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Les échanges intercontinentaux, entre
l'Europe, l'Afrique et l'Asie, remontent à la plus haute antiquité.
Pendant des siècles, sur plus de 7000 km, d'étroites relations
se développèrent depuis Venise, via les Balkans, la Crimée,
le Levant, l'Anatolie et l'Asie centrale jusqu'en Chine.
Ces chemins ne représentaient d'ailleurs qu'une partie de l'immense
réseau tissé entre l'empire du milieu et l'ouest, non seulement
européen, mais aussi africain (Afrique du Nord, Égypte),
ainsi que vers l'est (Corée, Japon, Philippines) et le sud (Indes,
Vietnam). Par ailleurs, à côté de la Route de la Soie,
on connut également des routes du jade, de l'or et du sel; c'est
pourquoi la terminologie que nous employons n'est pas d'origine chinoise
mais européenne; encore convient-il d'observer qu'elle ne vit le
jour qu'au 20ème siècle; on doit cette expression à
un géographe allemand: Ferdinand von Richthofen. Cette terminologie
est trompeuse dans la mesure où elle laisse supposer l'existence
d'une voie de communication unique où n'aurait circulé qu'un
seul produit. En fait, suivant les vicissitudes de l'histoire (guerres,
invasions, constitution et dissolution des empires...) l'itinéraire
évolua au cours du temps passant soit au sud, soit au nord de la
Caspienne, soit par Ceylan via le Golfe persique, afin d'assurer la sécurité
des caravanes mais aussi pour éviter des intermédiations
coûteuses ou indésirables et, sur ces différents chemins,
on transporta bien d'autres produits que la soie et les échanges
culturels y furent intenses.
Des échanges commerciaux importants sur d'aussi grandes distances supposent un climat de paix. La constitution de vastes empires contrôlant les routes les favorisent tandis que la désagrégation de ces empires en Etats plus petits, incapables de maintenir l'ordre ou se querellant, entraînent leur diminution voire leur disparition. Les routes commerciales sont donc largement tributaires de l'histoire et leur activité connaît des hauts et des bas. Celles de la Soie n'échappent pas à cette règle; pendant des siècles, les empires grec, romain puis byzantin à l'ouest, la Chine des Han, des Tang et des Mongols à l'est, les Parthes puis les Perses entre les deux, créèrent les conditions favorables à l'essor des transactions qui se rétractaient toutefois pendant les périodes troublées intermédiaires. Entre 7500 et 4000 avant notre ère, les peuplades du Sahara importaient déjà des animaux domestiques d'Asie. Voici environ 6000 ans, les Égyptiens faisaient venir du lapi lazuli d'Afghanistan. Vers 2500 avant notre ère, la civilisation afghane de Mundigak atteignit son apogée et servit d'intermédiaire entre la Mésopotamie, Suse (Iran actuel) et la vallée de l'Indus; ces relations se seraient interrompues 1700 ans avant notre ère; cependant, des archéologues ont trouvé un fragment de soie en Bactriane (Asie centrale: Afghanistan, Ouzbékistan et Tadjikistan), daté de -1500; on en a trouvé également dans des nécropoles égyptiennes antiques dont l'analyse prouva qu'elles provenaient très certainement de Chine; et les princes celtiques de Hallstatt (environ de -800 à -500) connaissaient également l'usage de la soie. Enfin, il ne faut pas oublier que ce sont des Indo-Européens, les Tokhariens, peut-être originaires des bords de la Mer Noire, qui, voici plus de 3000 ans, peuplaient la région devenue aujourd'hui le Sinkiang. Au 5ème siècle avant notre ère, la conquête de l'Afghanistan par Cyrus le Grand rétablit les échanges entre le Moyen-Orient et l'Asie; Darius poursuivit une politique visant à atteindre la florissante civilisation aryenne du Gange. Le percement du canal de Suez antique ouvrit une voie de communication maritime entre l'Orient et l'Occident qui entraîna le dépérissement de la Mésopotamie et de Babylone. Trois siècles avant notre ère, Alexandre le Grand poussa ses conquêtes jusqu'en Asie centrale, où il fonda des colonies grecques qui s'étendirent, selon l'historien Strabon, jusqu'aux frontières de Chine; ses successeurs les Ptolémées, qui régnèrent en Égypte, restèrent en contact avec ces colonies devenues l'empire séleucide (Asie mineure: de la Syrie aux Indes) et la Bactriane. Des pièces de monnaies de Panticapée, située à l'est de la Crimée, datées du 3ème siècle avant notre ère, ont été trouvées en Dzoungarie, en 1918, et Hérodote atteste, dans ses écrits, que des Grecs de son époque se rendaient dans une région qui pourrait être le Gansu, aux alentours de Dunhuang. La zone de l'Afghanistan et du Pakistan fut
