Glanures du premier semestre 2005

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A. Blanco A. Lavergne J. P. Bennasar  J. Gelman M. Crespo R. San Geroteo J.-D. Robert J. Saint-Jean P. Bruneaux V. Granges
M. Florian P. Cassi P. L. Menendez A. F. Lera J.Corredor-Matheos T. Crassas F. M. Prado J. Polidoro R. Momeux B. Lefeuvre
B. Throo S. Alves M.-F. Lavaur T. D. Català J. R. Baralt Dolz Á. Díaz Huizi  C. Gibelin J.-L. Clarac C. Garcia A. Crozier
J.-P. Lesieur E. de Monteynard A. Poiré D. Leduc G. Bizien S. Rochery J. Núñez H. G. Donis A. Guillemot H. Cadou
M. Cavalleri F. Whitty P. Garnier M.-J. Christien Y. Roussel J. Collier G. Baudry G. Le Gouic C. Vaillant Paz Díez Taboada
B. Balteg R. Jiménez J. R. Barat M. C. Rodriguez J. R. Mansilla J. Doce X. Palau J. A. Labordeta P. Garfias E. Savina
J.M.Guillaumond  J.-P. Poupas J. M. Gilory L. Zelada A. Cruchaga T. Salas R. Revagliatti P. Ruffili E. de Andrade M. T. Gonzalez
S.Azar F. Alvarez Velasco E. Vaz R. D. Díaz Flores A. Vega J. Aubert J. Commard S. Fauvel C. Moriat Bas de page



Portal de Poesia

Alberto Blanco

Un vol de corbeaux entre au château templier de Ponferrada

Herbe crue,
herbe ondulante
comme une bannière de lambeaux
après la bataille,
jacinthes, ailettes
et un dur lendemain
comme un pont de fer
entre l'âme et la vérité:

Entre des coquelicots bafoués
et des violettes intactes,
entre les nuages de l'angélisme
et le timbre de Salomon,
entre l'ortie blanche
et le cercle souillé,
entre la merveille du houx
et la dent du lion,
naît un silence inviolé:
naît un delta bleu sans issue. (...)

Ce poème est extrait de l'ouvrage "Poèmes (sélection)" du poète mexicain Alberto Blanco
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Alfredo Lavergne

Armoire à boussole
 
Passer
Par un de ces hameaux
Marqués d'un nom
De quelqu'un
D'un rêve
D'un héros
D'un saint
D'une erreur
D'un espoir
D'une vision d'un autre monde
Ou d'un mot de la langue du peuple vaincu.
Je suis
Un de ceux qui passent
Au-dessus de ces baptêmes.

Ce poème est extrait de l'ouvrage "Le Pont".

Et voici maintenant un poème directement écrit en français que m'a envoyé, parmi d'autres,  Alfredo Lavergne:

Je suis une lente obstination

C’en est trop. Maintenant cet échec du voyage à la conjoncture des choses. Je n’ai rien pu savoir de la vente de mes souliers ni de l’abominable trace de mes pieds déchaussés.

Un peu, de la fantastique discipline avec laquelle les corps attrapent la page blanche, comment ensuite ils se cachent en silence et comment survivent les objets, qui se présentent comme d’innumérables dieux qui nous condamnent à l’étonnement. Peut-être devrais-je ajouter que j’ai senti, en les observant à la clarté, comment les objets cessent d’être des dossiers secrets et cela aussi je l’écris en riant.

Peut-être, je ne devrais pas dire qu’il existe des regards qui sont des pierres lancées à l’équilibre des choses.

En ce lundi, je m’interroge encore plus sur la distance frissonnante entre le passeport et l’immigrant. Je questionne la vaine apparence de tranquillité adoptée par les inquisiteurs qui feuillettent  mes couteaux rouillés. Je doute du génie entêté à modeler la matière qui nous ferme la porte. Je crois aux arbres de ce territoire et non à ses catalogues.

Je le répète devant n’importe quel bibliothécaire,  parce que je sais que tu m’interroges. Mon écriture est égale à ma voix et mes voyages ont toujours été faits avec de simples valises.

Je me résigne. Cette clé n’en est pas une.

Alfredo Lavergne est un poète chilien qui s'est établi au Québec en 1976.
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Juan Planas Bennásar

Feu d'artifice
  
Je caresse les lignes. J'insiste pour les estomper pour qu'apparaisse le spectre de la lumière et le désir. Qui s'est dissimulé, tellement perdu et énorme, derrière les jalousies effilochées par l'eau-de-vie et les tumeurs naissantes?

Les hélices ne chassent pas l'asphyxie du poumon rompu.

Et j'abandonne mes mots. Je couche mon corps.

Ce texte est extrait de l'ouvrage "Hors du temps (Essais poétiques)
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Juan Gelman

La pluie
 
aujourd'hui il pleut beaucoup, beaucoup,
on pourrait croire qu'on veut laver le monde.
mon voisin d'à côté regarde la pluie
et il pense écrire une lettre d'amour/
une lettre à la femme qui partage sa vie
qui prépare ses repas lave son linge fait l'amour avec lui
et ressemble à son ombre/
mon voisin jamais ne dit de mots d'amour à sa femme/
il entre à la maison par la fenêtre et non par la porte/
par une porte on entre en beaucoup d'endroits/
au travail, à la caserne, à la prison, en tous les bâtiments du monde/
mais non au monde/
ni dans une femme/ni dans l'âme/
c'est-à-dire/en ce tiroir ou ce navire ou cette pluie que nous appelons ainsi/
comme aujourd'hui/qu'il pleut beaucoup/
et que cela pèse d'écrire le mot amour/
parce que l'amour est une chose et le mot amour autre chose/
et que seulement l'âme sait où les deux se rencontrent/
et quand/et comment/
mais que sait-on de l'âme/
c'est pourquoi mon voisin ressent des perturbations dans sa bouche
des mots qui font naufrage/
des mots qui ne savent pas qu'il pourrait faire soleil
parce qu'ils naissent et meurent la nuit même de l'amour/
et qui laissent dans la pensée des lettres qui ne seront jamais écrites/
comme le silence qu'il y a entre deux roses/
ou comme moi/qui écris des mots
dédiés à mon voisin qui regarde la pluie/
à la pluie/
à mon coeur exilé/

