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Sommaire du Carnet de Route
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01-
Paris - Saint-Pétersbourg
Vous pouvez lire les notes à la suite où vous rendre directement à la rubrique souhaitée en cliquant sur l'un des numéros soulignés ci-dessus. Les photos des sites et des monuments sont accessibles dans le texte à partir de leurs noms soulignés pourvus d'un lien. Le texte des notes a été rédigé à partir de mes lectures, de mes souvenirs personnels, de ce que j'ai retenu des commentaires des guides et surtout de l'abondante documentation mise sur le bateau à la disposition des passagers. |
1 er jour : Paris - Saint-Pétersbourg - (Les photos sont ici ) J'ai rendez-vous le matin, à 6h25, au guichet de l'agence de voyage qui doit me remettre mon passeport pourvu du visa nécessaire pour entrer en Russie et des documents du voyage. Pour ne pas risquer d'arriver en retard, j'ai retenu une chambre pour la veille dans un hôtel situé à l'aéroport même et j'ai poussé la précaution jusqu'à aller reconnaître le lieu du rendez-vous, terminal 2C, zone tour operator, face porte 16. Le restaurant de l'hôtel n'étant pas encore ouvert à une heure aussi matinale, j'en suis réduit à prendre mon petit déjeuner dans une cafétéria de l'aéroport. Au lieu du rendez-vous, quelques personnes sont déjà arrivées. D'autres, traînant de lourdes valises s'installent à proximité. Ce sont probablement des compagnons de voyage. Mais nous ne nous connaissons pas. Le guichet n'est pas encore ouvert. Les employés finissent par arrivée et une partie des personnes qui attendent viennent se ranger en file d'attente devant le guichet. Notre passeport nous est remis avec quelques documents qui complètent ceux que nous avons déjà reçus. Nous nous dirigeons vers les guichets d'Air France et là, une surprise m'attend, les voyageurs doivent emprunter un guichet automatique dont peu de gens connaissent l'usage. Cela ralentit l'opération. Heureusement une hôtesses est là pour aider les maladroits, dont je fais partie, à se tirer d'affaires. Le vol, relativement court, environ trois heures,
se déroule sans encombre. J'échange quelques propos sans
grande importance pour lier connaissances avec mes voisins que je reverrai
au cours du voyage, mais qui ne font pas partie de mon groupe. Nous arrivons
vers 13h40, donc environ cinq heures après notre départ,
y compris les deux heures de décalage horaire. Une centaine de passagers
sont attendus pour notre bateau; un vol est déjà arrivé
sur une autre compagnie à 13h15, avec 26 passagers; notre vol en
comportait le même nombre, ne relevant d'ailleurs pas tous de la
même agence de voyage; quatre autres vols doivent compléter
le nombre de passagers, dont un pendant la nuit.
Les formalités de contrôles à l'aéroport de Saint-Pétersbourg, s'avèrent relativement rapides, et ne me laissent aucun souvenir particulier. Nous sommes accueillis par nos guides russes facilement identifiables dans le hall de l'aéroport. Nous patientons un assez long moment avant que tous les passagers de notre groupe soient réunis. Tout est parfaitement organisé et aucun problème ne se pose. Nos bagages de soute, identifiés et dûment étiquetés comme cela nous a été demandé, seront pris en charge par des employés du bateau pour être emportés séparément de nous. Nous ne conservons que nos bagages à mains. Un bus nous attend sur le vaste parking de l'aéroport surmonté d'un pont où s'agitent de nombreux drapeaux. Notre voyage jusqu'à la gare fluviale de Saint-Pétersbourg se déroule sans histoire. Je reprends contact avec la Russie que je n'ai pas revue depuis cinq ans. La gare fluviale de Saint-Pétersbourg a été construite en 1970; cinq quais permettent aux bateaux de transit d'y accoster; l'hôtel Retchnaïa, qui compte 13 étages, se trouve à côté. Pour aller du quai jusqu'à notre bateau, le Tchaïkovski, il nous faut traverser un autre bateau. Plusieurs bateaux sont rangés ainsi, flanc contre flanc, les uns derrière les autres, le long des quais. A l'arrivée sur le Tchaïkovski, nous avons droit à la cérémonie du pain et du sel servis par une charmante jeune femme accompagnée de deux musiciens (accordéon et balalaïka ou assimilé), le trio vêtu en costumes traditionnel russe. La cérémonie du pain et du sel correspond à un rite séculaire. Dans la tradition russe, le pain est un signe de richesse, de prospérité, voire de fertilité; quant au sel, une vieille superstition pré chrétienne lui prête la vertu de conjurer les forces maléfiques. Servir le pain et le sel à un visiteur était censé contribuer à un climat de confiance et de cordialité entre le maître de maison et son hôte; refuser le pain et le sel était interprété comme une déclaration d'hostilité offensante. Les premières traces de cette pratique sont attestées dans la république marchande de Novgorod le Grand à partir du 11ème siècle. Dans le "Domostroï" (Code moral officiel promulgué à l'époque d'Ivan le Terrible au 14ème siècle), il était conseillé de servir du pain et du sel à ses ennemis "pour que l'animosité se change en amitié". La pire injure qu'on pût faire à quelqu'un était de dire : "Tu as oublié mon pain et mon sel". Au 18ème siècle, un savant allemand notait que les mots "pain et sel", prononcés à table, étaient appelés à chasser les mauvais esprits dans un contexte culturel où l'influence du paganisme était encore très forte. Aujourd'hui, servir le pain et le sel demeure toujours une marque toujours d'hospitalité. A la réception, on nous donne la clé de notre cabine, en échange de notre passeport et du document d'entrée qui nous a été remis à l'aéroport par la police de contrôle des frontières. Ces documents nous seront rendus le jour de notre départ pour la France, ainsi nous ne risquerons pas de les perdre ou de nous les faire voler. Une carte de visiteur nous tiendra lieu de papier d'identité au cours de notre séjour; il nous faudra la rendre à l'accueil lors de chaque retour au bateau pour recevoir notre clé et on nous la rendra lors de chaque sortie au moment où nous remettrons notre clé. Pour les couples, il est possible d'avoir deux clés, mais une caution est réclamée pour la seconde. Je regagne ma cabine n° 416, située au niveau des deux bars, le Concerto et le Sonate, à l'étage en dessous du Pont Soleil, le plus haut. Elle est exiguë, mais l'essentiel y est, un placard avec un coffre, que je n'utiliserai pas, des étagères d'un côté et de l'autre une penderie, une salle d'eau avec lavabo (eau potable avec réserves), toilettes et douche, un lit, une tablette près du lit, sous la fenêtre donnant sur une coursive extérieure, avec un fauteuil privatif sous la fenêtre, un appareil à air conditionné pas tout à fait inutile sous le climat russe, un téléviseur dont je n'aurai ni le goût, ni le temps de me servir, la radio, le téléphone, des prises électriques 220 volts, normes françaises... Pour ce qui est d'Internet, il existe deux ordinateurs au niveau du Pont Principal. Un document nous explique comment nous servir de tout cela. J'y apprends que nous serons munis d'audio-guides individuels pour chaque visite; ils nous seront fournis le matin et nous devrons les remettre à notre retour à bord chaque jour afin qu'ils soient rechargés pendant la nuit; la perte d'un appareil sera facturée 18 euros. Le bateau étant non fumeur, il est interdit de pétuner dans les cabines et les espaces de vie commune, sauf sur les ponts extérieurs à condition de ne pas jeter de mégots dans l'eau. Un service de blanchisserie est assuré à bord et un médecin y est disponible en permanence, mais, sauf urgence, les consultations, payantes, s'obtiennent seulement sur rendez-vous. Des livres et des jeux de société sont à la disposition des passagers au Salon de Lecture, et il y a également quelques boutiques où procéder à des achats. Les dépenses seront globalement réglées deux jours avant la fin de la croisière, en espèces ou en carte bancaire. On ne doit pas apporter au restaurant de boisson achetée ailleurs. Voici donc le lieu qui me servira de chambre d'hôtel pendant toute la durée de mon séjour en Russie. Je fais le tour du bateau, en me promenant sur tous les ponts, en examinant les alentours et en prenant quelques photos des bateaux à quai, d'un pont en amont, d'un édifice sur la rive, de l'aval de la Néva. A 18h45, je me rends dans la Salle de Conférence du Pont Soleil, le pont supérieur, où des chaises longues attendent les amateurs de bains de soleil, pour assister à une réunion d'information à laquelle nous sommes invités. On nous y délivre quelques documents complémentaires, dont une fiche des activités de la journée et de celles du lendemain, comme on nous en délivrera chaque jour. Après les souhaits de bienvenue, on nous présente le capitaine du bateau qui nous prononce quelques mots en russe avant de retourner à ses occupations, et des membres de l'équipage, dont bien évidemment nos futurs guides et conférencières. Ensuite, les inscriptions sont prises pour les visites optionnelles. J'ai alors la désagréable surprise de m'apercevoir que la visite du Palais Catherine, avec sa chambre d'ambre, à Pouchkine, devait être impérativement retenue au moment de l'inscription à la croisière. Je m'en console en m'apercevant que la visite des trois cathédrales, que je voulais mettre également à mon programme, a lieu en même temps et qu'il m'aurait donc fallu, de toute manière, sacrifier l'une ou l'autre. Je complète mon emploi du temps en commandant quelques visites optionnelles que je paie en donnant le numéro de ma carte de crédit dédiée à mes voyages et on me gratifie en retour de coupons de couleur à remettre lors de chaque visite optionnelle. La journée s'achève, à 20 heures, par le repas du soir au restaurant Symphonie, à la poupe du Pont Supérieur. Nous devons choisir nos tables en nous regroupant par tour opérateur, ce qui est loin d'être facile puisque nous ne nous connaissons pas, sauf exception. Finalement, je me trouve avec un couple à une table prévue pour six. Nous ne serons pas gênés par nos voisins! Le repas russe traditionnel nous est servi : salade en entrée, soupe, viande ou poisson, dessert, thé ou café; on peut prendre une vodka ou du vin en payant un supplément. Nous aurons ce genre de menus à chaque repas, mais en variant naturellement le contenu de chaque plat, ce qui permet d'éviter la monotonie de manger toujours la même chose. Une remarque, au dessert les fruits ne sont pas présentés spontanément, il faut les réclamer, le dessert du jour étant toujours un produit plus élaboré. La cuisine russe est savoureuse et nourrissante, j'aurai l'occasion d'y revenir. Le premier jour de notre voyage s'achève,
nous sommes le 23 juin. Nous pouvons rêver maintenant à la
croisière que nous allons entreprendre d'ici quelques jours en repensant
à ce qu'en on dit les voyageurs d'autrefois et en mesurant la longueur
du périple.
2ème jour : Saint-Pétersbourg - En allant vers l'Ermitage - (Les photos sont ici ) . A l'aube de notre seconde journée, nous sommes réveillés en musique dans nos cabines à 7 heures du matin. Le petit-déjeuner doit être pris avant 8h30, au buffet du restaurant Symphonie, où nous avons dîné la veille. Le buffet et bien garni : oeufs, fromages, charcuteries, pruneaux, fruits secs, salades de fruits frais, beurre, confitures, pain divers, viennoiseries, jus de fruits, café ou thé servis sur place, il y en a pour tous les goûts et tous les appétits. Nous devons prendre les mêmes places que pour les autres repas, jusqu'à la fin de la croisière. Vers 8h30, nous nous rendons à la réception où on nous délivre la carte qui nous sert de pièce d'identité et des écouteurs pour la visite en échange de notre clé, rituel qui se déroulera tous les jours. Puis nous quittons notre bateau, en traversant celui qui nous sépare du quai, pour nous rendre à l'endroit où nous attendent nos autobus. Il y en a plusieurs et chaque groupe de touriste est affecté à l'un d'eux identifé par un numéro bien visible. Tout est parfaitement organisé. A bord du bus, on nous présente notre guide et on procède au règlage de nos écouteurs, quelque peu laborieux la première fois. La documentation qui nous a été remise pour la journée comporte, comme ce sera encore le cas par la suite, une information qualifiée d'inutile; pour notre première sortie, cette information est la suivante : Comme il pleut souvent à Saint-Pétersbourg, parfois la question est posée : Un car qui roule dans l'eau, c'est quoi? Et la réponse est : Un car naval!!! Heureusement, même si le temps est couvert, nous n'aurons pas à craindre d'avoir à utiliser cette variété nouvelle d'engin amphibie. Une fois les préliminaires achevés et les audio-guides sur la longueur d'ondes de l'émetteur de notre guide, nous prenons la route. Au passage devant un pont qui est peut-être le pont Alexandre Nevski, je n'en sais trop rien, notre guide russe nous rappelle que ce prince battit les Suédois sur la Neva, le 15 juillet 1240, et les Chevaliers teutoniques, non pas à l'endroit du pont, mais sur le lac Peïpous, ou lac des Tchoudes, à la frontière de l'Estonie et de la Russie, deux ans plus tard, en avril 1242. Saint-Pétersbourg compte plus de 500 ponts, ce qui constitue un record mondial ; nous aurons l'occasion d'en voir plusieurs en parcourant rues et canaux de la Venise du nord. Saint-Pétersbourg fut fondé en 1703 par Pierre le Grand qui voulait "ouvrir une fenêtre sur l'Europe". Édifié sur 42 îles marécageuses, sa construction coûta la vie à plusieurs milliers de ses bâtisseurs. Avec ses nombreux canaux et rivières et ses centaines de ponts, Saint-Pétersbourg a mérité son appellation de "Venise du Nord". La Neva, son fleuve principal, est célèbre pour ses crues. Construite en un temps record par des architectes italiens, Saint-Pétersbourg devint la capitale de la Russie en 1712 et le resta jusqu'en 1918 malgré sa situation géographique. Au style sévère de Pierre s'ajouta le baroque caractéristique du règne de sa fille Élisabeth, qui fit venir l'architecte italien Rastrelli, et la grandiose sobriété classique de Catherine II. En 1914, avec l'entrée de la Russie dans la première guerre mondiale, Saint-Pétersbourg, nom jugé trop germanique, fut russifié en Petrograd. A la mort de Lénine, en 1924, la ville fut rebaptisée Leningrad. Elle a retrouvé son nom d'origine en 1991 après un référendum (mais la région a voulu conserver le nom de région de Leningrad...) Ce nom reste lié au terrible siège subi durant la seconde guerre mondiale de 1941 à 1944. Coupée de tout durant 900 jours, la ville résista héroïquement aux Allemands au prix de nombreuses pertes humaines dues au froid et à la faim. Saint-Pétersbourg compte de très nombreux monuments et musées, dont le plus célèbre est celui de l'Ermitage, installé dans le Palais d'Hiver, qui ne connaît que deux rivaux le Louvre et le Prado de Madrid. Outre ses cathédrales et ses palais, la ville est célèbre pour la clarté irréelle de ses nuits blanches estivales. Saint-Pétersbourg, forte d'environ 5 millions d'habitants, est la ville natale du président Vladimir Poutine. C'est aujourd'hui la capitale de la super région administrative du Nord-Ouest. Pourquoi le terrain sur lequel devait s'élever la future capitale de la Russie a-t-il été choisi à cet endroit peu favorable à la construction et à l'embouchure d'un fleuve aussi court que la Neva (72 km) ? Parce que Pierre le Grand voulait en faire le symbole de l'ouverture de son pays sur l'Europe occidentale au devant de laquelle ce fleuve paraît justement se diriger ; et aussi parce que ce fleuve présentait un indéniable intérêt stratégique face à la Suède, mais également face à d'autres envahisseurs occidentaux potentiels. Ce n'est pas un hasard si les travaux de l'édification de Saint-Pétersbourg commencèrent par la construction de la forteresse Pierre-et-Paul, qui ne repoussa aucune attaque, car il n'y en eut jamais ce qui n'est d'ailleurs pas un cas unique dans l'univers des forteresses! Notre guide nous invite à observer les
couleurs dont sont peintes les façades, sans doute dans un souci
d'égayer et de réchauffer l'atmosphère pendant les
longues nuits d'hiver, comme dans les autres villes nordiques. On trouve
toutes les couleurs, y compris des répliques des laves volcaniques
noires de mon Auvergne natale, toutefois en petit nombre, le ton dominant
étant les nuances pastel. Un coup de canif à la réputation
du président Poutine : il paraît qu'il a contraint sa première
épouse à se retirer dans un couvent pour convoler avec une
plus jeune ; si l'anecdote est vraie, cela sent fortement la lettre de
cachet ! C'est à peu près la seule critique que nous entendrons
du président actuel de la Russie au cours de notre voyage.
Nous nous arrêtons devant la cathédrale de la Résurrection du monastère Smolny, à ne pas confondre avec l'Institut Smolny, où se tint l'Assemblée des soviets lors de la révolution d'octobre 1917, lequel s'élève dans le voisinage. La cathédrale fait partie d'un monastère édifié, de 1748 à 1764, à l'intention d'Élisabeth Petrovna, fille de Pierre le Grand, laquelle avait été évincée de la succession au trône; mais, comme un coup d'État, l'y ramena, elle n'y vécut jamais, bien qu'elle ait pensé s'y retirer à la fin de sa vie; le monument initial devait comporter un clocher qui devait en faire le bâtiment le plus élevé de Saint-Pétersbourg; mais Élisabeth mourut en 1762 avant la fin de la construction qui ne put être achevée faute de fonds; des travaux complémentaires de style néo-classique intervinrent cependant au cours des années 1830, pour l'achèvement de l'intérieur, par l'architecte Stassov. La cathédrale de la Résurrection est un chef d'oeuvre de Rastrelli, mariant heureusement le baroque italien et l'architecture traditionnelle russe; elle est couronnée de cinq coupoles à bulbes; le célèbre architecte du classicisme Giacomo Quarenghi, passant un jour devant cet édifice religieux, ôta son chapeau en disant : "ça, c'est une cathédrale!". Devant l'édifice religieux s'étale une vaste pelouse verte au bout de laquelle se dresse un échafaudage supportant une cloche, juste en face de son entrée. La cathédrale est aujourd'hui utilisée principalement comme salle de concert et les bâtiments environnants sont occupés par des structures administratives et politiques locales. L'Institut Smolny fut fondé par un décret
de Catherine II, daté du 5 mai (24 avril) 1764, dans le but de donner
une éducation aux jeunes filles de la noblesse russe afin qu'elles
deviennent des femmes instruites, de bonnes mères, et des personnes
utiles à la famille et à la société. C'est
l'une des figures éminentes de l'époque, Ivan Betskoï,
un érudit réformateur de l'éducation en Russie imbu
des philosophes du siècle des Lumières, qui fut à
l'origine de ce projet. Les locaux mis à la disposition de l'Institut
furent d'abord situés à l'intérieur du couvent Smolny.
Mais, au début du 19ème siècle, ces locaux étant
devenus inadaptés, il fut décidé de construire un
nouveau bâtiment dédié spécialement à
l'Institut. Les travaux furent confiés à l'architecte Quarenghi,
admirateur de la cathédrale, qui édifia le nouvel édifice
légèrement sur le côté, au sud du monastère.
L'Institut devait former les jeunes filles russes en s'inspirant des demoiselles
de Saint-Cyr de France; sa direction fut confiée pendant une trentaine
d'années à Madame de Lafon, une descendante de huguenots
chassés de notre pays lors de la révocation de l'Edit de
Nantes qui s'étaient réfugiés en Russie où
ils se livraient au commerce du vin. En 1917, comme on l'a déjà
dit, l'Institut servit de base à l'Assemblée des soviets
et au parti bolchevik; c'est de là que partit la révolution
d'octobre, après quoi, il devint le siège local du Parti
communiste et l'hôtel de ville. En 1927, une statue à Lénine
fut dressée devant l'immeuble. En 1934, Kirov y fut assassiné.
En 1991, il devint la résidence du gouverneur (maire) de Saint-Pétersbourg,
Sobtchak, dont un des proches collaborateurs fut Poutine, de 1991 à
1997.
2ème
jour : Saint-Pétersbourg - L'Ermitage - (Les
photos sont ici
)
A l'Ermitage, nous nous ajoutons à la longue queue qui s'étire le long de la façade, devant l'entrée. De l'autre côte de la Neva, on aperçoit l'île Vassilievski, où fut commencée la construction de Saint-Pétersbourg, facilement identifiable grâce à ses colonnes rostrales de couleur rouge, la belle couleur, surmontées de phares aujourd'hui sans autre utilité que festive. Le Palais d'Hiver, qui fut la résidence des empereurs de 1763 à 1917, s'élève en lisière nord de la place du Palais. C'est un édifice de style baroque et de plan carré entourant une vaste cour d'honneur. Il s'ouvrait sur la place par une grille en fer forgé. De nombreuses colonnes et demi-colonnes, pilastres, sculptures, vases et figures féminines placés sur le pourtour des toits, les fenêtres à petits frontons et les ressauts rythmant les façades conféraient à l'ensemble une indéniable élégance. La place du Palais devint la place de l'Ermitage au début du 18ème siècle. A cet ensemble fut ajouté, entre 1819 et 1829, par Carlo Rossi, le monumental Etat-Major qui vint fermer la place du Palais en face du Palais d'Hiver. L'architecture en est plus classique, mais ne détruit nullement l'harmonie de la place. Au milieu de celle-ci fut érigée, en 1834, par l'architecte français Auguste de Montferrand, la colonne monolithe de granit sommée d'un ange tenant une croix consacrée à Alexandre 1er. En janvier 1905, c'est sur cette place du palais d'hiver que la foule vint manifester sous les fenêtres du tsar, qui était d'ailleurs absent, avec le pope Gapone à sa tête. Cette manifestation, à caractère d'abord pacifique, fut violemment réprimée par les armes; elle déboucha sur la révolution de 1905 et fut qualifiée de dimanche sanglant; la répression accrédita dans l'opinion populaire l'image d'un tsar sanguinaire qui remplaça celle traditionnelle du tsar protecteur de son peuple. Le palais d'Hiver fait aujourd'hui partie du
complexe architectural du musée de l'Ermitage qui comporte cinq
bâtiments. Catherine II ordonna la construction d'un nouveau bâtiment,
le Petit Ermitage, complétant ceux du palais d'Hiver, pour y accrocher
sa collection de tableaux qui s'enrichissait sans cesse. Plus tard, Velten
édifia encore le bâtiment qui fut appelé le Vieil Ermitage
au milieu du 19ème siècle, après la construction du
Nouvel Ermitage destiné à recevoir les tableaux acquis entre-temps,
lequel devint un musée public en 1852. En fait, la fondation du
musée remonte à 1764, date de la première acquisition
d'une collection de tableaux par Catherine II. Aujourd'hui, avec ses trois
millions d'articles d'exposition, l'Ermitage compte parmi les plus importants
musées du monde, comme on l'a déjà dit ci-dessus.
