Gedun Chompel (1903-1951
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Gedun Chompel ou Chophel (1903-1951) ne cessa jamais de chercher la vérité depuis son plus jeune âge. Il naquit dans une famille de notables affiliés à l'école des Nyingmapas (l'école mystique des Anciens), dans la province du Qinghai, en Amdo, à proximité de la Route de la Soie, dans une région de nomades où Hui (musulmans), Han et Tibétains se côtoyaient et se querellaient souvent, ce qui le porta à s'interroger sur l'identité de son peuple. Il fut choisi comme réincarnation du bouddha vivant d'un monastère dans lequel l'enseignement de l'école des Nyingmapas lui fut dispensé pendant son enfance. Il perdit son père à l'âge de 7 ans et un oncle peu scrupuleux escroqua les biens de sa famille (1). A 13 ans, il fut ordonné moine au monastère de Repkong et passa ensuite deux ans à étudier à Kumbum, près de Xining; d'esprit vif et pénétrant, enclin à la réflexion, il commença à contester l'enseignement qui lui était prodigué. A 17 ans, il se rendit au monastère de Labrang, au Gannan, pour y parfaire ses connaissances; il y resta sept ans et y obtint quelques succès pour son habileté à débattre; il y rencontra un missionnaire américain, le père Griebenow, qui lui donna quelques notions de mécanique grâce à quoi il construisit un bateau pour traverser un lac situé dans le voisinage (avec les pièces mécaniques de vieilles horloges?); mais son non conformisme lui attira aussi beaucoup d'animosité ce qui le contraignit à quitter le monastère.  

En 1927, il se joignit à une caravane de commerçants et s'en fut à Drepung, près de Lhassa, afin d'y poursuivre ses études pendant sept autres années; il y suivit l'enseignement d'un maître renommé, Sherab Gyatso, très lié au 13ème Dalaï lama, qui devait jouer plus tard un rôle important, à la tête de "l'Association bouddhiste chinoise" mise en place par le pouvoir communiste, dans les années cinquante. A Drepung, il obtint une certaine notoriété pour la profondeur de ses analyses du bouddhisme, mais se heurta à Sherab Gyatso qui prit l'habitude de le traiter de "cinglé". Aussi savant dans chacune des "cinq lumières" (phonologie, technologie, religion, logique et médecine), il commentait avec beaucoup pertinence les textes sacrés et excellait en poésie, en peinture et en calligraphie. Il gagnait sa vie en peignant des portraits du Bouddha pour les familles fortunées de la capitale. Il acquit ainsi les moyens de préparer ses futurs voyages. Malgré l'originalité peu conventionnelle de ses prises de position, sa réputation ne cessa de croître non sans lui causer bien des ennuis; il avait en effet l'habitude de provoquer ses contradicteurs pour les obliger à débattre certain de toujours sortir vainqueur des joutes verbales qui les opposeraient à lui.  

En 1934, âgé de trente et un ans, il renonça à l'obtention du grade de Lha-rams-pa, degré le plus élevé des docteurs en études bouddhistes tibétaines. Il avait rencontré un chercheur hindou spécialiste du bouddhisme, et aussi activiste révolutionnaire, qui militait pour l'émancipation de son pays du colonialisme britannique, Rahul Sankrityayan. Les deux amis voyagèrent ensemble à travers le Tibet recherchant les vieux textes détruits en Inde quelques siècles auparavant mais encore conservés dans les monastères éloignés du Pays des Neiges. Rahul considérait la recherche historique comme une partie importante de son combat politique; à ses yeux l'histoire fournissait la clef de la compréhension du présent. Gedun Chompel traduisait les textes pour Rahul et l'aidait à comprendre la culture tibétaine. En contrepartie, les histoires fascinantes que Rahul lui racontait sur l'Inde éveillait la curiosité de Gedun Chompel. 