Ce poème figure dans le livre "Isso" publié par l'Université de Brasilia en 2004
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Manuel Crespo
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.
Ce poème est extrait de "La vie lente" un recueil illustré par Pere Salines
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Miguel Florián

Luxure des anges
 
Beaux, atroces, insaisissables. Chaque après-midi
ils s'approchent jusqu'à la main et font leur nid
entre les lèvres. Doucement ils sourient,
et tournoient en apesanteur autour des corps.

Ce sont des oiseaux lascifs, des puissances abyssales.

Des eaux qui nous entraînent
jusqu'au centre nu du désir.
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Pablo Cassi

Vieille photographie
 
Dehors l'aube point à voix basse,
l'espace endolori comme d'un coup de lune.

A travers le corridor l'air reflue,
tatouant sur mon visage la complicité de l'incertitude.

Au fond de la salle à manger une lampe éclaire
une vieille photographie,
elle absorbe le toucher de mes doigts
et la vie me conte à nouveau son histoire.

La pluie verticale revient vers mes chaussures,
de vieux livres me confinent au loin.

C'est le coin de la vie,
que l'on n'aurait jamais voulu tourner.
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Pedro Luis Menéndez
 
Ils ne t'enviaient pas lune dans le silence
mais ils te reconnaissaient larme sous le pont
                Devant toi à peine une vague
                ils te nommaient bleue comme le cristal
Ils aimaient tous t'imaginer peu soucieuse de toi
très éloignée du titan et de la force
                quand tu oeuvres la nuit
                dans un espace inutile de figures
perdues sans repos
sans âme sans repos
                en risquant toujours
                le buisson de la faim
Ils ne t'enviaient pas lune ta confiance
infinie de qui se noue âprement
                et grandit jusqu'à en mourir
                sur une trace pure de stratagème
mais ils te savaient larme jalouse
derrière les coutumes et les promesses
Ainsi ils te connaissaient
                tellement féroce et fertile comme la mort
tellement inhabile tellement douce tellement infernale
comme un feu croisé sans réponse
comme un oeil qui jette sa flamme
                soudain de lui même vers la pauvreté
                la craintive et lâche révérence 
l'aiguillon amer des incompréhensions
derrière
                sur la terre
                                     loin de la vie
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Antonio Fernández Lera

L'écho de ta voix: 2

Une lutte entre deux personnes, comme une embrassade,

comme une voix qui se casse.

La chair sur la lumière électrique,
le feu sur la chair,
sous une lumière différente,
et le téléviseur dans tes yeux, allumé.

Je ne veux rien.

Mon sourire est écumeux comme la bière,
mais je ne me rends jamais compte–;
maudite soit-elle, pauvre inutile, inadéquate
comme la lettre d'un tango.

Suivre c'est me laisser porter par le vent
quand l'air se meurt,
monter entre les ailes d'un oiseau et voler (voler, voler)
quand l'air se meurt.
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José Corredor-Matheos

Il n'y a pas d'oiseaux qui volent
et il n'y a pas non plus d'air,
même si on peut retourner
le respirer
avec le même délice.
Le soleil brille d'une lumière
qui s'éteint avec moi.
Les chemins ouverts
par l'homme
se ferment avec l'homme.

Ce poème a été publié dans le "Cahier de San Roque" (Classe de littérature "José Cadalso", février 2005)
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Félix Morales Prado

Magie des jardins.

Une forêt de parapluies.

Tu marchais bouche close avec la musique à l'intérieur.
 
Tu étais ce rêve que j'ai eu, quand j'étais enfant,
tu étais ce rêve,
petite fille dans l'orage.

Je t'ai suivie et tu t'es perdue
dans l'eau et dans la nuit.
 
C'est pourquoi j'ai su que c'était toi.

Un autre texte de Félix Morales Prado est  ici
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Júlio Polidoro
 
Petit cérémonial domestique
                                  À Ruy Espinheira Filho

changer la disposition
des meubles
cause de la surprise aux yeux
cela augmente le plaisir
de la routine

la cruche nous surveille
avec cérémonie
le tableau s'amuse
en remplaçant les murs

je précise que c'est jouer contre les minutes
feindre que nous les trompons
tandis qu'elles tendent leurs pièges

une joie étrange
peuple l'instant
de notre victoire

Poème extrait de l'ouvrage "Autre Soleil", (Juiz de Fora, Minas Gerais, 1959), publié par Funalfa Éditions
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Teresa Domingo Català
 
Vestiges

Maudits soient ceux qui invoquent la nuit
pour admirer seulement sa noirceur.

Ils ne voient pas la lumière des feuilles ténues
qui illuminent comme de petits dés
la chambre à coucher des étoiles.

La bise viendra en se faufilant tristement
à travers les orifices des puits et des murailles,
pour démolir le cloître des cygnes.

La mer de chèvrefeuille s'éboulera
comme s'éteint le feu entre les ronceraies,
avec l'élan aveugle de la flamme,
avec le cri permanent de la lune.

La louve se cambrera nourricière
des vestiges d'un monde qui se meurt
et son lait sera bu au loin,
là où la nuit est toujours la nuit.