Voici comment se constitua la collection de Catherine II. Johann Gotzkowski, un riche négociant berlinois, avait été chargé par le roi de Prusse Frédéric II d'acquérir pour la couronne une collection d'œuvres de maîtres anciens; mais, à la suite de la guerre de Sept ans, le trésor royal à sec, il fut contraint d'annuler sa commande; le commerçant, proposa alors les 225 toiles de maîtres de l'Ecole du nord et italiens qu'il avait réunies à Catherine II qui les acheta en 1764. En 1769, l'impératrice de Russie, joignit quelques 6000 dessins de la collection du comte de Cobenzl qui s'était ruiné au service des Habsbourg d'Autriche. La même année, elle acquit également des gravures, des dessins et 600 tableaux de peintres européens : Rubens, Titien, Watteau, Poussin, Brueghel, Belloto... provenant de la succession du comte Brühl, Premier ministre et favori d'Auguste III, roi de Pologne et électeur de Saxe. En 1172, ce fut au tour de la collection de Pierre Crozat, qui l'avait léguée à son neveu Antoine Crozat, de rejoindre l'Ermitage, Diderot étant chargé de mener à bien les négociations; Pierre Crozat, Trésorier de France à Montauban, dit le pauvre parce que moins riche que son frère Antoine, fondateur de la Louisiane, père du neveu cité ci-dessus, était un fin connaisseur de la peinture italienne (Ecole vénitienne), il possédait une importante collection d'oeuvres italiennes ainsi que de nombreuses toiles des Ecoles flamande et française ; ce sont donc de nouveaux tableaux de Le Nain, Poussin, Mignard, Watteau, Lancret, Chardin, Boucher, Raphaël, Giorgione, Titien, Véronèse, Rubens, Van Dyck... qui vinrent compléter une collection déjà très riche. En 1779, plus de 200 tableaux, furent achetés à George Walpole, petit-fils de Robert Walpole, Premier ministre des rois d'Angleterre George 1er et George II, ce qui renforça encore considérablement la peinture italienne et la peinture hollandaise. A partir de 1784 jusqu'à 1787, Catherine II se procura la collection de l'amateur d'antiquités Lyde Brown qui comportait de nombreuses pièces rares, romaines ou grecques, mais aussi des chefs-d'oeuvre plus récents, comme le Garçon accroupi de Michel-Ange. .
En 1837, le palais d'Hiver fut détruit par un incendie et fut reconstruit. Il subsiste néanmoins des vestiges qui sont parvenus jusqu'à nous pratiquement comme ils étaient au 18ème siècle : L'escalier d'honneur à double révolution, dit du Jourdain ou des Ambassadeurs, la décoration du salon de Malachite. Une fois à l'intérieur de l'Ermitage, notre guide nous rassemble, afin de nous emmener au vestiaire où les visiteurs les plus lourdement vêtus devront se délester d'une partie superflue de leur accoutrement (notamment parapluie et vestes aux larges poches). Ce cérémonial inspiré par la prudence se répétera à chaque visite. Notre guide nous donne rendez-vous à la fin de la visite dans le vaste hall d'entrée au cas où quelqu'un d'entre nous s'égarerait pendant la visite. Compte tenu de la presse qui règne dans ce lieu, ce rendez-vous ne m'inspire qu'une confiance limitée. Nous nous dirigeons vers l'escalier d'Honneur, appelé aussi escalier du Jourdain ou des Ambassadeurs; il est décoré dans un style baroque où dominent le marbre blanc et l'or, sauf les piliers du haut qui sont en marbre gris, la couleur des yeux de Nicolas 1er, qui fit reconstruire le château après l'incendie de 1837. Nous visiterons successivement un grand nombre de salles, parmi lesquelles la Petite Salle du Trône, la salle des Armoiries, la Galerie militaire de 1812, la Grande Salle du Trône, la salle du Pavillon du Petit Ermitage, la salle des Primitifs Italiens, la salle Léonard de Vinci, les Loges de Raphaël, la salle Michel Ange, les salles dédiées à la sculpture, la salle de la peinture espagnole, la salle de la peinture hollandaise, les salles de l'art français... Au passage dans la salle de danse, notre guide nous invite à remarquer l'étroitesse des portes en nous rappelant que des femmes en robes très larges pourvues d'une forte armature devaient les franchir; pour cela, elles étaient obligées de se présenter de profil et, malgré cette précaution, il arrivait parfois que les plus corpulentes y restent entravées, à leur grande confusion et à l'amusement proportionnel des autres invités de cour dont l'esprit était généralement plus porté à la moquerie qu'à la charité. Aux 17ème et au 18ème siècle, la gestuelle permettait de se passer des mots pour transmettre sa pensée à ceux qui savaient interpréter regards, couleurs et mouvements du corps. Il existait un langage des fleurs lorsque l'on s'adonnait à la pratique assez courante de l'offre d'un bouquet : la couleur blanche signifiait la pureté, c'est-à-dire l'amitié ou encore l'amour platonique ; la couleur jaune signifiait l'opulence et la richesse ; les couleurs roses ou bleues signifiaient la tendresse ; la couleur rouge signifiait la passion ardente. Une femme portant un foulard multicolore indiquait ainsi qu'elle était seule et disposée à accepter une nouvelle liaison ; il suffisait de la remarquer ostensiblement ; si elle ouvrait son éventail, elle accueillait favorablement les avances du cavalier qui l'avait distinguée ; ainsi se donnaient des rendez-vous convenus sans échanger la moindre parole. L'enchaînement des danses suivait un rituel immuable, d'abord une polonaise, ensuite une mazurka, pour terminer par un cotillon. Dans la Petite
Salle du Trône, reconstruite par Vassili Stassov, en 1842, on
peut voir derrière le trône, un tableau de J. Anconi, peint
vers 1730, représentant Pierre 1er en compagnie de Minerve, déesse
de la Sagesse. La vaste Salle des Armoiries (un millier de mètres
carrés) est facilement reconnaissable à ses colonnes dorées
et aux vasques qui l'ornent. Dans une salle voisine, consacrée à
la Galerie militaire
de 1812, sont exposés 329 tableaux, peints par George Dawe,
dans les années 1820, des militaires qui s'illustrèrent contre
la Grande Armée de Napoléon; on reconnaît parmi eux
notamment le généralissime Koutouzov, en grand format et
bien placé. La Grande Salle du Trône, appelée aussi
Salle Saint-Georges,
occupe une superficie de 800 m2; également reconstituée par
Vassili Stassov en 1842, elle est réputée pour la perfection
de ses dimensions; éclairée par des baies vitrées
sur deux niveaux, et bordée d'une colonnade de marbre, les décors
du plafond en cuivre doré se répètent sur le parquet
composé de seize essences différentes. Dans cette Grande
Salle du Trône, notre guide nous rappelle que le drapeau russe date
de Pierre le Grand en précisant qu'il choisit les couleur en s'inspirant
des représentations de Saint-Georges, patron de la Russie, le blanc
couleur de son cheval, le bleu couleur du ciel et le rouge couleur de son
manteau ; cette explication vaut ce qu'elle vaut, il en existe d'autres
Un peu plus loin, j'admire en passant, un meuble au décor finement
sculpté d'une multitude de personnages, de la dentelle de bois!
Dans la Salle du Pavillon du Petit Ermitage figure un ensemble de tables en mosaïque du milieu du 19ème siècle de goût italien, ainsi qu'une remarquable horloge du paon, oeuvre du mécanicien-orfèvre anglais Coxe, achetée en Angleterre en 1788 par Grigori Potemkine, ramenée en Russie en pièces détachées et reconstituée sur place par l'ingénieur Ivan Koulibine; cette horloge destinée à l'agrément plutôt qu'à l'exposition des heures comporte des figures animées par des mécanismes complexes : un paon, un coq, un hibou et un écureuil; son cadran est caché dans la tête d'un champignon; l'ensemble, fermée dans une cage de verre, n'est pas facile à photographier. Dans la même salle se trouve également une très belle mosaïque au sol avec une réplique reproduite sur une table; cette mosaïque, ornée en son centre d'une tête de méduse, est la copie d'une mosaïque antique du Vatican. La salle du Pavillon du Petit Ermitage, donne sur le jardin intérieur de Catherine II toujours bien entretenu. Dans les salles
consacrées à la peinture, une place très importante
est réservée aux Italiens; le passage dans la salle des primitifs
italiens me donne l'occasion de comparer leurs oeuvres à l'art
des icônes russe; je remarque une céramique de Luca della
Robbia (1400-1481) représentant la Nativité
du Christ. L'école de peinture italienne classique est représentée
par des chefs-d'oeuvre, La
Madone Conestabile de Raphaël, La Judith de Giorgione,
Le Saint-Sébastien et Danaé
du Titien, Le Jeune homme au luth du Caravage, L'Adoration des
mages de Véronèse, La Naissance de Saint-Jean-Baptiste
du Tintoret et surtout La Madone Benois et La
Madone Litta de Léonard de Vinci. Dans la salle Léonard
de Vinci on peut admirer également une très belle porte de
Boulle. Danaé du Titien, avec sa pluie de ducats, existe
dans plusieurs versions dont les autres se trouvent à Naples, Vienne
et Madrid; le sujet a par ailleurs été traité par
beaucoup de peintres. Je tire un cliché d'un tableau coquin et suggestif
qui représente un couple sur un lit dont la femme semble très
entreprenante. Le passage par les Loges
de Raphaël me rappelle Versailles et sa Galerie des Glaces, bien
que le décor soit très différent; ces loges sont une
reproduction fidèle de la galerie du Vatican du même nom;
leur copie sur place au 18ème siècle s'étala sur une
période de sept ans; les différents éléments
furent peints sur des toiles qui furent ensuite posées aux murs
de la galerie de l'Ermitage réalisée d'après un projet
de Quarenghi. Il faudrait citer encore bien d'autres oeuvres, comme Les
Saintes Femmes au tombeau du Christ d'Annibale Carrache ou comme
Bacchus et
Ariane de Guiseppe Bartolomeo Chiari, mais je n'ai malheureusement
pas retenu tous les noms d'auteurs. Au passage, je crois devoir dire un
mot du beau plafond à caissons de la Salle majolique italienne.
La sculpture n'a pas été oubliée. Au centre d'une salle ornée de fresques italiennes authentiques du 16ème siècle est placé Le Garçon accroupi, ou recroquevillé, de Michel-Ange : on admire comment l'habile sculpteur a su donner au marbre froid les formes d'un jeune corps musclé débordant de vie. Le Tireur d'épine de Guglielmo della Porta n'est pas très éloigné d'une peinture murale qui paraît lui donner la réplique; le thème souvent repris du tireur d'épine remonte à l'Antiquité, comme le prouve la statue datée du 1er siècle avant notre ère du Capitole de Rome; au moment de la Renaissance italienne, pour répondre à l'engouement qu'il remportait, plusieurs sculpteurs exploitèrent la veine; de nombreuses répliques se trouvent donc dans divers musées, notamment au Louvre; celle de l'Ermitage a toutefois une histoire quelque peu troublée; elle fit d'abord partie des collections du Palais Farnèse, puis fut envoyée à Naples, probablement à des fins de restauration, en 1787, et elle y était encore en 1796; en 1805, elle ne figurait plus sur les registres et avait donc mystérieusement disparu pendant la période de grands changements que traversait l'Italie à cette époque guerrière; on suppose qu'elle tomba entre les mains de Vivant Denon qui, en tant que directeur général du Muséum central des arts, le futur Louvre, chargé par Bonaparte de collectionner (c'est un euphémisme) les oeuvres d'art intéressantes des pays conquis, était bien placé pour se procurer les oeuvres qui lui plaisaient; elle aurait fait partie d'une vente des biens de Denon au milieu du 19ème siècle; à la fin du 19ème siècle, elle se retrouva à Berlin, puis elle disparut à nouveau définitivement, on le supposait, pour refaire surface dont ne sait quel naufrage, en 1929, à l'Ermitage. Dans une salle dédiée à Antonio Canova, le maître de la perfection classique des débuts du 19ème siècle, on découvre plusieurs très belles statues dont Les Trois Grâces, Madeleine pénitente, ainsi que Cupidon et Psyché, un groupe célèbre où le fils de Vénus, dieu romain de l'Amour, ranime Psyché par un baiser. Le mur derrière Cupidon et Psyché est joliment décoré de peintures dont certaines inspirées de scènes antiques. Citons également la sculpture de Lorenzo Lorenzetto, Garçon sur un dauphin, qui se trouve un peu seule dans une autre salle. Je ne manque pas de signaler la Verrière et son plafond bleu élégamment décoré qui ne peut pas laisser indifférent un curieux qui lève le nez, comme j'ai la faiblesse de l'être. Venons-en à la peinture espagnole, moins bien représentée, mais qui n'est toutefois pas absente, à preuve La mort de L'inquisiteur Pedro de Arbues, assassiné dans une église, de Bartolome Esteban Murillo, un des principaux représentants du Siècle d'or en peinture et le chef de file de l'école de Séville, second centre artistique de l'Espagne au 17ème siècle après Madrid. Il côtoie sur un mur Le Sermon de San Vincente Ferrer peint par Francisco Ribalta (1565-1628), un peintre de sujets religieux de la période baroque. Pour assurer la transition, invitons les visiteurs à admirer l'admirable plafond à caissons de la salle où sont exposés les tableaux hollandais. La peinture hollandaise et flamande est très bien représentée; la collection de peinture flamande compte plus de 500 tableaux représentant cent quarante peintres; une salle est consacrée à l'oeuvre de Rembrandt représentative de l'ensemble de sa carrière avec Le sacrifice d'Abraham, Flore, David et Jonathan, Danaé, La Sainte Famille, David et Urie, Le Retour du fils prodigue et Un vieil homme en rouge (peut-être un autoportrait). Rubens est représenté par plus de quarante oeuvres. Ces maîtres sont accompagnés par une foule d'autres peintres, notamment des paysagistes comme Ruisdael. La peinture française est aussi à l'honneur avec notamment Poussin (notamment Tancrède secouru par Herminèe qui lui fut inspiré par la Jérusalem délivrée du Tasse), Watteau (La marmotte ou le petit Savoyard), Fragonard, Chardin, Greuze, Gérard, Delacroix, Gros, David, Corot, les Impressionnistes, Degas, Cézanne, Guauguin, Matisse... La collection de l'Ermitage est même la plus importante du monde hors des frontières de notre pays. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps
de visiter les salles réservées aux impressionistes, pas
plus que celles des Antiquités et notamment les objets de la collection
sibérienne de Pierre le Grande version antique, ainsi que ceux de
la culture scythe.
En passant devant une fenêtre, on aperçoit la place du Palais avec des calèches en stationnement attendant les touristes et, en son milieu, la colonne Alexandre, sommée d'un ange et d'une croix, puis, de l'autre côté, les immenses bâtiments en hémicycle de l'Etat-Major, qui remplissaient cet office du temps des tsars, et qui abritent désormais les Impressionnistes; le centre de ces bâtiments est occupé par un arc-de-triomphe surmonté d'Athéna, déesse grecque casquée de la stratégie militaire conduisant un char à six chevaux fougueux maîtrisés à droite et à gauche par deux soldats armés d'une pique ; la déesse porte fièrement en main le symbole de l'empire russe; cet arc est décoré de trophées et de renommées couronnées de laurier, à la manière des arcs romains. L'ensemble a été érigé après la victoire sur Napoléon, en 1824. Selon les guides, l'arc est dit "tournant", c'est-à-dire doublé d'une partie formant un arc de cercle qui permet de passer du plan fixe à la courbe de la rue menant à la Perspective Nevski, artère principale de Saint-Pétersbourg, en conservant l'illusion d'une profondeur parallèle à la façade. Au moment de notre visite, les bâtiments de l'Etat-Major étaient à demi cachés par une sorte d'échafaudage dont j'ignore la fonction. La place du Palais est un lieu historique important de l'histoire russe; en 1905, les manifestants conduits par le pope Gapone, un agent de la police tsariste, venus dire au tsar leur misère y furent accueillis à coups de fusil, au cours d'un dimanche sanglant qui laissa deux milliers de morts sur le terrain; en mars 1917, c'est ici que Nicolas II prononça son discours d'abdication; en octobre de la même année, la prise du palais d'Hiver marqua le triomphe de la révolution bolchevique. Avant 1991, des manifestations et des parades militaires y comémorraient la révolution d'octobre. Avant que notre visite ne s'achève, nous passons dans une salle où se dresse la statue en marbre blanc de Voltaire. Cette statue du philosophe français, assis dans un fauteuil, compte parmi les pièces maîtresses de l'un des plus grands sculpteurs français du 18ème siècle, Jean-Antoine Houdon. Réalisée en 1781 pour Catherine II, elle fut livrée deux ans plus tard. Voltaire a posé pour Houdon peu avant sa mort. Le sculpteur lui a donné l'apparence d'un philosophe antique, avec des vêtements aux larges plis et à la splendeur majestueuse; ses mains reposent sur les bras du siège comme prêt à se lever, son cou est plissé et son visage ridé, stigmates de l'âge, mais son regard aigu est toujours ironique. La Grande Catherine, qui passait pour une souveraine éclairée par les philosophes du siècle des Lumières, recevait ces derniers à Saint-Pétersbourg, où Diderot la bourrait de coups aux cours de leurs entretiens, selon ses confidences épistolaires. Mais elle vécut assez pour voir les débuts de la Révolution française; elle en fut indignée et la tournure prise par les événements refroidirent beaucoup son admiration pour ses anciens amis; elle décida donc de faire briser en mille morceaux la statue de Voltaire; heureusement, Potemkine sauva ce chef-d'oeuvre de l'art français en le cachant sous un escalier. A une boutique de souvenirs, j'achète un ouvrage sur Saint-Pétersbourg et ses environs. Puis nous gagnons la sortie en traversant d'autres salles. Nous passons devant deux traîneaux d'apparat qui nous rappellent que ce moyen de transport fut longtemps utilisé pendant les longs hivers russes; c'est même sur un traîneau que Napoléon revint de Russie en 1812. J'ai encore le temps de prendre une photo d'une série de portraits au milieu desquels j'ai cru reconnaître Bagration, mort à la bataille de la Moskowa, ou de Borodino, comme disent les Russes, un des meilleurs généraux du tsar Alexandre 1er, bien que peu cultivé, et qui savait se faire aimer des soldats. Et l'heure est venue de quitter l'Ermitage, avec le regret de n'avoir pas tout vu, mais ce n'aurait été possible qu'en y consacrant au moins une semaine entière, et encore. On ne peut quitter l'Ermitage sans souffler
un mot de ses chats. Voici ce qu'en disait une page affichée au
niveau de l'accueil de notre bateau :
Nous déjeunons dans un restaurant en ville, à l'hôtel Moscou, dans une salle immense peuplée d'une multitude de tables rondes; on se sert à un buffet bien garni d'entrées, soupes, viandes ou poissons et desserts, selon la tradition, mais cela n'empêche pas des garçons de tourner autour des tables pour proposer des boissons; bref, un restaurant à touristes, à la nourriture correcte, mais où l'intimité laisse à désirer. Avant de prendre place à une table, comme je suis seul et que la plupart des autres sont en couples, j'attends que tout le monde soit installé pour ne pas séparer ceux qui veulent rester ensemble. Je prends la dernière place libre. Cela me vaut de faire la connaissance d'un couple avec lequel j'échange une conversation agréable et intéressante, de sorte que, entré le dernier à table... j'en sors aussi le dernier. 2ème jour : Saint-Pétersbourg - Les cathédrales - (Les photos sont ici ) . A quatorze heures, le repas terminé,
nous quittons l'hôtel Moscou pour rejoindre nos bus. Les groupes
se recomposent. Il y a ceux qui vont visiter le palais Catherine à
Pouchkine et ceux qui sont inscrits à la visite des trois cathédrales,
dont je fais partie.
Notre première cathédrale sera celle de la Résurrection-du-Christ (ou du Sauveur sur le Sang versé). En nous y rendant, nous passons devant le palais Mikhaïlovski ou palais Michel. Ce palais fut édifié par l'architecte Carlo Rossi en style classique, avec colonnades et fronton sculpté; ses facades sont de couleurs jaune clair; les colonnes blanches se détachent harmonieusement sur ce fond point trop vif. Il occupe une partie abandonnée de l'ancien jardin d'Eté. Il appartint au grand-duc Michel, frère cadet d'Alexandre 1er. Le 13 avril 1895, l'empereur Nicolas II décida de fonder un musée portant le nom de son prédécesseur Alexandre III; le 7 mars 1898, ce musée, abrité par le palais Michel et ses dépendances, était ouvert au public; ce musée, qui prit plus tard le nom de musée Russe, était alors une grande nouveauté dans un pays qui ne possédait toujours pas de musée d'art national. Deux lions de marbre, qui se font face parallèlement à la façade, se dressent sur leurs socles de part et d'autre de l'entrée. Devant, s'étend un square au centre duquel fut érigé, en 1957, un monument à la mémoire de Pouchkine, oeuvre du sculpteur pétersbourgeois M. Anikouchine. .
