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Un vol de corbeaux entre au château templier de Ponferrada
Herbe crue,
herbe ondulante
comme une bannière de lambeaux
après la bataille,
jacinthes, ailettes
et un dur lendemain
comme un pont de fer
entre l'âme et la vérité:
Entre des coquelicots bafoués
et des violettes intactes,
entre les nuages de l'angélisme
et le timbre de Salomon,
entre l'ortie blanche
et le cercle souillé,
entre la merveille du houx
et la dent du lion,
naît un silence inviolé:
naît un delta bleu sans issue. (...)
Ce poème est extrait
de l'ouvrage "Poèmes (sélection)" du poète mexicain
Alberto Blanco
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Alfredo Lavergne
Armoire
à boussole
Passer
Par un de ces hameaux
Marqués d'un nom
De quelqu'un
D'un rêve
D'un héros
D'un saint
D'une erreur
D'un espoir
D'une vision d'un autre monde
Ou d'un mot de la langue du peuple vaincu.
Je suis
Un de ceux qui passent
Au-dessus de ces baptêmes.
Ce poème est extrait de l'ouvrage "Le Pont".
Et voici maintenant un poème directement écrit en français que m'a envoyé, parmi d'autres, Alfredo Lavergne:
Je suis une lente obstination
C’en est trop. Maintenant cet échec du voyage à la conjoncture des choses. Je n’ai rien pu savoir de la vente de mes souliers ni de l’abominable trace de mes pieds déchaussés.
Un peu, de la fantastique discipline avec laquelle les corps attrapent la page blanche, comment ensuite ils se cachent en silence et comment survivent les objets, qui se présentent comme d’innumérables dieux qui nous condamnent à l’étonnement. Peut-être devrais-je ajouter que j’ai senti, en les observant à la clarté, comment les objets cessent d’être des dossiers secrets et cela aussi je l’écris en riant.
Peut-être, je ne devrais pas dire qu’il existe des regards qui sont des pierres lancées à l’équilibre des choses.
En ce lundi, je m’interroge encore plus sur la distance frissonnante entre le passeport et l’immigrant. Je questionne la vaine apparence de tranquillité adoptée par les inquisiteurs qui feuillettent mes couteaux rouillés. Je doute du génie entêté à modeler la matière qui nous ferme la porte. Je crois aux arbres de ce territoire et non à ses catalogues.
Je le répète devant n’importe quel bibliothécaire, parce que je sais que tu m’interroges. Mon écriture est égale à ma voix et mes voyages ont toujours été faits avec de simples valises.
Je me résigne. Cette clé n’en est pas une.
Alfredo Lavergne est un poète
chilien qui s'est établi au Québec en 1976.
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Juan Planas Bennásar
Feu d'artifice
Je caresse les lignes. J'insiste pour les
estomper pour qu'apparaisse le spectre de la lumière et le désir.
Qui s'est dissimulé, tellement perdu et énorme, derrière
les jalousies effilochées par l'eau-de-vie et les tumeurs naissantes?
Les hélices ne chassent pas l'asphyxie du poumon rompu.
Et j'abandonne mes mots. Je couche mon corps.
Ce texte est extrait de l'ouvrage
"Hors du temps (Essais poétiques)
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Juan Gelman
La pluie
aujourd'hui il pleut beaucoup, beaucoup,
on pourrait croire qu'on veut laver le monde.
mon voisin d'à côté regarde
la pluie
et il pense écrire une lettre d'amour/
une lettre à la femme qui partage sa
vie
qui prépare ses repas lave son linge
fait l'amour avec lui
et ressemble à son ombre/
mon voisin jamais ne dit de mots d'amour à
sa femme/
il entre à la maison par la fenêtre
et non par la porte/
par une porte on entre en beaucoup d'endroits/
au travail, à la caserne, à
la prison, en tous les bâtiments du monde/
mais non au monde/
ni dans une femme/ni dans l'âme/
c'est-à-dire/en ce tiroir ou ce navire
ou cette pluie que nous appelons ainsi/
comme aujourd'hui/qu'il pleut beaucoup/
et que cela pèse d'écrire le
mot amour/
parce que l'amour est une chose et le mot
amour autre chose/
et que seulement l'âme sait où
les deux se rencontrent/
et quand/et comment/
mais que sait-on de l'âme/
c'est pourquoi mon voisin ressent des perturbations
dans sa bouche
des mots qui font naufrage/
des mots qui ne savent pas qu'il pourrait
faire soleil
parce qu'ils naissent et meurent la nuit même
de l'amour/
et qui laissent dans la pensée des
lettres qui ne seront jamais écrites/
comme le silence qu'il y a entre deux roses/
ou comme moi/qui écris des mots
dédiés à mon voisin qui
regarde la pluie/
à la pluie/
à mon coeur exilé/
Ce poème figure dans
le livre "Isso" publié par l'Université de Brasilia en 2004
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Manuel Crespo
.
Luxure des anges
Beaux, atroces, insaisissables. Chaque après-midi
ils s'approchent jusqu'à la main et
font leur nid
entre les lèvres. Doucement ils sourient,
et tournoient en apesanteur autour des corps.
Ce sont des oiseaux lascifs, des puissances abyssales.
Des eaux qui nous entraînent
jusqu'au centre nu du désir.