tour à tour envahie par les Indes, qui y introduisirent le bouddhisme,
les Scythes, les Parthes, puis les Kouchans, nomades du nord de la Chine,
qui furent à l'origine de la brillante civilisation de Bagram (nord
de Kaboul) et favorisèrent l'interpénétration des
cultures de l'Occident et de l'Orient (art du Gandhara et de Hadda). Vers
la fin du 2ème siècle avant notre ère, la dynastie
des Han s'intéressa aux florissantes civilisations urbaines d'Asie
centrale (Ferghana, Bactriane, Parthie); l'empereur Wudi envoya Zhang Qian
en ambassade vers les régions de l'ouest. La possession des chevaux
de ces régions représentait une ressource vitale pour l'armée
chinoise qui affrontait les nomades des steppes (Xiongnu). A la suite de
cette ambassade, le commerce de la soie se développa à l'initiative
de l'empire chinois qui y trouvait une source de profit. Les balles étaient
transportées par des chevaux jusqu'à Dunhuang, puis par des
chameaux de Bactriane à travers le désert du Taklamakan et
enfin à dos de yaks pour franchir les cols élevés
du Pamir.
Il est à peu près certain que des émissaires de l'empire du milieu parvinrent jusqu'à Rome, une vingtaine d'années avant le début de notre ère, sous le règne d'Auguste, comme le laissent entendre les écrits de l'historien Florus. Mais, auparavant, des soldats chinois avaient probablement rencontré des légionnaires romains au cours de leurs campagnes. A cette époque, existait déjà une Route de l'Or par laquelle transitait jusqu'à Rome le métal précieux de l'Altaï pour y être converti en bijoux; certains de ces bijoux reprenaient le chemin des steppes asiatiques pour y être vendus aux nomades, dont ils constituaient la fortune. Au premier siècle de notre ère, le général chinois Ban Chao se rendit dans le bassin du Tarim; certains prétendent même qu'il se porta jusqu'à la Caspienne, l'Ukraine et le territoire des Parthes, mais c'est probablement faux; il envoya un émissaire, Gan Ying, à Rome. Au début du 2ème siècle, les légions de Trajan soumirent les Parthes et avancèrent jusqu'aux frontières du monde chinois, mais, semble-t-il, sans entrer en contact avec lui. En 166, des marchands syriens parvinrent jusqu'en Chine. Dès après la conquête de l'Égypte, le commerce intercontinental entre le monde romain, d'une part, l'Afrique et l'Asie, d'autre part, se développa considérablement, ainsi que l'atteste la découverte de pièces de monnaie romaines au Sri Lanka. Par ailleurs des relations entre le monde romain et les Indes sont avérées pendant les premiers siècles de notre ère. Rapidement les Romains s'intéressèrent aux soieries chinoises, qu'ils pensaient obtenues à partir de la fibre d'un arbre. La soie transitait par la Perse qui y trouvait une importante source de profit aussi les Romains s'efforcèrent-ils de trouver d'autres voies qui leur permettraient de s'affranchir d'un intermédiaire coûteux. A partir de la fin du 2ème siècle les ambassades se multiplièrent entre les deux empires et l'on assista à un début d'interpénétration des cultures; des personnages grecs apparurent sur des vases chinois. La naissance de l'empire byzantin accentua ces échanges tandis que d'autres peuples (Arméniens, Hongrois) servaient eux aussi de relais entre l'Orient et l'Occident. Les oasis prospères de la Sérinde, érigées en une multitude de petits royaumes, constituèrent également un maillon essentiel entre les civilisations d'Afrique et du Moyen-Orient (Antioche, Alexandrie, Byzance) et celles d'Asie; elles contribuèrent à la diffusion de la culture, de l'art et des religions. A partir du début du 7ème siècle, des commerçants juifs, les Radanhites, établirent des relations commerciales entre l'Occident et l'Asie, tant par voies terrestres que par voies maritimes; elles partaient de France pour