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7 ème
jour (1er octobre - matin): Le massif calcaire aux environs d'Alep (les
photos sont ici)
Notre première visite de la matinée est pour une ancienne voie romaine. Le tronçon que nous allons parcourir appartenait à la chaussée qui reliait, au 2ème siècle, Antioche à Baqiha, Qualb Lozé, Qirqbizé, en suivant le tracé de la route moderne de Bab al Hawa. A hauteur du village de Tell Aqibrin, cette voie antique croise la route et traverse toute la bourgade. Ce vestige, large de quelques 6 m et relativement bien conservé, est pavé de larges dalles carrées. Il est ombragé par endroit de pins d'Alep et, sur ses bords, on remarque parfois des restes de constructions anciennes creusées dans le calcaire qui affleure partout et surgit parfois du sol rougeâtre en boursouflures de pierres grises. Nous retrouvons la route moderne un peu plus haut. De l'autre côté de la chaussée
moderne, un champ de terre rouge, avec de petits tas de matières
destinées sans doute à engraisser la terre, attend d'être
retourné par les labours. En arrière-plan, sur la pente
pierreuse d'une montagne grise, on aperçoit la ruine d'un édifice
ancien. Nous sommes dans le massif calcaire du nord d'Alep qui fut très
certainement naguère plus peuplé qu'aujourd'hui.
Nous allons parcourir l'une de ces villes mortes depuis un bon millier d'années. Ce n'est plus qu'un amoncellement de gros blocs de pierres soigneusement équarries au milieu desquels se dressent encore, défiant le temps, des pans de murs, de superbes façades, des encadrements de portes, robustes et parfois finement décorés, des colonnes rondes ou carrées... Ce qui reste des édifices rappelle ce que nous avons déjà vu à Sergilla. Les murs étaient construits en pierres taillées sèches, sans mortier; elles étaient assemblées de sorte qu'une pierre était presque toujours à cheval sur les autres ce qui contribuait à la solidité de l'ensemble. De cette sévère solidité se dégage une impression de continuité avec l'architecture mégalithique des siècles précédents, atténuée cependant par la grâce des sculptures soignées qui décorent le haut des portes. Au hasard des bâtiments, dont l'état ne permet pas de reconstituer facilement la fonction, nous découvrons quelques objets utilitaires lithiques dont il est difficile de deviner l'usage. Notre accompagnatrice nous en délivre souvent les clés; malheureusement, je dois reconnaître, à mon grand regret, que je les ai perdues; ma mémoire n'est plus ce qu'elle était! La présence d'un reliquaire à forme de sarcophage miniature laisse supposer que nous sommes dans un édifice religieux. Nous retrouvons des croix à six branches, comme à Sergilla. Des trous dans un mur signalent l'emplacement de poutres de bois. Des colonnes carrées sont surmontées de chapiteaux pyramidaux renversés... A la sortie de la ville morte, une plantation d'oliviers nous montre que la tradition ne s'est pas totalement perdue. Une question vient bien entendu spontanément à l'esprit: pourquoi ces villes ont-elles été désertées? Les explications sont probablement multiples. Il y eut les guerres médiques, entre les Perses et les Romains, qui durèrent jusqu'à la conquête arabo-musulmane, au 7ème siècle; puis les guerres byzantines qui virent Nicéphor Phocas II profiter d'un affaiblissement des Abassides pour s'emparer d'Antioche et de sa région, vers la fin du 10ème siècle; ces guerres détruisirent les oliveraies et les vignobles et brûlèrent les maisons. Il y eut aussi l'interruption des relations économiques avec l'Occident qui cessa d'importer l'huile et le vin de ces villages. Il y eut l'émigration des plus fortunés vers les villes. La conquête arabo-musulmane rétablit la paix dans la région. Les Omeyyades respectèrent la liberté religieuse et cela resta une tradition régionale. Mais le mal était déjà irrémédiablement accompli. Nous nous rendons ensuite dans le village druze de Jebal al-Ala. Ce petit village est situé dans le Massif du Bélus. Il mérite le détour afin d'apprécier la gentillesse des enfants qui proposent aux touristes la production de napperons ou de mouchoirs brodés par leurs mères. Mais ce qui attirent encore plus les visiteurs, c'est la présence de l'ancienne église du village qui est en fait une basilique byzantine, aujourd'hui en ruines, dont les restes sont admirables. A l'entrée du site, une pancarte en
anglais nous apprend que l'église
de Qalb Lauzeh (ou Qalbe
Loze) (pour
situer Qalb Loze, voir une carte ici)
est un édifice byzantin du 5ème siècle construite
dans le style chrétien de Syrie avec 6 voûtes sur des colonnes
de pierre aux chapiteaux sculptés. Elle mesure 25 m de long sur
15 m de large. Ses portes sont décorées de motifs géométriques
et botaniques et son sol est pavé de grosses dalles. La porte principale
s'ouvre à l'ouest. On y distingue quatre salles et trois ailes:
le saint des saints, la nef et le couloir. L'autel comporte des piliers
aux chapiteaux sculptés. Voici pour les touristes! Soyons un peu
plus précis; la basilique de Qalbe Loze constitue certainement l'une
des plus belles, des plus célèbres et des mieux conservées
des églises de l'époque byzantine. Sans être la première
en date, elle présente l'exemple le plus ancien et le plus complet
d'une église à plan basilical à nef centrale et deux
collatéraux. Une première observation s'impose: cette église
n'est pas construite comme tant d'autres l'ont été depuis
en forme de croix.
