. Quelques 60000 volumes en garnissent les rayons, couvrant une dizaine de matières, à savoir la linguistique, la rhétorique, l'astronomie et le calendrier, les cinq enseignements, la sculpture, la technologie etc. Dix-sept autres catégories, regroupant 21000 ouvrages littéraires, ont trait aux oeuvres de Tsongkhapa, des Dalaï lamas, des Panchen lamas, des Jamyang et des bouddhas vivants de tous les grands monastères. Il y a plus de 15000 livres de philosophie, plus de 1900 autobiographies, plus de 240 ouvrages portant sur l'acoustique, environ 500 sur la grammaire et la rhétorique, 280 sur l'astronomie et les techniques, plus de 490 monographies de médecine et plus de 660 de l'école ésotérique. Il faut traiter à part quelques ouvrages rares et précieux comme les deux sutras sur feuilles de palmes, un arbre poussant dans les forêts chaudes et humides de l'Inde; le premier aurait été écrit par Atisha lui-même (982-1054), un dignitaire du Bengladesh qui participa à la restauration du bouddhisme au Tibet après l'époque troublée de Langdarma; le second serait l'oeuvre d'un sadhu hindou. Citons encore d'autres livres de collection: les Vajracchedika-sutras  (sutras du diamant coupeur de sagesse) écrit avec un mélange de liquide et de poudre d'or, d'argent, de corail, de perle...; le Xian Sutra écrit par le premier Jamyang avec de la poudre d'or diluée; les Huit Mille Sutras en poudre d'or diluée; les Biographies de Songtsen Gampo et Contenus de Gan Zhu Er, en poudre d'argent diluée; et, enfin, le Gaermugakearma (secret des mots ultimes), attribué à Songtsen Gampo; ces ouvrages sont considérés comme étant des trésors de l'humanité. 

La Pagode Gongtang est située au sud-ouest du monastère. Il s'agit d'un chorten monuental dont l'édification fut entreprise en 1805, par le 3ème Gongtangcang, un célèbre élève du monastère, sous le règne de l'empereur mandchou Jiaquing; cet empereur fit cadeau d'une tablette écrite, symbolisant la lumière du Bouddha, à l'édifice. Le 5ème Gongtangcang dépensa beaucoup d'argent pour embellir le monument. Celui-ci fut détruit par les gardes rouges, pendant la révolution culturelle. Sa reconstruction commença en 1991, avec des fonds gouvernementaux, l'aide de la diaspora et les offrandes des pèlerins; elle fut achevée en 1993. Le monument actuel s'élève à l'endroit où était l'ancien et il en est la réplique exacte. L'extérieur culmine à 31 m et comporte cinq étages regroupés en trois niveaux; le niveau supérieur est orné de sculptures dorées représentant le soleil, la lune et les étoiles; au niveau moyen se trouvent des bas-reliefs en cuivre doré représentant les huit grands bodhissattvas; le niveau inférieur comprend trois étages décorés de tuiles colorées et de roues du dharma. L'intérieur se subdivise en quatre espaces communiquant les uns avec les autres; dans le premier s'élève le cénotaphe du 3ème Gongtangcang et les statues en or des 1er, 2ème, 4ème et 5ème Gongtangcang; à droite et à gauche se trouvent les espaces réservés aux taras et le fond contient une collection de plus de 2000 volumes de sûtras; le haut de ces quatre espaces est orné de 300 bouddhas de cuivre; le troisième étage renferme 1032 statues de bouddhas et, au quatrième étage, se dresse une statue d'Amithaba, de près de 2 mètres de haut, dont le socle est recouvert de fresques. 