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Pablo Cassi
Vieille photographie
Dehors l'aube point à voix basse,
l'espace endolori comme d'un coup de lune.
A travers le corridor l'air reflue,
tatouant sur mon visage la complicité
de l'incertitude.
Au fond de la salle à manger une lampe
éclaire
une vieille photographie,
elle absorbe le toucher de mes doigts
et la vie me conte à nouveau son histoire.
La pluie verticale revient vers mes chaussures,
de vieux livres me confinent au loin.
C'est le coin de la vie,
que l'on n'aurait jamais voulu tourner.
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Pedro Luis Menéndez
Ils ne t'enviaient pas lune dans le silence
mais ils te reconnaissaient larme sous le
pont
Devant toi à peine une vague
ils te nommaient bleue comme le cristal
Ils aimaient tous t'imaginer peu soucieuse
de toi
très éloignée du titan
et de la force
quand tu oeuvres la nuit
dans un espace inutile de figures
perdues sans repos
sans âme sans repos
en risquant toujours
le buisson de la faim
Ils ne t'enviaient pas lune ta confiance
infinie de qui se noue âprement
et grandit jusqu'à en mourir
sur une trace pure de stratagème
mais ils te savaient larme jalouse
derrière les coutumes et les promesses
Ainsi ils te connaissaient
tellement féroce et fertile comme la mort
tellement inhabile tellement douce tellement
infernale
comme un feu croisé sans réponse
comme un oeil qui jette sa flamme
soudain de lui même vers la pauvreté
la craintive et lâche révérence
l'aiguillon amer des incompréhensions
derrière
sur la terre
loin de la vie
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Antonio Fernández
Lera
L'écho de ta voix: 2
Une lutte entre deux personnes, comme une embrassade,
comme une voix qui se casse.
La chair sur la lumière électrique,
le feu sur la chair,
sous une lumière différente,
et le téléviseur dans tes yeux,
allumé.
Je ne veux rien.
Mon sourire est écumeux comme la bière,
mais je ne me rends jamais compte–;
maudite soit-elle, pauvre inutile, inadéquate
comme la lettre d'un tango.
Suivre c'est me laisser porter par le vent
quand l'air se meurt,
monter entre les ailes d'un oiseau et voler
(voler, voler)
quand l'air se meurt.
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José Corredor-Matheos
Il n'y a pas d'oiseaux qui volent
et il n'y a pas non plus d'air,
même si on peut retourner
le respirer
avec le même délice.
Le soleil brille d'une lumière
qui s'éteint avec moi.
Les chemins ouverts
par l'homme
se ferment avec l'homme.
Ce poème a été
publié dans le "Cahier de San Roque" (Classe de littérature
"José Cadalso", février 2005)
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Félix Morales
Prado
Magie des jardins.
Une forêt de parapluies.
Tu marchais bouche close avec la musique à
l'intérieur.
Tu étais ce rêve que j'ai eu,
quand j'étais enfant,
tu étais ce rêve,
petite fille dans l'orage.
Je t'ai suivie et tu t'es perdue
dans l'eau et dans la nuit.
C'est pourquoi j'ai su que c'était
toi.
Un autre texte de Félix
Morales Prado est
ici
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Júlio Polidoro
Petit
cérémonial domestique
À Ruy Espinheira Filho
changer la disposition
des meubles
cause de la surprise aux yeux
cela augmente le plaisir
de la routine
la cruche nous surveille
avec cérémonie
le tableau s'amuse
en remplaçant les murs
je précise que c'est jouer contre les
minutes
feindre que nous les trompons
tandis qu'elles tendent leurs pièges
une joie étrange
peuple l'instant
de notre victoire
Poème extrait de l'ouvrage
"Autre Soleil", (Juiz de Fora, Minas Gerais, 1959), publié par Funalfa
Éditions
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Teresa Domingo Català
Vestiges
Maudits soient ceux qui invoquent la nuit
pour admirer seulement sa noirceur.
Ils ne voient pas la lumière des feuilles
ténues
qui illuminent comme de petits dés
la chambre à coucher des étoiles.
La bise viendra en se faufilant tristement
à travers les orifices des puits et
des murailles,
pour démolir le cloître des cygnes.
La mer de chèvrefeuille s'éboulera
comme s'éteint le feu entre les ronceraies,
avec l'élan aveugle de la flamme,
avec le cri permanent de la lune.
La louve se cambrera nourricière
des vestiges d'un monde qui se meurt
et son lait sera bu au loin,
là où la nuit est toujours la
nuit.
Poème extrait de "
La neige", Los Angeles
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Juan Ramón Baralt
Dolz
Sans
ordre ni concert
Je ne sais pas si je suis ici ou ailleurs.
Si je vis dans un rêve admirable
ou dans un cauchemar interminable.
Si je suis le résultat
de quelque expérience intergalactique
ou la réincarnation
d'un pauvre paysan médiéval.
Si je dois me considérer libre ou,
au contraire,
captif entre les captifs.
J'ignore si cette musique bleue m'appartient,
si la lumière qui illumine mon existence
est à moi seul
ou si je dois la partager avec d'autres.
Je ne sais pas très bien pourquoi,
mais je soupçonne
que cette perplexité avec laquelle
je vis
de façon permanente
doit être organique,
comme la soif, comme l'angoisse
ou le désir de tuer.