aboutir en Chine et durèrent jusqu'à l'an mille. Parallèlement, le développement de l'élevage du vers à soie et la fabrication d'une soie de bonne qualité au Moyen Orient rendit l'importation des soieries chinoises moins intéressante et le commerce évolua vers d'autres produits. Les fragments d'un registre de la douane sur les caravanes de Turfan, daté des années 630, permet de reconstituer trente-cinq opérations commerciales sur des produits de luxe apportés par les caravanes et sur lesquels les autorités de la ville prélevaient des taxes. Parmi les produits vendus: remèdes médicinaux, laiton, fil de soie, parfum, sel d'ammoniac, curcuma, or, argent… les Sogdiens, peuple de langue iranienne originaire d'une partie de l'Ouzbékistan, monopolisaient vingt-neuf d'entre elles, ne laissant qu'une portion congrue aux nombreuses autres ethnies de la ville. On peut estimer que, du 5ème au 8ème siècle, période pendant laquelle la Route terrestre de la Soie atteignit son apogée, les Sogdiens contrôlaient presque exclusivement le grand commerce caravanier entre la Chine et l'Ouest. On trouve leurs noms et leurs graffitis par centaines sur les différents points de passage, comme par exemple sur les très hauts cols qui relient l'Asie centrale et l'Inde, ou encore au Kazakhstan. L'effondrement de l'empire romain d'Occident, les invasions barbares en Chine et l'arrêt de l'expansion de ce pays vers l'ouest, après la victoire des forces musulmanes à la bataille de Talas (751), mirent pour un temps en sommeil les rapports entre l'Europe et l'Asie par voies terrestre. Mais elles demeurèrent vivaces entre le Moyen Orient, les Indes et la Chine. On pense que des influences croisées fertilisèrent réciproquement les religions (Hercule aurait ainsi été adopté par le bouddhisme: Vajrapani serait une de ses adaptations; il y en aurait d'autres). Au treizième siècle, l'expansion mongole remit l'Occident et l'Orient en contact. De nombreux voyageurs ou ambassadeurs se rendirent à la cour du grand khan; Marco Polo aurait pu être un de ceux là, bien que la réalité de son voyage en Chine soit aujourd'hui contestée, mais il ne fut pas le seul, loin s'en faut. La Route de la Soie prit alors une consistance nouvelle. D'autres routes prolongeaient les voies schématisées
sur la carte qui figure en tête de cette page; elles conduisaient
en Corée, au Japon, au Vietnam et aux Indes; une Route du Sel passait
par le Tibet, elle est encore aujourd'hui
jalonnée d'anciens caravansérails. A côté de
ces voies terrestres, des voies maritimes se développaient également,
comme celles des Radhanites, citées plus haut, mais elles n'avaient
pas alors l'importance qu'elles prirent par la suite.
Au cours d'un voyage, il est évidemment impossible de visiter tous les endroits dignes d'intérêt qui jalonnent un aussi long chemin, même en s'en tenant aux régions aujourd'hui sous juridiction chinoise. C'est pourquoi, il m'est apparu utile de compléter le récit de mon périple par quelques informations et illustrations complémentaires qui s'étendront essentiellement sur les sites qui ne figurent pas dans cette narration. Sous les dynasties des Han et des Tang, une voie de communication vitale reliait la capitale chinoise, Chang'an (Xi'an) à l'Asie centrale, à l'Asie du sud et à l'Europe. On a vu comment les historiens européens lui donnèrent ultérieurement le nom de Route de la Soie; cette marchandise constitua pendant un temps l'essentiel des cargaisons qui y transitaient mais, on l'a déjà dit, ce ne fut pas toujours la seule. A l'intérieur de la province du Shaanxi,
à partir de Xi'an, la Route de la Soie se subdivisait en deux chemins.
Le premier se dirigeait au nord-ouest, le long de la rivière Jinghe;
le second se dirigeait vers l'ouest, le long de la rivière Weihe;
l'un et l'autre empruntaient le corridor du Hexi (Gansu).
Ces deux chemins se rejoignaient dans le comté de Wuwei, dans la
province du Gansu, et continuaient à travers les comtés de
Changye, Jouquan et Dunhuang, franchissaient les portes Yumen et Yangguan
pour pénétrer dans le vaste espace connu aujourd'hui sous
le nom de Région Autonome du Sinkiang
ouïgour (voir la carte ci-dessus).