En 1938, les deux hommes quittèrent le Tibet pour courir le monde. Gedun Chompel ne devait revoir son pays que douze ans plus tard. En Inde, il se trouva confronté à un monde étranger. Pour la première fois il vit des chemins de fer et d'autres nouveautés technologiques. Ce pays était alors en proie à des changements radicaux et, contrairement au Tibétains, les Indiens prenaient leur destin en mains. Le combat pour l'indépendance battait son plein. La vision que Gendun Chompel entretenait jusqu'alors de sa propre culture commença à évoluer. Il entrait dans la phase la plus créatrice de son existence. Il voyagea à travers le pays en tant que pèlerin bouddhiste, vécut dans la cité populeuse de Calcutta, vit l'océan, fréquenta les bordels et les bibliothèques, écrivit ses premiers articles et a traduisit le Kamasutra en Tibétain, l'enrichissant de ses propres expériences. Il fit parvenir plusieurs de ses écrits, notes et croquis au Tibet, afin d'y propager ses impressions sur le monde extérieur. 

Durant ces années hors de son pays, après l'Inde, il visita le Népal, le Bengale et le Sri Lanka; il y étudia la religion, dans les villes saintes bouddhistes, aussi bien que les coutumes locales, la nature, la géographie et l'histoire des nations traversées; indépendamment de sa maîtrise de la langue tibétaine, il apprit l'anglais, le sanskrit et d'autres idiomes. Il se mit à rédiger des articles qui furent considérés comme autant de provocations; certains sont encore d'actualité aujourd'hui. Il s'initia aux sciences et à la philosophie occidentales et aborda les théories politiques et économiques, notamment à travers la critique du colonialisme. Il se persuada ainsi de la nécessité de promouvoir des réformes révolutionnaires au Tibet; il préconisa l'abolition du système féodal, l'interdiction pour les monastères de se livrer à des activités commerciales et de posséder des biens fonciers, la réforme agraire et l'instauration d'un régime démocratique; il déplora le sort fait aux femmes dans une société dominée par les hommes (2); il dénonça l'hypocrisie de ceux qui s'opposaient aux rapports sexuels accomplis en pleine clarté et s'adonnaient à des actes contre nature en cachette (3). Dans sa préface à la traduction du Kamasutra, il écrivait: "Quant à moi j'avoue sans honte aimer les femmes. Chaque homme a sa femme. Chaque femme a son homme. Tous les deux en esprit désirent l'union sexuelle. Quel est le sort réservé à la décence ? Si les passions normales sont formellement interdites, les passions artificielles se développent en secret. Aucune loi religieuse, aucune loi morale ne peuvent supprimer la passion naturelle de l'humanité." 

Il rencontra le poète Rabindranath Tagore et bien d'autres hommes de lettres et philosophes. Citons quelques-unes de ces personnes originaires de son pays: Rapgya Pangda Tsang, Baba Puntshog Wangyal, Tubden Kumpela. Le premier, originaire du Kham, était lié au Kuomintang; il traduisit des écrits de Sun Yat Sen et de Karl Marx en tibétain. Le second était communiste; il présenta un projet de réforme au gouvernement tibétain en 1949; il occupa de hautes fonctions dans l'administration chinoise avant d'être emprisonné, lors de la révolution culturelle, puis réhabilité en 1979. Le troisième était le serviteur préféré du 13ème Dalaï lama; après la mort de ce dernier, il fut écarté par les puissants qui le jalousaient; on l'exila de Lhassa et on dit que, par un raffinement de cruauté, il fut alors contraint de croiser son père, lui aussi condamné, sans avoir l'autorisation de lui parler. Dans la fréquentation de ces hommes hors du commun, Gedun Chompel (Chophel) ouvrit de nouveaux chemins à la réflexion. La terre est-elle ronde ou plate? Il rédigea un essai sur ce thème qui fut publié, en 1937, dans un journal appelé "Le Miroir" ("Melong"), premier journal en tibétain, fondé en 1926. A cette époque, au Tibet, cette question frisait l'hérésie et il fallait avoir le courage de Galilée pour oser la poser. C'est en Inde, on peut le supposer, que Gedun Chompel (Chophel) jeta son bonnet par dessus les moulins et renonça à ses voeux de chasteté; toutefois, comme il dit avoir connu charnellement aussi des Tibétaines, rien n'est sûr.  