La cathédrale du Sauveur sur le Sang versé est située juste au bord du canal Griboïedov. Ce canal fut construit en 1739, sous le nom de canal Catherine, en l'honneur de Catherine 1ére de Russie. Il a été renommé canal Griboïedov en 1923, en mémoire de l'homme de lettres et diplomate qui habita entre 1816 et 1818 dans une maison au bord du canal. Il mesure 5km de long et atteint au maximum 32m de large. Il relie la Moïka à proximité du champ de Mars à la Fontanka, près de son embouchure, lorsqu'elle se jette dans la Néva. Il est enjambé par 21 ponts et passerelles, parmi lesquelles les élégants Pont aux Lions et Pont de la Banque. Après avoir quitté notre bus, nous nous rendons à pied à la cathédrale, entre le canal à notre gauche et des étalages de souvenirs à droite, en admirant les bulbes multicolores qui projettent sur le ciel une symphonie d'or et de couleurs, jusqu'à une petite place qui donne de l'air à l'édifice religieux de ce côté. Il y a grande presse; il est vrai que ce lieu fut fermé pendant une trentaine d'années pour travaux, jusqu'en 1997. Nous faisons le tour de la cathédrale pour nous retrouver sur la façade que nous avons aperçue le matin. C'est là que se délivrent les billets, presque en dessous d'un clocher vert surmonté d'un aigle bicéphale russe doré. La construction de l'édifice, les travaux de son aménagement et de son ornementation s'étalèrent sur vingt-quatre ans, de 1883 à 1907. Le coût fut plus élevé que prévu et le responsable des dépassements fut condamné et privé de ses biens. Alexandre III approuva le projet présenté par l'architecte Alfred Parland assisté de l'archimandrite Ignati (I. Malychev). A ce religieux appartient l'idée du plan général de l'édifice en forme de cinq pétales ouverts comme ceux des immortelles. Parland décida quant à lui de s'inspirer de la basilique de Saint Basile le Bienheureux de Moscou, considérée alors comme le symbole de l'architecture populaire russe. Le lieu de la construction, plus que les contraintes canoniques, imposèrent les particularités architecturales de l'église qui ne possède pas, comme il se devrait, d'entrée côté ouest, l'accès s'effectuant par les portes nord et sud du clocher. L'édifice s'élève à 81 m de haut et il couvre une superficie de 1642,5 m2. Des tailleurs de pierre, des peintres, des mosaïstes, des céramistes et des émailleurs collaborèrent à sa décoration. A l'extérieur, la mosaïque fut
largement employée; les coupoles furent recouvertes d'émaux
d'orfèvrerie et les toits pyramidaux de tuiles polychromes. A l'intérieur,
on ne trouve pas de peinture murale, les murs sont tapissés de mosaïques.
Les 308 mosaïques, occupant une surface de 6560 m2, constitue un ensemble
unique au monde. Outre les sujets religieux, les armoiries des villes et
des provinces russes, visibles sur les murs du clocher, ont été
réalisées en recourant à cette technique. L'assemblage
des mosaïques fut confié principalement à des ateliers
russes et à quelques ateliers étrangers. Les cartons furent
exécutés par une équipe de peintres de plus de 25
artistes. Victor Vasnetsov créa les panneaux intérieurs du
Sauveur et de la Vierge à l'enfant. Mikhaïl Nesterov exécuta
celui de la Sainte Face avec des Saints et la composition de la Résurrection
sur les façades ainsi que d'autres mosaïques à l'intérieur.
Nikolaï Kharmalov réalisa 42 mosaïques dont le Christ
pantocrator du plafond de la coupole centrale, image du Sauveur dans son
corps glorieux par opposition à son corps terrestre. Andrei Riabouchkine
et Vassili Beliaev participèrent également à la décoration.
Une représentation eucharistique de la Cène, d'après
un carton de N. Kharlamov, s'éloigne des clichés historiques
traditionnels, le Christ y offre, de la main droite, le pain à ses
disciples (Ceci est mon Corps) et, de la main gauche, il leur tend une
coupe de vin (Ceci est mon Sang, celui de l'Alliance répandu pour
vous), sans aucune allusion à la trahison prochaine de Judas.
A l'intérieur, somptueusement décoré, nous nous arrêtons d'abord devant le Ciborium, une construction à quatre colonnes surmontées d'une sorte de baldaquin érigé à l'emplacement de l'endroit où le tsar Alexandre II fut mortellement blessé par une bombe anarchiste. Cette construction, qui symbolise la sainteté de ce lieu d'expiation, fut exécuté en pierres dures de l'Oural et de l'Altaï, rhodonite, jaspe et serpentine par les maîtres de l'usine de polissage de Kolivan, en Altaï, et des tuileries d'Ekaterinbourg et de Peterhof. Notre guide nous fournit quelques explications à propos de ce monument. Alexandre II abolit le servage mais sans transmettre les terres aux paysans et cette réforme incomplète ne fut pas jugée suffisante par les opposants radicaux au tsarisme. Les paysans pouvaient certes acheter des terres, à crédit sur 40 ans, mais peu de gens possédaient les moyens suffisants pour ce faire. Au surplus, ces terres n'appartenaient pas complètement à leur acquéreur qui n'en obtenait guère que le droit d'usage. Les terres étaient confiées à une sorte de collectivité villageoise déjà existante : le mir. Ensuite, nous sommes invités à admirer le décor intérieur de l'édifice. On peut y voir une pierre de Sibérie qui possède la particularité intéressante d'être d'un beau gris foncé agrémenté de reflets bleus. L'icônostase, sorte de barrière entre le sanctuaire, où se tiennent debout les fidèles, et l'autel, où seuls peuvent entrer les officiants, a été fabriqué à Gênes par les artistes italiens de la société Novi. Au centre de l'icônostase se trouve une porte dorée, artistiquement décorée, appelée la porte du Tsar, presque toujours fermée. Autour de cette porte sont disposée plusieurs rangées d'icônes, les patriarches étant placés en haut et le saints locaux en bas. Les murs et les plafonds sont couverts de céramiques toutes plus belles les unes que les autres; mon regard est attiré par plusieurs représentations du Christ, bien sûr le Christ pantocrator de la coupole centrale, mais aussi un Christ entouré de ses disciples (je suppose), un Christ les bras grand ouverts, un Christ le Livre à la main ornant des plafonds voûtés, et encore une nativité décorant un mur. Tout cela entouré d'une foison d'anges et saints. Avant de sortir de la cathédrale, je demande à notre guide pourquoi Stolypine, dont mon fils a connu une descendante sur les bancs de l'école primaire, est toujours aussi populaire en Russie. Elle n'en sait pas plus long que moi sur ce premier ministre de Nicolas II qui favorisa le développement du groupe social des paysans riches, sinon qu'il s'agissait d'un idéaliste. Stolypine se montra répressif contre les fomenteurs d'attentats qui l'avaient d'ailleurs visé lui-même et lui avaient tué deux de ses enfants. Mais il favorisa la formation de capitaux russes pour développer l'économie, et tenta quelques timides réformes sociales en supprimant les mirs et en créant un système d'assurances pour un prolétariat urbain qui accueillit mal cette initiative laquelle entraînait une réduction de ses maigres salaires pour payer les cotisations. Entre le canal Griboïedov et la cathédrale, à l'arrière de celle-ci, les curieux peuvent entrevoir de loin l'emplacement d'une croix miraculeuse autrefois très populaire mais qui est aujourd'hui interdite au public. Nous nous éloignons de la cathédrale
du Sauveur sur le Sang versé par le même chemin que celui
par lequel nous y sommes venus, mais cette fois-ci avec le canal à
notre droite et les marchands du Temple à notre gauche. Nous allons
maintenant aller à pieds jusqu'à la cathédrale de
Kazan, qui ne se trouve pas très loin, en empruntant la perspective
Nevski. Je remarque une enseigne au nom évocateur, symbole de l'ouverture
de Saint-Pétersbourg sur l'Occident : Mama Roma. Le temps est nuageux
et plutôt sombre.
La cathédrale de Kazan, construite en 1801-1802, est une oeuvre de l'architecte A. Voronikine. Sa façade donnant sur un parc à la forme incurvée d'une ample portion de cercle dont les extrémités sont constituées de deux portiques monumentaux ouverts. Au devant du portique de gauche s'élève une statue du feld-maréchal Koutouzov, oeuvre du sculpteur B. Orlovski, érigée en 1837; au devant de celui de droite se dresse une statue du maréchal Barclay de Tolli. Une colonnade courant tout le long de la façade masque le corps de l'édifice dont l'entrée évoque celle d'un temple antique, librement inspiré de Saint-Pierre de Rome. Entre les colonnes, dans des niches voûtées blanches, aménagées symétriquement de place en place, s'élèvent des statues de couleur foncée. Une autre colonnade de même dimension devait la doubler à l'arrière de l'édifice. Mais elle ne fut jamais construite. Cette colonnade en arc de cercle confère à la fois de la légèreté et de la solennité à l'ensemble. Elle était également conçue pour mettre en harmonie l'édifice religieux avec la prestigieuse artère qui passe devant son parc, la perspective Nevski. .
La perspective Nevski n'a pas bénéficié d'emblée du statut qui est aujourd'hui le sien. Au début de la construction, les principaux travaux furent cantonnés aux abord de la Néva et sur l'île Vassilevski. Ce n'est qu'en 1738, qu'elle reçut son nom et fut choisie pour être l'artère principale de Saint-Pétersbourg. Bien que les maisons qui la bordent aient été construites à différentes époques, elles sont toutes presque à la même hauteur. Il y a une raison pour cela : un oukaze de 1762 règlementant la hauteur maximale des maisons de pierre qui ne devaient pas dépasser celle du palais impérial. Grâce à cette contrainte, les messages lumineux envoyés du toit du palais d'Hiver pouvaient parvenir sans encombre à tous les relais qui les transmettaient aux résidences de campagne; on annonçait par ce systèmes de sémaphores les divers endroits se rendait le souverain et ceux qui l'accompagnaient. Dans un souci de tolérance, Pierre le Grand voulut que dans sa nouvelle capitale, chacun de ses sujets puisse disposer d'un lieu de culte pour pratiquer sa religion. Si la synagogue et la mosquée ne se trouvent pas sur la perspective Nevski, l'avenue abrite un certain nombre d'églises non orthodoxes : l'église réformée hollandaise, le temple luthérien Saint-Pierre, l'église catholique Sainte-Catherine, l'église arménienne… Une vraie "rue des tolérances religieuses" selon Alexandre Dumas. Vers la fin du 19ème siècle, la perspective Nevski devint la rue des affaires, la rue commerçante de la capitale. La richesse s'y accumula dans des édifices nouveaux conformes aux goût d'une nouvelle époque. La rue symbolisa alors l'entrée de la Russie dans l'ère industrielle marquée notamment par les initiatives d'Alexandre III en faveur du développement rapide de la puissance économique de la Russie. En 1835, Gogol consacra une nouvelle à cette prestigieuse artère, théâtre de la comédie humaine de la capitale russe. Aujourd'hui, elle reste la rue à la mode, en quelque sorte les Champs Elysées de Saint-Pétersbourg. Elle est bordée de beaux immeubles, c'est là que les élégants et les élégantes viennent faire leurs courses, les badauds se promener, les oisifs voir et se montrer. .
L'intérieur de la cathédrale est divisé en trois nefs par une double colonnade qui lui confère une allure palatiale. La nef centrale domine les nefs latérales tant par sa largeur que par sa longueur. Les baies du tambour de la coupole centrale déversent une lumière qui accentue l'effet d'espace. Les colonnes monolithiques de porphyre, aux chapiteaux et bases de bronze doré finement ciselée, donnent une impression de richesse et de puissance. Les meilleurs peintres et sculpteurs russes participèrent à la décoration de ce qui devait être le temple des arts russes de l'époque. La cathédrale abrite une relique de l'église orthodoxe russe : l'icône de la Vierge de Kazan. Après la prise Kazan par Ivan le Terrible, le 1er octobre 1552, jour de Notre Dame de Toutes les Protections, la population musulmane tolérait mal l'arrivée des colons orthodoxes. En 1579, la Vierge serait apparue opportunément en rêve à une fillette et lui aurait indiqué la présence d'une icône perdue la représentant. La découverte miraculeuse de cette icône, après un incendie qui ravagea la ville, raffermit la foi et entraîna la construction de nombreuses églises dans tout le pays. Cette icône fut invoquée à de multiples reprises dans l'histoire russe, pour sauver la Russie de l'invasion étrangère, de Dimitri Pojarski, le libérateur de Moscou en 1612, à Koutouzov, et même, dit-on, à Staline. Le feld-maréchal Koutouzov, vainqueur de Napoléon grâce au général Hiver, selon son expression, repose dans la cathédrale. Sur deux piliers, situés de part et d'autre du tombeau, sont disposés des drapeaux enlevés à l'armée française pendant la retraite de 1812. Les photos à l'intérieur de la cathédrale étaient interdites. J'avoue avoir triché, mais sans excès et discrètement : la qualité des clichés s'en ressent. Entre la cathédrale et la perspective Nevski une petit parc étale sa verdure et offre ses bancs pour le repos des passants. Sur la gauche, on aperçoit l'immeuble Singer, marque bien connue de machines à coudre, surmonté d'une coupole en forme de pomme de pin qui se termine par deux femmes portant un globe. Cet immeuble se dresse au croisement du canal Griboïedov et de la perspective Nevski. La cathédrale
Saint-Isaac,
la troisième dont la visite est à notre programme, est assez
éloignée de la cathédrale de Kazan. Elle se dresse
à proximité de l'Amirauté et de la célèbre
statue de Pierre le Grand, érigée en 1782, qui fut le premier
monument de ce genre à Saint-Pétersbourg. Cette oeuvre magistrale
du sculpteur français Falconet, appelée le "cavalier d'airain",
fut commandée par Catherine II pour le vingtième anniversaire
de son règne; on peut lire sur le socle cette simple inscription
: "A Pierre Ier, de Catherine II, 1782". Elle ne repose que sur
deux points d'appui et représente le tsar étendant sa main
protectrice sur son empire, monté sur un cheval cabré
qui se dresse sur un rocher symbole des obstacle que le souverain a surmonté.
On pourrait presque l'imaginer, comme Pouchkine, parcourant la cité
par une nuit de tempête. Cette statue est si célèbre
que nos guide n'estimèrent pas nécessaire de nous y arrêter
pour l'admirer de près. Nous ne fîmes que passer devant à
plusieurs reprises.
A proximité de la cathédrale, patiente une voiture à cheval qui ressemble à un oeuf de Fabergé. Au devant le l'édifice religieux s'étend la place du même nom, qui date de la même époque que la cathédrale. A peu près au centre de cette place, s'élève une statue de Nicolas 1er, et au fond, derrière cette statue, on aperçoit le palais Mariiski, construit à l'intention de sa fille Marie, qui abrite aujourd'hui la mairie. Nous aurons l'occasion d'y revenir. La réalisation de la cathédrale
Saint-Isaac fut confiée à l'architecte français A.
Montferrand. Cet édifice religieux, de 101,5 m de haut occupant
un hectare, nécessita des dépenses énormes et un travail
gigantesque. Son édification dura 40 ans (1818-1858). Il fallut
résoudre le délicat problème de faire supporter par
un terrain alluvionnaire et marécageux la masse colossale que représentait
le poids de l'édifice (300000 tonnes!), de ses murs et de ses piliers
monumentaux. Pour cela, il fut nécessaire d'élaborer des
techniques spéciales. L'ensemble architectural repose ainsi sur
des pilotis (10000!) profondément enfoncés dans le sol et
du plomb fondu fut utilisé pour en stabiliser les fondations.
Des maquettes
de quelques-uns des impressionnants moyens employés ainsi que de
l'évolution de l'architecture des lieux du culte russes sont visibles
à l'intérieur de la cathédrale. Dès l'abord,
en montant les marches de la cathédrale, on est frappé par
la grosseur des piliers violets de la colonnade qui borde sa façade.
Une belle porte sculptée attire l'attention des visiteurs.
L'espace intérieur, trop volumineux, se prêtant mal à l'obtention d'une température stable et normale, l'idée d'un décoration sur toile fut abandonnée au profit de la mosaïque. La technique des mosaïques qui ornent les murs est si parfaite qu'elle fut mentionnée lors de leur présentation à l'Exposition universelle de Londres en 1862. La cathédrale est couverte, selon les canons grecs, par une haute coupole centrale à clocheton entourée de quatre coupoles plus petites. Elle occupe le troisième rang au monde après Saint-Pierre de Rome et Saint-Paul à Londres. Elle est la quatrième à porter le nom de Saint-Isaac. De plan rectangulaire, le corps de l'édifice est agrémenté de quatre portiques à colonnes qui agrandissent visuellement un espace déjà plus que conséquent. L'ensemble est abondamment décoré intérieurement et extérieurement de motifs sculptés (plus de 350). L'intérieur surprend par ses dimensions (4000 m2), par la profusion de ses dorures, de sa décoration et la combinaison harmonieuse de ses marbres. Un rôle important est tenu par le marbre coloré, la malachite, la lazulite et la dorure qui confèrent à la fois richesse et solennité, sans oublier les sculptures, les peintures et les mosaïques intelligemment accordées à l'architecture. Ce qui frappe d'emblée dès l'entrée, ce sont les dimensions majestueuses de l'espace intérieur, l'énormité des piliers et la profusion des décors. Lorsque nous l'avons visitée, la porte
de l'icônostase était ouverte ce qui permettait de voir l'autel
et un vitrail représentant le Christ derrière lui. La cathédrale
fut fermée sur ordre des autorités communistes en juin 1928
et transformée en 1931 en musée de l'athéisme jusqu'en
1937, où elle devient un musée d'histoire et de l'art. Elle
est aujourd'hui ouverte au culte et un office y était d'ailleurs
célébré dans une chapelle au moment de notre visite;
mais elle reste cependant un musée, où l'on peut voir, outre
les maquettes des travaux déjà citées, des maquettes
de la cathédrale et d'autres édifices religieux qui l'on
précédée; c'est qu'une question cruciale se pose;
cette question est rappelée par une affiche apposée sur l'un
des murs : qui paiera l'entretien de l'édifice en cas de suppression
du musée? L'église orthodoxe russe en a-t-elle les moyens?
Pour le moment, c'est la ville de Saint-Pétersbourg qui en assume
la charge et le transfert total de ce lieu du culte devenu musée
à l'Église semble controversé. J'ai remarqué
une belle porte intérieurement couverte de sculptures, la statue
de l'architecte Montferrand, une cène et plusieurs très belles
autres décorations.
Sur le chemin du retour au bateau, nous nous arrêtons à la Place Ostrovski. Cette place passe pour être le chef d'oeuvre de l'architecte Carlo Rossi qui aménagea la partie abandonnée et déserte de l'ancien jardin d'Été, un des plus beaux lieux de Saint-Pétersbourg. L'ensemble architectural s'ouvre sur la perspective Nevski et sur une autre rue moins importante reliant la place Ostrovski à la place Lomonossov. Au début, à l'est de la place Ostrovski furent construit deux pavillons servant d'arsenal au palais Anitchkov dont il sera question plus tard. A la construction de ce palais, situé sur la Fontanka, à hauteur du pont Anitchkov, participèrent plusieurs architectes, dont Rastrelli. Le palais était destiné à l'impératrice Elisabeth Petrovna, fille de Pierre le Grand qui l'offrit à son favori, avec lequel elle se serait secrètement mariée, le comte Razoumovski. En 1832 fut édifié le théâtre Alexandrinski, un bâtiment de style classique, conçu par Rossi pour être l'élément central de l'ensemble de son projet. La façade de ce théâtre est agrémenté d'une colonnade et de deux gloires aîlées sculptées en bas-relief sous l'attique; ce dernier couronne la façade d'un quadrige conduit par Apollon. Le théâtre est flanqué à droite et à gauche par de très beaux immeubles. Au centre du square, on érigea, en 1873, un monument à Catherine II, avec à ses pieds ses contemporains célèbres (les mauvaises langues disent ses amants!) Au croisement de la perspective Nevski et de la rue Malaï Sadovaïa, à proximité de la Douma (parlement), se trouve la célèbre maison Elisseïev, une épicerie fine, le Fauchon russe, qui fut bâtie par une dynastie de fameux commerçants particulièrement avisés; pendant l'ère soviétique ce magasin de luxe devint le Gastronome n°1; il avait son pendant à Moscou. L'édifice qui l'abrite, construit par Gavriil Vassilievitch Baranovski, au début des années 1900, emblème de l'art nouveau à rapprocher de l'immeuble Singer, choqua beaucoup certains contemporains; parmi les sculptures qui ornent les façades, on peut y voir celle d'un petit chat que les Russes s'empressèrent de baptiser Elysée (Elisseï en russe). Un théâtre satirique fondé en 1929, et dirigé alors par David Gutman, s'y trouve également; en 1931, ce théâtre prit le nom de Théâtre de la Comédie et il porte aujourd'hui celui du metteur en scène N. Akimov. . De retour au bateau, nous prenons un peu de repos, après une journée bien remplie. A partir de 18h45, à l'heure de l'apéritif, les bars Sonate et Concerto sont ouverts au pont n° 4. A 19h30, voici venue l'heure du repas; je perds mes voisins de table, c'est dommage car j'avais commencé à lier connaissance avec eux; mais j'aurai l'occasion de les retrouver; nous n'étions que trois à une table de six; cinq autres personnes sont arrivées, je serai le sixième convive, et mes voisins d'hier soir sont déplacés vers une autre table. J'agrémente mon repas d'une vodka, en prévision de la longue soirée qui m'attend. A 21h15, un film est diffusé à la télévision, ce soir Les tsiganes gagnent le ciel, durée 1h41. A 23h10, départ pour Les nuits blanches de Saint-Pétersbourg. Je n'ai pas voulu rater cela. Je me suis inscrit. 2ème jour : Saint-Pétersbourg - Les nuits blanches - (Les photos sont ici ) A environ 20h30, nous embarquons dans le bus
pour notre promenade nocturne. Ce n'est pas le crépuscule, et encore
moins l'aube; peut-être un jour très sombre, et même
pas, une ambiance étrange, avec pour fond un ciel bleu très
foncé, tavelé de quelques nuages, une atmosphère presque
irréelle. Nous retournons sur des lieux visités pendant la
matinée; prétendre que nous allons les découvrir sous
un autre jour ne serait pas approprié puisque, justement, il ne
fait plus tout à fait jour, et pas encore tout à fait nuit,
une sorte d'entre deux quelque peu fantastique. Il y a encore beaucoup
de monde dans les rues.