Parfois je me demande
qui prend la plume pour écrire mes
poèmes.
Ce poème figure dans
les oeuvres complètes du poète que vient de publier Hiperión
sous le titre "El héroe absurdo"
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Félix Morales
Prado
est intérieur. Les créatures intangibles de la distance idéale se rendent possibles, immédiates. Tout nous dit que nous sommes au milieu d'une mélancolie qui ne nous endolorie pas. isolées. La magie de leurs jardins est la mienne. Les fantômes sont d'accord avec mes rêves. J'ai rêvé une fois que je poursuivais l'amour, une fille avec un imperméable rouge, qui se perdait dans la grisaille de la tourmente au bout d'une avenue de mûriers. C'était un poème cette foule sans personne. Elle pleurait en moi, si belle parmi les ombres. prend le parfum d' une vieille promesse pour que nous n'oubliions pas la vérité. |
Toute cette nuit s'amenuise.
La lumière noire sur son corps,
la pluie persistante,
le silence intense du ciel.
Un chien, lent, vieux et solitaire,
traverse la rue. Ici,
en toi, nous sommes ensemble.
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Janet Núñez
Ramer jusqu'à tes eaux les plus proches
me renverser contre ton navire sans aménité
envahir ton territoire retiré dans
sa promesse
guerre galante
imprévisible
empoignade ostensible jusqu'à te vaincre
jusqu'à forcer la forteresse inexpugnable
de tes bras.
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Herme G. Donis
ÉTRANGER en mes demeures, jeune idole
soumise, tu uses avec tes lèvres
ma poitrine oxydée par les jours
avec le seul souci de posséder qui
te dévore.
Désir mortel qui meurt dans mon corps,
froid d'albâtre,
glacial métaphore de pierre.
Pauvre visage sans écho, pourquoi t'abandonner
dans ma chair fugace et distante,
si j'attends seulement ce retour.
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Paz
Díez Taboada
Dimanche de douleur
Le tramway transporte les veilles somnolentes
-Depuis longtemps les airs les ont bercées.
Une cloche triste lui ouvre le chemin entre
passage et odeur de friture.
(Calamars, anneaux de promesses incertaines).
Le brun domine dans les jardins, avec la pauvreté.
D'humbles manteaux ne protègent plus
des intempéries
les membres transis.
L'espoir s'enveloppe dans la honte et la tristesse.
Dimanche de douleur. (Presque toute la vie).
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Reinaldo
Jiménez
La vie
Considère la sans tristesse.
Elle est écrite dans l'eau et on t'accorde
cette chance finale de la contempler.
L'image qui émerge de la profondeur
est ton image, même s'il t'en coûte
parfois de te reconnaître en elle.
Je sais que tout est étrange et je
sais aussi
qu'au moment de la saisir elle s'évanouit.
Ne t'évertue pas à la retenir,
ce serait en vain.
Elle flue, comme s'épanche la mer,
et elle restitue
dans ton regard tous les regards
de ceux qui autrefois
te précédèrent et maintenant
en toi se résument.
D'autres après-midi viendront,
au long cours du temps, d'autres yeux
et dans leur eau, tu verras ton reflet.
Regarde la sans tristesse,
et dispose les fleurs qui voyagent
au delà de l'ombre.
Extrait de "Treize poèmes"
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Juan
Ramón Barat
Les heures
On les voit passer
lentement et on soupire,
on voudrait les protéger
toutes: les gaies comme les tristes,
les belles comme les laides. Elles passent
silencieuses et plient les coins
où se croisent les chemins.
C'est le vent compulsif des jours
qui les pousse.
Elles vont et jamais ne reviennent. Mais elles
laissent
un arrière-goût amer
d'impuissance dans la chair,
un vide immense dans l'âme,
et l'ingrate saveur de la défaite.
Extrait de "El héroe
absurdo (poesía reunida)" (Madrid, Hiperión, 2004)
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Marietta
Cuesta Rodríguez
Pour pouvoir te sentir
j'ai inventé
des orchidées dans les vagues,
des acacias dans les sables
du désert,
des lutins d'amour dansant entre les frênes,
légers bondissements de l'âme
coeur de pomme.
Marietta Cuesta Rodríguez
est une poète équatorienne.
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Juan
Ramón Mansilla
Chanson du nouvel an
Tu peux entrer. J'ai laissé la porte
ouverte, la lumière, le chauffage
allumés; Il y a un peu de vin
dans le placard, le café est tout juste
passé
pour le cas ou je tarderai et que le rêve
te subjuguerait.
Sois là fortuitement à mon retour,
enveloppée dans le sofa avec ma couverture
de voyage, consolée, par hasard
devenue le plaisir du monde dans sa beauté,
en sachant qu'il y a une technique pure
dans cette merveille d'être vivant.
Et si tu n'es pas, béni soit le temps
dans lequel tu fus. Je dois seulement ouvrir
les volets pour que l'eau de la pluie coule
tombée dans la mémoire. La lumière,
bientôt,
laissera sur les murs une ombre
qui épellera ton nom de ses lèvres,
satisfaite d'être de nouveau à
la maison.