En 1938, Gedun Chompel (Chophel) retourna brièvement dans sa patrie. Il y rencontra plusieurs personnes aux idées avancées. Des moines, d'esprit indépendant, étaient persécutés et chassés des monastères; mais le bouddha vivant d'un monastère nyingmapa partageait les idées nouvelles; le clergé n'était donc pas homogène. Certains de ses nouveaux amis incitèrent le savant à s'établir sur les lieux de sa naissance pour y ouvrir des écoles laïques; d'autres souhaitaient organiser la paysannerie. Les discussions montrèrent que Gedun Chompel professait des idéaux socialistes et qu'il pensait qu'une profonde transformation du Tibet était nécessaire à son salut. Changer le gouvernement, réduire le pouvoir du clergé, éduquer le peuple, redistribuer les richesses, affirmer la position du Tibet au plan international, tout en sauvegardant d'une tradition déjà malmenée ce qui méritait de l'être, tel était le programme débattu avec ses protagonistes. Pour y parvenir, Gedun Chompel, qui s'était intéressé à l'histoire de la Révolution française, pensait qu'il faudrait abattre de nombreuses têtes. Il ne se sentait pas de force à effectuer cette tâche et préféra retourner en Inde. 

En 1941, à Calcutta, à propos du colonialisme britannique, il disait: "Commandité par des rois et des ministres les colonialistes ont envoyé une grande armée des bandits qu'ils appelaient commerçants. Ils nous ont apporté de nouvelles formes de vie, mais leurs lois étaient seulement bonnes pour ceux qui étaient instruits et riches. Quant aux pauvres, leurs misérables vies ont été sucées comme le sang par tous leurs bureaux. C'est de cette façon que les soi-disant merveilles du monde ont été construites, que ce soient les chemins de fer ou les gratte-ciels. Je suis un mendiant astucieux, qui a passé sa vie à écouter. Je sais de quoi je parle." 

En 1943, Gedun Chompel (Chophel) manifesta l'intention de se rendre en Europe, mais les Anglais, qui le suspectaient d'hostilité à leur encontre, lui refusèrent son visa en période de guerre. A cette époque, la ville frontalière de Kalimpong était devenue un nid de Tibétains en délicatesse avec le gouvernement de Lhassa. Ils y côtoyaient des agents britanniques et chinois. Une des connaissances de Gedun Chompel, Rapgya Pangda Tsang, exilé en Inde, y avait fondé le Parti Progressiste Tibétain (Parti pour l'Amélioration du Tibet). Chompel en dessina l'emblème, composé d'une faucille, d'une épée et d'un métier à tisser, mais il n'y adhéra pas. Le Parti pour l'Amélioration du Tibet prônait le renversement du pouvoir de Lhassa. Il fut bientôt interdit par les Britanniques. Frustré, ne percevant plus aucun signe d'espérance, Gedun Chompel, en dépit de son goût pour la poésie qui ne le quitta jamais, déjà adonné au tabac et à l'alcool, se mit à boire outre mesure; mais il convient de remarquer, qu'au moins à cette époque, la consommation exagérée d'alcool, loin d'affaiblir ses capacités intellectuelles, paraissait les affiner. 