Poème extrait de " La neige", Los Angeles
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Juan Ramón Baralt Dolz
 
Sans ordre ni concert

Je ne sais pas si je suis ici ou ailleurs.
Si je vis dans un rêve admirable
ou dans un cauchemar interminable.
Si je suis le résultat
de quelque expérience intergalactique
ou la réincarnation
d'un pauvre paysan médiéval.
Si je dois me considérer libre ou, au contraire,
captif entre les captifs.
J'ignore si cette musique bleue m'appartient,
si la lumière qui illumine mon existence
est à moi seul
ou si je dois la partager avec d'autres.
Je ne sais pas très bien pourquoi, mais je soupçonne
que cette perplexité avec laquelle je vis
de façon permanente
doit être organique,
comme la soif, comme l'angoisse
ou le désir de tuer.
Parfois je me demande
qui prend la plume pour écrire mes poèmes.

Ce poème figure dans les oeuvres complètes du poète que vient de publier Hiperión sous le titre "El héroe absurdo"
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Félix Morales Prado
 
Quand 
il     pleut,      le     paysage  
est   intérieur.              Les  
créatures  
intangibles        de          la  
distance        idéale        se  
rendent              possibles,  
immédiates.               Tout  
nous dit que nous sommes  
au  milieu                  d'une  
mélancolie        qui        ne 
nous endolorie pas.  
Je chemine 
entre        des      maisons  
isolées.    La   magie    de  
leurs     jardins     est    la  
mienne.    Les   fantômes  
sont                    d'accord  
avec mes rêves.  
                    J'ai rêvé une  
fois  que    je  poursuivais  
l'amour,                      une  
fille          avec             un  
imperméable         rouge,  
qui   se   perdait  dans  la  
grisaille         de            la 
tourmente     au        bout  
d'une          avenue       de  
mûriers.     C'était       un 
poème       cette       foule  
sans personne.          Elle  
pleurait                        en 
moi,    si    belle      parmi 
les ombres.  
Quand 
arrive    la   pluie,      l'air 
prend    le  parfum  d' une  
vieille                promesse  
pour          que           nous  
n'oubliions                   pas  
la vérité.
Ceci est une page de "El mar tiene hoy color de estar pensándose" (Madrid, Devenir, 2004)
____________________________
Álvaro Díaz Huizi

Toute cette nuit s'amenuise.
La lumière noire sur son corps,
la pluie persistante,
le silence intense du ciel.
Un chien, lent, vieux et solitaire,
traverse la rue. Ici,
en toi, nous sommes ensemble.
____________________________
Janet Núñez

Ramer jusqu'à tes eaux les plus proches
me renverser contre ton navire sans aménité
envahir ton territoire retiré dans sa promesse
guerre galante
imprévisible
empoignade ostensible jusqu'à te vaincre
jusqu'à forcer la forteresse inexpugnable
de tes bras.
____________________________
Herme G. Donis

ÉTRANGER en mes demeures, jeune idole
soumise, tu uses avec tes lèvres
ma poitrine oxydée par les jours
avec le seul souci de posséder qui te dévore.
Désir mortel qui meurt dans mon corps,
froid d'albâtre,
glacial métaphore de pierre.

Pauvre visage sans écho, pourquoi t'abandonner
dans ma chair fugace et distante,
si j'attends seulement ce retour.
_____________________________
Paz Díez Taboada

Dimanche de douleur

Le tramway transporte les veilles somnolentes
-Depuis longtemps les airs les ont bercées.
Une cloche triste lui ouvre le chemin entre passage et odeur de friture.
(Calamars, anneaux de promesses incertaines).
Le brun domine dans les jardins, avec la pauvreté.
D'humbles manteaux ne protègent plus des intempéries
les membres transis.
L'espoir s'enveloppe dans la honte et la tristesse.
Dimanche de douleur. (Presque toute la vie).
_____________________________
Reinaldo Jiménez

La vie

Considère la sans tristesse.
Elle est écrite dans l'eau et on t'accorde
cette chance finale de la contempler.
L'image qui émerge de la profondeur
est ton image, même s'il t'en coûte
parfois de te reconnaître en elle.
Je sais que tout est étrange et je sais aussi
qu'au moment de la saisir elle s'évanouit.
Ne t'évertue pas à la retenir, ce serait en vain.
Elle flue, comme s'épanche la mer, et elle restitue
dans ton regard tous les regards
de ceux qui autrefois
te précédèrent et maintenant
en toi se résument.
D'autres après-midi viendront,
au long cours du temps, d'autres yeux
et dans leur eau, tu verras ton reflet.
Regarde la sans tristesse,
et dispose les fleurs qui voyagent
au delà de l'ombre.

Extrait de "Treize poèmes"
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Juan Ramón Barat

Les heures

On les voit passer
lentement et on soupire,
on voudrait les protéger
toutes: les gaies comme les tristes,
les belles comme les laides. Elles passent
silencieuses et plient les coins
où se croisent les chemins.
C'est le vent compulsif des jours
qui les pousse.
Elles vont et jamais ne reviennent. Mais elles laissent
un arrière-goût amer
d'impuissance dans la chair,
un vide immense dans l'âme,
et l'ingrate saveur de la défaite.

Extrait de "El héroe absurdo (poesía reunida)"  (Madrid, Hiperión, 2004)
____________________________
Marietta Cuesta Rodríguez

Pour pouvoir te sentir
j'ai inventé
des orchidées dans les vagues,
des acacias dans les sables
du désert,
des lutins d'amour dansant entre les frênes,
légers bondissements de l'âme
coeur de pomme.

Marietta Cuesta Rodríguez est une poète équatorienne.
____________________________
Juan Ramón Mansilla

Chanson du nouvel an

Tu peux entrer. J'ai laissé la porte
ouverte, la lumière, le chauffage
allumés; Il y a un peu de vin
dans le placard, le café est tout juste passé
pour le cas ou je tarderai et que le rêve te subjuguerait.