Nous voici devant le monastère Smolny. La cathédrale blanche et bleue, voilée d'une légère brume quasi virtuelle, se projette, pareille à un fantôme de pierre, sur un ciel intensément bleu où traînent quelques nuées en une vision magique qu'il est presque impossible de décrire. Le pont et le palais Anitchkov, le théâtre Alexandrinski et les belles maisons qui l'entourent, vivement éclairées, font paraître le ciel plus foncé. La lumière conjuguée avec l'ombre confère un relief particulier au quadrige et aux deux gloires ailées au sommet de la façade du théâtre. La place Ostrovski est plongée dans une obscurité qu'accentuent la noirceur des frondaisons des arbres qui l'ombragent; on ne distingue plus les détails de la statue de Catherine II. Nous découvrons maintenant Saint-Nicolas-des-Marins, avec son campanile séparé qui se dresse au bord du canal Krioukov que parcourt un bateau, sur une eau moirée qui réfléchit les lumières et paraît pensive dans ses profondeurs. Les arbres qui jalonnent les berges du canal ont perdu les couleurs du jour. Le clocher et le corps de la cathédrale, blanche et bleue, se détachent nettement sur le ciel nuageux toujours d'un bleu foncé très soutenu. La cathédrale Saint-Isaac nous montre son visage nocturne. Nous nous promenons sur la place, autour de la statue de Constantin 1er, dont les détails sont occultés par l'ombre qui les enveloppe (toutes mes photos seront ratées). Puis nous nous rendons à l'endroit où tout le monde va ce soir, c'est-à-dire en un lieu propice pour observer l'ouverture d'un pont. Les cars de touristes y pullulent; la presse est grande, et il est difficile de trouver une place sur un endroit élevé pour ne pas être gêné par la foule des bus et des personnes. De l'autre côté de la Néva, nous apercevons la flèche de l'Amirauté et la cathédrale Saint-Issac; j'en conclus que nous nous trouvons sur l'île Vassilievski et que notre pont cible est le pont Dvortsovy. Nous patientons un moment avant que le pont ne daigne lever ses deux bras devant l'Ermitage, pour inviter les navires à le franchir; c'est le moment que tout le monde attendait : les appareils photographiques ne chôment pas! Une fois rassasié de ce spectacle, nous reprenons notre excursion à travers la ville qui ne dort jamais, semble-t-il, en cette période. Nous passons devant le croiseur Aurore, une relique de la révolution d'octobre; c'est lui qui, en tirant un coup de canon, donna le signal de l'assaut du palais d'Hiver; à cette heure, ses couleurs pâles, blanchâtres et verdâtres, lui donnent l'apparence d'un spectre. Et puis voici un autre pont, celui-ci couché, très blanc sous la lumière artificielle de ses réverbères, et sur l'eau de la Néva, sombre, réfléchissante et pensive, comme celle du canal Krioukov. Puis c'est un autre pont ouvert, mais d'un seul bras, comme s'il était manchot. Enfin, nous nous arrêtons sur un quai d'où l'on aperçoit le pont Pierre-le-Grand, très caractéristique, avec ses tours centrales et ses deux arches symétriques. En dessous de nous, à fleur d'eau, un pêcheur à la ligne surveille son bouchon. Nous nous attardons ici un peu pour bénéficier encore de ces instants de grâce. J'éprouve au fond de moi un soupçon d'insatisfaction car j'ai conscience de n'avoir pas saisi totalement toute la magie, toute l'émotion, toute la profondeur psychologique de ces nuits si courtes qui doivent laisser inévitablement leur empreinte dans l'âme de ceux qui les vivent pleinement. Pour cela, il faudrait sans doute flâner plus longtemps et surtout plusieurs jours dans cette ville où il y a tant à découvrir que l'on n'en épuise sans doute jamais tout le charme. Vers 2h30, alors que l'aube point, nous retournons à notre bateau. Ainsi se clôt cette longue journée. 3ème jour : Saint-Pétersbourg - Peterhof - (Les photos sont ici ) Réveil musical à 6 heures. La
nuit a été vraiment courte, un peu plus de trois heures!
Petit déjeuner de 6h à 7h15. Rituel de l'échange de
clé contre les écouteurs à l'accueil. Départ
pour Peterhof à 7h15.
Le Palais de Peterhof est l'un des principaux joyaux du bracelet de résidences impériales et princières qui ornent la capitale des tsars comme autant de satellites scintillants ayant chacun leur propre caractère. Ce palais fut la résidence préférée de Pierre le Grand qui pensait en faire le symbole des changements qu'il impulsait en Russie. Il en choisit l'emplacement au bord de la mer, à mi chemin de Saint-Pétersbourg et de Kronstadt, à l'emplacement d'une première résidence modeste édifiée en 1705 pour suivre les travaux de cette dernière citadelle. Le large édifice s'élève entre deux jardins, le jardin du haut et le jardin du bas, qui couvrent ensemble une superficie de plus de cent hectares. Le tracé des premiers plans fut d'abord confié à l'architecte français Le Blond; mais le palais fut remanié, en 1747, sous le règne d'Élisabeth 1ère, par l'architecte Francesco Bartolomeo Rastrelli qui déploya tout son talent pour en faire un ouvrage grandiose, puis il subit d'autres transformations sous Catherine II, et il n'est pas certain qu'aujourd'hui l'illustre tsar le reconnaîtrait pour sien. Quoi qu'il en soit, les architectes qui participèrent à l'élaboration des jardins surent admirablement tirer profit des accidents du terrain et créer un ensemble architectural harmonieux et unitaire, bien que composé de nombreux pavillons, fontaines, cascades et statues. Nous abordons la visite par le jardin du haut qui s'étend sur 15 hectares. Il s'agit d'un parc régulier, avec des bosquets des deux côtés d'un vaste parterre gazonné central coupé de bassins ornés de statues, et quatre gloriettes ainsi que quatre berceaux couvrant les allées. Dès l'entrée, nous apercevons, au bout d'un vaste parc, un château étendu et majestueux qui rappelle tous ceux qui furent inspirés par Versailles, lequel donnait le ton à une époque où le roi soleil éblouissait l'Europe entière. C'est le Grand palais. Chemin faisant nous passons devant le Bassin de Neptune dont la statue s'élève au centre d'un vaste cercle d'eau orné d'autres statues. La présence du dieu de la mer rappelle le goût prononcé de Pierre le Grand pour les affaires de la marine. Ce bassin est la principale fontaine du jardin du haut. L'eau vient des hauteurs de Ropcha par un système de canalisation conçu pour garantir un débit élevé et constant. Le dénivelé entre les deux jardins est suffisant pour que cette eau passe du jardin du haut jusqu'aux cascades du jardin du bas et alimente les jets d'eau uniquement par son propre poids. Le temps est maussade et quelques gouttes de pluie font leur apparition tandis que notre guide nous invite à former une file d'attente devant l'entrée du château. Nous sommes auprès de la mer et les ondées sont fréquentes. Nous ne visiterons pas l'intérieur du palais nous contentant de le traverser dans sa largeur pour nous retrouver de l'autre côté, sur une terrasse qui surplombe le jardin d'en bas. Un escalier double monumental, qui encadre des cascades, mène jusqu'au niveau inférieur, où se trouve un vaste bassin avec, en son milieu, la statue de Samson déchirant la gueule du lion (1801, sculpteur M. Kozlovski, architecte A. Voronikhine, coulage E. Ekimov); ce groupe symbolise la victoire de la Russie sur la Suède à la bataille de Poltava, le 27 juin 1709, jour de la Saint-Samson l'Hospitalier. Les deux ailes de l'escalier, les larges paliers qui interrompent parfois les marches et les cascades sont décorées de nombreuses statues dorées; on n'en compte pas moins de 38, accompagnées de 213 bas-reliefs ; Galatée y voisine avec Persée tenant en main la tête de la Méduse, avec une débauche de personnages divers inspirés de l'antique, de nymphes et d'amazones ; l'ensemble est somptueux. On ne peut qu'être émerveillé, bien que les jets d'eau soient muets ; on ne jouira du plein effet, qu'en fin de matinée, lorsqu'aura lieu le cérémonial en musique de leur ouverture ; rendez-vous est pris d'ores et déjà pour cet événement que nul ne veut manquer. En bas de l'escalier double, celui-ci est prolongé
par deux allées qui longent le Grand Canal, lequel s'avance en direction
de la Baltique. Nous empruntons l'allée de gauche. Un premier
bassin apparaît à notre gauche. Il contient une sorte
de carrousel animalier pour l'instant au repos ; il illustre une fable
de La Fontaine ayant pour thème un petit chien courant après
des canards et nous initie à ce goût pour les mécanismes
bizarres et la farce-attrape qui reste l'un des traits saillants du caractère
de Pierre-le-Grand. La suite de la visite ne démentira pas cette
première impression. Un peu plus loin, une pancarte
revêtue de plusieurs photos révèle aux visiteurs quel
était l'état de Peterhof après la retraite des armées
allemandes.
Arrivé à un carrefour de l'allée principale avec une allée transversale qui lui est perpendiculaire, notre guide nous montre, à bonne distance au bout de l'allée transversale, un charmant pavillon qui porte le nom de Marly (1720-1723, architecte J. Braunstein), un hommage à Louis XIV. Nous sommes invités à aller le voir de plus près, pendant le temps libre qui nous sera laissé après l'ouverture des jets d'eaux. Il paraît que le déplacement vaut la peine. J'évalue la distance et je l'estime excessive pour mes vieilles jambes d'ancien globe-trotter à la retraite. A ce carrefour, une pancarte informe les amateurs qu'il est possible de pêcher des esturgeons et/ou d'en apprécier la chair dans un restaurant. Mon esprit pratique n'a pas retenu les détails de cette offre qui ne nous était pas destinée : le temps nous est compté trop étroitement pour rêver à ce genre de distraction qui suppose un assez long séjour. Nous prenons la partie droite de l'allée transversale en franchissant le Grand Canal sur un pont et nous avançons vers la Baltique en écoutant les commentaires de notre guide, partie au sujet des lieux, partie à propos de la vie dans la Russie d'antan. Une statue blanche de la mère de l'humanité, Eve (1718 – sculpteur D. Bonazza), domine l'allée en haut d'une colonne qui s'élève au centre d'un bassin oblongue agrémenté de plusieurs jets d'eau (architecte N. Michetti); derrière le bassin, un pavillon genre temple grec à colonnade dorique, un peu défiguré par un grillage anachronique, marie sa couleur immaculée à celle de la statue. Adam n'est pas en compagnie d'Eve, mais il n'est pas absent du jardin. Il se trouve dans la même allée, de l'autre côté du Grand canal, en allant vers Marly, et symétriquement à Eve par rapport au canal. C'est peut-être lui que nous avons aperçu peu distinctement, au loin, dans l'allée allant vers Marly, avant de franchir le Grand Canal. La présence en ce jardin des deux premiers humains bibliques amène inévitablement à évoquer le Paradis terrestre. Tout au long de notre visite, notre guide nous prodigue les informations que lui inspirent les endroits que nous traversons ainsi que de nombreux détails intéressants sur la vie à l'époque de Pierre le Grand et à celles de ses successeurs. Les courtisans de Pierre le Grand se disputaient l'honneur d'aller vider la chaise percée du souverain. Les dames, avec leurs larges robes alourdies par une armature rigide, éprouvaient évidemment beaucoup de difficultés pour faire leurs besoins. Elles emportaient avec elles des sacs conçus pour faciliter discrètement la chose ; des servantes les accompagnaient pour aller vider les sacs ayant rempli leur office. A cette époque la mode féminine était aux chignons hauts copieusement ornés, de sorte que le beau sexe semblait porter un pot de fleurs sur la tête ! Hommes et femmes se poudraient, ce qui les couvrait de farine. Les repas commençaient invariablement par des fruits ou les mets les plus sucrés, en quelque sorte le dessert, ce qui entraînait des caries qui édentaient précocement les gens de la haute société. Le cure-dents, et a fortiori le fil dentaire, étaient inconnus : on se curait avec la pointe des couteaux, quand il y en avait. Le clergé encourageait l'ivrognerie, en rappelant le proverbe russe : "Satan dehors, la vodka dedans !" Les ablutions étaient peu fréquentes et la plupart des gens, y compris à la cour, grouillaient de poux ; ils portaient toujours avec eux un bâton qui leur servait de grattoir. Le tsar Pierre le Grand fut considéré comme un bon père parce qu'il avait mis à mort son fils dans le secret de sa prison, ce qui avait évité à ce prince la honte d'être exécuté publiquement sur un échafaud ! Sur ces dernières paroles instructives de notre guide, nous arrivons sur les bords de la Baltique. Ici, la mer est peu profonde, une grosse touffe d'herbes aquatiques inclinées par la brise l'atteste en dépassant largement la surface de l'eau, mais les marées n'en étaient pas moins destructrices jusqu'au début du 20ème siècle. Saint-Pétersbourg connut à plusieurs reprises la pénible expérience d'en faire les frais. C'est pourquoi les autorités se préoccupèrent des moyens à employer pour mettre fin à ces calamités depuis longtemps (voir un mémoire rédigé dans ce but au 19ème siècle ici). Aujourd'hui des mesures ont été prises pour éviter le retour de ces catastrophes. Nous apercevons les îles sur lesquelles la nouvelle capitale de l'empire fut construite, de l'autre côté du Golfe qui sépare Peterhof de ces îles. Un traversier touristique venu sans doute de Saint-Pétersbourg se dirige vers un embarcadère accompagné d'un joli pavillon jaune et blanc situé sur notre gauche. L'eau de cette mer est peu salée. On s'y baigne en été, à la température d'environ 10° ; je me souviens m'être mis à l'eau dans des conditions à peine plus favorables sur la côte nord-est des États-Unis, dans le courant du Labrador ; la première fois, j'en suis sorti avec la célérité d'une balle qui rebondit sur un sol dur ; mais on s'y habitue. En hiver, l'eau de la Baltique gèle et, s'il existe des amateurs de bains réfrigérants, ce qui n'est pas mon cas, il leur faut briser la glace ! Nous longeons le bord de mer et passons devant une nouvelle statue de Neptune en bronze avant d'atteindre Monplaisir (on pense au Sans Souci de Frédéric le Grand). Ce nom évocateur a été donné à un complexe pavillonnaire particulièrement élégant dont le corps central d'un seul niveau est flanqué de deux galeries vitrées, dont l'une à vue sur la mer ; ces galeries sont surmontées d'une rangée de balustres blancs ; les pavillons mansardés, couverts d'une toiture rouge vif, tranchent agréablement sur la verdure ambiante. Pierre le Grand aimait se retirer dans cet endroit bucolique pour y vivre en boyard campagnard, au bord de la mer, en compagnie de sa seconde femme. Celle-ci était une lituanienne de basse extraction et de petite vertu, elle était de confession catholique et dut se convertir à l'orthodoxie pour devenir tsarine ; mais le maître de la Russie appréciait tant ses charmes et ses talents culinaires, qu'il en fit la tsarine Catherine 1ère, qui ne régna d'ailleurs que deux ans (1725-1727) ! Au surplus, elle savait se montrer désintéressée et n'hésita pas à utiliser ses bijoux pour acheter les émissaires turcs, tirer ainsi le tsar d'une situation dangereuse et obtenir une paix avantageuse pour la Russie. A Monplaisir, cette femme analphabète, qui allait pourtant occuper le trône, cuisinait elle-même les repas servit à son époux, Pierre le Grand, en toute simplicité. Dans la pièce principale de cette gentilhommière, la salle de Parade, on menait joyeuse vie. Le tsar y organisait des fêtes qui tournaient souvent à la débauche. On n'observait à table nulle retenue et on ne respectait aucune pudeur. Lors du baptême de Pierre Petrovitch, à la table des hommes, un énorme gâteau fut servi d'où sortit soudain, pareille à Vénus émergeant des flots, une naine nue qui se mit à déblatérer et à multiplier les toasts; à la table des femmes, ce fut un nain dans le costume d'Adam, sans feuille de vigne. Tout l'assistance était ivre, femmes comprises. Pierre le Grand obligeait ses convives à boire jusqu'à la dernière goutte la coupe du Grand Aigle qui témoignage encore de ces orgies. A proximité de Monplaisir, le grand tsar, qui souhaitait acculturer la noblesse russe, avait fait construire un pavillon qui accueillait de jeunes nobles. Ils y entraient pour apprendre les bonnes manières. Ces étudiants d'un genre particulier étaient soumis à une discipline quasi militaire. Ils devaient respecter des règles très strictes, édictées par le tsar, comme de ne pas fumer dans leurs chambres ou de ne pas se coucher tout habillés et non débottés. Pierre le Grand veillait lui-même à l'observance de sa réglementation en se rendant sans prévenir, dès que l'envie lui prenait de passer une revue de détails dans les chambrée. Les contrevenants pris en flagrant délit de négligence à l'égard du règlement étaient immédiatement châtiés à coups de canne, sur le dos et les fesses, administrés par le tsar lui-même, une sorte de géant qui frappait avec la vigueur d'un bûcheron. Un peu plus loin, au milieu de la verdure, s'élève un pavillon où Pierre III relégua son épouse délaissée, la future impératrice Catherine II. Ce tsar fut très certainement imprévoyant en isolant ainsi une femme à l'intelligence aussi vive, à l'ambition aussi grande et à l'appétit sexuel aussi fort. Elle pouvait y recevoir sans entrave son amant, Orlov, et fomenter avec lui le complot qui allait détrôner Pierre III pour porter sur le trône Catherine II la Grande, avec l'aide indispensable d'une partie de l'armée. Catherine jouait gros, mais il faut reconnaître que, compte tenus des moeurs de la cour russe, sa disgrâce pouvait lui laisser craindre le pire. Elle avait fait planter plusieurs arbres auprès de sa résidence forcée. On peut encore les y voir. Les Allemands ne les ont pas abattus pendant la Seconde guerre mondiale ; peut-être cette rare indulgence fut-elle une sorte d'hommage rendu à une grande impératrice russe qui fut à l'origine une princesse allemande. Ce qui est certain, c'est que le pavillon lui-même fut entièrement détruit et que sa reconstruction n'est pas encore achevée. En revenant vers les cascades pour assister à leur mise en haut, nous rencontrons, à un carrefour, une belle statue de Pierre le Grand qui semble fièrement regarder le jardin de Peterhof, son oeuvre, du sommet d'un haut piédestal. Nous allons maintenant pénétrer dans le monde de la mécanique, des illusions et des amusements aux dépends d'autrui dont Pierre le Grand était friand. Tous les mécanismes ne fonctionnent plus correctement. Mais certains sont encore actifs. Le dispositif comporte toujours un piège attrayant supposé attirer le visiteur fatigué qui souhaiterait prendre un peu de repos à l'ombre de frais feuillages, ou sous l'auvent d'une rotonde. Le piège prend alors naturellement les allures d'un siège accueillant. Mais il réserve à l'imprudent qui s'y aventure quelques surprises. En marchant sur des cailloux boutons poussoirs, il déclenche un jet d'eau, ou bien, en s'asseyant sur le banc de marbre qui encercle le pied d'un champignon, le chapeau protecteur de ce dernier se transforme soudain en pomme d'arrosoir, et la malheureuse victime des plaisanteries du prince en sort copieusement trempée (Fontaine du Petit Champignon, 1735, sculpteur C. Rastrelli, fontainier, P. Sualem). Mais il est vrai que, à l'époque de Pierre le Grand, les courtisans qui se battaient pour avoir le grandissime honneur de jouer le rôle de vidangeur de l'auguste chaise percée du maître, devaient éprouver beaucoup de bonheur à lui offrir le plaisir de les voir mouillés comme des poules d'eau après lui avoir permis de vérifier que ses farces fonctionnaient toujours. Toutes les fontaines, et elles sont nombreuses,
ne sont pas piégées. C'est par exemple le cas de la Fontaine
de la Gerbe (1721-1723 –architecte N. Michetti) qui fut réalisée
à partir des esquisses de Pierre-le-Grand lui-même ; c'est
également le cas de la Fontaine Soleil (1721-1724, architecte N.
Michetti – 1772-1776, architectes Y. Velten et I. Yakovlev), qui se compose
d'un disque doré tournant d'où rayonnent de fins jets d'eau
scintillants, ou encore la Fontaine Pyramide (1721-1724), d'où s'élève
d'un socle, en haute et épaisse pyramide bouillonnante, une forte
colonne d'eau jaillissant de plus de 500 buses.