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Jordi
Doce
Un moineau
Quand il se pose sur la grille, la poitrine
en avant,
les ailes grandes ouvertes,
on dirait un rapace en miniature:
la férocité soudaine du geste,
la courbe amortie de son vol,
ces signes fugitifs et précis,
ont le don de me confondre.
Peu importe qu'ensuite,
cette insignifiante pelote
suscite une émotion banale.
Furetant d'un grain aux plates-bandes,
en sautillant comme à la marelle,
ce moineau fut la proie de mes yeux,
cristal où le sang s'interroge.
Quelque chose a fait jaillir l'étincelle:
et la vie s'est imprégnée d'instinct
afin de retrouver un supplément de
vie.
Extrait de l'ouvrage "Gran Angular" - DVD ediciones
Un autre poème de Jordi Doce est
ici
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Xavier
Palau
Ce geste tien
Le mal est une douleur concrète,
une chambre ordonnée,
un regard répété à
l'horloge.
Et il entre pendant l'après-midi
qui s'approche de la fin,
quand tu ne peux plus penser
à autre chose qui n'est pas
l'erreur de vivre
ces jours de plus.
Ce poème est extrait
du livre "El eclipse" publié aux éditions Trea
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José
Antonio Labordeta
Le monde était une boule plongée dans le silence, plongée dans l'absence de mémoire, dans les lointaines pleurs des nuits vides.
Les petites choses
le monde oublié
il n'y avait pas de lèvres
rien rien
il n'y avait plus rien
sur les rochers
sur les tournesols morts
sur la solitude régnante
sur le vide.
Le vent
si solitaire le vent
hululant suave
sur les horizons infinis
des petits êtres
qui croissaient de ci de là
sur les prairies inhospitalières
de l'oubli.
C'était une boule
plongée dans le silence
dans les lointaines pleurs des nuits
perdues.
Calmes
convenus
consacrés au temps
à la solitude infinie de la vie
l'homme
la femme
les arbres
les enfants
étaient pris sur le plan foncé
de la nuit.
Pas un mauvais rayon de soleil
pour couvrir le sommet lointain
de l'oubli.
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Pedro
Garfias
Espagne que nous avons perdue, ne nous perd
pas;
garde nous en ton front effondré,
conserve en ton flanc le creux à vif
de notre absence amère
l'espoir qu'un jour nous reviendrons, plus
rapides,
sur le dos dense et puissant
de cette mer, avec les bras ondoyants
et le battement de la mer dans la gorge.
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Leo
Zelada
La mort de cette femme implacable
me séduit
chaque fois que je m'en vais troublé
en l'entendant
en moi s'exclamer:
"tant que tu ne reposes pas dans mon lit
éternel, tu ne seras pas totalement mien"
et elle patiente
toutes ces années elle m'accompagne sur les tables et dans les coins
des bars en essayant vainement de m'atteindre:
"le dragon a ouvert une fois de plus sa gueule,
une femme a croisé les jambes"
Leo Zelada est un poète péruvien
Le blog de cet auteur est ici
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André
Cruchaga
Autres silences
Le silence nous montre les visages réels:
Les corps comme ils sont: âcres, expirants.
Sa palpitation intense est une forêt
figée,
Un pailler sec sans bois, piquant.
Capable de surprendre quiconque en sa fatigue.
Le silence n'est pas seulement sérénité
Ni quelque subtile ressource utilisant la
mémoire,
Parfois il est l'outil du feu, celui de la
fatigue,
Du désespoir qui se dissout dans l'âme.
Mais c'est aussi une douleur dans la tête,
Pareil au bruit laissé par les défunts.
Le silence déchire la totalité
du corps:
C'est un secret mortel pareil à celui
des amants
Quand ils boivent goulûment les palpitations
de leur haleine,
Jusqu'à tomber au fond de l'abîme
ultime.
Ah, ce silence! Il nage semblable, bien sûr,
à la lâcheté.
Funeste peut-être. Subtile. Flèche
de la nuit.
Barreaux aveugles, oui. Igné par ce
qui est enraciné.
Le silence est profond dans ses bouffées
ardentes.
C'est une draperie d'épées suaves
Le velours des feuilles secrètes.
Il tient de l'écho, du vent, de la
mer sombre…
29/7/2004
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Jordi
Doce
Le
coeur. Il court seulement
derrière ce qui peut lui échapper.
Dans l'obscurité et le froid de la
nuit, uniquement éclairé par des questions.
Il croit seulement aux animaux qui se dissimulent
de ce côté des yeux.
Il te montre du doigt mais il ne te regarde
pas: il ne voit que son propre doigt.
Dieu absorbé, ébahi, nous regardant
voler en l'air, nous autres, ses mouches.
Rechercher ce qu'il tient éloigné
le ciel.
Le poème est une exception.
Il n'y a pas de poème sans fenêtre.
Juan Gelman: "La poésie est un arbre
sans feuille qui donne de l'ombre".
L'amour, si léger, annulant le passé.
On écrit pour mettre son horloge à
l'heure du monde.
Défens toi de la présomption.
Que tout s'offre à toi en une vision d'oiseau ne signifie pas que
tu saches voler.