Au Sinkiang, la route se subdivisait encore en deux chemins principaux au sud des Monts Célestes (Tian Shan), à l'époque des Han. Le premier gagnait l'ouest, à partir de Loulan, au nord-ouest du Lop Nor, en suivant la bordure sud du désert du Taklamakan, via Quiemou, Yutian (Hetian) et Suoche; le second, à partir de Turfan (Turpan), suivait la bordure nord du désert du Taklamakan via Guizi (Kuche) et Shule. Ces deux chemins convergeaient à Kashgar (Kashi) après quoi la route franchissait le Pamir vers l'Inde, la Perse et l'Empire romain (Daqin) (voir la carte ci-dessus). Pendant la période des dynasties du Sud et du Nord, sous les Sui et les Tang, un troisième chemin vit le jour au nord des Monts Célestes (Tian Shan). A l'époque des Tang, cette voie passait par Tingzhou (comté de Jimshar) pour gagner la ville de Suiyie, à la limite de la région sous le contrôle du Anxi Duhufu (commandement civil et militaire de l'ouest), sur la rivière Chuhe, qui constituait alors la frontière, en Asie centrale. Les commerçants mis à part, la Route de la Soie, fut parcourue par des diplomates et des voyageurs dont les plus célèbres sont Zhang Qian (envoyé par l'empereur Wu en mission vers l'Occident), Xuan Zang (662-664) (un moine chinois qui entreprit un pèlerinage aux Indes), Chiumoloshih (un moine indien) et Marco Polo (si l'on admet qu'il est allé jusqu'en Chine). La soie, la poudre à canons, le papier, l'imprimerie, l'astrolabe et le compas furent introduits en Occident par cette voie. Le bouddhisme, le nestorianisme et l'islam parvinrent également jusqu'en Chine en l'empruntant. De nombreux et fréquents échanges culturels et artistiques eurent lieu, grâce à elle, tout au long de son existence. Point de départ de la Route de la Soie,
dans le sens est-ouest, Xi'an
est une cité ancienne dont la culture brillante est mondialement
reconnue. A partir du 11ème siècle avant notre ère,
elle fut par intermittence la capitale des Zhou, des Qin, des Han,
des Sui, des Tang et d'autres dynasties encore, au total pas moins de onze,
sur une période de 1100 ans. Première capitale, son histoire
est la plus longue des six villes les plus anciennes de Chine. Non sans
éprouver bien des vicissitudes, elle connut différentes étapes
de l'évolution humaine et sut préserver les traces de leur
passage. Les touristes qui la visitent peuvent aujourd'hui bénéficier
de son important héritage culturel et artistique.
En allant vers l'ouest, le long de la rivière Weihe, via les comtés de Xianyang, Xinping et Fufeng, à travers les comtés de Qishan et Fengxiang jusqu'à Baoji, avant de pénétrer dans la région du Gansu, on suit le principal chemin de la Route de la Soie à l'intérieur du Shaanxi. Xianyang fut la capitale des Qin; son musée recèle de précieux restes de cette dynastie et de celle des Han. Maolin, la tombe de l'empereur Wudi (Han), celle du général Huo Qubing, dans le comté de Liquan, et la sépulture de Qianling, dans le comté de Qianxian, autant de témoignages du passé qui méritent une visite; ils sont remarquablement conservés. A voir également, la tombe de la concubine Yang, sur le chemin de la Pente Mawei du comté de Xingping. Le Temple Fa Men du comté de Fufeng est le plus vieux temple bouddhiste de la plaine du Guanzhong. L'ancien champ de bataille Zhu Geliang se trouve dans le comté de Qishan en un lieu nommé plaine de Wuzhang. Le Lac de l'Est, situé dans le comté de Fengxiang, exerce une indéniable fascination sur ceux qui s'y rendent. Baoji est un point de communication clé entre le Shaanxi et le Gansu; son temple Jintai constitue une attraction touristique digne d'intérêt. Située entre Xi'an à l'est et
Lanzhou à l'ouest, la ville de Tianshui, renommée pour ses
nombreuses sources et ses eaux claires, fut naguère un centre commercial
important sur la Route de la Soie. On y trouve plusieurs sites historiques
et vestiges culturels; le principal est le complexe de grottes de Maijishan
qui fut commencé au début du 5ème siècle; les
194 excavations qu'il comporte contiennent plus de 7200 statues d'argile
et de pierre ainsi que quelques 1300 m2 de fresques. Parmi d'autres sites
importants, citons les temples Nanguo et Fuxi. Les chroniques de la ville
rapportent que Li Guang, un célèbre général
des Han y est né; que Zhuge Liang, un stratège avisé
et plein de ressources des Trois Royaumes livra six batailles dans la montagne
Qishan, au sud de la cité; que Xuan Zang, le moine bouddhiste renommé
de l'époque des Tang, passa par là, lors de son pèlerinage
aux Indes, et que le grand poète Thou
Fou (Du Fu) (712-770) y trouva quelques temps refuge.