Sur une butte naturelle devant nous dégringolent les eaux de la Cascade des Dragons (Montagne de l'Échiquier) (1737-1739, architectes M. Zemtsov, I. Blanck, I. Davydov, sculpteur H. Ossner). Cette cascade est surmontée de trois dragons peints dans le goût chinois ; elle est ensuite constituée de plusieurs paliers en pente dont le sol est décoré à la façon d'un échiquier ; en bas, s'ouvrait naguère une grotte sur un amas de pierres moussues à demi masquée par un rideau d'eau ; cette grotte est fermée depuis la Seconde guerre mondiale ; De part et d'autre de la cascade, des statues de marbre blanc, réalisées dans des ateliers italiens, lui forment une haie d'honneur. Au pied de la cascade se dressent, à gauche et à droite, deux fontaines romaines installées dans la première moitié du 18ème siècle ; leurs éléments étaient initialement en bois, mais ce matériau fut remplacé par du marbre à la fin du 18ème siècle ; les faces du socle de ces fontaines sont décorés de motifs dorés ; leur forme rappelle celle des fontaines à deux niveaux de la place Saint-Pierre à Rome. Nous nous dirigeons ensuite vers l'Orangerie. Devant le bâtiment s'étend un bassin dont le centre est occupé par une statue dorée d'un Triton déchirant la gueule d'un monstre marin, oeuvre du sculpteur A. Tarsia, datant du début du 18ème siècle. Au moment de la mise en eau des cascades, il y a foule autour d'elles. Les places sont chères. On pourra voir, mais il sera difficile de photographier sans saisir les têtes du premier rang, des têtes qui bougent au surplus et vous gâchent un beau cliché ! Derrière le spectacle des eaux dansantes, dans les rayons d'un soleil qui daigne enfin participer à la fête, et en musique, on voit se déployer la façade entière du Grand Palais avec à ses ailes, à droite, le Corps des Armoiries surmonté de l'aigle bicéphale, et à gauche l'église aux coupoles dorées. L'aigle bicéphale domine le bâtiment à une hauteur de 27 m et un dispositif spécial lui permet de tourner sur son axe comme une girouette ; c'est pourquoi cet aigle est pourvu de trois têtes afin que l'on puisse toujours voir d'en bas deux têtes, quelle que soit sa position. Une fois la cérémonie de la mise en eaux achevée, je n'envisage pas d'aller courir jusqu'à Marly. Je me contente du calme d'une allée avant de rejoindre le lieu du rendez-vous fixé à notre groupe, au portillon de sortie situé à côté de l'église, un endroit facile à trouver. J'y arrive en avance et en profite pour prendre la photo d'une grande carte de Peterhof qui orne la grille dans laquelle s'ouvre la sortie. Une fois le groupe reconstitué, nous regagnons à pied notre bus sur une distance assez longue. Nous aurons l'occasion ainsi de d'entrevoir la cathédrale des Saints-Pierre-et-Paul, en cours de rénovation, une imitation de Saint-Basile, comme la cathédrale de la Résurrection sur le sang versé. La construction de cette cathédrale commença le 25 juillet 1895 sur un projet de l'architecte N. Sultanov qui s'inspira des formes des églises russes des 16ème et 17ème siècles. Après quoi, nous irons déjeuner au restaurant "Palais d'été", vers 12h30. Puis, ceux qui ont retenu cette option, et j'en suis, partiront pour une promenade sur les canaux, prévue à 13h30. 3ème jour : Saint-Pétersbourg - Une promenade sur les canaux - (Les photos sont ici ) Saint-Pétersbourg, c'est 42 îles,
60 rivières et cours d'eau se jetant dans l'embouchure de la Néva,
75 canaux, plus de 400 ponts (dont, suivant les sources, 79 ou 218 réservés
aux piétons; 244 en béton, 128 en métal, 18 en pierre,
10 en bois...). La Venise du Nord est encore plus impressionnante que celle
du Sud, mais dans un autre style, et sous un autre climat, non moins envoûtants.
C'est un véritable musée à ciel ouvert où l'eau
occupe 7% de la superficie de la cité!
Nous embarquons sur le canal de la Fontanka. Ce canal était autrefois une rivière marécageuse, large mais peu profonde (entre 2 et 3 m), bordée de roseaux. On n'avait pas jugé à propos de lui donner un nom. Elle fut baptisée Fontanka lorsque Pierre 1er, le Grand, eut fait utiliser son eau pour alimenter les fontaines de son Jardin d'Été. Elle fut ensuite aménagée par Catherine II, la Grande, et ses quais furent recouverts de granit en 1780-1789. A notre gauche nous voyons d'abord sur le quai, le théâtre Tovstonogonov qui porte le nom d'un célèbre metteur en scène du 20ème siècle d'origine géorgienne. Il fut créé à l'initiative de Maxime Gorki, après la révolution d'octobre, et porta d'abord le nom de cet écrivain. C'est un édifice dans le goût soviétique, d'un style mélangeant le classique et le baroque, avec une façade peinte en vert pastel. Très rapidement, au passage d'un pont, nous apercevons un jeune garçon qui nous fait de grands signes des deux bras, au milieu de l'enjambement, comme pour attirer notre attention et nous saluer. A peine passés sous le pont, nous le voyons courir vers le pont suivant, pour nous y réserver le même accueil. Et ce manège, sympathique pour nous, mais sans doute quelque peu éprouvant pour le jeune homme, va durer jusqu'au pont Pantéleïmon qui se trouve au confluent du canal de la Moïka dans la Fontanka. Toujours sur le quai
de gauche, nous atteignons bientôt la place
Lomonossov. Cette place est entourée de bâtiments néoclassiques.
Elle appartient à un ensemble qui comprend aussi la place Ostrovski,
dont on a déjà parlé. Les deux places sont reliées
par une rue portant le nom de Carlo Rossi, créateur de l'ensemble.
Un grand bâtiment en hémicycle borde la place Lomonossov.
Il abrita jadis le ministère de l'Instruction publique. Au
milieu de la place, parmi des arbres, s'élève un buste de
Mikhaïl Lomonossov, un scientifique russe qui créa l'Université
de Moscou, oeuvre de P. Zabello, érigée en 1892. Au niveau
de la place, le pont Lomonossov franchit la Fontanka. Ses tourelles en
granit, surmontées de dômes édifiées entre 1785
et 1787, abritaient le mécanisme d'ouverture du pont. Celui-ci a
été reconstruit en 1912, mais les tourelles ont été
conservées.
Plus loin, avant d'arriver au pont Anitchkov, reconnaissable à son quadrige de chevaux, nous apercevons sur la rive droite la masse rose du palais Belosselski-Belozerki abondamment décorée de statues et de colonnes blanches. Le premier propriétaire de ce palais fut le comte Alexandre Belosselski-Belozerski, descendant d'une famille de princes kiéviens enrôlés au servis de Pierre le Grand. Ce dignitaire au temps de Catherine II, cultivé et talentueux, collectionnait les oeuvres d'art. Le dernier propriétaire fut le grand-duc Dimitri Pavlovitch. Le palais, complètement restauré, est occupé aujourd'hui par le Centre municipal de la Culture. En face de lui, mais sur l'autre rive, s'étant l'imposant palais Anitchkov à colonnade blanche. Le palais est situé sur un terrain qui avait initialement appartenu à Antonio de Vieira, un des étrangers qui faisaient partie du cercle rapproché de Pierre le Grand. Le palais tient son nom du pont Anitchkov qui traverse à cet endroit la Fontanka. Il a été construit dans un style baroque flamboyant pour servir de résidence principale à la future impératrice Élisabeth. Il a peut-être été conçu par les architectes Bartolomeo Rastrelli et Mikhaïl Zemtsov, mais on ne dispose pas de preuve. La façade fait face à la Fontanka. Les travaux de construction durèrent treize ans et, lorsqu'ils furent achevés en 1754, le palais fut offert par l'impératrice à son favori qu'elle aurait épousé secrètement, le comte Alexis Razoumovsky. Après le décès de celui-ci, le palais revint dans le domaine impérial mais fut aussitôt offert par la Grande Catherine à son favori le prince Grigori Potemkine. L'architecte Ivan Starov fut chargé, en 1778-1779, d'effectuer d'importantes modifications pour en faire un bâtiment de style néoclassique. Le palais fut doté à la même époque d'un jardin conçu par le paysager anglais William Hould. Après le décès de Potemkine, le palais fut rendu à la couronne. Les dernières modifications importantes furent effectuées sous le règne de l'empereur Alexandre 1er par Giacomo Quarenghi qui réalisa la salle du cabinet impérial le long de la perspective Nevski. Ce dernier bâtiment fut construit dans un style rigoureusement néoclassique qui, pour certains, s'accommode mal avec le reste du palais. Trois ans plus tard, Alexandre céda le palais à sa soeur la grande duchesse Hélène. Plusieurs architectes ont travaillé par la suite sur le bâtiment dont l'intérieur était régulièrement refait. Le futur Alexandre III insuffla une nouvelle vie au palais. C'est là que son fils, le dernier empereur de Russie Nicolas II, passa ses années d'enfances. Le palais fut alors le cadre de nombreuses célébrations familiales, dont le mariage de la nièce de Nicolas, Irène de Russie, avec le prince Félix Youssoupov en 1914. On a souvent dit que la famille du dernier empereur, lorsqu'elle devait aller en ville - puisqu'elle résidait habituellement à Tsarskoïe Selo - préférait les appartements chaleureux du palais Anitchkov à sa résidence officielle au palais d'Hiver ; mais c'est la mère de l'empereur, Marie Féodorovna qui séjournait alors dans ce palais. Elle y résida jusqu'à la révolution de février, date à laquelle le ministère de l'approvisionnement s'y installa. Après la révolution d'Octobre, le palais Anitchkov fut nationalisé et devint un musée de la ville. À compter de 1934, devenu le palais des Jeunes Pionniers, il accueillit plus de cent clubs de jeunes et 10000 enfants. Aujourd'hui, il existe un petit musée à l'intérieur du palais, mais celui-ci n'est pas ouvert aux touristes, et ses salons sont loués pour des réceptions. Le pont Anitchkov fut construit en 1715 par Pierre 1er sur la grande route reliant la capitale aux autres routes de l'empire. Il permet à la perspective Nevski de franchir la Fontanka. Il fut l'un des premiers ponts de la ville et porte le nom du lieutenant-colonel qui dirigea son édification. Avant 1785, il était en bois; en 1847-1848, il prit à peu près son allure actuelle (architecte A. Stackenschneider). Il est orné de quatre groupes équestres réunis sous le thème du dressage des chevaux qui sont l'oeuvre du sculpteur Klodt. Après le pont Anitchkov, sur la rive droite, on aperçoit le palais Cheremetev (ou Cheremetiev), surnommé l'Hôtel de la Fontanka. Il fut construit, entre 1750 et 1755, par les architectes Sava Tchévakinski et Fiodor Argounov, dont on dit qu'ils étaient serfs du comte Cheremetiev, et qu'ils n'avaient le droit de travailler qui pour lui. Il est séparé de la Fontanka par une grille de fer forgée placée au bord du quai. Il abrite un Musée de la musique, en souvenir de la famille Cheremetiev, d'ancienne noblesse russe, qui par son mécénat contribua au développement de la musique russe. On peut également y voir un appartement-musée dédié à la poétesse Anna Akhmatova (1889-1966) (on peut lire un de ses poèmes ici). Ensuite, sur le quai gauche, un peu après le pont Belinskogo, un pont à trois arches sans rien de bien remarquable, nous découvrons un bâtiment moderne sommé d'une coupole, il abrite le cirque de Saint-Pétersbourg. Ce cirque, l'un des plus ancien et des plus réputé de Russie, fut construit en 1827. On y produisit d'abord des spectacles théâtraux à côté des spectacles de cirque. En 1877, il fut reconstruit par le célèbre architecte Kennel. Le premier spectacle dans le bâtiment rénové eut lieu en décembre 1877. Pendant l'époque soviétique, le cirque devint l'un des lieux de spectacles favoris des familles et de leurs enfants. Des artistes de tous les pays vinrent s'y produire. En 2014-2015, le cirque fut fermé pour une nouvelle rénovation. Il peut accueillir aujourd'hui 1800 spectateurs. Ce cirque organise des tournées à l'étranger; l'une d'elle a eu lieu en France en 2017. Sur la rive droite continue de se dérouler une litanie de beaux hôtels particuliers. Notre guide nous parle d'une famille noble qui en possédait trois d'affilée. J'ai malheureusement oublié le nom de cette famille. Dans chacun des trois luxueux bâtiments vivait une génération de la famille. Un peu plus loin, nous longeons le palais Mikhaïlovski dont il a déjà été parlé. La façade qui donne sur la Fontanka est très différente de celle qui ouvre le musée Russe sur le square au milieu duquel s'élève la statue de Pouchkine (un poème de cet auteur est ici). Là-bas, le fond de la façade était jaune; ici, il est rose et le milieu de la façade est marqué par la présence d'une tour à coupole et lanterneau surmontée d'un drapeau. La promenade sur les canaux permet de voir Saint-Pétersbourg sous un autre jour qu'à travers les rues. Nous voici au confluent de la Moïka avec la Fontanka, face au pont Pantéleïmon, assez caractéristique avec ses ornements dorés qui ressemblent à des trophées. C'est ici que notre jeune et courageux coureur va nous faire ses adieux. Ce pont passe pour l'un des plus beaux de Saint-Pétersbourg. Il repose sur quatre portiques. La largeur de son tablier est d'environ 15 m. La hauteur des portiques avoisine 7 m, dimension qui a pour double objet de leur conférer des proportions harmonieuses et de donner aux chaînes et à l'ensemble de la construction des points de suspension suffisamment élevés. La flèche des chaînes mesure le dixième de l'ouverture du pont. Les portiques sont d'ordre semi gothique; cinq colonnes à empâtement, d'environ 6,5 m de haut, d'un diamètre variant d'un peu moins de 30 cm à la base à un peu moins de 20 cm au sommet, constituent les éléments principaux de chacun des portiques; ces cinq colonnes sont soutenues par vingt quatre jambes de force en fer forgé qui les lient par le haut à la grande corniche où sont fixées les cinq caisses portant les chaînes. La fonte a environ 2,5 cm d'épaisseur. La jetée principale est formée de dix chaînes en fer forgé qui supportent le tablier. Après le pont, sur la rive gauche de la Fontanka, s'étend un assez grand espace boisé interrompu par endroit par de charmants pavillons construit au bord du canal. C'est ce qui reste du jardin d'Été de Pierre le Grand dont les fontaines, rappelons-le, donnèrent son nom au canal. Le dernier de ces pavillons, situé à hauteur du dernier pont sur la Fontanka, avant que celle-ci ne se jette dans la Néva, est le palais d'Été de Pierre le Grand, construit en 1711-1712 (architectes A. Sclüter, D. Trezzzini). Après avoir franchi le pont, on se trouve sur le large fleuve avec, sur la gauche, le pont Troïtski et, derrière lui, la flèche et les coupoles dorées de la forteresse Pierre-et-Paul. Nous allons maintenant poursuivre notre promenade en exécutant une boucle sur la Néva, d'abord en remontant vers la droite, puis en revenant et en passant une première fois sous le pont Troïtski, puis en tournant de 360° degré, pour repasser sous le pont Troïtski, et terminer notre périple là où la Fontanka rejoint la Néva. Nous apercevons d'abord la réplique d'un voilier à trois mats tels que pouvaient en utiliser les marins hollandais lorsqu'ils venaient commercer à Saint-Pétersbourg, avant d'être supplanté par les Anglais. Mon regard est ensuite attiré par une sorte de bâtiment flottant, échoppe, bar, ou quoi d'autre? je ne saurais le deviner, à cette distance, car nous sommes de l'autre côté du fleuve. Derrière ce bâtiment flottant non identifié, se dresse en terre ferme un joli édifice aux façades colorées; celle qui donne sur la Néva est en bleu et elle est bien décorée; la seule autre que nous voyons est en ocre rouge. Derrière ce bâtiment s'élève haut dans le ciel la flèche d'une église blanche et bleue. Nous nous dirigeons vers le croiseur Aurore, que nous avons déjà vu de nuit. Mais, avant de l'atteindre, nous longeons un interminable bâtiment de très belle facture classique que je ne suis pas parvenu à identifier. En arrivant à proximité du croiseur Aurore, nous voyons plus loin le pont Sampsonievsky jeté sur la Grande Néva. Nous avons tout le loisir de bien observer le croiseur Aurore puisque nous effectuons à sa hauteur notre virage de retour vers le pont Troïtski. Son apparence vue de jour est loin d'être aussi fantomatique que sa vision nocturne. Il semble bien entretenu pour un bâtiment si ancien, vestige de la révolution d'octobre; les Russes paraissent ne pas oublier leur histoire (voir quelques éléments de l'histoire de la Russie ici)! Et, personnellement, je leur donne raison : l'oubli de l'histoire est le début de l'incompréhension de l'époque où l'on vit et le premier pas vers la décadence. En nous éloignant du croiseur Aurore, nous passons devant un bâtiment typique de l'époque soviétique, situé sur notre droite, avec à son sommet un groupe rituel à cette époque : celui d'un soldat et d'un ouvrier. Nous revenons donc vers le pont Troïtsky et nous voyons à nouveau le voilier à trois mats à l'ancre sur la Néva, mais sous un autre angle. Le pont Troïtski ou de la Trinité se distingue par ses colonnes rostrales surmontées de l'aigle à deux têtes. Ce pont levant, conçu par l'ingénieur français Paul Bodin, fut construit par la Société de construction des Batignolles. La première pierre fut posée en présence de l'empereur Nicolas II et du président de la République française Félix Faure, le 24 août 1897. Il fut inauguré en 1903, pour le bicentenaire de Saint-Pétersbourg. Au passage sous ce pont, nous apercevons au loin une des colonnes rostrales de l'île Vassilievski que nous avons déjà vue depuis l'entrée de l'Ermitage. Nous longeons les murs de la forteresse Pierre et Paul, mais assez loin de ceux-ci. Puis nous faisons à nouveau demi tour pour revenir passer sous le pont Troïtski en nous dirigeant vers l'embouchure de la Fontanka. Avant de franchir le pont, sur la rive du jardin d'Été de Pierre 1er, j'admire un très beau bâtiment que je ne suis pas parvenu non plus à identifier. Au loin, derrière des arbres, nous apercevons bientôt le bulbe bleu d'une mosquée. Nous voilà de retour devant le dernier pont sur la Fontanka, là où elle mêle ses eaux à la Néva. Ce pont creux servit autrefois de prison, comme l'indiquent les barreaux qui ferment ses fenêtres. Les emprisonnés y souffraient du froid et de l'humidité, sans parler des autres mauvais traitements; ils y mouraient spontanément, ce qui dispensait Pierre le Grand d'avoir à les faire exécuter. Notre promenade sur les canaux achevée, nous rejoignons notre bus pour revenir au bateau. Chemin faisant, je remarque un bâtiment classique surmonté d'une rotonde, d'une couleur verdâtre pâle, qui semble avoir les faveurs des pigeons; je ne l'ai pas identifié. Sur la place de l'Insurrection, au croisement de la perspective Nevski et de la perspective Ligovsky, se dresse un obélisque dédié aux héros de la ville; cet obélisque, édifié en 1985, pour le quarantième anniversaire de la victoire de 1945, est l'oeuvre de Vladimir Loukianov et d'Alexandre Alymov; il honore les défenseurs de Léningrad pendant la Seconde guerre mondiale. En nous éloignant du centre de la ville, j'aperçois un complexe industriel de l'époque soviétique assez pimpant qui paraît néanmoins à l'arrêt. A 18h45, heure de l'apéritif, les bars Sonate et Concerto sont ouverts. Le cocktail du jour s'appelle Kalinka. Pour ma part, je me contenterai d'une bouteille d'eau minérale pour la nuit, comme tous les soirs. A 19h30, c'est l'heure du dîner, au restaurant Symphonie. Je suis seul à ma table; je prends un verre de vin rouge russe. Mes voisins habituels sont partis à un spectacle folklorique et ne dîneront que plus tard, à leur retour, prévu à 22h30. A 21h30, sur la chaîne n° 4 du téléviseur de ma cabine, je pourrais voir le film Anna Karénine, d'une durée de 2h08. Mais je préfère lire des ouvrages sur la Russie avant de m'endormir. 4ème jour : Saint-Pétersbourg - Une promenade en ville - l'île Vassilievski - (Les photos sont ici ) Réveil musical à 7 heures. Petit déjeuner entre 7h et 8h30 au restaurant Symphonie. Échange de la clé contre les écouteurs. Départ pour un tour de ville en autobus à 8h30. Chemin faisant, notre guide continue à
nous parler de la Russie. Sous Staline, un ouvrier pouvait s'acheter du
caviar; ce met de luxe était à la portée de toutes
les bourses. Aujourd'hui, c'est devenu impossible; le caviar est réservé
aux gens fortunés; d'ailleurs, il n'y en a presque plus. Après
la disparition de l'Union soviétique, les ressources en esturgeons
ont été exploitées sans retenue par les nouveaux États
indépendants du bord de la Caspienne; cet or noir fut même
employé pour corrompre des dirigeants de l'Union européenne,
sous le nom de diplomatie du caviar! Résultat, les ressources ont
été rapidement épuisées et il faut maintenant
tenter de les reconstituer. Le sujet du caviar épuisé, notre
guide passe à celui du bois. Le bois joue un très grand rôle
dans l'activité économique du nord de la Russie. C'est un
matériau qui sert à bien des usages et qui constitue une
source de devises appréciables depuis longtemps. Cela me remet en
mémoire que la marine anglaise se pourvoyait en bois en Russie sous
Napoléon et que cela rendit le blocus continental très défavorable
à l'empire des tsars. Selon certains auteurs, ce fut même
une des causes de la guerre de 1812 qui se termina si mal pour la France.