Sois là fortuitement à mon retour,
enveloppée dans le sofa avec ma couverture
de voyage, consolée, par hasard
devenue le plaisir du monde dans sa beauté,
en sachant qu'il y a une technique pure
dans cette merveille d'être vivant.

Et si tu n'es pas, béni soit le temps
dans lequel tu fus. Je dois seulement ouvrir
les volets pour que l'eau de la pluie coule
tombée dans la mémoire. La lumière, bientôt,
laissera sur les murs une ombre
qui épellera ton nom de ses lèvres,
satisfaite d'être de nouveau à la maison.
____________________________
Jordi Doce

Un moineau

Quand il se pose sur la grille, la poitrine en avant,
les ailes grandes ouvertes,
on dirait un rapace en miniature:
la férocité soudaine du geste,
la courbe amortie de son vol,
ces signes fugitifs et précis,
ont le don de me confondre.

Peu importe qu'ensuite,
cette insignifiante pelote
suscite une émotion banale.
Furetant d'un grain aux plates-bandes,
en sautillant comme à la marelle,
ce moineau fut la proie de mes yeux,
cristal où le sang s'interroge.

Quelque chose a fait jaillir l'étincelle:
et la vie s'est imprégnée d'instinct
afin de retrouver un supplément de vie.

Extrait de l'ouvrage "Gran Angular" - DVD ediciones

Un autre poème de Jordi Doce est  ici
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Xavier Palau

Ce geste tien

Le mal est une douleur concrète,
une chambre ordonnée,
un regard répété à l'horloge.

Et il entre pendant l'après-midi
qui s'approche de la fin,
quand tu ne peux plus penser
à autre chose qui n'est pas
l'erreur de vivre
ces jours de plus.

Ce poème est extrait du livre "El eclipse" publié aux éditions Trea
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José Antonio Labordeta

Le monde était une boule plongée dans le silence, plongée dans l'absence de mémoire, dans les lointaines pleurs des nuits vides.

Les petites choses
le monde oublié
il n'y avait pas de lèvres
rien rien
il n'y avait plus rien
sur les rochers
sur les tournesols morts
sur la solitude régnante
sur le vide.
                 Le vent
si solitaire le vent
hululant suave
sur les horizons infinis
des petits êtres
qui croissaient de ci de là
sur les prairies inhospitalières
de l'oubli.
                 C'était une boule
plongée dans le silence
dans les lointaines pleurs des nuits
perdues.
                 Calmes
convenus
consacrés au temps
à la solitude infinie de la vie
l'homme
la femme
les arbres
les enfants
étaient pris sur le plan foncé de la nuit.
                 Pas un mauvais rayon de soleil
pour couvrir le sommet lointain
de l'oubli.
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Pedro Garfias

Espagne que nous avons perdue, ne nous perd pas;
garde nous en ton front effondré,
conserve en ton flanc le creux à vif
de notre absence amère
l'espoir qu'un jour nous reviendrons, plus rapides,
sur le dos dense et puissant
de cette mer, avec les bras ondoyants
et le battement de la mer dans la gorge.
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Leo Zelada

La mort de cette femme implacable
                 me séduit
                              chaque fois que je m'en vais troublé
                 en l'entendant
                              en moi s'exclamer:
                "tant que tu ne reposes pas dans mon lit
                éternel, tu ne seras pas totalement mien"
                et elle patiente
                             toutes ces années elle m'accompagne sur les tables et dans les coins
                             des bars en essayant vainement de m'atteindre:
                             "le dragon a ouvert une fois de plus sa gueule,
                             une femme a croisé les jambes"

Leo Zelada est un poète péruvien

Le blog de cet auteur est ici
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André Cruchaga

Autres silences

Le silence nous montre les visages réels:
Les corps comme ils sont: âcres, expirants.
Sa palpitation intense est une forêt figée,
Un pailler sec sans bois, piquant.
Capable de surprendre quiconque en sa fatigue.
Le silence n'est pas seulement sérénité
Ni quelque subtile ressource utilisant la mémoire,
Parfois il est l'outil du feu, celui de la fatigue,
Du désespoir qui se dissout dans l'âme.
Mais c'est aussi une douleur dans la tête,
Pareil au bruit laissé par les défunts.
Le silence déchire la totalité du corps:
C'est un secret mortel pareil à celui des amants
Quand ils boivent goulûment les palpitations de leur haleine,
Jusqu'à tomber au fond de l'abîme ultime.
Ah, ce silence! Il nage semblable, bien sûr, à la lâcheté.
Funeste peut-être. Subtile. Flèche de la nuit.
Barreaux aveugles, oui. Igné par ce qui est enraciné.
Le silence est profond dans ses bouffées ardentes.
C'est une draperie d'épées suaves
Le velours des feuilles secrètes.
Il tient de l'écho, du vent, de la mer sombre…

29/7/2004
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Jordi Doce

Le coeur. Il court seulement derrière ce qui peut lui échapper.
Dans l'obscurité et le froid de la nuit, uniquement éclairé par des questions.
Il croit seulement aux animaux qui se dissimulent de ce côté des yeux.
Il te montre du doigt mais il ne te regarde pas: il ne voit que son propre doigt.
Dieu absorbé, ébahi, nous regardant voler en l'air, nous autres, ses mouches.
Rechercher ce qu'il tient éloigné le ciel.
Le poème est une exception.
Il n'y a pas de poème sans fenêtre.
Juan Gelman: "La poésie est un arbre sans feuille qui donne de l'ombre".
L'amour, si léger, annulant le passé.
On écrit pour mettre son horloge à l'heure du monde.
Défens toi de la présomption. Que tout s'offre à toi en une vision d'oiseau ne signifie pas que tu saches voler.