Nous faisons d'abord le tour de l'édifice, construit, comme les temples antiques, derrière un espace libre (pronaos). En tournant l'angle de la façade, pour suivre l'aile droite, nous remarquons une sorte de bandeau de pierre qui fait le tour de l'édifice, comme une ceinture, en contournant ses fenêtres. Nous passons ensuite devant une porte très bien décorée; des trous dans le mur au-dessus d'elle, en forme de triangle, suggèrent la présence à l'origine d'un fronton aujourd'hui disparu. Les pierres en haut du mur, sous le toit qui n'existe plus, ont été taillées pour s'emboîter les unes dans les autres en une sorte de chaînage; on constate que les blocs des murs sont disposés, comme dans la ville morte, de sorte que chacun d'eux est à cheval sur deux autres. Tous ces détails montrent le soin pris pour assurer la solidité de l'édifice dans une région sujette à des tremblements de terre. L'abside, au dos de la basilique, est bien éclairée par de grandes fenêtres voûtées; son mur est orné d'une colonnade à chapiteaux corinthiens. .
A l'intérieur, la voûte de l'abside, de style byzantin, est parfaitement conservée. Les arcs de séparation de la nef centrale et des deux travées collatérales reposent sur des piliers courts carrés aux arêtes estompées. De petites niches sont creusées dans ces piliers dont les chapiteaux sont décorés de motifs végétaux sculptés d'un travail délicat. La nef était éclairée par de nombreuses petites fenêtres carrées et la toiture reposait sur des corbeaux de pierre qui sont encore à peu près tous présents. Le sol est pavé de larges dalles dont certaines se sont brisées; on y remarque, au centre de la nef, le tracé d'un cercle qui délimitait l'emplacement du clergé qui se tenait comme le Christ au milieu de ses ouailles, selon le rituel de l'époque. Au coin droit de la voûte de l'abside, dans un carré, une sculpture, qui fait penser à un sceau, représente un taureau et un palmier. Cet élément décoratif interpelle dans une basilique chrétienne dans la mesure où il pourrait évoquer le souvenir d'un symbole païen, celui du printemps et de la fertilité mais aussi celui de la force et de la virilité (des os de taureau étaient parfois insérés dans les murs des maisons dans l'Antiquité). Dans le village, nous croisons un très beau spécimen de vieillard druze ( peut-être est-il d'ailleurs plus jeune que moi!) qui a fière allure, dans ses vêtements noirs, avec sa forte moustache de jais. Aux alentours, c'est encore le chaos de rochers émergents du sol qui domine, avec au bout des champs, sous la colline grise, des plantations d'oliviers. Nous allons maintenant pique-niquer à
proximité de notre prochaine visite, Qalaat Seeman, sous l'ombrage
des pins. Je vais en profiter pour m'alléger de la bouteille de
vin achetée au Liban que je boirai en compagnie de mes compagnons
de voyage. Ce vin s'avèrera très bon et digne des éloges
du commerçant qui me l'a conseillé.