Le Pavillon de Dewatshang Bodhisattva Manjusri. L'édification de ce temple fut entreprise par le troisième Dewatshang, en 1814. Le troisième Jamyang (Jiumeijiancuo), le troisième Gongtangcang (Danbeizhongmei) et le troisième Dewatshang (Jiayangdannima) assistèrent à sa cérémonie d'ouverture en 1817. Depuis lors, ce temple s'élève au sud du monastère, face à la rivière, dans le même alignement que le Grand Pavillon des Sutras, qui se trouve derrière lui, plus haut sur la pente qui conduit à la montagne. Pendant la révolution culturelle, ce temple dédié à Manjusri fut entièrement détruit. Après le changement de politique intervenu au début des années 1980, la situation s'améliora progressivement. Le huitième Dewatshang entreprit la reconstruction du bâtiment rasé par les gardes rouges, avec l'aide du Jamyang et du Gongtangcang. Après plus de cinq ans d'effort, la tâche fut accomplie pendant l'été 2000. L'édifice actuel comporte quatre étages et couvre une superficie de 780 mètres carrés; il est construit en pierres à l'extérieur et en bois à l'intérieur, dans le respect de la tradition tibétaine, en s'efforçant de reconstituer l'ancien bâtiment. Le toit est recouvert de plaques de cuivre qui miroitent sous le soleil. Les murs internes et externes sont décorés de fresques religieuses. Une statue dorée du bodhisattva Manjusri de 12 m de haut s'y admire; un millier d'autres statues de cuivre de Sakyamuni plus petites (0,6 m) ornent les côtés est, ouest et nord de l'intérieur. 

Le Pavillon des Fleurs de Beurre est situé au sud-est du Grand Pavillon des Sutras, à proximité du Collège Hevajra. On peut y admirer des statues confectionnées avec du beurre de yak. 

Le Collège de Médecine Tibétaine. La médecine tibétaine se distingue de la médecine chinoise. Elle est centrée sur la doctrine des "trois mécanismes": "lon", "qibo" et "paigen" inspirés des principes religieux (pour plus de détails, voir  ici). Son  apprentissage est très long, il exige généralement 15 ans de cours intensifs. Les étudiants commencent d'abord par apprendre à reconnaître les plantes et à les préparer, ainsi qu'à établir un diagnostic et à soigner les maladies, tout cela en lisant et en mémorisant des sutras. On distingue trois phases dans l'enseignement: le niveau élémentaire, le niveau moyen, le niveau supérieur. Pendant la première phase, ils étudient les "Principes généraux"; pendant la phase intermédiaire, ils mémorisent les "Sutras du roi de la médecine"; ensuite, un examen vérifie s'ils  peuvent être promus au niveau supérieur, au cours duquel ils se pencheront sur les "Quatre parties de la médecine classique". Des arborescences sont peintes sur les murs du collège de médecine pour symboliser la vie et des commentaires en tibétain expliquent les complexités de la médecine tibétaine et les rapports qui existent entre ses différents éléments; à côtés des arborescences, figurent les noms des parties du corps humain et des graphiques expriment les relations qui unissent les impulsions immatérielles avec la structure physiologique. 

L'ancien collège de médecine est situé au sud du Grand Pavillon des Sutras, de l'autre côté de la place sur laquelle sont exécutées les danses sacrées. 

Le Collège Kalachakra* est situé à proximité du Grand Pavillon des Sutras, en direction du sud-ouest. Ce collège est chargé de l'étude des changements temporels et de l'établissement des chronologies; son propos principal est l'établissement du calendrier de l'année à venir. La méthode de calcul employée est la même que celle du calendrier chinois; elle est également relatée dans l'ouvrage "Sutra de la roue du temps" en usage au Népal et en Inde. Cette méthode repose sur des bases scientifiques et elle est reconnue par l'Académie d'astronomie. Les étudiants apprennent aussi la langue, des poèmes, la calligraphie, la peinture et la phonologie. Trois grades y sont décernés suivant la longueur des études; les semestres y sont similaires à ceux du Collège Meyjung Thömsaling dont il est question plus loin. 

* Kalachakra: ce terme appartient au vocabulaire du bouddhisme tibétain, celui du véhicule de diamant; il signifie cycle temporel, ou roue du temps; la tradition du kalachakra tourne autour du concept des cycles: celui des planètes, celui du rythme respiratoire, celui du contrôle des énergies subtiles qui permet d'atteindre l'illumination. 