Alexandre 1er, sentait en effet monter une sourde hostilité à
son encontre de la part de la noblesse russe qui souffrait de ce blocus
et il craignait de subir le même sort que son père, Paul 1er,
assassiné à la suite d'un coup d'État peut-être
fomenté par le cabinet de Londres, en raison de sa politique pro-française.
Le tsar mit donc fin au blocus continental en 1811, et dès lors
la guerre avec la France était devenue inévitable. Notre
guide nous précise même que la sciure de bois est utilisée
en Russie dans certains bains, non seulement elle nettoierait la peau en
profondeur mais lui apporterait aussi de précieux nutriments contenus
dans le bois.
En longeant la Néva, nous apercevons, de l'autre côté du fleuve, la forteresse Pierre-et-Paul que nous allons visiter dans la matinée. Puis nous passons derrière la cathédrale Saint-Isaac, à demi masquée par des arbres, avant de nous rendre sur la place du même nom, sur laquelle nous sommes déjà venus, de jour et de nuit. La monumentale cathédrale Saint-Isaac fut construite, on l'a déjà dit, en même temps qu'était aménagé la place du même nom au centre de laquelle se dresse la statue équestre de Nicolas 1er, oeuvre du sculpteur P. de Klodt (1856-1858). Cette statue est en quelque sorte le pendant de la statue de Falconet, le cavalier d'airain, à la gloire de Pierre le Grand, qui se dressait déjà sur la place du Sénat, aujourd'hui place des Décembristes, de l'autre côté de la cathédrale Saint-Isaac. Derrière la statue de Nicolas 1er, s'élève le palais Mariiski, oeuvre de l'architecte A. Stackenschneider, 1839-1844, offert par ce tsar à sa fille aînée Maria, comme cadeau de noces, de sorte que les mauvaises langues disent que le souverain montre ainsi la queue de son cheval à la princesse. Le socle de la statue est orné de plaques de bronze sculptées représentant des scènes historiques. Entre 1817 et 1820, à l'orient de la cathédrale fut érigé, sur les plans de Montferrand, l'hôtel particulier Lobanov-Rostovski. A l'est de la place s'élèvent aussi les hôtels Astoria et Angleterre. Des bâtiments administratifs ont été également construits à la faveur d'un élargissement de la place qui est aujourd'hui entourée d'immeubles imposants. Notons que cette place est partiellement occupée par des jardins plantés d'arbres qui introduisent une note de verdure entre la statue de Nicolas 1er et la cathédrale. Enfin on rattache à la place Saint-Isaac le pont Bleu, le plus large de la ville avec ses 97,3 m, qui se trouve vers le palais Mariiski, mais que nous n'avons pas visité. De la place Saint-Isaac, nous gagnons la cathédrale Saint-Nicolas-des-Marins, que nous avons déjà vue de nuit. Cette cathédrale, construite au milieu du 18ème siècle, est un bel exemple du baroque russe avec sa façade blanche et bleue, ses colonnes corinthiennes, son fronton et ses cinq coupoles dorées. Édifiée par Élisabeth 1ère en l'honneur des marins, la cathédrale est dédiée à Nicolas de Myre, patron des gens de mer. Elle contient plusieurs plaques commémoratives en l'honneur des marins disparus en mer, notamment lors de la guerre russo-japonaise au début du 20ème siècle. Désaffectée comme tant d'autres dans les années 1930, elle est devenue un musée consacré aux conquérants des pôles russes et soviétiques. Le musée de l'Arctique et de l'Antarctique a fait rêver depuis 1937 des générations d'écoliers russes. En 1967, la messe des morts y fut célébrée pour l'enterrement de la poétesse Anna Akhmatova. Depuis la fin de l'URSS, il est régulièrement question de rendre l'édifice au culte. C'est la Néva, petit fleuve (74 km) émissaire du lac Ladoga, qui a façonné la physionomie de Saint-Pétersbourg. Elle est omniprésente dans le centre-ville, où l'on ne peut aller bien loin sans croiser sa route ou celle de quelque canal. A proximité de Saint-Nicolas-des-Marins se trouve justement un carrefour de canaux et l'on ne manque pas d'y rencontrer, comme sur les bords de la Néva, deux ou trois pêcheurs. De la cathédrale Saint-Nicolas-des-Marins, nous nous dirigeons vers l'île Vassilievski. Au passage, nous revoyons la place du Palais, la colonne Alexandre et l'Etat-Major. A la pointe orientale de l'île Vassilievski, la Strelka (en russe, « flèche ») marque l'endroit où le fleuve se sépare en deux bras pour former la Grande et la Petite Néva, qui chacune se jettent dans le golfe de Finlande. Dès le début de la construction de la ville, l'île Vassilievski fut choisie comme centre de la future capitale. Il était donc prévu, qu'à l'imitation d'Amsterdam, elle serait pourvu d'un réseau de canaux qui l'assécherait. En fait, le projet initial ne fut jamais totalement achevé. Mais le quadrillage de l'île a été respecté. D'ouest en est, trois perspectives, Bolchoï, Sredny et Maly, coupent à angle droit 31 lignes nord-sud, ligne étant le nom donné à chaque côté numéroté de la rue. Pendant un siècle, le port maritime de Saint-Pétersbourg était situé sur la pointe de cette île comme en témoignent encore les anneaux d'amarrage scellés dans les murs de granit du quai. Aujourd'hui, sur les bords de la Néva continuent de s'amarrer des pétroliers en aval du pont Lieutenant-Schimdt, et des paquebots touristiques sur le quai des Anglais et à celui de l'île Vassilievski. En face de l'Institut des mines est amarré à perpétuité le brise-glace Krassine qui prit part en 1930 au sauvetage de l'expédition d'Umberto Nobile. Du portique de l'Institut, s'ouvre une vue sur le chantier navale de la Baltique, l'un des plus grands de Russie. Incidemment, souvenons-nous que Pierre le Grand s'était initié au métier de charpentier; une statue du sculpteur L. Bernstein, érigée en 1880 quai de l'Amirauté, rappelle cet intérêt du souverain pour le travail du bois orienté vers la construction navale. Deux colonnes rostrales, symbole de la souveraineté russe sur les mers s'élève sur l'étroite place de la pointe de l'île Vassilievski. Leur construction remonte à 1805-1810 et elles sont dues à l'architecte J.-F. Thomas de Thomon et aux sculpteurs G. Camberlain et F. Thibault. A leur pied, des statues représentent les quatre fleuves russes, Néva, Volga, Dniepr et Volkhov. Les feux aux sommets de ces colonnes ne s'allument plus qu'aux jours de fêtes; elles font partie des illuminations de la ville. Du bord de la Néva, un peu plus bas que la colonne rostrale la plus proche de la rivière, on peut apercevoir la forteresse Pierre-et-Paul et l'on jouit d'une belle perspective sur la rive opposée avec le débouché du Petit canal d'Hiver qui se fraie un chemin, sous la voûte d'un pont couvert, aux allures de Pont des Soupirs vénitien, l'Ermitage et la cathédrale Saint-Isaac et l'Amirauté, derrière le pont Dvortsovy, là où se trouvait primitivement un chantier naval; celui-ci brûla en 1730, le quartier fut alors redessiné, les bâtisses en bois remplacées par des bâtiments en pierre peints en jaune, avec une flèche dorée surmontée d'une frégate-girouette, et une entrée en forme d'arc de triomphe, ensemble magnifiant la gloire de la flotte russe. Le chantier naval était délimité à l'est et à l'ouest par deux places, la place du Palais et la place Petrovskaïa sur laquelle fut inauguré, en 1782, le monument équestre en mémoire de Pierre le Grand, le cavalier d'airain, dont il a déjà été question plus haut. La place Petrovskaïa prit plus tard le nom de place du Sénat, après la construction du Sénat et du Saint-Synode, deux bâtiment de même style reliés par un arc enjambant la rue des Galères imaginé par l'architecte Rossi; puis celui de place des Décembristes en souvenir de la manifestation contre le servage et pour la démocratie des deux régiments qui s'y rassemblèrent le 14 décembre 1825. Cette place est voisine de la cathédrale Saint-Isaac comme on l'a déjà dit. Entre 1724 et 1734, le long bâtiment
des Douze collèges, premier édifice administratif important
de la ville, s'éleva sur l'île Vassilievski perpendiculairement
à la rivière. Il était destiné à recevoir
les douze départements gouvernementaux et devait refléter
leur autonomie respective en même temps que leur nécessaire
et étroite collaboration. En 1819, l'Université nouvellement
créée hérita de cet ensemble architectural. Un autre
bâtiment, dont la façade était tournée vers
la Néva, la Kuntskammer, fut également construit sous Pierre
le Grand à proximité. Il reçut le premier musée
de la ville et il abrite aujourd'hui les collections du musée d'Ethnologie
et d'Anthropologie de Pierre le Grand. Sur le même alignement que
le bâtiment des Douze collèges, un édifice d'ordre
dorique s'élevant sur un haut stylobate, fut édifié
entre 1805 et 1816, sur les plans de l'architecte français J.-F.
Thomas de Thomon. Ce Parthénon de la Russie est l'immeuble de l'ancienne
Bourse, aujourd'hui Musée central de la marine de guerre.
Nous partons ensuite en direction de la forteresse Pierre-et-Paul, qui terminera nos visites de la matinée. Chemin faisant nous passons devant une statue de Lomonossov, sur la ligne Mendeleiev, ce qui offre l'occasion à notre guide de nous préciser que ce grand savant russe, qui classa les éléments chimiques, fut aussi l'auteur du dosage de la vodka, mais cette croyance populaire ne serait qu'une légende et le-dit dosage aurait déjà existé avant sa naissance. 4ème
jour : Saint-Pétersbourg - Une promenade en ville - La forteresse
Pierre-et-Paul - (Les photos sont
ici
)
L'entrée de la citadelle consiste en un passage voûté qui traverse les bâtiments de la muraille d'enceinte dont l'épaisseur avoisine vingt mètres. Nous débouchons sur une vaste place intérieure entourée de bâtiments dont, sur la gauche, la cathédrale des Saints Pierre-et-Paul, et, en face, le palais du commandant. L'ensemble, aux murs colorés de teintes pastel est charmant mais aussi très imposant. Par dessus les toits flotte un étendard qui rappelle le drapeau anglais. Il s'agit du pavillon de la flotte russe. Selon la tradition, alors qu'il explorait l'île Jänisaari (en finnois île des Lièvres), le tsar Pierre 1er s'empara de la baïonnette d'un soldat, arracha de la terre deux touffes d'herbe et, les ayant assemblées, s'exclama : "Ici sera la ville." Puis il s'arma d'une bêche et commença par creuser un fossé. A ce moment précis apparut dans le ciel un aigle qui se mit à planer au-dessus du tsar. Quand, le 16 mai 1703, le jour de la Sainte Trinité, le fossé eut atteint une largeur d'environ deux archines, on y plaça un tombeau taillé dans la pierre. Le représentant du clergé l'aspergea d'eau bénite et le souverain déposa à l'intérieur une urne contenant une partie des reliques du saint apôtre André. Ensuite, il referma le cercueil d'une dalle de pierre sur laquelle on grava l'inscription : "En l'an 1703, le 16 mai après l'incarnation de Jésus-Christ, fut fondée la ville impériale de Saint-Pétersbourg par le tsar, grand souverain et grand prince, Piotr Alexeïevitch, autocrate de toutes les Russies." Cette légende est belle mais peu vraisemblable. En réalité, ce serait Menchikov qui serait à l'origine du choix de cet emplacement, symbolique mais également utilitaire, alors que la Russie était en guerre contre la Suède. Ce qui est exact, c'est que les premières constructions de Saint-Pétersbourg s'élevèrent bien sur l'île. On y édifia donc une puissante forteresse comme un défi aux ennemis du Nord. Un an après le commencement des travaux, six bastions étaient déjà debout. Ils étaient en terre, faute de pierre. Le sol étant marécageux et spongieux, ont fut contraint d'employer des dizaines de milliers de pilotis pour consolider les ouvrages. De 1706 à 1740, on reconstruisit l'ensemble en briques et en pierres Plusieurs dizaines de milliers d'ouvriers y furent employés (on parle de 40000) et de nombreux y laissèrent leur vie. Dès 1714, un oukase de Pierre le Grand interdit l'emploi de la pierre dans la construction partout ailleurs qu'à Saint-Pétersbourg et ordonna à tous les tailleurs de pierre de venir travailler sur les bords de la Néva. Il introduisit également une sorte d'impôt sur la pierre, chaque navire et chaque charrette entrant dans la ville devant obligatoirement apporter son lot de pierres. La forteresse fut conçu pour épouser les contours de l'île. Elle devait se composer de six bastions reliés par des courtines formant une enceinte fermée. Leur construction fut surveillée par des compagnons de Pierre le Grand. Chaque bastion porte le nom de celui qui en a suivi la construction : Narychkine, Troubestkoï, Zotov, Golovine, Menchikov, le sixième, un des bastions sud, le bastion du Souverain, était sous la surveillance directe du tsar. Les portes principales de la forteresse furent percées à l'est, dans la courtine reliant les bastion du Souverain au bastion de Menchikov. Les portes furent défendues à l'extérieur par un ravelin en demi-lune. Les murs de la forteresse furent recouverts de granit. Sur le bastion de Narychkine on installa une tour de signalisation avec un mât pour y hisser un drapeau. Il s'y trouvait également un canon qui tirait tous les jours à midi, une tradition qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours. La forteresse n'a jamais été amenée à jouer son rôle défensif, aucun ennemi n'ayant jamais pu approcher de ses murs. Sa triste réputation lui vient d'une autre fonction, celle de prison d'Etat. A proximité de la cathédrale s'élève, on l'a déjà dit, la maison du commandant, un poste honorifique souvent attribué à vie à des généraux méritant ayant la confiance du tsar. Dans une pièce de cette maison, aujourd'hui la salle Mémoriale, siégeait le Tribunal suprême qui enquêtait, interrogeait et incarcérait les prisonniers politiques. C'est lui qui, le 12 juillet 1826, condamna à mort les cinq décembristes. Les prisonniers furent enfermés dans le ravelin Saint-Alexis construit au sud-ouest de l'enceinte. En 1718, Pierre 1er y avait fait incarcérer son fils Alexei et ses complices. En 1775, la Tarakanova, qui se faisait passer pour la fille de l'impératice Elisabeth, y avait été enfermée sur ordre de Catherine II; la légende populaire colporte qu'elle mourut lors d'une inondation, mais l'histoire parle d'une maladie de poitrine! Au 19ème siècle, les géôliers ne chômaient pas. En 1849, furent emprisonnés les membres du groupe Boutchevitch-Petrachevski auquel appartenait Dostoïevski, âgé de 28 ans. D'autres cachots humides et mortifères à souhait furent aménagés dans le bastion de Troubetskoï où les prisonniers mouraient lentement bercés par le son des cloches de la cathédrale. Parmi les détenus de marque, citons Vera Figner, Alexis Gorki, Léon Trotski. En février 1917, la forteresse fut attaquée par les soldats mutins du régiment Pavlovskii et les prisonniers s'échappèrent dans la liesse populaire. Des personnnalités tsaristes y furent ensuite mises soi disant pour les soustraire à l'animosité de la foule. En juillet 1917, la garnison prit le parti des révolutionnaires, mais elle suivit la consigne des bolcheviks qui l'engagèrent à ne pas faire usage de ses armes et se rendit rapidement au gouvernement provisoire. En octobre 1917, après le premier coup du croiseur Aurore, la forteresse, toujours dans le camp bolchevik, tira une trentaine d'obus sur le palais d'Hiver, sans résultat, seuls deux d'entre ces projectiles ayant touché leur cible. Le palais fut pris d'assaut par les troupes du Comité révolutionnaire pratiquement sans résisatance. Les membres du gouvernement provisoire arrêtés et les grands-ducs, en instance d'être fusillés, furent enfermés à leur tour dans la forteresse. La cathédrale des saints Pierre-et-Paul fut édifiée en 1712-1713, sur les plans de l'architecte D. Trezzini. Elle est surmontée d'un clocher pourvu d'une horloge avec un grand carillon flamand de 35 cloches inhabituel sur un temple orthodoxe. Le carillon joue deux fois par jour Que Dieu sauve le tsar et Glogieux est notre Seigneur. La flèche du clocher s'élève à 122,5 m ce qui en fit longtemps l'édifice le plus élevé de Russie. Elle est surmontée d'un ange-girouette protecteur de la ville. L'intérieur fastueux de la cathédrale est conçu comme celui d'une salle de parade. Il est divisé en trois nefs par des piliers. Elément principal de la décoration, l'iconostase, séparée du reste de l'édifice par une légère balustrade, est en bois sculpté et doré; la partie centrale, en forme d'arc de triomphe, symbolise l'idée de la victoire des armées russes dans la guerre du Nord. De nombreux drapeaux suédois sont d'ailleurs accrochés comme des trophés aux murs de la cathédrale. Derrière les portes de l'iconostase, au-dessus de l'autel, se dresse un ciborium richement ouvragé inspiré de l'oeuvre de bronze du Bernin de la basilique Saint-Pierre de Rome. De très belles icônes pétroviennes entrent dans la composition de l'iconostase, femmes à droite et hommes à gauche (essentiellement des personnages bibliques). Les portes à quatre ventaux sont décorées d'un bas-relief de la Cène. Cette ensemble opulent et solennel, projet de Domenico Trezzini et Ivan Zaroudny, s'écarte notablement des canons de la stricte orthodoxie. On note également la présence d'une chaire en bois doré, décorée des sculptures des apôtres Pierre et Paul et des quatre évangélistes avec leurs symboles, un élément des églises catholiques exceptionnel dans un cathédrale orthodoxe. Ces écarts par rapport à la stricte orthodoxie sont révélateurs de la volonté du tsar Pierre le Grand de se rapprocher de l'Occident européen. Près des premiers piliers de droite, dans les années 1830, on installa un siège une stalle de prière pour le tsar. Elle comprend un siège en bois sculpté avec un baldaquin placé sur un podium d'où descend un rideau couleur framboise. La partie supérieure de ce baldaquin est ornée d'un motif de bois sculpté représentant un coussin sur lequel reposent les insignes du pouvoir impérial. Cette cathédrale est le Saint-Denis de la Russie. C'est là que furent inhumés les tsars depuis Pierre le Grand. Nous commençons donc par un groupe où se trouve Pierre 1er, Catherine 1ère, Elisabeth 1ère, Catherine II, Pierre III. Ils reposent sous des sarcophages de marbre blanc tous identiques à l'exception de ceux d'Alexandre II et de son épouse Maria Alexandrovna, née princesse de Hesse-Darmstadt, qui sont respectivement en jaspe vert et rhodonite rose de l'Oural et furent exécutés par les ouvriers des mines en reconnaissance de l'abolition de l'esclavage. En 1998, les restes des membres de la famille impériale fusillés en juillet 1918, à Ekaterinbourg, y ont été rassemblés dans une salle unique. Ils y furent placés au cour de l'été 1998. Mais seuls les corps du tsar, de la tsarine et de trois de leurs enfants ont été retrouvés. Que sont devenus les autres, et notamment le tsarévitch et la grande-duchesse Anastasia? A-t-elle échappé au massacre, comme le bruit en a couru? Des mystères qui subsistent et ont conduit l'église orthodoxe à faire preuve de prudence. Si elle a bien canonisé en tant que martyrs de la religion chaque membre de la famille, leurs restes n'ont pas été déclarés saintes reliques. Vers la fin du 19ème siècle, un édifice plus bas surmontée d'une coupole a été adjoint à la cathédrale pour recevoir les dépouilles mortelles des grands-ducs. C'est par cet endroit que nous ressortirons sur la place où notre guide nous rassemblera autour d'elle pour nous préciser que la cour de Russie était très superstitieuse et, qu'à l'avènement de chaque nouveau tsar, on ne manquait jamais d'étudier soigneusement tout ce qui pouvait permettre de prédire si le règne commençait où non sous des auspices favorables, notamment en se penchant sur les dates. Bien entendu, le règne de Nicolas II devait se terminer de façon tragique! Au moment de quitter la forteresse, je jette un dernier coup d'oeil sur l'environnement, avec le regret d'avoir si peu vu par rapport à ce qu'il y avait à voir. En dehors de la forteresse elle-même, il existe à proximité bien d'autres sites intéressants, comme l'hôtel de la Monnaie, toujours en activité pour les pièces, les médailles et les insignes, et aussi l'Arsenal, aujourd'hui devenu le musée de l'Artillerie. L'heure est maintenant venue du passage obligé
dans un magasin pour touristes où nous pourrons acheter des souvenirs,
des poupées gigognes, de petites boîtes de caviar, cher et
rare, il est vrai, mais probablement moins qu'en France, et de la vodka,
difficile à emporter depuis que l'on n'accepte plus dans les avions
de liquide en cabine. J'opte pour deux petites bouteilles de vodka Beluga,
la meilleure de Saint-Pétersbourg, selon le conseil de notre guide.
Bien pliées dans d'épais papiers et soigneusement serrées
au milieu de mon linge, je pense qu'elles supporteront sans se briser les
manipulations peu attentionnées du personnel des aéroports.
A 13 heures, nous déjeunons en ville au restaurant "Restauran", Tamojenyï proyezd, 2, sur l'île Vassilievski, dans de grandes salles au décor sobre, aux murs blancs et aux plafonds voûtés. 4ème
jour : Saint-Pétersbourg - Vers Tsarskoïé-Selo - Pavlovsk
(Les photos sont ici
)
Chemin faisant, nous passons devant une mosquée
couverte d'une coupole bleue, à demi dissimulée derrière
des arbres, puis à proximité d'une entrée de l'Amirauté
que j'imagine due à l'architecte Rossi. Plus loin, mon regard est
attiré par des maisons
de pierres noires qui me rappellent vaguement celles de Volvic, dans
mon Auvergne natale. Nous voici maintenant face à l'arc
de triomphe de Moscou. Ce monument néoclassique s'élève
à l'entrée de l'avenue Moskovskaïa, une artère
qui marque le début de la route qui mène de Saint-Pétersbourg
à Moscou et unit ainsi les deux capitales de la Russie. Cet arc
de triomphe, oeuvre de l'architecte Vassili Stassov, fut construit en 1834-1838
pour commémorer la victoire russe sur les Turcs et la paix d'Andrinople
(voir ici).