Fragments de "Fourmis blanches
(Notes 1992-2003)", ouvrage publié par Bartleby Éditeurs
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Tomás
Salas
Leçon d'éthique
Tu dois d'abord savoir que l'élégance
consiste
à conserver la tristesse comme quelqu'un
garde
une porcelaine chinoise fragile dans du coton,
sans que nul ne s'inquiète de sa présence
obsédante;
et à la toucher avec la pointe des
doigts uniquement pour la déplacer; l'utiliser,
s'il n'y a pas d'autre moyen, seulement pour
l'art,
jamais pour la vie.
Álora, 28 décembre
2004 (Jour des Innocents)
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Rolando
Revagliatti
Le choix de Sophie
Retour à Cracovie
à ta floraison
avant guerre
au piano de ta mère
ou au tien
Retour polyglotte au poème
d'Émilie Dickinson.
À Basinger
Kim, avec une fois
Batman, je te l'avoue
ça suffit
Je te l'avoue, Kim, plus de
Neuf Semaines et Demie
c'est certain
Étrange Passion, Kim, je te l'avoue
c'est sûr
sans l'atteindre.
Poème extrait de "Tomavistas",
ouvrage du poète de Buenos Ayres Rolando Revagliatti
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Paolo
Ruffili
Je
surveille le monde
qui retourne
au jour
derrière les plis
de ton visage
endormi,
derrière la respiration
qui traverse
ton nez et
dans le sourire
que le rêve
t'a laissé.
C'est celui de l'amant
dans celui de l'aimé
ce pourquoi il est, oui,
naissant.
en l'état où il est
au moment de réapparaître
et jamais complètement mis au monde.
Paolo Ruffili est un poète
italien
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Eugénio
de Andrade
Je vis maintenant plus près du soleil
Je vis maintenant plus près du soleil,
les amis
ne connaissent pas le chemin: il est bon
de n'appartenir à personne
d'être dans les hautes branches, frère
de la chanson libre de l'oiseau
de passage, reflet d'un reflet,
contemporain de tout regard pris au dépourvu,
d'aller seulement et venir avec les marées,
ardeur pétrie d'oubli,
douce poussière à fleur de mousse,
à peine cela.
Le poète portugais
Eugénio de Andrade est décédé, à Lisbonne,
des suites d'une longue maladie, le 13 juin 2005. Il était âgé
de 82 ans.
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María
Teresa González
AVEC
le langage muet
des rues vides,
sous l'ocre rougeâtre de l'été
me brûlant encore,
de toi vient la langue
qui m'inonde,
le sifflement du vent
parcourant la peau de mes trottoirs,
la citadelle obscure de ce ventre
habité
par la vigie jalouse de ma chair.
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Santiago
Azar
Les cinq enfants de la mer
Les gencives de cinq enfants sonnent dans la
mer,
les châteaux de sable sur la berge et
les petites chemises blanches qui ondoient
en chantant.
De minuscules dents sourient avec la mousse
et la mouette,
et courent sur les vagues comme une barque
de papier
qui navigue dans le vent et dans la bouche
du pain.
Cinq enfants qui se tiennent par la main me
font me retourner,
cheveux blonds, bruns et coeurs de douceur
ils dansent une ronde autour de la vie avec
une chanson d'enfance bleue.
Alors survient la marée et son orchestre
fatal,
le poisson ardent, la coquille du buccin nue,
le rugissement de cent baleines prenant la
vague.
Alors survient la marée et une goutte
de sang,
le fonds obscur, les pleurs du sable,
la salive de la lune qui ne s'éveilla
pas.
Cinq enfants coururent vers la mer,
les petites chemises blanches disparurent
et doivent attendre
l'aboiement de la nuit pour retourner à
terre.
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Francisco
Álvarez Velasco
Ballade des amants à la tombée du jour
Le lent après-midi décline des
huppes, de sa crinière,
où chante dissimulée l'alouette
depuis l'aube
pour effrayer la nuit; comme baissent les
vallées
saturées de fleurs de lavande;
comme l'ombre longue de la tour
sur la place progresse.
On entend ses pieds nus sur la berge.
On sent son ombre ardente dans les lumières
chues;
comme un vent d'abeilles,
on entend la sève lentement nourrir
le feu de la main qui te cherche
et on écoute par les lèvres
les champs de blé de juin qu'agite
une brise de coquelicots.
La peau aimée, le temps attentif,
la lumière d'or sur les hautes branches,
les yeux clairs, les airs et les cheveux,
le silence du lit de la rivière et
sa tranquillité,
la joue livrée, la vallée solitaire
qui descend avec la rivière,
les pierrailles blanches sous le chant de
l'eau claire...
Mais, en touchant ses épaules,
du dos on soulève une colombe triste.
Et c'est la nuit.
Pour visionner une vidéopoème
de ce texte, cliquez ici
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Eva
Vaz
Mon corps était
un corps de
onze ans.
Et mon entraîneur
me voulait petite.
Encore plus petite, plus.
Plus haut.
Plus.
Davantage d'os.
Plus près du ciel.
Plus.
Et je me suis approché
de plus en plus
des enfers.
Et j'y suis tombé
si vite
si réduite, si petite...
Extrait de "La ternura de
los lobos"
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Ricardo
Dávila Díaz Flores
Ne cherche pas en arrière de moi
Ne cherche pas dans mon dos,
il n'y a rien, seulement moi,
moi qui te parle.
Ne cherche pas,
je suis le même que celui que j'ai toujours
été,
celui que je suis.