7 ème jour (1er octobre - après-midi): Qalaat Seeman (les photos sont ici) Depuis l'endroit où nous avons pique-niqué, nous gravissons un chemin qui serpente à travers les arbres pour nous retrouver sur une vaste esplanade, en haut d'une colline calcaire qui culmine à 864 m, face à un imposant sanctuaire dédié à saint Siméon le Stylite, d'où son nom Qalaat Sem'an (pour situer cet endroit, voir une carte ici). Sur cette colline, à l'époque grecque, s'élevait un temple païen. Siméon naquit, en 386 (fête le
5 janvier), à Sis (Sissa, Sisan), proche de Nicopolis (Adana), dans
la Turquie actuelle, d'une famille chrétienne modeste et pieuse.
Il commença sa vie active comme pâtre. Un jour d'hiver, son
troupeau étant confiné par la neige dans la bergerie, il
accompagna ses parents à l'église. Le prêche du prêtre,
consacré aux béatitudes, l'interpella vivement. Après
la fin de l'office, il demanda au religieux des explications complémentaires.
Ce dernier l'orienta vers la voie monastique. Le jeune homme rejoignit
donc un groupe de cénobites du voisinage avec lesquels il demeura
deux ans dans l'étude, la méditation et la prière.
Ensuite, il partit s'installer au monastère de Tellada (Teledea,
Tell Adé), au pied du Cheikh Barakat, construit en 370, dont Héliodore
était le supérieur. Siméon avait alors 16 ans. Il
passa là une dizaine d'années, au milieu de 80 compagnons
qu'il surpassait en ascétisme, en prière et en mortification.
Alors que les autres moines mangeaient un jour sur deux, il se contentait
d'un repas par semaine, encore ce repas était-il maigre. Un jour,
il se serra la taille à même la peau, avec une corde de feuilles
de palmier tressées, jusqu'à ce que sa chair meurtrie se
mette à saigner et que la blessure s'enflamme. Le supérieur,
informé par un autre moine, demanda alors à Siméon
de quitter le monastère, afin d'éviter que d'autres religieux,
moins solides que lui, ne l'imitent au détriment de leur santé.
Le jeune homme partit dans la montagne où il s'installa pour prier
et louer Dieu au fond d'un puits à sec. Avertis par un berger, les
moines allèrent le chercher et le ramenèrent au monastère.
Après quelques temps, il quitta à nouveau ses compagnons
pour aller vivre à Télanissos (Deir Seeman ou Sam'an ou Sem'an).
Il y resta trois ans dans le couvent de Maris, isolé dans une cellule,
toujours en quête de mortifications, enclin à jeûner
pendant des dizaines de jours; il demanda même à un moine
itinérant Passos (ou Blassus) de l'emmurer avec 10 pains et une
jarre d'eau; quarante jours plus tard, le moine le retrouva sans connaissance,
n'ayant touché ni à la nourriture ni à la boisson;
il lui humecta les lèvres et Siméon revint à la vie.
Il prit ainsi l'habitude de jeûner pendant quarante jours et resta
trois ans dans ce monastère après quoi les autres moines
lui conseillèrent de devenir anachorète, à l'écart
de la société des hommes. Il gagna donc le sommet de la colline
qui dominait le village où il se construisit une cabane de branchages
et il y passa trois autres années. Il demanda à ses visiteurs
de tracer un enclos circulaire et s'attacha un pied avec une chaîne
de 20 coudées fixée à un rocher afin d'être
certain de ne pas céder à la tentation d'abandonner la vie
solitaire. Un jour, l'évêque Malatius (ou Meletius) d'Antioche,
de passage dans la région, vint le visiter et lui dit que le Royaume
de Dieu ne se gagnait pas par les fers et les meurtrissures mais par la
prière, le jeûne, l'adoration, la bonne parole et la prédication.
Il lui enjoignit de rompre ses liens et de construire une plate-forme du
haut de laquelle il pourrait prêcher. Siméon se débarrassa
de ses chaînes, lesquelles avaient blessé sa cheville au point
que les vers s'y étaient mis, et suivit les conseils de Malatius.
Sa réputation de sainteté se propagea rapidement et les foules
affluèrent: malades en mal de guérison, femmes stériles,
malheureux de toutes espèces. Le nombre de ces visiteurs le gênant,
il demanda qu'on lui construisît une colonne plus haute et, d'ajout
en ajout, pour s'éloigner un peu plus des multitudes envahissantes,
il finit par se trouver à près de 11 m du sol. Cette colonne
était donc une chaire d'où il haranguait les pèlerins.