Il n'est pas le seul arc de triomphe de la ville; citons aussi celui de
Narva, édifié en 1814 pour célébrer la victoire
des armées russes sur la Grande armée de Napoléon
1er, lequel est plus pompeux que celui de Moscou. Cet autre arc de triomphe
se dresse au début de la route de Saint-Pétersbourg à
Peterhof, Narva et Revel. Il est inspiré de l'arc de triomphe du
Carrousel de Paris. Sa porte a été remaniée en 1834
par V. Stassov; la décoration sculpturale est de Demuth-Malinovski;
il est surmonté de six chevaux conduits par Niké, fille de
Pallas et de Styx, une des personnifications grecques de la victoire; les
chevaux ont été sculptés par Peter Clodt von Jügensburg.
Un petit musée militaire y est ouvert aux touristes. C'est à
proximité de cet arc de triomphe qu'étaient postées
les troupes qui tirèrent sur les manifestants lors du dimanche sanglant
de 1905; on pourrait presque y voir un symbole de ce que pensaient les
libéraux en Europe au 19ème siècle, que la défaite
de Napoléon à Leipzig avait été celle des peuples!
Les opinions changent : ils disaient exactement le contraire en 1813! Devant
la gare de Finlande, la statue de Lénine, un bras tendu vers un
improbable futur, n'a plus l'air d'intéresser grand monde. En tous
cas, notre guide reste muette à son sujet. Mais il convient toutefois
de rappeler que, si l'ancienne capitale de la Russie a changé de
nom depuis la dissolution de l'URSS, la région a tenu à garder
celui du fondateur de la république des soviets; il ne faut donc
pas nous étonner de sa présence dans la ville. Nous longeons
ensuite des immeubles récents, sans grand intérêt ni
autre style que celui de n'importe où, c'est-à-dire du village
planétaire dont on nous rebat les oreilles.
Il n'est pas possible de passer sous silence le monumental ensemble inauguré en 1975 à la mémoire des héroïques défenseurs de Leningrad qui résistèrent pendant près de trois ans à l'encerclement de la ville par les troupes allemandes durant la Seconde guerre mondiale. Il est trop grand pour être ignoré et il symbolise, au-delà peut-être du nécessaire, la trace indélébile qu'ont laissé dans la mémoire des survivants les événements défiant l'imaginable dans l'horreur qui en a fait, au même titre que les rescapés des camps de concentration, des témoins de l'enfer que les hommes sont capables de s'imposer les uns aux autres au cours d'une histoire qui, malheureusement, n'est pas encore au bout de nos peines. La grande guerre patriotique, telle que les Soviétiques ont appelé la Seconde guerre mondiale, a causé au peuple russe un traumatisme dont on a du mal à mesurer l'ampleur en Occident. En 1945, l'URSS déplorait la mort d'au moins 21 millions de personnes, la destruction de 1700 villes, 70000 villages, 6 millions de maisons. A Leningrad, la situation était encore pire : encerclée par l'armée allemande dès septembre 1941, la ville avait subi un siège de près de 900 jours, l'épreuve la plus terrible de son histoire. De mémoire de Pétersbourgeois, l'hiver 1941-1942 avait été l'un des plus pénibles; records de froid, manque de munitions et de vivres que l'armée ne pouvait amener aux assaillants qu'en passant sur le lac Ladoga gelé; tout ce qui pouvait être mangé le fut : animaux vils, suif des bougie, vieux cuirs... jusqu'aux chats de l'Ermitage, mais bientôt, il n'y eut plus rien. Pour le seul mois de décembre 1941, on dénombrait 53000 morts. Pourtant, tant bien que mal, la vie continuait. Dans les écoles, les enseignants occupaient comme ils pouvaient des enfants affaiblis et hagards, apeurés par d'incessants bombardements, en les faisant dessiner ce qu'ils ressentaient; c'était une manière de dire leur douleur et de l'exorciser, qui fut également employée au cours d'autres conflits, par exemple dans la péninsule indochinoise un peu plus tard. Lors de la levée du siège, l'ancienne capitale des tsars avait perdu un million d'habitants, pour la plupart morts de faim, soit un tiers de sa population; elle y gagna, maigre consolation, le titre de "ville héroïque" et un esprit de résistance à toute épreuve, mais aussi, en raison de son caractère indomptable, une certaine méfiance de la part de Staline. En nous éloignant de Saint-Pétersbourg, mon regard se trouve attiré par des espèces de bornes monumentales qui se dressent au milieu de la large bande de gazon qui sépare les voies de la route que nous suivons et je m'interroge en vain pour deviner leur signification et leur utilité. Au cours du chemin, notre nouvelle guide nous donne quelques informations complémentaires sur la Russie d'antan et nous montre des constructions qui remontent à l'époque soviétique ainsi que d'autres plus récentes, notamment à un arrêt, sur la gauche, un groupe d'immeubles, genre HLM de chez nous, construits pendant la seconde moitié du 20ème siècle, c'est-à-dire vers le début de la fin d'une Union soviétique dont bien peu de gens prédisaient alors la disparition. Elle nous apprend que l'ivrognerie n'était pas condamnée autrefois par le clergé qui l'encourageait plutôt, comme tendrait à le prouver le proverbe russe : "Satan dehors, la vodka dedans !", dicton qui laisse supposer que l'absorption d'alcool pourrait remplacer avantageusement une séance d'exorcisme. A l'époque soviétique, lorsque les Russes entraient dans une boutique, ils se demandaient où étaient les marchandises ; aujourd'hui, ils fouillent dans leurs poches en y cherchant en vain l'argent nécessaire pour acquérir les produits attractifs qui abondent sur les étals. Cela me remémore ce qui nous a été déjà dit ailleurs : du temps de Staline, un ouvrier d'usine pouvait s'acheter du caviar ; maintenant, ce n'est plus possible pour les raisons déjà évoquées des désordres qui ont suivi la dissolution de l'URSS. Notre guide n'épargne pas les nouveaux riches; elle oppose à leur luxe ostentatoire la simplicité de Staline enterré dans le vieil uniforme râpé qu'il portait pendant la guerre ; sans doute a-elle-oublié les multiples villas que ce dirigeant de l'URSS fit construire; il est vrai qu'elles appartenaient à l'État, mais, de son vivant, c'est bien lui qui en eut la jouissance! Elle nous rappelle qu'en URSS, il y avait une sécurité sociale, comme en Occident, que ce n'est plus le cas aujourd'hui en Russie, où les jeunes sont exploités… Voilà ce qui ressort des opinions exprimées par une personne qui n'a certainement pas connu le tsarisme, mais qui est suffisamment âgée pour avoir vécu sous le régime communiste. Certes, il faut éviter les généralisations hâtives, mais force m'est de reconnaître que ce ne sera ni la première, ni la dernière fois que nous entendrons ce son de cloche au cours de notre voyage. Quant à l'architecture soviétique, tant daubée autrefois dans nos pays pour sa lourdeur et sa tristesse, les échantillons qui nous en sont montrés m'amènent à penser qu'elle ne méritait pas autant de mépris ; j'aurai l'occasion de revenir sur ce point à Moscou. A l'entrée
de Tsarskoïé-Selo, le village du tsar, nous sommes accueillis
par une sorte de portail de style
égyptien qui s'élève entre les deux voies de notre
route séparée par une large bande de gazon. Il pluviote.
Nous passons devant la dernière résidence de Nicolas II à
Tsarskoïé-Selo, le
palais Alexandre, qui nous est signalé par notre guide. Après
son abdication, il vint quelques temps se réfugier avec sa famille
dans ce modeste château qu'il aimait beaucoup avant d'être
envoyé en résidence surveillée à Tobolsk, plus
à l'est, puis à Ekaterinbourg, où il fut tué
avec ses proches, après la révolution d'octobre. Un peu plus
loin, nous longeons une sorte de reconstitution d'un village russe d'autrefois
avec une tour en bois portant à son sommet une girouette ayant la
forme d'un coq, le tout aperçu à travers un rideau de pluie.
Et nous arrivons enfin à Pavlovsk, à peu de distance de Tsaskoïe-Selo,
où nous sommes accueilli par le maître des lieux, le tsar
Paul
1er qui trône au milieu de la vaste cour d'honneur du château
sur son piédestal, épée au côté et canne
en main, avec, dans son dos le bâtiment central, et, de chaque côté
les deux ailes, l'ensemble étant construit en hémicycle.
La statue fut édifiée tardivement, en 1878. La pluie a cessé.
Nous tombons à Pavlovsk sur un mariage, ce qui nous procure l'occasion de voir les nouveaux mariés et leurs invités. Les invités se tiennent sur les marches du bâtiment central, entre deux arbustes fleuris. Les nouveaux mariés se promènent un moment dans la cour. De la couleur beige de la robe de la mariée, nous déduisons que c'est son deuxième mariage. En Russie, le premier mariage est en blanc, le second en beige ou champagne, le troisième en bleu ou rose, le 4ème en rouge, le 5ème en noir et blanc; je n'ai pas d'information pour la suite, peut-être après cinq mariages est-on définitivement découragé ! Le coût d'un divorce s'élève à une dizaine d'euros. L'ouverture des ponts fournit un bon prétexte pour justifier un retard lors du retour à la maison, est-ce que cela facilite l'adultère ? je n'en sais rien. Une autre particularité du mariage russe doit être signalée : l'alliance se porte à la main droite, comme d'ailleurs dans plusieurs autres pays d'Europe : Autriche, Pologne, Bulgarie ou Norvège, par exemple, alors qu'elle se porte en France à la main gauche. L'absence d'une bague à l'annulaire gauche d'une charmante jeune femme russe ne signifie donc pas qu'elle est célibataire ; les hommes trop entreprenants sont prévenus ! En 1777, Catherine II offrit à son fils
unique Paul un vaste territoire de chasse, d'une superficie de 525 hectares,
traversé par une petite rivière, la Slavianka, en l'honneur
de la naissance de son premier fils, Alexandre, le futur vainqueur de Napoléon.
Deux ans plus tard, sous l'impulsion de la Grande Catherine, on y commença
l'édification d'un palais de style palladien, style originaire de
Vénétie, ainsi que l'aménagement des alentours.
On ne tarda pas à parler avec admiration de ce palais à la
construction et à l'aménagement duquel travaillèrent,
au cours du temps, plusieurs architectes et décorateurs de renom,
chacun y apportant sa touche, sans néanmoins briser l'unité
de l'ensemble : C. Cameron, de 1782 à 1786, édifia les bâtiments
initiaux; V. Brenna de 1786 à 1799, suréleva les galeries
et les pavillons latéraux, et les prolongea par de nouvelles ailes;
et G. Quarenghi, A. Voronikhine, C. Rossi, de 1800 à 1825, apportèrent
de nouvelles modifications. Le futur tsar et surtout son épouse,
Maria Feodorovna, qui, dotée d'un tempérament d'artiste,
confectionna de ses mains quelques pièces du mobilier, s'attachèrent
à faire de ce palais une demeure aussi intime et confortable que
possible, sans qu'elle cesse toutefois d'être à la hauteur
du rang de ses propriétaires ! Aussi de nombreux détails
donnent-ils au visiteur d'aujourd'hui l'illusion d'un lieu habité
d'hier, dominé par une ambiance familiale plutôt que conçu
pour en imposer par la pompe d'une résidence princière. Si
quelque pièces sont majestueuses, comme la grande salle du Trône
et, dans une moindre mesure la salle de danse grecque, la plupart sont
plutôt de taille moyenne voire même petite, ce qui renforce
leur caractère intimiste. Après la fin tragique du tsar Paul
1er, assassiné par des comploteurs, au cours d'une tentative de
déposition qui tourna mal, laquelle avait pour but de débarrasser
la Russie, mais aussi surtout l'Angleterre, de l'allié le plus puissant
de Napoléon 1er, la tsarine Maria Feodorovna continua d'apporter
tous ses soins au palais qu'elle habita jusqu'à sa mort, en 1828.
Maria Feodorovna était née princesse Sophie-Dorothée-Augusta
de Wurtemberg; elle avait épousé Paul à l'âge
de 17 ans et avait alors changé de nom pour être reçue
dans l'église orthodoxe; les deux époux, qui s'aimaient profondément,
donnèrent la vie à dix enfants.
Le palais comprend plus de cinquante salles et pièces d'habitation richement décorées. Andrei Voronikhine le remania en 1803 après un incendie et Carlo Rossi créa une série d'intérieurs en 1820. La majorité des salles d'apparat du palais se trouvent dans le corps central du bâtiment, au premier étage : la salle Italienne, située sous la grande coupole qui couronne l'édifice est revêtue de marbre blanc et ocre rouge, et de bronze ; la salle grecque, qui lui est contiguë, a la forme d'un péristyle antique aux colonnes d'ordre corinthien, de couleur gris vert. La salle de la Guerre et celle de la Paix font suite à la salle grecque. Leur aménagement recherché repose sur la communion du marbre blanc artificiel des murs et de la dorure étincelante des éléments décoratifs de la voûte. Une série d'intérieurs remarquables par leur unité artistique méritent l'attention : les appartements de Maria Feodorovna (Bibliothèque, Boudoir, Chambre à coucher d'apparat) et ceux de Paul I (Petit Cabinet, Bibliothèque, cabinet des Tapisseries). Ici l'ameublement est constitué d'un enchevêtrement complique de bronze doré et de cristal, vases, pendules, candélabres, girandoles, appliques, etc. De beaux parquets fabriqués avec des bois d'essences rares et de nombreuses sculptures agrémentent les pièces. Le bâtiment de gauche abrite la galerie de Peinture où sont exposées de nombreuses oeuvre d'artistes occidentaux, et la salle des Chevaliers qui rassemble une collection de sculptures romaines des 2ème et 3ème siècles. Les murs de la salle de Chevaliers sont décorés de motifs moulés et de bas-reliefs de style classique représentant des scènes de sacrifices, des cortèges et des bacchanales. .
En entrant dans le palais, mon regard est attiré par un buste d'Hermès, que je reconnais à son casque pourvue de deux petites ailes. Au vestiaire, on nous invite à enfiler des chaussons. Une sage précaution pour éviter d'endommager les parquets. Ensuite, nous nous dirigeons vers le vestibule égyptien, situé au rez-de-chaussée. A l'origine, ce vestibule avait été décoré par Cameron avec la participation du remarquable sculpteur russe Ivan Prokofiev. Mais un incendie détruisit, en 1803, la décoration de la salle. Les sculptures, inspirées de l'art de l'Égypte ancienne, furent recréées d'après des esquisses d'A. Voronikhin. Douze statues symbolisent les mois de l'année. Elles commencent par celle de "Janvier", à droite de l'arche qui mène à l'escalier. Au pied de chaque statue, divers attributs illustrent les occupations de l'homme durant le mois considéré. Les statues sont surmontées de médaillons représentant les signes du zodiaque. Le premier étage étant le plus intéressant, nous empruntons immédiatement l'escalier pour nous y rendre. Nous reviendrons en fin de visite au rez-de-chaussée. Nous gagnons d'abord le salon italien décoré par C. Cameron, V. Brenna et A. Voronikhin. Ce salon est inspiré du Panthéon romain. Comme lui, il est rond et n'est éclairé que par le haut. Des niches s'ouvrent au pourtour, des bas-reliefs rapportés d'Italie garnissent les murs de faux marbre lilas et blanc. Une frise décorée d'aigles et de rinceaux est surmontée d'une sorte de galerie, dont les fenêtres en lunettes sont séparées par des cariatides qui supportent la coupole à caissons. Je remarque de beaux sièges à pattes de griffon ainsi que plusieurs statues dont celle de l'Amour. Nous revenons sur le pallier du premier étage,
au-dessus du vestibule égyptien. L'un des murs roses de ce vestibule
est orné d'une sorte de trophée
guerrier blanc. Dans le vestibule, de l'autre côté, se
dresse la statue noire d'un cavalier
nu qui paraît écraser un serpent sous les sabots de son
cheval (interprétation libre). Des photographies rappellent aux
visiteurs l'état des lieux laissés par l'occupation allemande,
en 1944. Nous passons ensuite dans un cabinet que je pense avoir été
aménagé par Rossi. Une
statue que je ne suis pas parvenu à identifier y retient mon
attention. Il s'agit d'un éphèbe et d'une nymphe de
marbre blanc élevant au-dessus de leurs têtes ou se disputant
une sorte de couronne de laurier (interprétation libre). Nous atteignons
ensuite la Grande bibliothèque, oeuvre de Rossi. J'y découvre
un beau fauteuil
de style égyptien ainsi qu'un magnifique tableau représentant
de buste Maria
Feodorovna. Nous traversons ensuite le vestiaire (dressing) de Paul
1er, oeuvre de C. Cameron et V. Brenna, où je photographie une statue.
Puis nous passons dans des salles où notre guide nous montre des
meubles fabriqués par, l'impératrice, Maria Feodorovna avant
d'atteindre le cabinet
des tapisseries décoré par V. Brenna où, sur l'un
des murs, j'enferme dans ma chambre noire magique une belle pièce
provenant de la manufacture des Gobelins
de Paris (il y en a d'autres). Ce rapt virtuel accompli, nous pénétrons
dans le salon
de la Guerre, décoré par C. Cameron, V. Brenna et A.
Voronikhin.
Pendant quelque temps, après l'accession de Paul 1er au trône, le salon de la Guerre servit de petite salle du trône. Elle est de dimensions modestes mais très solennelle. Le revêtement en imitation de marbre blanc, les moulures dorées, les représentations d'armes et d'armures de la Rome antique, qui décorent les murs, tout cela donne à la salle une majesté certaine, mais sévère. Les arcs du plafond sont décorés de bas-reliefs sur des thèmes de la guerre de Troie et les niches renferment des bustes antiques d'empereurs romains. L'une des niches est occupée par un poêle, surmonté d'un aigle, trônant sur des bombes enflammées. Nous entrons ensuite dans la vaste salle grecque ou salle de danse, décorée par V. Brenna. Cette salle est ornée de colonnes de faux marbre de vert antique; la corniche est très riche; les chapiteaux des colonnes sont d'ordre corinthien, les murs en faux marbre blanc. Dans les niches, creusées dans les murs, se trouvent des statues moulées d'après l'antique. Cette salle grecque, quoique sans dorure, est de la plus grande beauté. Le vert antique des colonnes s'y oppose à la blancheur des chapiteaux; les vases de porphyre s'élèvent au côté des vases d'albâtre, avec toujours le même goût des matériaux précieux et de l'harmonie. C'est une salle à colonnades, comme Quarenghi en construira tant, dont la frise est à peu près celle du temple d'Antonin et Faustine, où les fauteuils reposent avec lourdeur sur des griffons dont les ailes forment accoudoir, où les candélabres sont portés par des Vénus Callipyges. Nous voici maintenant dans le salon de la Paix. Ce salon octogonal comporte quatre niches richement décorées. Par sa conception et son style architectural général, il est très proche du salon de la Guerre. Toutefois, on n'y trouve pas d'attributs militaires; ceux-ci sont remplacés par des allégories de la paix : instruments de travail agricole, corbeilles emplies de fleurs et de fruits, sarments de vigne, instruments de musique... Et au lieu de l'aigle menaçant qui surmontait le poêle de la Salle de la Guerre, on trouve, juché sur un poêle décoratif, le paon de Junon, protectrice du mariage et de la famille. Il est vrai que l'on remarque, parmi les ornements des portes dorées, des arcs et des carquois avec des flèches. Mais ici ce ne sont pas des armes mais l'emblème de l'amour qui aspire à la paix. Dans le salon de la Paix on peut admirer un vase-trépied en cristal et en verre incarnat que la noblesse de ses proportions a rendu célèbre. Il a été fabriqué, en 1811, à la verrerie de Saint-Pétersbourg, d'après un dessin d'A. Voronikhine. C'est l'une des oeuvres d'arts décoratifs les plus magnifiques du palais-musée de Pavlovsk. Des fenêtres du salon de la Guerre, de la salle grecque et du salon de la Paix on jouit d'un point de vue magnifique sur les berges de la Slavianka. De la fenêtre ouest du salon de la Paix on découvre un charmant panorama sur la cascade qui descend vers la rivière depuis la colonnade d'Apollon à travers le parc. Malheureusement, il pleut, et j'en profite donc pour photographier les gouttes d'eau sur une vitre derrière un beau vase en cristal posé sur un trépied! Après le salon de la Paix, nous entrons dans les appartements de Maria Feodorovna. Voici d'abord sa bibliothèque, décorée par V. Brenna; les statues et les tapisseries y abondent, les parquets sont splendides. Vient ensuite un boudoir, encore décoré par V. Brenna; tout y respire le bon goût et l'élégance dans un espace restreint, c'est-à-dire intime. Puis vient la chambre à coucher avec son lit à baldaquin, sa décoration murale de A.Voronikhin et sa magnifique cheminée. Nous remarquerons que le lit des monarques était bien court, et ceci paraîtrait étrange si nous ne savions pas qu'à cette époque on dormait assis, ce qui facilitait la digestion et évitait les remontées de suc gastrique dans l'oesophage lorsque le cardia ne jouait plus correctement son rôle de clapet. Nous terminons la visite des appartements de la tsarine par son cabinet de toilette où l'on peut encore voir un intéressant nécessaire. Nous cheminons ensuite dans une galerie de peintures. La salle est vaste et courbe car elle se situe dans une des ailes du palais. Les tableaux sont nombreux et notre séjour est trop bref pour les apprécier comme ils le mériteraient. Cette galerie de peintures n'est pas réservée au seul art pictural; on y trouve aussi un riche mobilier et de très beaux vases. La salle du Trône, où nous entrons maintenant, avec ses 400 m2, est la plus vaste et la pièce la plus solennelle du palais de Pavlovsk. Elle a été aménagée en 1798, et était destinée aux réceptions. Elle est de forme carrée, mais les angles tronqués forment des niches profondes abritant des poêles décoratifs. Les murs de marbre blanc forment un contraste impressionnant avec les portes d'acajou poli et les somptueux candélabres dorés. Les arcatures ornées de cariatides soulignent la solennité de l'ensemble. On y remarque une girandole de la fin du 18ème siècle provenant de la verrerie impériale de Saint-Pétersbourg. Mais c'est le plafond qui attire le plus l'attention; ce plafond a été reconstitué par des maîtres soviétiques d'après des esquisses de Pietro Gonzago; ce décorateur de talent n'a pu réaliser son projet; et ce n'est que 150 ans plus tard, lors de la restauration de Pavlovsk, que son rêve devint enfin réalité. Ce plafond représente une colonnade sur fond de ciel, ce qui donne l'illusion d'une échappée vers plus de hauteur et d'espace. Les meubles sculptés et dorés recouverts de soie aux broderies précieuses exécutées en Russie, comme les grandes lanternes de cristal garnies de bronze, renforcent l'aspect majestueux de l'endroit, lequel s'appelait, à l'origine, la Grande salle. Il changea de nom parce que le trône de Paul 1er y fut placé, peu de temps après son aménagement. En 1814, la salle réaménagée servit à la réception solennelle des officiers des régiments de la Garde qui revenaient dans leur patrie après la victoire sur Napoléon. A cette occasion, le trône quitta la salle, n'y revint plus, et elle servit de salle à manger d'apparat. C'est la raison pour laquelle les visiteurs y trouvent aujourd'hui tables mises. Devant l'un des calorifères de cette salle, une photographie datant de 1944 ne manque pas de remettre en mémoire aux visiteurs que cette pièce n'était plus alors qu'un amas de ruines. La salle des Chevaliers est une galerie consacrée à la sculpture. Elle est décorée de moulures et de bas-reliefs blancs représentant des danses, des cortèges solennels et des sacrifices bachiques, sur fond vert pastel. Les moulures décorant les murs se fondent progressivement avec la peinture ornementale du plafond. On peut admirer dans cette salle une collection de statues antiques des 2ème et 3ème siècles. Ces salles d'antiquités faisaient obligatoirement partie de nombreux palais russes du 18ème siècle, période d'engouement pour l'art antique. Parmi les sculptures qui figurent ici, il convient de citer la Nymphe à la coquille, le Garçonnet tenant un oiseau à la main et le Romain en toge. Je remarque au plafond une croix de Malte, peut-être pour rappeler que Paul 1er, tsar orthodoxe, fut protecteur, puis grand-maître de l'ordre des chevaliers de Malte, un ordre catholique, malgré l'opposition de la papauté! Un autre détail attire mon attention : une frise qui court le long des murs est des entrelacs de croix gammées inversées, décor qui m'est devenu familier en Orient. Passons maintenant à la chapelle
Pierre et Paul du Palais. Cette chapelle est au rez-de-chaussée,
mais les souverains assistaient aux offices depuis le premier étage.