Fragments de "Fourmis blanches (Notes 1992-2003)", ouvrage publié par Bartleby Éditeurs
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Tomás Salas

Leçon d'éthique

Tu dois d'abord savoir que l'élégance consiste
à conserver la tristesse comme quelqu'un garde
une porcelaine chinoise fragile dans du coton,
sans que nul ne s'inquiète de sa présence obsédante;
et à la toucher avec la pointe des doigts uniquement pour la déplacer; l'utiliser,
s'il n'y a pas d'autre moyen, seulement pour l'art,
jamais pour la vie.

Álora, 28 décembre 2004 (Jour des Innocents)
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Rolando Revagliatti

Le choix de Sophie

Retour à Cracovie
à ta floraison
                     avant guerre
au piano de ta mère
ou au tien

Retour polyglotte au poème
d'Émilie Dickinson.

À Basinger

Kim, avec une fois
Batman, je te l'avoue
ça suffit

Je te l'avoue, Kim, plus de
Neuf Semaines et Demie
c'est certain

Étrange Passion, Kim, je te l'avoue
c'est sûr
sans l'atteindre.

Poème extrait de "Tomavistas", ouvrage du poète de Buenos Ayres Rolando Revagliatti
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Paolo Ruffili

Je surveille le monde
qui retourne
au jour
derrière les plis
de ton visage
endormi,
derrière la respiration
qui traverse
ton nez et
dans le sourire
que le rêve
t'a laissé.
C'est celui de l'amant
dans celui de l'aimé
ce pourquoi il est, oui,
naissant.
en l'état où il est
au moment de réapparaître
et jamais complètement mis au monde.

Paolo Ruffili est un poète italien
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Eugénio de Andrade

Je vis maintenant plus près du soleil

Je vis maintenant plus près du soleil, les amis
ne connaissent pas le chemin: il est bon
de n'appartenir à personne
d'être dans les hautes branches, frère
de la chanson libre de l'oiseau
de passage, reflet d'un reflet,
contemporain de tout regard pris au dépourvu,
d'aller seulement et venir avec les marées,
ardeur pétrie d'oubli,
douce poussière à fleur de mousse,
à peine cela.

Le poète portugais Eugénio de Andrade est décédé, à Lisbonne, des suites d'une longue maladie, le 13 juin 2005. Il était âgé de 82 ans.
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María Teresa González

AVEC le langage muet
des rues vides,
sous l'ocre rougeâtre de l'été
me brûlant encore,
de toi vient la langue
qui m'inonde,
le sifflement du vent
parcourant la peau de mes trottoirs,
la citadelle obscure de ce ventre
habité
par la vigie jalouse de ma chair.
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Santiago Azar

Les cinq enfants de la mer

Les gencives de cinq enfants sonnent dans la mer,
les châteaux de sable sur la berge et
les petites chemises blanches qui ondoient en chantant.
De minuscules dents sourient avec la mousse et la mouette,
et courent sur les vagues comme une barque de papier
qui navigue dans le vent et dans la bouche du pain.
Cinq enfants qui se tiennent par la main me font me retourner,
cheveux blonds, bruns et coeurs de douceur
ils dansent une ronde autour de la vie avec une chanson d'enfance bleue.
Alors survient la marée et son orchestre fatal,
le poisson ardent, la coquille du buccin nue,
le rugissement de cent baleines prenant la vague.
Alors survient la marée et une goutte de sang,
le fonds obscur, les pleurs du sable,
la salive de la lune qui ne s'éveilla pas.
Cinq enfants coururent vers la mer,
les petites chemises blanches disparurent et doivent attendre
l'aboiement de la nuit pour retourner à terre.
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 Francisco Álvarez Velasco

Ballade des amants à la tombée du jour

Le lent après-midi décline des huppes, de sa crinière,
où chante dissimulée l'alouette depuis l'aube
pour effrayer la nuit; comme baissent les vallées
saturées de fleurs de lavande;
comme l'ombre longue de la tour
sur la place progresse.
On entend ses pieds nus sur la berge.
On sent son ombre ardente dans les lumières chues;
comme un vent d'abeilles,
on entend la sève lentement nourrir
le feu de la main qui te cherche
et on écoute par les lèvres
les champs de blé de juin qu'agite une brise de coquelicots.
La peau aimée, le temps attentif,
la lumière d'or sur les hautes branches,
les yeux clairs, les airs et les cheveux,
le silence du lit de la rivière et sa tranquillité,
la joue livrée, la vallée solitaire
qui descend avec la rivière,
les pierrailles blanches sous le chant de l'eau claire...
Mais, en touchant ses épaules,
du dos on soulève une colombe triste.
Et c'est la nuit.
Pour visionner une vidéopoème de ce texte, cliquez  ici
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Eva Vaz

Mon corps était
un corps de
onze ans.
Et mon entraîneur
me voulait petite.

Encore plus petite, plus.
Plus haut.
Plus.
Davantage d'os.
Plus près du ciel.
Plus.
Et je me suis approché
de plus en plus
des enfers.
Et j'y suis tombé
si vite
si réduite, si petite...

Extrait de "La ternura de los lobos"
___________________________________
Ricardo Dávila Díaz Flores

Ne cherche pas en arrière de moi

Ne cherche pas dans mon dos,
il n'y a rien, seulement moi,
moi qui te parle.
Ne cherche pas,
je suis le même que celui que j'ai toujours été,
celui que je suis.
Celui qui te regarde dans les yeux, c'est moi, vraiment moi.
Ne cherche pas,
je suis là.
Il n'y a pas de lames dissimulées dans mes doigts,
il n'y a pas de venin dans ma voix.
Aie confiance,
il n'y a pas d'ombres derrière moi;
regarde moi dans les yeux,
c'est moi,
celui de toujours, le même,
celui qui te regarde dans les yeux,
comprends moi.
__________________________________
Alberto Vega

Poète en sol mineur

Quand j'étais un nain, heureux et sans chagrin,
avant les bonnes nuits ou le baiser de ma mère
j'avais l'habitude de froisser les après-midi,
pour les abriter dans mon lit de contrebande,
dans une manche de pyjama.