Il y montait le matin et en descendait le soir, au moyen d'une échelle,
pour dormir dans sa cabane. Siméon vécut ainsi 39 ans sur
sa colonne et 3 ans dans sa cabane. On dit, qu'ayant connaissance de l'existence
de Sainte Geneviève, sa contemporaine, il demanda à des pèlerins
syriens d'aller saluer de sa part la vierge de Paris et de solliciter pour
lui ses prières. Plus de 40 années s'écoulèrent
avant qu'il ne mourût, en 459, âgé de 73 ans. Ses funérailles
furent grandioses; son corps, scellé dans un cercueil de plomb,
fut d'abord enseveli aux pieds de la colonne mais, trois jours plus tard,
le patriarche d'Antioche, Martyrius, accompagné d'une foule nombreuse,
vint chercher la dépouille mortelle pour la transporter à
Antioche. Il se heurta à la résistance des moines de Télanissos
et de la population du village et fut contraint de requérir une
armée de 600 soldats, commandés par l'Arménien Ardébour,
pour mettre son projet à exécution. Les restes de Siméon
furent solennellement déposés provisoirement dans l'église
de Cassianus pour aller ensuite dans l'église de Constantin le Grand,
à Constantinople (Istamboul) où ils sont encore. Les pèlerins
n'en continuèrent pas moins de venir prier, pour obtenir des faveurs,
sur les lieux où il avait vécu et prêché.
L'esplanade sur laquelle nous nous trouvons surplombe, à l'ouest, une vallée dans la direction d'Antioche. Pour construire la basilique, il a fallu aménagée une terrasse soutenue sur la pente par une solide muraille. On pense qu'autrefois l'entrée de l'édifice se trouvait à l'ouest mais qu'elle a été ensuite déplacée au sud, à un endroit où elle est mieux protégée des mouvements de terrain toujours possibles dans une région soumise aux secousses sismiques. C'est donc par le sud que nous allons pénétrer dans la basilique. Celle-ci est disposée autour d'un bâtiment octogonal centré sur les restes de la colonne de Siméon. Ce bâtiment, de style byzantin, était couvert d'une coupole en bois en comble soutenue par des arcs monumentaux d'un diamètre de 8 m. Quatre ailes en partaient formant à peu près une croix grecque. On pense que l'architecte a incorporé dans cet édifice les trois styles existant à Antioche: le temple octogonal, la basilique à trois nefs (Qalbe Loze) et l'église cruciforme qui constituait alors une nouveauté. La basilique était réservée aux messes solennelles et aux grandes cérémonies. .
Voici dans quelles circonstances politiques et religieuses cet ensemble monumental fut conçu. Plusieurs disciples fréquentaient Siméon sur sa colonne dont saint Daniel, qui vivait près de Byzance, sur la rive ouest du Bosphore. C'est lui qui intercéda pour le transfert de la dépouille mortelle de saint Siméon à Constantinople. A la mort de l'empereur Léon, en 474, l'empereur Zénon lui succéda. Saint Daniel, lui rendant visite, intervint auprès de lui afin d'obtenir qu'une église s'élève autour de la colonne pour honorer la mémoire du saint. Grâce à des dons, les travaux débutèrent en 476 pour s'achever en 490, 31 ans après la disparition de saint Siméon. Elle se dressait sur une surface de 1200 m2. L'édifice subit les effets du temps, des vicissitudes historiques et aussi des tremblements de terre. Les pèlerins détruisirent progressivement la colonne pour en emporter des morceaux comme souvenirs. On sait que des restaurations furent effectuées au 10ème siècle. Après la conquête d'Antioche par les Byzantins, le site se trouva sur la frontière et Nicéphore Phocas II songea à en assurer la défense contre les émirs d'Alep (Hamdanides); des tours et des remparts y furent alors élevés d'où le nom de Qalaat (forteresse). Enfin, précisons que Qalaat Seeman tomba dans la mouvance monophysite d'après laquelle le Christ n'a qu'une seule nature et qu'elle est divine, cette nature ayant absorbé sa nature humaine. Dès les années 1930, des études et des fouilles furent entreprises par une succession d'archéologues, de chercheurs et d'architectes, afin de mieux connaître le