Celui qui te regarde dans les yeux, c'est
moi, vraiment moi.
Ne cherche pas,
je suis là.
Il n'y a pas de lames dissimulées dans
mes doigts,
il n'y a pas de venin dans ma voix.
Aie confiance,
il n'y a pas d'ombres derrière moi;
regarde moi dans les yeux,
c'est moi,
celui de toujours, le même,
celui qui te regarde dans les yeux,
comprends moi.
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Alberto
Vega
Poète en sol mineur
Quand j'étais un nain, heureux et sans
chagrin,
avant les bonnes nuits ou le baiser de ma
mère
j'avais l'habitude de froisser les après-midi,
pour les abriter dans mon lit de contrebande,
dans une manche de pyjama.
Je demeurais ensuite sur le seuil du rêve
en dévoilant à nouveau la carte
des heures,
en ressuscitant à ma façon les
cadeaux du jour
- le rendez-vous avec Charito, le but de la
victoire -
avec un large sourire de paupières
fermées.
Toujours dans la lumière obscure du silence.
Je me souviens aussi que j'étalais devant
moi les hontes
les humiliations, les offenses, les mépris
sans nombre
en sol mineur que je nommais l'oubli
L'ennui, le pire, c'est qu'aujourd'hui encore
ils n'ont pas disparu du tout et qu'à
peine je les remue
ils éclaboussent ma mémoire,
mes lunettes, mes poèmes...
Extrait de "ESTUDIO MELÓDICO DEL GRITO"
Des études et des oeuvres
des poètes qui précèdent sont accessibles dans
leur langue d'origine sur le site Portal
de poesia
"Je ne suis pas une personne pour le tricot! Je ne suis pas une personne pour les pansements! Ni une personne pour les colis aux prisonniers, vu que je n'ai pas le rond! Je suis une personne pour la chose du machin et qui ne se retournerait pas pour voir tomber le tonnerre quand elle a un beau gosse devant elle! Un beau gosse, en plus, qui s'en va peut-être mourir demain"
"Mieux vaut un homme sans bras qu'un homme sans coeur"
"Jurons, mesdemoiselles, de ne jamais épouser un homme qui reviendrait vivant de la guerre!"
"Je suis une de ces harpies que vos jeunes filles signalent à la sévérité publique, une de ces femmes abominables qui veulent se remarier, qui se remarient, qui se disent, la quarantaine passée: j'ai encore un amour à vivre... En échange du beau mort que j'ai donné, je réclame un vivant bien humble, et encore pas tout entier, un de ceux que la guerre nous rend, mal recousus de rubans rouges, verts et jaunes, mal pansés de médailles et de croix."
Extraits de: Françoise
Thébaud: "La femme au temps de la guerre de 14" - Stock /Laurence
Pernoud
R. San Geroteo: Gens de la nuit
Larmetoiloiseau
Il est l'heure d'allumer les chambres
d'une seule et même allumette
à l'image de ce demeuré qui
déambule
et à qui l'on a confié les clés
de la maison.
Secret, pouvoir, poussière.
On compte sur la pluie et la voix de son maître
pour tout effacer.
Elles n'y arriveront jamais.
Quelque chose devient.
Une toute petite étoile de suie sur
de la toile blanche.
Le sel d'une larme, un cri.
L'ombre des ailes sur nos mains.
Jean-Daniel Robert: La belle origine
Tu déchiffres mon désir; et ton
chemisier frémit d'émoi et de tremblements quand nous traversent
des odeurs de bise. La lumière se fait indiscrète; et s'ouvrent
des reliefs d'attente. La faim frissonne.
Dans les yeux immobiles il tombe tant de morts.
Avec des pans de ciel.
Mains ouvertes parfois.
Sur l'atlas à refaire toutes ces taches
blanches.
Un genou remue les boues de nos sommeils.
Poupée de maïs au milieu de la
nuit.
Quelqu'un dans les décombres demande
en silence pitié
pour la lumière.
Les vents porteurs de soleil ont tari la source du nomade. Il reste à franchir au semeur d'étoiles les plaines du vide où l'écho se fait la voix du silence des aveugles. J'ai somnolé dans le sein des galaxies sans jamais apprivoiser les rêves de l'homme sage. Les torrents incandescents ont recouvert d'une pluie d'argile les planètes assoupies. L'empreinte des mots guide le messager des sens sur les traces de cendre. Qu'adviendra-t-il des marais asséchés guettant l'auréole des soleils? qu'adviendra-t-il du soupir de la pierre échappé du courant? Les hommes ont pour bagage la paresse de leurs souvenirs et leurs chemins se sont noués au carrefour des songes.
Le mourant apprivoise le regard des vivants quand de ses yeux s'échappe l'étincelle d'étoile. Il faudra apprendre les parcours de lumière que nos pas dissimulent dans l'antre de nos jambes. Beaucoup de sueur a perlé sur nos fronts avant que la marche ne s'évanouisse en filets d'ombres sur l'eau.
Extrait du recueil Exil
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Violette
Granges
La voie tracée
...
Je hais la vitesse et le bruit,
ce qui démarre et ce qui fuit
dans un tourbillon de mépris.
...
Collection Encres
Blanches
Éditions
Encres Vives
2 Allée des
Allobroges
31770 - Colomiers
...