Le Collège Hevajra est situé au sud-ouest du Grand Pavillon des Sutras. Ce collège, aussi appelé Kyedor Dratshang, étudie les rites de la naissance et de la mort de Hevajra* et Vajrapani Mahachakra**. Selon le système de classification moderne, c'est une faculté des arts où sont étudiées la musique, la danse, la calligraphie, la peinture, la technique de confection des mandalas... C'est un petit collège où l'on n'accepte pas plus de 300 à 400 moines par an. Les mandalas exécutés par les élèves jouissent d'une réputation méritée. Voici quels sont les procédés utilisés pour les confectionner: du sable lavé est coloré avec différents pigments; il est ensuite versé dans des récipients de fer ayant la forme d'une corne de boeuf; le bout de cette corne est troué pour permettre l'écoulement du sable; les moines peintres déversent lentement ce sable coloré sur le support du mandala et y tracent progressivement les figures inspirées des sutras bouddhistes. 

* Hevajra: divinité tutélaire du tantrisme qui revêt plusieurs formes; ce dieu possède huit visages, souvent féroces, seize bras et quatre jambes; il est généralement associé à une partenaire, Nairatma, en position de yab-yum (union sexuelle dite du lotus), tout en exécutant un pas de danse, afin d'illustrer la béatitude par la fusion; il écrase aussi sous ses pieds un démon hindou. Il appartient à la famille du Vajra, dont le chef est Akshobya,  famille qui comporte un grand nombre de divinités courroucées, comme Samvara, Heruka, Bhairava...   

** Vajrapani (diamant-foudre dans la main) est un des bodhisattvas les plus précoces du bouddhisme Mahayana. Il est le protecteur et le guide de Bouddha dont il symbolise la puissance. Comme Hevajra, il est souvent représenté en position d'accouplement; d'ailleurs le Mahachakra, foyer du rituel mystique, serait le yoni (sexe féminin) de Kali elle-même. 

Les Collèges Tantriques Supérieur et Inférieur. Ces institutions sont deux des plus importants collèges de Labrang; avec leurs quelques 600 moines, ils sont à peine inférieurs au Meyjung Thömsamling. L'étude du bouddhisme se divise en deux tendances: celle du bouddhisme exotérique et celle du bouddhisme ésotérique; la voie moyenne ou exotérique, diffuse publiquement la doctrine religieuse, et la voie ésotérique, liée à des pratiques plus ou moins magiques, se transmet oralement, de maître à élève; les deux voies guident les moines à  acquérir la connaissance en suivant différents chemins. 

Le collège inférieur est situé au nord-est du Grand Pavillon des Sutras, de l'autre côté de l'endroit consacré aux protecteurs du monastère. Le collège supérieur est situé en direction du sud-ouest, vers la sortie du monastère, à proximité du couvent de nonnes et du temple nyingmapa. 

Le Collège Meyjung Thömsaling est situé sur la place où ont lieu les danses sacrées, à l'avant du complexe du Grand Pavillon des Sutras. Il ouvrit dès la fondation du monastère en 1710. C'est le plus important de Labrang. Il réunit actuellement un millier de moines mais il en compta autrefois jusqu'à trois mille. On y étudie les sutras et on y débat. Les Gelugpas pensent que le bouddhisme exotérique constitue le fondement des doctrines religieuses. Cet institut réputé joue un rôle essentiel à Labrang; de nombreux moines diplômés en sont issus. Il faut une quinzaine d'années pour acquérir les connaissances requises en logique, sagesse, Madhyamika* et Abhidharma** pendant une longue période de pénitence et d'austérité. Ceux qui parviennent à passer le cap du débat final et obtiennent le grade de Geshey (équivalent du doctorat), sont considérés comme des maîtres et, après leur mort, ils ont vocation à se réincarner en bouddhas vivants. 

* On trouve différentes explications de la nature de bouddha qui est en chaque être selon les différents degrés de profondeur des quatre grandes écoles philosophiques du bouddhisme: le Vaibashika, le Sautrantika, le Chittamatra et le Madhyamika; alors que les deux premières regroupent les pratiquants du petit véhicule (Hinayana), les auditeurs et les réalisateurs solitaires, les boddhisatvas, pratiquants du grand véhicule (Mahayana), préfèrent les deux dernières écoles. Ces quatre écoles sont classées en ordre croissant de profondeur philosophique; le Madhyamika est donc la plus profonde. 