sanctuaire et d'en assurer la restauration. Nous entrons donc dans la basilique par la porte du sud. Sa belle façade comporte trois arcs surmontés de frontons triangulaires romans, le plus grand au milieu. Ce dernier repose sur des colonnes couronnées de chapiteaux corinthiens. Au-dessus de lui s'élève un mur percé de fenêtres romanes qui ressemble à un clocher à peigne. Nous traversons un espace qui constituait l'aile sud. Deux grands portails destinés aux prêtres et deux portes plus petites, l'une à droite pour les hommes et l'autre à gauche pour les femmes, s'y ouvraient. Cette aile sud était formée de trois nefs séparées par deux rangées de six colonnes, selon un schéma voisin de celui de la basilique de Qalb Loze. Trois portes étaient percées dans les murailles est et ouest; celles de l'est conduisaient au monastère. Nous gagnons l'octogone au centre duquel se dressent les vestiges de la colonne. Ils reposent sur un socle carré d'environ de 2 m de côté et de 1,5 m de haut. La colonne était cylindrique (1,1 m de diamètre). Il n'en subsiste plus qu'une masse informe. L'octogone communique avec les ailes par des arcs soutenus par des piliers monolithiques surmontés de chapiteaux corinthiens finement sculptés dont les palmettes et les feuilles sont droites ou penchées comme sous l'effet du vent. Les arcs sont décorés de corniches d'une grande beauté. On y remarque des socles proéminents qui supportaient des colonnettes. Le tout s'appuie sur une corniche qui fait le tour de l'octogone. Le sol est pavé de dalles autour du socle. Le choeur était situé dans l'octogone. Des absidioles reliaient les collatéraux de ce dernier. On y a déposé les sarcophages des célébrités ayant vécu dans le monastère voisin. La coupole aurait été détruite par un tremblement de terre. L'aile ouest imitait l'aile sud mais elle avait la particularité d'être assise sur une partie relevée de la colline soutenue par une muraille, comme on l'a déjà dit plus haut. Elle est aujourd'hui très abîmée ce qui a, croit-on, motivé le déplacement de l'entrée principale vers le sud. L'aile nord était également construite sur le modèle des trois nefs, celles-ci étant séparées par deux rangées de 5 colonnes. Les murs comportaient des portiques: 2 à l'ouest, 3 au nord et 2 à l'est. Dans les absidioles furent trouvées 3 tombes destinées aux dépouilles des hauts dignitaires du clergé. L'aile est reste la plus importante et la mieux
décorée. Elle n'est pas exactement alignée sur celle
de l'ouest mais légèrement décalée vers le
nord. Elle se termine par trois absides. L'arc qui contourne la partie
intérieure de l'abside centrale, la plus grande, est décoré
d'acanthes, de grappes de raisin et de feuilles de vigne. Au-dessus de
cet arc, s'ouvre une petite fenêtre pour l'éclairage. Les
deux absides latérales respectent la même architecture en
plus petit. A gauche de l'autel se trouvait le diaconicon (qui servait
de sacristie) et à droite une petite chapelle qui servait de martyrion.
Une autre pièce était consacrée aux dons des fidèles
à l'église. Deux portes, ouvertes dans le mur sud, donnaient
accès à la cour du monastère qui se trouvait au sud-est
de la basilique. Deux autres portes s'ouvraient aussi dans le mur nord.
Le sol de cette aile était pavé de petits carreaux de marbre
polychrome datant de la restauration du 10ème siècle.
En cheminant dans la basilique, nous avons remarqué la présence d'une croix latino-romaine. Mais, avec beaucoup d'attention on pourrait trouver aussi sans doute d'autres croix dont la croix syriaque, un symbole solaire d'origine païenne. Nous voici donc dans la cour du monastère
dont les ailes sud et est de la basilique forment le cloître. Au
sud, ne reste debout qu'un portique. L'est est mieux conservé. Il
comporte trois étages. Une petite église complétait
le monastère. Une tribune taillée dans le roc servait de
chaire pour les prédications. Deux grands bassins taillés
dans la pierre recevaient l'huile des offrandes pour l'éclairage.