Cherche toi-même à connaître un troubadour, ou un barde! Tu verras, alors, les colombes d'Aphrodite
Je rêve de t'emmener
|
Je demande la parole
Je demande la parole
...
Pour le sentier qu'on n'aura jamais suivi
jusqu'au bout
...
Pour l'eau refermée sur la pierre polie
du silence
...
Pour la solitude misérable et douce
des lichens
...
Pour le mur qui lentement s'effondre
...
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Bénédicte
Lefeuvre
Lavoirs
...
Désormais la lessive
se passe de commentaires.
Seuls, aux beaux jours,
les draps claquent leur langue
dans les jardins entrouverts.
Tu marches sur leurs taches d'ombre,
écoutant l'eau d'une source
s'exiler au plus profond du sol.
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Bernadette
Throo citée
par Béatrice Gaudy
sourdement le corps se fige
autour du coeur qui bat tout seul
comme un réveil oublié sous
des ruines
Tes chemins à toi ce ne furent
la coulée de lampes jumelles
qui s'épousent à contre-nuit
ni l'ogive que font deux vies
dans la cathédrale du temps
Mais tu suivais à perte d'heures
ce quelque chose au bord du rien
appel ou signe
la griffure sur l'eau d'une bête du
songe
la teinte la plus fine
qui se dérobe entre les feuilles
à la saignée du soir,
ce quelque chose infime
informe
qui s'enveloppe
dans le coton de l'origine.
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Stéphane
Alves
Les reins cambrés
La poitrine au ciel pointée
La silhouette fluide
Les lèvres humides
La chevelure ondulée
Fins fils blonds entremêlés
Et une taille si fine
Qu'elle donne l'impression
Au pied de ces hanches collines
De n'être qu'un tout petit vallon
Que ma femme est belle
Quand tombent ses dentelles.
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Michel-François
Lavaur
Une de ces belles enveloppes dont MFL détient
le secret:
Colette Gibelin: Le jour viendra la nuit aussi
J'ai peur, tout à coup, de ce qui gronde en moi comme un chacal en proie au mal de faim. j'ai peur de toutes mes faims de vivre, inassouvies et prêtes à me dévorer. Je suis la proie de ma propre faim. Je meurs de ce manque immense de l'univers: non désir, non échange, non transparence. Je meurs de froid dans le négatif du soleil.
Il y a pourtant, quelque part, des embrasements,
des mots vibrants comme des violons, et des sources où boire à
longs traits la lumière.
Jean-Louis Clarac: Laisses levées
Le mot silence
s'extasie au seuil
des demeures
interrogatives
porteur
d'une essence
aventureuse
silence
ce mot
solaire
suspendu
à la naissance
des palabres
lumineuses
juste
ce qu'il faut
de silence
pour fleurir
le regard
Un autre texte de cet auteur est ici
Février
...
Le fil d'araignée
joue à cache-cache
avec la brise
...
Cathy Garcia est l'animatrice
de la revue "Nouveaux
délits"
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Alain
Crozier
Un livre fermé
La page est tournée,
Le livre est fermé,
Rangé.
Il ne sera plus ouvert.
Pour un autre voyage,
A Paris,
Nous serons
Dans un nouveau livre.
Ne pas parler
Des livres fermés.
Le site d'Alain Crozier est
ici
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Jean-Pierre
Lesieur
L'O.S. des lettres
...que ceux qui achetèrent une côte
de mouton avec la vente de leurs oeuvres me jettent le premier os.
...
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Emeric
de Monteynard cité par Nathalie Cousin
Qui cède l'eau
A la source
Et qui rend si secret
Ce point
Que sait la chair
En elle
Et tait?
Qui
Tant me garde de conclure
Et me dit
De céder?
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Anne
Poiré
...
la rue du souvenir
était voie du cimetière
autrefois
...
passage des gloriettes
quels troublants succès
abritez-vous
...
Extraits de "Crinière
de Lyon", recueil inédit. Le site d'Anne Poiré est
ici
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Daniel
Leduc
Parfois je dors dans ton sommeil,
dans la chaleur de ton pays,
entre des images qui te rêvent
et des sons qui t'enfantent,
je dors à l'ombre de tes lèvres,
avec des mots qui s'articulent
comme des membres qui marchent,
je dors avec ta nuit,
ta nuit se met à ma fenêtre
où l'univers scintille
dans sa multiple
renaissance.
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Gilles
Bizien
Ombre-poison qui me fera courber l'échine.
Ombre totale, ombre-corps qui avale la vie. Ombre noire à l'odeur
de mort. Ombre que je n'ai jamais été et qui pourtant sera
ma résidence éternelle. Ombre-moi qui hurle les soleils.
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Samuel
Rochery
De mon bateau,
M'avouait-il,
Il m'arrive d'avoir
Le vertige.
Car la surface de l'océan
Ne cache-t-elle pas l'autre
Moitié du ciel?
L'oiseau,
le vent...
...
J'aime l'oiseau
j'aime le vent
si l'un me parle
l'autre m'entend
Quand le chant de l'oiseau déchire
le silence
la caresse du vent m'empêche de pleurer.
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Hélène
Cadou
Dans la nuit
Le matin brille
Les oiseaux
Ne dorment
Que d'une aile
Saisir cette minute
Où tout sera possible
...