En 1946, Gedun Chompel (Chophel) revint à Lhassa. C'était désormais un homme mûr, doté de connaissances étendues et d'un idéal élevé. Il avait secrètement parcouru pendant un mois une région du Tibet alors rattachée aux Indes britanniques, en vertu du tracé de la ligne Mac-Mahon; il en avait dressé la carte. De retour dans sa patrie, il devint, sans l'avoir vraiment cherché, assez populaire pour s'attirer les foudres du pouvoir qui n'ignorait rien de ses fréquentations subversives à l'étranger; de nombreuses personnes, certaines proches des gens en place, fréquentaient sa maison pour  le rencontrer et recevoir son enseignement. Il se mit à écrire l'histoire politique de son pays mais cette tentative fut brutalement interrompue: il fut arrêté, non pas en punition de ses idées ou de  ses activités politiques, mais sous une vague accusation de fabrication de fausse monnaie qui ne fut jamais démontrée. Lorsque les sbires chargés de l'appréhender pénétrèrent chez lui, il demanda que l'on ne dérangeât pas la multitude de bouts de papier sur lesquels il avait noté ses idées, selon sa méthode particulière de travail, pour la composition d'un nouvel ouvrage relatif à l'indépendance du Tibet; cette demande fut repoussée. 

On soupçonna les Anglais de n'être pas étranger à sa mésaventure; ils faisaient en effet courir le bruit de son affiliation au Parti Progressiste, bruit mensonger, on l'a dit; sans doute craignaient-ils l'influence d'un homme qui, en défendant l'indépendance de son pays, remettait en cause les cessions de territoire qu'il avait été obligé de consentir à l'Empire des Indes (4). Soumis à la question extraordinaire, cinquante coups de fouet lui furent appliqués; mais il n'avoua rien. En l'absence de preuves, il fut innocenté; on ne l'en maintint pas moins deux ans et demi en prison; ensuite de quoi, il fut assigné à résidence à son domicile pendant trois années supplémentaires.  

En 1949, lors de sa relaxation, profondément brisé, il sombra dans l'alcoolisme et le tabagisme; mais cela ne l'empêchait nullement de débattre victorieusement avec des érudits. Sa maladie pourtant était devenue incurable; il mourut d'une cirrhose du foie, peu de temps après l'arrivée des troupes chinoises à Lhassa, malgré les soins qui lui furent rendus. Avant de rendre le dernier soupir, il aurait ainsi commenté les derniers événements: "Maintenant nous sommes bien baisés!" Ses amis le firent incinérer comme un dignitaire. 

Heureusement, il avait terminé son ouvrage: "Voyages en diverses contrées". Ce livre porte un regard critique, du point de vue religieux, sur l'Inde et sur le Tibet. Il s'efforce de tracer une voie spirituelle juste, exempte des erreurs qui l'ont jusqu'alors encombrée. Il réfute les superstitions en les soumettant à la critique de l'expérience. D'emblée il affirme avoir définitivement renoncé aux spéculations hasardeuses, aux fables propagées pour gagner quelque popularité en flattant le goût des gens pour le merveilleux, à la tentation d'obtenir les faveurs d'autrui en taisant par lâcheté ce que l'on croit être exact, au refus de distinguer entre le vrai et le faux dans l'espoir d'acquérir la renommée et la fortune. Il dénonce vivement la tendance à suivre aveuglément tout ce qui vient de l'Inde en dépréciant les valeurs proprement tibétaines. Il condamne certaines pratiques hindoues, notamment le système des castes, doutant de leur compatibilité avec la doctrine bouddhiste; il s'indigne de l'espèce d'anathème qui frappe les veuves, considérées comme impures, quand elles ne se sont pas précipitées vives dans le feu qui brûle le cadavre de leur époux.  

Gedun Chompel (Chophel) se moquait des contes de fées colportés sur son pays en Occident; un Anglais n'avait-il pas soutenu, devant lui, que les Tibétains vivaient plusieurs centaines d'années, grâce à leurs pouvoirs supra normaux, alors que l'espérance de vie au Tibet était l'une des plus faibles du monde? Rédacteur d'une histoire du Tibet, d'après les chroniques anciennes, tibétaines et chinoises, il démontra que des feuillets avaient été inversés, dans un but de falsification favorable au bouddhisme; il pensait que l'introduction de cette religion au Tibet pouvait être à l'origine de sa décadence. Il révèla aussi que les traditions tibétaines étaient altérées depuis longtemps du fait de l'influence chinoise; il pensait que le lion des neiges n'était sans doute qu'une version tibétaine du lion chinois, lui même inspiré par la Perse.   