Cette petite église servait pour les offices des moines et le baptême
des nouveaux-nés.
Nous passons maintenant à l'arrière de l'abside de la basilique pour admirer les colonnes qui l'ornent. Un grand déballage de blocs de pierres en occupe l'espace. A proximité un bosquet donne l'occasion à ceux qui n'en avaient encore jamais vues de découvrir des pistaches roses sur leur arbre. Le cimetière du monastère est situé au nord de la basilique, près du rempart. Il servit naguère de carrière. Une sorte de caveau faisait office d'ossuaire. Une chapelle mortuaire appartient à cet ensemble. Un imposant édifice, autrefois coiffé d'une coupole, se dresse au coin sud-est de l'esplanade, à 150 m environ de la basilique. Cet édifice comportait une église et un baptistère. Le baptistère était un carré couronné d'une construction octogonale encore visible. Les fonts baptismaux étaient creusés dans une abside ovale à l'est. Les murs de cet immense baptistère étaient en terre cuite et la profondeur de la cuve de 80 cm. Deux escaliers, un au nord, l'autre au sud, permettaient d'y descendre et d'en remonter. Un couloir faisait le tour de l'octogone. Au sud, un autre couloir conduisait à l'église voisine. Deux pièces, qui servaient autrefois aux prêtres, furent plus tard converties en tours défensives. Le baptême avait lieu le samedi, une fois l'an. Le catéchumène tournait trois fois autour de l'octogone avant de passer par les fonts baptismaux. Il se rendait ensuite à l'église pour y être confirmé au moyen d'huile sacrée. Il était alors conduit à la basilique pour y entendre la messe et communier. A proximité du baptistère, une
auberge aujourd'hui en ruines accueillait les pèlerins. Cette auberge,
construite au début du 6ème siècle, comportait deux
niveaux. Celui d'en bas abritait les animaux et celui d'en haut les hommes.
Un peu plus loin, vers l'ouest, s'ouvrait, dans l'enceinte qui faisait
le tour de la colline, l'entrée principale à trois portes
voûtées du sanctuaire.
On l'a vu, le village, dont l'existence était très antérieure à l'arrivée de saint Siméon, portait autrefois le nom grec de Telanissus. Des restes de cette époque existent encore sous les espèces de murailles aux gros blocs de pierre. Le nom syriaque de Tel Nichet, qui signifie le tertre des femmes, lui fut ultérieurement donné. C'était un village agricole plutôt pauvre avec de petites maisons chétives. L'affluence des pèlerins le transforma complètement. Trois grandes hôtelleries, une douzaine de petits hôtels, des villas somptueuses, des jardins, trois monastères et leurs églises, mais aussi des boutiques de souvenirs et des magasins d'artisanat local y virent le jour venant s'ajouter à l'ancien monastère où avait séjourné le saint. Lorsque les auberges étaient pleines, les couvents acceptaient de recevoir des pèlerins. Au 10ème siècle, cette cité,
qui portait désormais le nom sous lequel elle est aujourd'hui connue,
connut une grande prospérité. Malheureusement, cela ne devait
pas durer. Après la conquête d'Antioche par les Byzantins,
elle se trouvait, on l'a dit, sur le front des querelles entre ces derniers
et le monde musulman. Les édifices religieux furent donc adaptés
pour convenir au rite byzantin mais aussi transformés en forteresses.
Le village changea de mains, pour passer au pouvoir des Hamdanides, puis
des Fatimides, en 1017, et il finit par être conquis par Nour ed-Dine
en 1164.
Aujourd'hui, il ne reste que peu d'habitants dans le village. Ceux-ci ont squatté des bâtiments anciens après en avoir parfois dispersé les pierres. C'est ainsi que nous avons trouvé une vache en train de vêler dans une église convertie en étable et que nous avons trouvé un autre édifice transformé en dépôt d'ordures. Les restes de Deir Seeman semblent donc bien mal protégés et cela est bien dommage. En partant, j'ai remarqué sur l'un des murs de l'église-étable une inscription en arabe ancien. .
De retour à Alep, je me rends dans un magasin pour y acheter une chemise bariolée comme souvenir. Nous dormons dans le même hôtel que la veille, non sans un passage au fameux "Hôtel Baron" où résida Aghata Christie et où Lawrence d'Arabie a laissé une ardoise. |