** L'Abhidharma au sens littéral signifie "Dharma supérieur", dharma pouvant être interprété comme l'enseignement ou les phénomènes. Il représente la troisième partie du recueil historique des enseignements rassemblés par les disciples de Bouddha dans les "trois corbeilles" et concerne la sagesse connaissante.  

Les vocations des six collèges de Labrang sont différentes; certains se concentrent sur la philosophie bouddhiste et d'autres sur les sciences naturelles; mais les différentes matières sont étroitement interdépendantes les unes et les autres et s'expliquent mutuellement.  

Le Temple des Coiffes Rouges. Ce temple est situé près du village de Wangfu, comté de Jiujia. L'école des coiffes rouges, ou école des anciens, est celle des Nyingmapas, fondée par Padmasambhava. Les moines de cette école portent une sorte de large écharpe blanche enroulée autour de leurs épaules et de leur torse, en plus d'une robe rouge; leurs cheveux sont enroulés au sommet de leur tête en un chignon qui forme une manière de couronne ou d'auréole. Ils peuvent se marier, avoir des enfants et vivre dans leurs propres demeures, pratiques interdites aux Gelugpas. En juin 1880, le 4ème Jamyang Shaypa Kelsang Thubten Wangchug fit un rêve dans le fil d'une prédiction de Padmasambhava; il pensa que le moment était venu d'édifier un temple pour l'école des coiffes rouges à proximité de Labrang. En avril 1887, des moines de plusieurs villages furent rassemblés, une règle fut établie, des dirigeants nommés et le temple, pourvu du nécessaire en objets rituels, vit le jour. En 1946, le 5ème Jamyang Shaypa fit construire le pavillon des sutras et des dortoirs pour les moines; à la même époque, il accrédita le bouddha vivant Degecang comme maître du temple; il assista en personne à la cérémonie dédicatoire et, depuis cette date, le pavillon des sutras s'appelle Sangqinmengjilang. Outre les activités religieuses, le Temple Nyingmapa est célèbre pour les représentations de l'opéra tibétain qui s'y donnent depuis 1995. 

Le Couvent des Nonnes Gelugpas. Ce couvent est également situé dans le village de Wangfu, à flanc de montagne. Sa fondation remonte à plus de cent dix ans. On raconte que le 4ème Jamyang Shaypa fonda le premier couvent de nonnes dans le village de Lanmuxir, comté de Jiujia, et qu'alors un moine du Sichuan créa un second couvent de nonnes dans le quartier tawa de Labrang. Au début, très peu de religieuses fréquentèrent le second établissement. Mais, pendant la période du 5ème Jamyang Shaypa - Losang Jamyang Yeshey Tenpay Gyeltsen (1916-1947) - une personne fortunée fit une donation de terres et d'argent pour édifier un pavillon de sutras dans le couvent ainsi que des dortoirs pour les religieuses. Le nombre de moniales ne cessa alors d'augmenter. Au début des années 1980, après une interruption due aux événements politiques, le couvent reprit ses activités religieuses normales. 

Il existe aussi un couvent de religieuses nyingmapas situé de l'autre côté du comté. Son rituel est similaire à celui de l'école des coiffes jaunes (gelugpa). 

Il existe encore de nombreux temples et monastères dans les montagnes aux environs de Labrang. Ils occupent des lieux stratégiques d'où l'on jouit d'une très belle vue sur la nature environnante. Les dignitaires de Labrang s'y reposent, y méditent ou y composent leurs ouvrages. Citons: le Temple du Mont Jiujia où furent brûlés les corps du Jamyang bodhisattva Manjusri et du troisième prince de Henan; la Maison du Silence de Tashige que fréquenta le second Jamyang Shaypa; le Mont Tawaze que le premier Jaymang Taysha considérait comme le palais de Samvara, divinité de la famille du Vajra (voir ci-dessus), où le second Jamyang Shaypa planta sa yourte mongole en 1774 et où se tient le Festival Bodhi (illumination), lieu choisi pour cette fête parce que le second Jamyang Shaypa y vit Samvara de ses propres yeux et que le Gongtangcang le jugeait propice à l'assemblée des dakinis. 

Ce texte est inspiré de l'ouvrage: "Journey through Labrang Culture" - Labrang

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