Touche-à-tout de génie, Gedun Chompel (Chophel) était devenu non seulement un expert en matière de religion, mais également en matière de poésie, d'art, de langues (on dit qu'il en connaissait treize!), d'histoire, de géographie, de coutumes locales, d'archéologie et de médecine tibétaine. Il étudia même la sexologie; son ouvrage "Désir" secoua la société tibétaine. N'écrivait-il pas, dans son adaptation du Kama Sutra: 
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Quant à moi, j’ai peu de honte, 
J'aime les femmes. 
… 
…, je me suis grandement appliqué 
A la composition de ce traité 
Qui est ma tâche personnelle. 
Si les moines veulent le déprécier, qu'ils le fassent. 
… 
L'auteur en est Gedun Chompel. 
… 
Un vieux brahmane lui expliqua les passages difficiles, 
Une fille du Cachemire lui donna les instructions pratiques 
Sur le divan rouge de l'expérience. 
… 
Que tous les simples gens vivant sur la vaste terre 
Soient libérés de la fosse de la Loi sans merci 
… 
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Tous ses travaux et essais reflètent une pensée en avance sur son temps dans son pays. Cependant, bien qu'armé des théories de l'évolution, de l'humanisme et du progrès social, Gedun Chompel (Chophel) resta profondément bouddhiste, même s'il lui arriva parfois de céder à son tempérament iconoclaste. Mais s'il demeurait bouddhiste, il rejeta la démarche traditionnelle pour adopter une approche nouvelle conforme aux nécessités du monde moderne. Selon lui, le bouddhisme est une philosophie que l'on doit soumettre à son esprit critique, sous peine de verser dans la superstition. Il fut le premier penseur tibétain à placer l'homme et ses droits au coeur d'une société censée régie par les dieux depuis des millénaires. Sorti du Tibet pour se frotter aux autres, il s'imprégna des cultures d'autres pays; il comprit ainsi tout ce qu'il y a de contingent dans une culture particulière en remontant aux origines des religions et des langages; ce faisant, il éclaira bien des points d'ombre. Certes, certain aspects de ses écrits sembleront naïfs et dépourvus de valeur scientifique à nos contemporains; mais il ne faut pas oublier qu'il avait reçu une formation religieuse, qu'il vivait dans la première moitié du 20ème siècle et qu'il ne mit jamais les pieds en Occident (5).  

Un demi-siècle s'est écoulé depuis la disparition de cet homme extraordinaire. Ses travaux ont été rassemblés et édités; certains ont été traduits. Nombre de "tibétologues", chinois et étrangers, les lisent. Et ils sont étudiés aujourd'hui dans les monastères. 

Terminons par un poème nostalgique du "mendiant de l'Amdo" écrit lorsqu'il errait loin de sa patrie: 
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Mes pas errant sous les étoiles étrangères, 
ma terre natale, la route est longue et lointaine. 
Pourtant la même lumière de Vénus et de Mars 
tombe sur la petite vallée verte de Repkong. 
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Repkong, Je t'ai laissé derrière moi et mon coeur avec,
les jeux empoussiérés de ma jeunesse, au Tibet là-bas. 
Karma, étalon sans repos à la chair d'ouragan, 
en me jetant en l'air; où m'emporteras-tu encore? 
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D'autres textes de Gedun Chompel sont  ici
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(1) On notera que la même mésaventure est arrivée à Milarepa et à Drugpa Kunley. 
(2) Que l'on ne se méprenne pas, si Gedun Chompel adhère à l'opinion de l'égalité des sexes, ses revendications, novatrices à l'époque,  décevraient les féministes d'aujourd'hui; elles ne vont pas au-delà de l'attention que l'homme doit à sa compagne; son idéal féminin reste traditionnel; mais l'homme qui refuse à son épouse le plaisir sexuel commet une faute grave qu'il lui faudra payer dans cette vie ou dans une autre. Il convient par ailleurs de noter que l'image purement livresque que Gedun Chompel avait des femmes occidentales en choquerait plus d'une. 
(3) Il est probable que Gedun Chompel souffrit du célibat imposé aux moines gelugpa. N'écrivit-il pas "Être cloué au pilori n'est en rien comparable au fait d'être contraint par des règles rigides"?  
(4) L'implication britannique dans l'arrestation de Gedun Chompel est d'autant plus plausible que l'Angleterre reconnaissait la suzeraineté de la Chine sur le Tibet; elle avait d'ailleurs décidé, en accord avec Pékin, des rectifications de frontière préjudiciables au Royaume des Neiges (Conférence de Calcutta - 1890). Avant l'arrivée des communistes au pouvoir, Londres ne pouvait donc pas voir d'un bon oeil les menées indépendantistes.   
(5) Les écrits de Gedun Chompel sont rédigés avec un vocabulaire et dans un style religieux, ce qui peut scandaliser lorsqu'il traite de sujets profanes voire érotiques. 