Je demeurais ensuite sur le seuil du rêve
en dévoilant à nouveau la carte des heures,
en ressuscitant à ma façon les cadeaux du jour
- le rendez-vous avec Charito, le but de la victoire -
avec un large sourire de paupières fermées.

Toujours dans la lumière obscure du silence.

Je me souviens aussi que j'étalais devant moi les hontes
les humiliations, les offenses, les mépris sans nombre
en sol mineur que je nommais l'oubli

L'ennui, le pire, c'est qu'aujourd'hui encore
ils n'ont pas disparu du tout et qu'à peine je les remue
ils éclaboussent ma mémoire, mes lunettes, mes poèmes...

Extrait de "ESTUDIO MELÓDICO DEL GRITO"

Des études et des oeuvres des poètes qui précèdent  sont accessibles dans leur langue d'origine sur le site  Portal de poesia



Poésie involontaire

"Je ne suis pas une personne pour le tricot! Je ne suis pas une personne pour les pansements! Ni une personne pour les colis aux prisonniers, vu que je n'ai pas le rond! Je suis une personne pour la chose du machin et qui ne se retournerait pas pour voir tomber le tonnerre quand elle a un beau gosse devant elle! Un beau gosse, en plus, qui s'en va peut-être mourir demain"

"Mieux vaut un homme sans bras qu'un homme sans coeur"

"Jurons, mesdemoiselles, de ne jamais épouser un homme qui reviendrait vivant de la guerre!"

"Je suis une de ces harpies que vos jeunes filles signalent à la sévérité publique, une de ces femmes abominables qui veulent se remarier, qui se remarient, qui se disent, la quarantaine passée: j'ai encore un amour à vivre... En échange du beau mort que j'ai donné, je réclame un vivant bien humble, et encore pas tout entier, un de ceux que la guerre nous rend, mal recousus de rubans rouges, verts et jaunes, mal pansés de médailles et de croix."

Extraits de: Françoise Thébaud: "La femme au temps de la guerre de 14" - Stock /Laurence Pernoud



Encres Vives n° 317

R. San Geroteo: Gens de la nuit

Larmetoiloiseau

Il est l'heure d'allumer les chambres
d'une seule et même allumette
à l'image de ce demeuré qui déambule
et à qui l'on a confié les clés de la maison.
Secret, pouvoir, poussière.
On compte sur la pluie et la voix de son maître
pour tout effacer.
Elles n'y arriveront jamais.
Quelque chose devient.
Une toute petite étoile de suie sur de la toile blanche.
Le sel d'une larme, un cri.
L'ombre des ailes sur nos mains.



Encres Vives n° 318

Jean-Daniel Robert: La belle origine

Tu déchiffres mon désir; et ton chemisier frémit d'émoi et de tremblements quand nous traversent des odeurs de bise. La lumière se fait indiscrète; et s'ouvrent des reliefs d'attente. La faim frissonne.



Encres Vives n° 319: N° spécial consacré à Jacqueline Saint-Jean

Dans les yeux immobiles il tombe tant de morts. Avec des pans de ciel.
Mains ouvertes parfois.
Sur l'atlas à refaire toutes ces taches blanches.
Un genou remue les boues de nos sommeils.
Poupée de maïs au milieu de la nuit.
Quelqu'un dans les décombres demande en silence pitié
pour la lumière.



Flammes Vives - Anthologie 2004 - Volume 2
Le site de Flammes vives est  ici

Patricia Bruneaux

Les vents porteurs de soleil ont tari la source du nomade. Il reste à franchir au semeur d'étoiles les plaines du vide où l'écho se fait la voix du silence des aveugles. J'ai somnolé dans le sein des galaxies sans jamais apprivoiser les rêves de l'homme sage. Les torrents incandescents ont recouvert d'une pluie d'argile les planètes assoupies. L'empreinte des mots guide le messager des sens sur les traces de cendre. Qu'adviendra-t-il des marais asséchés guettant l'auréole des soleils? qu'adviendra-t-il du soupir de la pierre échappé du courant? Les hommes ont pour bagage la paresse de leurs souvenirs et leurs chemins se sont noués au carrefour des songes.

Le mourant apprivoise le regard des vivants quand de ses yeux s'échappe l'étincelle d'étoile. Il faudra apprendre les parcours de lumière que nos pas dissimulent dans l'antre de nos jambes. Beaucoup de sueur a perlé sur nos fronts avant que la marche ne s'évanouisse en filets d'ombres sur l'eau.

Extrait du recueil Exil
______________________________________
Violette Granges

La voie tracée

...
Je hais la vitesse et le bruit,
ce qui démarre et ce qui fuit
dans un tourbillon de mépris.
...



Théo Crassas: Pèlerin de l'aurore

Collection Encres Blanches
Éditions Encres Vives
2 Allée des Allobroges
31770 - Colomiers
 
... 
Cherche toi-même 
à connaître un troubadour, 
ou un barde! 

Tu verras, alors, les colombes d'Aphrodite 
qui séjournent à Eryx 
descendre sur ton sein 
pour y chercher leur nourriture 
et les papillons bleus du jour 
butiner tes ongles vermeils et polis, 
les prenant pour des coquelicots des champs! 
... 

Je rêve de t'emmener 
dans une forêt de hêtres, 
au pied de l'Olympe, 
où les molles prairies de Macédoine 
se déplacent comme le plumage 
d'un paon sacré, 
sensible à l'éloge! 
...