Lanzhou, la capitale de la province du Gansu, couvre une superficie de 14000 km2 et compte une population de deux millions d'habitants. Cette cité de 2000 ans d'âge fut autrefois une importante ville stratégique sur la Route de la Soie. Le célèbre général Huo Qubing, de l'époque des Han, y tint garnison et Xuan Zang, le moine pèlerin, la traversa lors de son voyage aux Indes. Plusieurs sites historiques s'y rencontrent; les parcs des Cinq Printemps et de la Pagode Blanche, renommés pour les scènes ravissantes qu'ils offrent aux yeux et leur architecture unique, sont construits au flanc des collines qui surplombent le Fleuve Jaune, dont les eaux coulent dans un couloir resserré au milieu de la ville; le coup d'oeil vaut l'ascension au sommet de la butte dominant le fleuve; la Grotte des Mille Bouddhas Binglingsi, commencée en 420, contient des statues creusées dans le roc et des fresques peintes depuis le 5ème siècle jusqu'au 19ème siècle qui rappellent celles des grottes de Yungang et Longmen. De Lanzou, on se rend facilement au monastère de Labrang (Labulengsi), à Xiahe, l'une des six plus grandes lamaseries qui compte soixante mille bouddhas de bronze plaqué or; chacune de ces statues possède son expression personnelle. Lanzhou, aujourd'hui un des centres de l'industrie chimique chinoise passe pour être l'une des villes les plus polluées du pays; elle n'en produit pas moins des variétés de melon dont le parfum, mêlé à celui d'autres fruits, embaume l'air en été. Le couloir du Hexi (Gansu), un des liens vitaux de la Route de la Soie, s'étire sur 1200 km, depuis le mont Wushao jusqu'à la gorge Xingxingxia. Les montagnes qui le bordent délimitent un étroit corridor désertique à l'ouest du Fleuve Jaune, d'où son nom. Sous les Han et les Tang (de 206 avant notre ère jusqu'à 907), les oasis de ce couloir servaient de halte pour les caravanes, les marchands, les émissaires et les pèlerins qui l'empruntaient en un flot continu. Les échanges culturels et commerciaux entre l'Asie centrale et la Chine y laissèrent de nombreux vestiges comme le Temple du Grand Bouddha Couché (Zhangie), la forteresse Jiayuguan (terminaison ouest de la Grande Muraille), le Cheval Volant (Wuwei), les restes des forteresses Yangguan et Yumenguan (Porte de Jade) aux murailles de terre et de paille liées avec du riz gluant etc. Les grottes de Mogao (Dunhuang) méritent une mention particulière comme l'une des plus célèbres merveilles du monde. Le couloir du Hexi attire un nombre croissant de touristes. .
D'après les sources historiques, Turfan (Turpan) se trouverait à l'endroit de l'ancien royaume Che Shi dont la capitale était Jiahoe. En 327, Zhang Juen du régime Liang commença la construction de la préfecture de Gaochang. Sous les Tang (618-907), Xi Zhou (l'État de l'Ouest) s'y établit et le Anxi Duhufu, l'organe suprême de commandement civil et militaire de la Région de l'Ouest y siégea. Turfan (Turpan) devint ensuite une des communautés Huihu (futurs Ouïgours). Lorsque le Sinkiang fut réuni à la Chine, sous les Qing (1644-1911), Turfan se trouva sous la domination de la famille Emin Hodja (Imin Khoja) et ce jusqu'à la chute de cette dynastie. Cette ville jouit d'un climat chaud et sec favorable à la culture des melons, des raisins et d'autres fruits qui y sont produits en abondance. On désigne cette oasis sous le nom de Terre des Fruits; elle est mondialement connue pour ses melons et ses raisins sans pépins. Les Montagnes Flamboyantes et les ruines d'anciennes cités légendaires, situées à proximité, attirent de nombreux touristes de Chine et du monde entier. .