Ils ont dit: 

Golok Jigme, qui voyagea en Inde en compagnie de Gedun Chompel au début des années 1940, aujourd'hui décédé: 
Pendant que nous voyagions en Inde, je n'ai jamais pensé qu'il était un lama réincarné. il était certainement une personne intelligente, très fine. Mais il fumait, buvait et couchait avec des femmes. D'emblée m'est venue l'idée qu'il manquait de savoir puisqu'il couchait avec des femmes.  

Thubten Wangpo, ancien instituteur qui rencontra Gedun Chompel lorsqu'il avait 17 ans et qui l'influença beaucoup, aujourd'hui retraité à Lhassa: 
A cette époque, les Tibétains n'acceptaient rien en dehors de la tradition. Par exemple, jouer au football était interdit parce qu'on pensait que les joueurs donnaient des coups de pied à la tête du saint Bouddha. Si une personne tentait quelque expérience nouvelle, elle se heurtait fatalement à un interdit. Mais une société doit progresser, elle ne peut pas stagner indéfiniment. 

Tsering Shakya, enseignant de l'histoire moderne du Tibet à l'École des Études Africaines et Orientales, qui vit à Londres avec sa famille: 
Gendun Chompel était un moine ordinaire, qui vint en Inde et vit les changements qui modifiaient le monde extérieur. Cela l'amena à réfléchir sur l'immobilisme du Tibet; c'est ce qui ressort de ses écrits, de ses poésies. Il se mit à réfléchir sur les changements du monde et sur le besoin de réformes de son pays. 

Tashi Tsering, chercheur, directeur de l'Institut Amnye Machen (AMI), consacré à l'histoire du Tibet, vit en Inde et en Nouvelle Zélande: 
Aucun Tibétain n'avait écrit l'histoire politique du Tibet avant Gedun Chompel. Dans son livre il prouve que le Tibet et la Chine étaient deux unités indépendantes. La Chine a parfois attaqué le Tibet et d'autres fois le Tibet a combattu la Chine et a même conquis sa capitale. Gedun Chompel montre comment les Tibétains ont assiégé les Chinois; il décrit la puissance du Tibet à ce moment-là et la façon dont les Tibétains ont défait l'armée chinoise. À la différence des historiens précédents, il a basé ses travaux sur les documents antiques de Dunhuang. 

Alak Yongtsin, ami d'école de Gedun Chompel, qui connut les prisons chinoises et vit aujourd'hui retiré dans un monastère éloigné à l'est du Tibet: 
Gedun Chompel est devenu célèbre après avoir fabriqué de petits bateaux avec les parties mécaniques de vieilles horloges. Il m'a dit qu'il devrait être possible de construire un moulin qui ne serait pas actionné par l'eau. 

Source: Angry monk (Le moine en colère)


Cette note biographique, inspirée par un article de Ma Lihua (27-04-2005), est abondamment nourrie de mes autres lectures. 

On trouvera d'autres renseignements sur Gedun Chompel en consultant le site du film "Le moine en colère" (anglais): http://www.angrymonkthefilm.ch/en/gendun_choephel/

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