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Michèle
Cavalleri
Le
vent
...
Le vent n'habite pas... il emprunte à
la pluie ses larmes décousues...
Il passe où vous ne passerez pas.
Il entre où vous n'entrerez pas.
Sait-il l'itinéraire que nous ne savons
pas?
Des mots lui sont empruntés qu'il ignore
...
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Florence
Whitty
Mes oiseaux sont de ceux
Qui forgent les orages
L'alliance de l'air et du feu attisé
Dénoue des incendies sous l'urgence
du vol.
Mes oiseaux sont de ceux
Qui tutoient les étoiles,
Que labourent des anges aux vendanges d'hiver.
Mes oiseaux sont de ceux
Qui butinent la lune, de leur bec furtif
Et reviennent harnachés de cratères
célestes.
Mes oiseaux ne se posent jamais sous nos rivages
Tant les pierres hâtives bleuissent
leurs plumages
Vierges de tout sévice.
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Pierre
Garnier
...
l'oiseau
descend
dans ses plumes
pour dormir.
...
__________________________
Marie-Josée
Christien
...
L'acquiescement de l'air
sans le vent
nous échappe
S'abandonner
à son souffle
donne une cohérence
au vide.
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Yvon
Roussel
...
Je ne sais rien du vent
du profond désir de ses voyages
Ne sais rien
De la violence de ses soupirs
Je ne sais rien de l'air
De son langage de feuilles
Des paysages de sa poussière
***
Un homme bat des bras
Le vide est une récompense
Si l'air est bon à prendre
Le temps reste à saisir
***
Voici le grand messager
Ses senteurs de sable
Ses effluves animales
Voici le vieux nomade
Porteur des palabres du campement
Voici le vent qui rassemble les hommes
Celui qui disperse le feu
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John
Collier
L'air en Bretagne est si vivifiant
|
qui cherche en toi
le sens lointain de ses voyelles
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Gérard
Le Gouic
Un rideau qui bouge
est-ce le paysage alentour
qui frémit, qui fuit?
Ou le vent qui naît
ou la lumière qui meurt?
Un rideau qui tremble
est-ce une main derrière,
un visage, un regard,
est-ce une pensée, une âme,
ou le souffle d'une vie promise?
_________________________
Claude
Vaillant
A la table des Dieux
C'est bon qu'il y ait ça - l'amour-
pour rencontrer nos Dieux,
pour délier nos langues
et parler avec eux:
leur dire le délire
qui nous saisit
quand ils ont décidé
de nous élire;
de nous traîner
sur le sable et les ronces,
pour nous faire saigner;
de racler notre chair,
déchirer notre peau...
...
Oui! c'est bon qu'il y ait
quelquefois des tanières
où l'on voit des racines
et de l'herbe et des pierres;
...
Oui! c'est bon qu'il y ait
la nature et l'extase
pour manger quelquefois
à la table des Dieux
...
Claude Vaillant a quitté
notre monde le 11 juillet 2004
Premier pas du voyage
soulier soulevé
la piste est mystérieuse
Les cymbales du temps résonnent aux
oreilles
La poudre du chemin habille la voyageuse
L'orgue des départs préfigure
l'arrivée
Nettoie le cadran des heures aux sables
du désert pour l'oasis attendue
L'innocence a la bouche pleine d'orties
Le sommelier soutire l'hydromel sous cape
A l'arête des secondes
l'aurore luit cependant
C'était au crépuscule
sur le bord du chemin
Pas très loin de chez moi
Je marchais tranquillement
Rêveur et insouciant
Je vis soudain à même le sol
Une forme animale
Qui attira ma curiosité
Un renard était là
Blessé, inanimé
...
Je l'ai laissé en paix
Pour son dernier voyage
J'ai réalisé ce soir là
Que tôt ou tard
Les bêtes viendraient
Hurler sur nos ruines
Et que l'éclat de leurs pupilles
Dans les ténèbres
Seraient la lumière
D'un nouveau monde
D'où nous serions bannis
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Jean
Michel Guillaumond
je suis éternel
comme le flocon de neige
oui mais
à quoi donc ressemblerai-je
lorsque j'aurai fondu?
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Jean-Pierre
Poupas
Les feuilles d'automne
Chatouillent le dos du vent
Il s'ébroue et les disperse
Je grimpe c'est haut
A la cime de l'arbre
En suivant son ombre
Le lézard et le papillon
Le chat et la souris
Mêmes jeux
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Jean
Marie Gilory
Limite
Je ne sais pas
|
Suis-je un fleuve à son embouchure
Qui se disperse en l'océan
Chant d'oiseau comme une écorchure
Perdu dans l'air et sans bilan?
...
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Jacqueline
Commard
Polyphonie
S'accorder une pause pour quelque soupir
Et puis... glisser sans bruit la clé
sous la portée...
Se jouer une fugue... arpéger son délire
Abandonner un temps ses tristes mélopées!
...
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Sophie
Fauvel
...
J'entends encore siffler l'outil du faucheur,
Il a coupé le fil qui m'attachait à
toi.
...
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Christian
Moriat
Rémanence
.
Que sait-on
De la mémoire du sable
Sous le pas lent des caravanes?
...
Le site de Flammes Vives est
ici