Le site de Théo Crassas est  ici



Traces n° 156

Robert Momeux

Je demande la parole

Je demande la parole
...
Pour le sentier qu'on n'aura jamais suivi jusqu'au bout
...
Pour l'eau refermée sur la pierre polie du silence
...
Pour la solitude misérable et douce des lichens
...
Pour le mur qui lentement s'effondre
...
_______________________________
Bénédicte Lefeuvre

Lavoirs
...
Désormais la lessive
                   se passe de commentaires.
Seuls, aux beaux jours,
les draps claquent leur langue
dans les jardins entrouverts.
Tu marches sur leurs taches d'ombre,
écoutant l'eau d'une source
s'exiler au plus profond du sol.
_______________________________
Bernadette Throo citée par Béatrice Gaudy

sourdement le corps se fige
autour du coeur qui bat tout seul
comme un réveil oublié sous des ruines

Tes chemins à toi ce ne furent
la coulée de lampes jumelles
qui s'épousent à contre-nuit
ni l'ogive que font deux vies
dans la cathédrale du temps
Mais tu suivais à perte d'heures
ce quelque chose au bord du rien
appel ou signe
la griffure sur l'eau d'une bête du songe
la teinte la plus fine
qui se dérobe entre les feuilles
à la saignée du soir,
ce quelque chose infime
informe
qui s'enveloppe
dans le coton de l'origine.
_______________________________
Stéphane Alves

Les reins cambrés
La poitrine au ciel pointée
La silhouette fluide
Les lèvres humides

La chevelure ondulée
Fins fils blonds entremêlés

Et une taille si fine
Qu'elle donne l'impression
Au pied de ces hanches collines
De n'être qu'un tout petit vallon

Que ma femme est belle
Quand tombent ses dentelles.
_______________________________
Michel-François Lavaur

Une de ces belles enveloppes dont MFL détient le secret:
 



Encres Vives n° 320

Colette Gibelin: Le jour viendra la nuit aussi

J'ai peur, tout à coup, de ce qui gronde en moi comme un chacal en proie au mal de faim. j'ai peur de toutes mes faims de vivre, inassouvies et prêtes à me dévorer. Je suis la proie de ma propre faim. Je meurs de ce manque immense de l'univers: non désir, non échange, non transparence. Je meurs de froid dans le négatif du soleil.

Il y a pourtant, quelque part, des embrasements, des mots vibrants comme des violons, et des sources où boire à longs traits la lumière.



Encres Vives n° 322

Jean-Louis Clarac: Laisses levées

Le mot silence
s'extasie au seuil
des demeures
interrogatives
porteur
d'une essence
aventureuse

silence
ce mot
solaire
suspendu
à la naissance
des palabres
lumineuses

juste
ce qu'il faut
de silence
pour fleurir
le regard

Un autre texte de cet auteur est  ici



Mot à Maux n° 1

Cathy Garcia

Février

...
Le fil d'araignée
joue à cache-cache
avec la brise
...
Cathy Garcia est l'animatrice de la revue "Nouveaux délits"
____________________________
Alain Crozier

Un livre fermé

La page est tournée,
Le livre est fermé,
Rangé.
Il ne sera plus ouvert.

Pour un autre voyage,
A Paris,
Nous serons
Dans un nouveau livre.
Ne pas parler
Des livres fermés.

Le site d'Alain Crozier est  ici
____________________________
Jean-Pierre Lesieur

L'O.S. des lettres

...que ceux qui achetèrent une côte de mouton avec la vente de leurs oeuvres me jettent le premier os.
...
____________________________
Emeric de Monteynard cité par Nathalie Cousin

Qui cède l'eau
A la source

Et qui rend si secret
Ce point
Que sait la chair

En elle
Et tait?

Qui

Tant me garde de conclure
Et me dit
De céder?
____________________________
Anne Poiré
...
la rue du souvenir
était voie du cimetière
autrefois
...
passage des gloriettes
quels troublants succès
abritez-vous
...
Extraits de "Crinière de Lyon", recueil inédit. Le site d'Anne Poiré est  ici
____________________________
Daniel Leduc
 
Parfois je dors dans ton sommeil,
dans la chaleur de ton pays,
entre des images qui te rêvent
et des sons qui t'enfantent,
je dors à l'ombre de tes lèvres,
avec des mots qui s'articulent
comme des membres qui marchent,
je dors avec ta nuit,
ta nuit se met à ma fenêtre
où l'univers scintille
dans sa multiple
renaissance.
___________________________
Gilles Bizien
 
Ombre-poison qui me fera courber l'échine. Ombre totale, ombre-corps qui avale la vie. Ombre noire à l'odeur de mort. Ombre que je n'ai jamais été et qui pourtant sera ma résidence éternelle. Ombre-moi qui hurle les soleils.
___________________________
Samuel Rochery
 
De mon bateau,
M'avouait-il,

Il m'arrive d'avoir
Le vertige.

Car la surface de l'océan
Ne cache-t-elle pas l'autre
Moitié du ciel?



Avel IX N° 19 (sur le thème de l'air)

Amédée Guillemot

L'oiseau, le vent...
...
J'aime l'oiseau
j'aime le vent
si l'un me parle
l'autre m'entend
Quand le chant de l'oiseau déchire le silence
la caresse du vent m'empêche de pleurer.
__________________________
Hélène Cadou

Dans la nuit
Le matin brille

Les oiseaux
Ne dorment
Que d'une aile

Saisir cette minute
Où tout sera possible
...
__________________________
Michèle Cavalleri

Le vent
...
Le vent n'habite pas... il emprunte à la pluie ses larmes décousues...