C'est là que nous nous rendons. Deux fauteuils de velours grenat
y sont installés, à droite celui du tsar, sous un tableau
de la vierge Marie, ce qui interpelle dans un lieu de culte orthodoxe,
et à gauche celui de la tsarine. A nos pieds, en contrebas, une
très belle iconostase s'offre à nos regards, avec ses dorures,
ses tableaux (pas très orthodoxes), le tout surmonté par
deux anges de marbre blanc qui se font face.
Nous poursuivons notre périple par des cabinets de passage et des pièces où je remarque une belle statue que je ne suis pas parvenu à identifier et un groupe féminin qui évoque pour moi les Trois Grâces, avant d'atteindre l'ultime salle de l'enfilade des salons et cabinets, à savoir la salle des demoiselles d'honneur. Cette pièce n'est pas très grande. C'est là que les demoiselles d'honneur attendaient que l'impératrice sorte de ses appartements. Les meubles sculptés et dorés sont l'oeuvre de maîtres russes de la fin du 18ème siècle. La soie qui recouvre les murs a été tissée par des tisserands serfs à la manufacture des frères Lazarev, près de Moscou. Une niche pratiquée dans le mur y abrite l'une des plus remarquables statues du Palais, la Vestale sacrifiant, du sculpteur français Louis-Simon Boizot. On remarquera également la pendule de bronze placée sur un bureau d'acajou qui représente une scène de l'opéra de Pierre Alexandre Monsigny "Le Déserteur", populaire à l'époque à la cour. Une boîte à musique, qui sert de socle à la pendule, exécute toutes les heures quelques fragments de cet opéra. La pendule était restée muette durant 150 ans; les mains habiles des restaurateurs de Pavlovsk lui ont redonné vie, et désormais comme autrefois, elle indique l'heure et réjouit l'oreille par ses mélodies anciennes. Revenons au rez-de-chaussée. Selon les guides touristiques, la pièce la plus remarquable est la Lanterne, cabinet personnel de l'impératrice, qui fut réalisé d'après un projet d'Andrei Voronikhin. L'effet architectural repose sur le contraste entre la partie de la pièce restant dans l'ombre et la partie vitrée inondée de lumière. Une série d'objets composant la décoration de ce cabinet furent réalises d'après les dessins de l'architecte. La grande culture artistique et le goût de Voronikhin transparaissent dans tous les détails. L'harmonie qui règne entre les éléments du décor architectural et le mobilier, confère à cet intérieur classique une grande intimité. Je pense que nous avons donc vu la Lanterne, mais je n'en suis pas certain. J'ai vu beaucoup de choses, notamment du mobilier très raffiné dans des pièces plutôt petites et intimes, mais tout cela est un peu mêlé dans ma mémoire et j'ai surtout retenu la salle de billard, oeuvre de C. Cameron, l'ancienne salle de dessin due à Rossi et une salle à manger moins formelle que la salle du Trône. Là aussi, les couverts étaient mis. Cela nous a permis d'observer que les couverts n'étaient pas complets ; les fourchettes, les cuillères et les couteaux étaient absents. Notre guide nous expliqua alors, qu'à cette époque, même à la cour du tsar, on mangeait avec ses doigts ; aussi bien ces accessoires de nos tables françaises n'étaient-ils pas indispensables. On n'en faisait usage que dans la salle du Trône; c'est que, dans ce salon d'apparat, avait lieu la réception des ambassadeurs et que le maître des lieux voulait montrer aux étrangers que les moeurs russes étaient aussi raffinées que celles des autres États du monde civilisé. Ces explications valent ce qu'elles valent ; d'après une autre version, qui m'a été rapportée par une amie qui a accompagné plusieurs groupes en Russie, l'absence de couverts s'expliquerait plutôt par le fait, qu'après les nombreux dégâts subis par le palais, notamment au cours du siège de trois ans auquel Leningrad résista pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup d'objets avaient disparu. Récemment, j'ai d'ailleurs lu dans la presse que des couverts, cachés au moment de la révolution de 1917, ont été retrouvés dans l'ancien palais de la famille Narytchkine-Troubestskoï, à Saint-Pétersbourg ; d'autres découvertes de ce genre auront peut-être lieu ailleurs dans le futur. En attendant, j'ai cru devoir faire état des deux versions afin que chacun retienne celle qui lui plaira. Si les convives des repas tenus entre Russes mangeaient avec leurs doigts, on dit aussi qu'ils s'essuyaient les mains sur les basques de leur habit et la bouche sur leurs manches. Les règles élémentaires de l'hygiène étaient inconnues. L'espérance de vie était courte ; beaucoup de femmes mouraient jeunes, parfois en couches ; mais ce n'était pas très différents dans les autres pays d'Europe, y compris le nôtre. Autre particularité, les fabricants de chaussures ne distinguaient pas la gauche de la droite ; les deux souliers étaient confectionnés avec la même forme, ce qui était sans doute économique, mais guère commode à porter. Pendant le peu de temps qui nous reste, une promenade dans le parc s'impose. Nous n'irons pas bien loin. D'ailleurs l'atmosphère pluvieuse n'est guère propice à ce genre d'activité. C'est dommage car Pavlovsk est surtout connu pour cet immense parc à l'anglaise, un lieu romantique et plein de charme, vanté par les ouvrages touristiques, et où les citadins en mal de nature viennent prendre un bon bol d'air, en toutes saisons, dès qu'ils en ont le loisir, et même pour y célébrer, ainsi que nous l'avons vu, des moments importants de leur existence, comme le mariage. L'idée première et le plan général des principaux secteurs du parc, lequel occupe actuellement une superficie d'environ 600 hectares de bois et de lacs, sont dus à l'architecte écossais Charles Cameron. Les travaux commencèrent en 1782 par le tracé des principaux chemins partant du palais, autour duquel s'élaborait un parc régulier. Au cours de la première étape, on édifia plus de dix pavillons qui devaient être les centres des différents coins du parc. Parmi eux, le temple de l'Amitié, fut le premier édifice construit par l'architecte écossais en Russie. Il donna à cet édifice l'aspect d'une rotonde entourée de 16 colonnes; il plaça cette rotonde en haut d'une petite presqu'île d'où elle pouvait être vue de différents points et lui confia la mission de renforcer le caractère romantique du site. La dernière oeuvre de Cameron à Pavlovsk, le pavillon des Trois Grâces, est une sorte de portique en forme de temple antique. Ses frontons sont décorés de bas-reliefs représentant Apollon et Minerve. Son nom lui fut attribué en 1803, après qu'y fut amené le groupe sculpté réalisé par Paolo Triscorni de trois femmes tenant un vase posé sur une colonne. Cameron souhaitait faire du parc de Pavlovsk un lieu de refuge pour Apollon, le dieu des Arts, autour duquel gravitent les muses. Il construisit pour lui une sorte de temple-rotonde, ceinturé d'une double colonnade, avec le ciel pour coupole; la pierre de calcaire grisâtre qui fut employée devait conférer à cet édifice les apparences de l'antique; au centre, s'éleva une réplique de l'Apollon du Belvédère. L'architecte-décorateur Pietro Gonzaga prit une par active à l'aménagement du parc et des intérieurs. Il s'attacha à mettre en valeur la beauté naturelle de certains endroits et il élabora un système de plantation d'arbres et de buissons qui tenait compte de leurs cycles d'épanouissement et de flétrissures, de telle sorte que les membres de la famille impériale, qui fréquentaient Pavlovsk du printemps à l'automne, aient sous les yeux un paysage sans cesse renouvelé. Le parc offre au visiteur bien des surprises, outre ses constructions toujours changeantes qui se découvrent à demi dissimulées derrière la verdure, on y découvre aussi de très nombreuses statues. Nous n'en verrons qu'une infime partie, dont le pavillon ou temple de l'Amitié, une statue, une pelouse fleurie... A Peterhof, nous avons visité le parc, à Pavlovsk, les intérieurs! Au moment de notre départ, une sorte de calèche moderne, couverte et roulant sur des pneumatiques, mais tout de même tirée par un cheval, attend les touristes dans l'allée qui mène au palais. Un dernier regard à Paul 1er, un tsar, certes fantasque, mais qui valait peut-être mieux que ce que la renommée en a dit, et nous nous dirigeons vers l'endroit par lequel nous sommes entrés à Pavlovsk pour en sortir. Nous quittons Tsarskoïé-Selo sous la pluie. Nous passons devant la gare. En revenant vers Saint-Pétersbourg, nous retrouvons la modernité sous les apparences de ce qui pourrait être une centrale nucléaire. Notre guide nous montre de loin le palais de Poutine; il n'est certes pas aussi grandiose que Peterhof ou Pavlovsk; loin s'en faut. Mais la tradition est tout de même respectée : à chaque dirigeant son palais ! Au cours des conversations, nos guides reprocheront au président actuel de ne pas avoir diversifié suffisamment la production russe en misant trop sur les hydrocarbures, ce qui rend la Russie relativement dépendante des pays qui lui veulent du mal et la frappent d'un embargo. Je remarque une curieuse maison jaune à toit rouge qui ressemble à un château, au milieu de la grisaille des maisons modernes de la banlieue. Et nous revoici à Saint-Pétersbourg avec, de l'autre côté de la Néva, des immeubles modernes colorés en rouge et bleu. En arrivant près de notre embarcadère, mon regard est attiré, de part et d'autre de la route, sur des espaces arborés, par deux statues, l'une blanche et l'autre grise, que j'ai déjà aperçu lors d'autres passages. Je n'ai, à mon grand dam, ni le temps de les photographier, ni celui de les identifier. Cette vision fugitive est un résumé de mon séjour à Saint-Pétersbourg : il fut trop court pour voir tout ce qu'il y a à y découvrir et j'en partirai quelque peu déçu de ne pas y être resté plus longtemps. 4ème jour : Saint-Pétersbourg - L'appareillage pour la croisière (Les photos sont ici ) Le programme de la soirée est chargé. A 19 h appareillage vers Mandroga (Mandrogui ou Mandrogi); nous quittons le port fluvial de Saint-Pétersbourg et remontons la Néva en passant d'abord sous le pont Bolchoï Obukhovski, un pont moderne ouvert à la circulation en 2004, le plus récent pont de Saint-Pétersbourg, qui traverse la rivière à peu de distances de l'embarcadère. Nous sommes à quelques 1343 km de Moscou où se trouve notre port final. Rappelons que la Néva est l'artère fluviale principale de Saint-Pétersbourg. Elle prend sa source dans le lac Ladoga et se jette dans le golfe de Finlande. On dit qu'elle est la soeur du Névo-Ladoga, ou plutôt sa fille. Elle semble être née de la séparation de la Baltique et du lac Ladoga, il y a 2000 ans. Alors que 3500 ruisseaux et rivières se jettent dans le lac Ladoga, elle est la seule à en sortir. Le nom finnois de la Néva signifie "marécageux", un qualificatif qui convient parfaitement à son vaste estuaire, ce delta de 80 km2 et de 101 îles que Pierre le Grand choisit pour y construire sa capitale. C'est la Néva qui structura l'architecture de la ville. Celle-ci fut pensée en fonction de la rivière et, dès le début, il fut décidé de la relier par un système de canaux au bassin de la Volga, le grand fleuve russe qui devait permettre de rattacher Saint-Pétersbourg à l'ensemble de l'empire. Le plan de la cité, on le sait, fut rationnellement élaboré en tenant compte de la situation géographique du terrain sur laquelle celle-ci allait sélever : un ensemble d'îles marécageuses qu'il faudrait assécher par drainage. Il fut également largement tributaire de l'engouement de Pierre 1er pour Amsterdam qu'il avait visitée au cours de sa visite européenne et qu'il souhaitait prendre comme modèle pour sa capitale. Aujourd'hui la ville s'étend sur plus d'un tiers de la Néva, longue de 74 km. Sur parcours, l'aspect des rives change plusieurs fois; entre les ponts Lieutenant-Schmidt et Toutchkov jusque vers le monastère Smolny, la rivière est solennelle et majestueuse. Avant ces ponts et après le monastère Smolny, elle est bordée de grues portuaires, de navires amarrés et d'usines. La Néva coule sur 72 km, entre la Porte de la Néva de la forteresse Pierre-et-Paul et l'île Orekhovi, avec une largeur de 250 mètres à 1,3 km (d'autres sources parlent de 200 m et 1 km). Ses eaux sont abondantes et elle charrie chaque année autant d'eau que le Dniepr et le Don pris ensemble, soit entre 74 et 100 km3 par ans. Ce n'est pas un hasard si le bassin de la Néva fut appelé longtemps "le coin humide de l'Europe". Elle est capricieuse, et son humeur dépend du vent qui provoque parfois des mascarets provoquant de dangereux débordements. Lorsque le niveau d'eau dépasse 160 cm par rapport au niveau zéro de l'échelle des marées de Kronsatdt, il y a risque d'inondation. Depuis 1703 Saint-Pétersbourg a connu plus de 300 grandes crues, dont les plus mémorables sont celles du 7 novembre 1824, décrite par Pouchkine dans son poème Le cavalier de bronze, et celle du 23 septembre 1924. Afin de protéger Saint-Pétersbourg des crues de la Néva, il a été décidé de construire, dans l'estuaire du fleuve, une digue dotée de mécanismes permettant de ne causer aucun dommage à la navigation ni nuire à l'écoulement des eaux. Le gros des travaux est achevé. Mais l'abondance des eaux de la Néva ne présente pas que des inconvénients. C'est elle qui permet à la rivière d'alimenter à elle seule Saint-Pétersbourg. Son emplacement idéal explique que la Néva ait fait partie de tous les grands axes de communications entre le Nord et le Sud, de la Route des Varègues aux Grecs aux 9ème-12ème siècles, à tous les systèmes ultérieurs qui relièrent la Baltique à la Volga et à la mer Blanche. En remontant la Néva, nous croisons une barge chargée de planches de bois, une des principales ressources de la région. Puis, nous admirons sur la rive, à notre gauche, une belle petite église russe. A 19h30, nous assistons à une présentation du capitaine, de son équipage et de l'équipe du tour opérateur en Salle de Conférence; cette brève présentation est accompagnée d'un cocktail de bienvenue. A 20 heures, nous dînons au restaurant Symphonie. A 21h30 un concert est donné en salle de conférence par les musiciens du bateau. Nous passons au large d'une île fortifiée, ce qui nous rappelle que la région où nous sommes a été longtemps et durement contestée. A partir de 22h30, un soirée dansante est organisée au bar Sonate. Pour ceux qui préfèrent se rendre dans leur cabine, la première partie du film "Tchaikovski" est diffusée sur la chaîne 4 du téléviseur. Pour ma part, je m'attarde un peu dehors pour assister au coucher de soleil. Le cocktail du jour servi aux bars porte un nom bien choisi : capitaine. Voici ce que je découvre en parcourant un document touristique décrivant notre croisière en sens inverse. Notre bateau franchira 52 des 74 km de la Néva, de son port d'attache à la source du fleuve. A l'entrée du lac Ladoga, sur un petit îlot, se dressent les vestiges de la forteresse de Schlüsselbourg, la "ville clé" des terres baltes et du lac Ladoga. Oréchek, l'île aux Noisetiers, avait été conquises par les Russes en 1323, avant d'être prise par les Suédois puis reconquise par Pierre 1er en 1702. C'est au 18ème siècle que l'on y construisit la terrible Bastille russe, une prison destinées surtout aux détenus politiques, dont les décembristes qui s'insurgèrent en 1825 et Alexandre Oulianov, le frère de Lénine, pendu à Schlüsselbourg pour avoir participé à un attentat contre le tsar Alexandre III. Personne ne réussit jamais à s'évader de cette prison, et pratiquement nul n'en est sorti vivant. Au pied des remparts, à la pointe de l'île s'enfonçant dans le Ladoga, un obélisque a été érigé en hommage "Aux héros révolutionnaires" qui périrent entre ses murs. La forteresse fut détruite par les bombes allemandes et elle est actuellement un musée en cours de restauration. Les touristes en quête d'émotions fortes peuvent y séjourner pour goûter le charme particulier de ses sinistres cellules. Sur la rive gauche, en face de l'îlot, s'élève la ville de Pétrokrépost et les Chantiers navals de la Néva, où l'on construit surtout des tankers pétroliers et où l'on répare les navires marchands. On aperçoit également l'église de l'Annonciation, de style pseudo-baroque. A environ cinq kilomètres de Schlüsselbourg, toujours sur la rive gauche, le village de Marino abrite un obélisque de dix mètres de haut, érigé en souvenir des défenseurs de Léningrad tués dans les terribles combats de 1942 et 1943. A quelques kilomètres de là, sur la même rive, on aperçoit la ville de Kirovsk avec, sur la berge, les cheminées de la puissante centrale thermique et une statue de Sergueï Kirov, l'ancien dirigeant très populaire de Léningrad qui mourut assassané, événement qui déclencha les purges staliniennes des années 1930. Quelques kilomètres plus loin, sur cette même rive, au confluent avec la Tosna, un autre obélisque de granit et une pyramide aux marches de béton célèbrent la mémoire des combattants qui empêchèrent en 1941 les Allemands de pénétrer a Léningrad. A une dizaine de kilomètres, encore sur la rive gauche, l'Ijora se jette dans la Néva : c'est là qu'eut lieu en l'an 1240 la célèbre bataille où le prince de Novgorod Alexandre battit et repoussa les Suédois, ce qui lui valut le surnom d'Alexandre Nevski. Une église, puis un monument en l'honneur de cette victoire ont été bâtis à la confluence de l'Ijora avec la Néva. Un peu plus loin, s'élèvent les bâtiments de la célèbre usine de l'Ijora, construite par Pierre le Grand en 1722, un des piliers de la construction mécanique russe. Peu après, sur la rive droite, s'étend le grand parc Nevski, de plus de 600 hectares, qui fut aménagé au milieu du 18ème siècle et est aujourd'hui l'un des endroits préférés des promeneurs. Enfin, le Bourg des Pêcheurs, où le tsar Pierre aimait venir se reposer, se trouve aujourd'hui inclus dans Saint-Pétersbourg. Tout cela, nous ne le verrons pas car nous y passerons de nuit, mais on peut toujours rêver! Voici quel sera le profil
de notre croisière, de Saint-Pétersbourg à Goritsy,
puis de Goritsy à Moscou.
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