Il passe où vous ne passerez pas.
Il entre où vous n'entrerez pas.
Sait-il l'itinéraire que nous ne savons pas?
Des mots lui sont empruntés qu'il ignore
...
__________________________
Florence Whitty

Mes oiseaux sont de ceux
Qui forgent les orages
L'alliance de l'air et du feu attisé
Dénoue des incendies sous l'urgence du vol.
Mes oiseaux sont de ceux
Qui tutoient les étoiles,
Que labourent des anges aux vendanges d'hiver.
Mes oiseaux sont de ceux
Qui butinent la lune, de leur bec furtif
Et reviennent harnachés de cratères célestes.
Mes oiseaux ne se posent jamais sous nos rivages
Tant les pierres hâtives bleuissent leurs plumages
Vierges de tout sévice.
__________________________
Pierre Garnier
...
l'oiseau
             descend
dans ses plumes
pour dormir.
...
__________________________
Marie-Josée Christien
...
L'acquiescement de l'air
sans le vent
nous échappe
S'abandonner
à son souffle
donne une cohérence
au vide.
__________________________
Yvon Roussel
...
Je ne sais rien du vent
du profond désir de ses voyages

Ne sais rien
De la violence de ses soupirs

Je ne sais rien de l'air
De son langage de feuilles
Des paysages de sa poussière
                  ***
Un homme bat des bras
Le vide est une récompense

Si l'air est bon à prendre
Le temps reste à saisir
                  ***
Voici le grand messager
Ses senteurs de sable
Ses effluves animales

Voici le vieux nomade
Porteur des palabres du campement

Voici le vent qui rassemble les hommes
Celui qui disperse le feu
_________________________
John Collier

L'air en Bretagne est si vivifiant
...
Je plonge sous la coque bombée des bateaux ballottés
les oreilles emplies de sel et de vase,
les yeux ruisselants d'émeraudes,
guettant des sirènes, remontant à la surface
les poumons avides de vie, prêts à éclater
Je gobe la brise du soir
aspire la fumée de la cigarette partagée
en compagnie de cinq pêcheurs burinés par le sel
blancs bergers des vagues,
nos visages fouettés par le vent.
_________________________
Gilles Baudry
...
et t'accouder
au bord de l'eau

qui cherche en toi
le sens lointain de ses voyelles
_________________________
Gérard Le Gouic

Un rideau qui bouge
est-ce le paysage alentour
qui frémit, qui fuit?
Ou le vent qui naît
ou la lumière qui meurt?

Un rideau qui tremble
est-ce une main derrière,
un visage, un regard,
est-ce une pensée, une âme,
ou le souffle d'une vie promise?
_________________________
Claude Vaillant

A la table des Dieux

C'est bon qu'il y ait ça - l'amour-
pour rencontrer nos Dieux,
pour délier nos langues
et parler avec eux:
leur dire le délire
qui nous saisit
quand ils ont décidé
de nous élire;
de nous traîner
sur le sable et les ronces,
pour nous faire saigner;
de racler notre chair,
déchirer notre peau...
...
Oui! c'est bon qu'il y ait
quelquefois des tanières
où l'on voit des racines
et de l'herbe et des pierres;
...
Oui! c'est bon qu'il y ait
la nature et l'extase
pour manger quelquefois
à la table des Dieux
...
Claude Vaillant a quitté notre monde le 11 juillet 2004



Béatrix Balteg: L'octroi du temps
avec un poème et un dessin de Florence Whitty

Premier pas du voyage
soulier soulevé
la piste est mystérieuse
Les cymbales du temps résonnent aux oreilles
La poudre du chemin habille la voyageuse
L'orgue des départs préfigure l'arrivée

Nettoie le cadran des heures aux sables
du désert pour l'oasis attendue
L'innocence a la bouche pleine d'orties
Le sommelier soutire l'hydromel sous cape

A l'arête des secondes
l'aurore luit cependant



Traces n° 157

Éric Savina

C'était au crépuscule
sur le bord du chemin
Pas très loin de chez moi
Je marchais tranquillement
Rêveur et insouciant
Je vis soudain à même le sol
Une forme animale
Qui attira ma curiosité
Un renard était là
Blessé, inanimé
...
Je l'ai laissé en paix
Pour son dernier voyage
J'ai réalisé ce soir là
Que tôt ou tard
Les bêtes viendraient
Hurler sur nos ruines
Et que l'éclat de leurs pupilles
Dans les ténèbres
Seraient la lumière
D'un nouveau monde
D'où nous serions bannis
________________________
Jean Michel Guillaumond

je suis éternel
comme le flocon de neige
oui mais
à quoi donc ressemblerai-je
lorsque j'aurai fondu?
________________________
Jean-Pierre Poupas

Les feuilles d'automne
Chatouillent le dos du vent
Il s'ébroue et les disperse

Je grimpe c'est haut
A la cime de l'arbre
En suivant son ombre

Le lézard et le papillon
Le chat et la souris
Mêmes jeux
________________________
Jean Marie Gilory
 
Limite 

Je ne sais pas 
ce qu'il en est 
pour vous 
mais moi 
j'ai beau chercher 
je n'ai jamais connu 
que des mouchoirs 
de poche



Anthologie poétique 2005 de Flammes Vives (Volume 1)

Jean Aubert

Suis-je un fleuve à son embouchure
Qui se disperse en l'océan
Chant d'oiseau comme une écorchure
Perdu dans l'air et sans bilan?
...
______________________________
Jacqueline Commard

Polyphonie

S'accorder une pause pour quelque soupir
Et puis... glisser sans bruit la clé sous la portée...
Se jouer une fugue... arpéger son délire
Abandonner un temps ses tristes mélopées!
...
______________________________
Sophie Fauvel

...
J'entends encore siffler l'outil du faucheur,
Il a coupé le fil qui m'attachait à toi.
...
______________________________
Christian Moriat

Rémanence
.
Que sait-on
De la mémoire du sable
Sous le pas lent des caravanes?
...

Le site de Flammes Vives est  ici



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