Sur l'ancienne Route de la Soie, on observe souvent d'étranges phénomènes; des villages et des cités disparaissent au crépuscule, avalés par les dunes en mouvement, pour réapparaître à l'aube, lorsque le sable a été déplacé plus loin. Les ruines les mieux préservées des cités antiques sont celles de Gaochang et de Jiaohe, dans le bassin de Turfan; la première fut la capitale du royaume féodal de Gaochang et la seconde fut la capitale du royaume de Che Shi. On a surnommé l'ancienne cité de Loulan "Le Pompéi du Désert"; elle se trouve dans la voisinage du Lop Nor, un marécage d'eau saumâtre; elle fut redécouverte en 1899 par l'explorateur suédois Sven Hedin. .
L'ancienne ville du Qiuci (Kuche) est située au sud des Montagnes Célestes (Tian Shan); elle mesure environ 7 km de circonférence; les archéologues chinois ont découvert là des objets de pierre, d'os et de cuivre remontant au Néolithique. Kuche fut le point focal des cultures orientales et occidentales et le centre politique, économique et culturel de la frontière nord-ouest depuis les dynasties des Han et des Tang. Cette capitale de l'un des plus importants royaumes de l'ancienne Région de l'Ouest voyait sa juridiction s'étendre sur les comtés de Luntai, Shaya, Xinhe, Baicheng, Aksu et Wushi. C'est la patrie des chants et danse du Quici; sa musique jouissait d'une grande réputation dans toute la Région de l'Ouest. Aujourd'hui encore, les gens de Kuche, hommes et femmes, jeunes et vieux, excellent dans cet art. Le voyageur qui arrive dans cette ville est immédiatement immergé dans une ambiance magique de chants et de danses. Khotan, l'ancienne Yutan, se trouve au sud
de la Région Autonome du Sinkiang Ouïgour. C'était une
étape importante de la Route de la Soie. Le royaume de Yutan fut
longtemps célèbre. Il fut l'un des premiers centres bouddhistes
des Régions de l'Ouest; nombre de moines réputés y
laissèrent des souvenirs. Khotan est une oasis fertile mondialement
renommée pour ses trois productions majeures: la soie, les tapis
et le jade.
Kashgar, connue comme le royaume de Shu Le sous les Han, est reliée aux pâturages kirghizes au nord, à l'Asie centrale en direction de l'ouest, à l'Inde vers le sud et aux passes Yumen et Yangguan du côté de l'est. Cette cité fut longtemps un important noeud de communication entre l'Occident et l'Orient sur la Route de la Soie. Les caravanes s'y arrêtaient pour se réorganiser et échanger leurs marchandises; la place était alors un centre commercial très affairé. L'histoire de Kashgar remonte à plus de 20 siècles et les vestiges archéologiques y sont nombreux; on y trouve des tombes de saints musulmans et celle de la légendaire concubine parfumée (d'après ce que l'on prétend); la mosquée Idkah est vieille de plus de 400 ans; elle est mondialement connue pour son séminaire réputé où se formèrent beaucoup d'imams. L'artisanat de Kashgar surclasse celui de tous les autres lieux du Sinkiang. Les sommets vertigineux de hautes montagnes
jalonnent la Route de la Soie. Plusieurs d'entre elles sont ouvertes au
tourisme et à l'alpinisme. Plus de treize pics ont été
gravis par des alpinistes étrangers au cours des dernières
années. Ces pics sont accessibles à partir de Kashgar, Yarkand,
Yecheng, Khotan et d'autres villes.
Les témoignages du passé ne manquent pas le long de la Route de la Soie. Les chevaux et les chariots de bronze de l'époque des Han de l'Est donnent une idée des caravanes armées qui parcouraient le couloir du Hexi. Les fabriques de soieries exhumées à Niya et à Turfan révèlent le degré de finesse atteint par l'artisanat local à des époques très reculées. Le chameau coloré monté par des musiciens et le cheval au galop découverts à Xi'an témoignent des distractions des commerçants arabes au cours de leur long périple tandis que le tableau représentant des joueurs de polo nous renseigne sur les sports pratiqués dans l'ancienne Chine. Les pièces d'or de Rome, celle d'argent de Perse, thésaurisées par le prince Li Shouli, de la dynastie des Tang, montrent que les espèces de plusieurs contrées éloignées circulaient librement dans l'empire du milieu. Le visiteur prend ainsi la mesure de l'importance des échanges économiques et culturels qui eurent lieu sur cette route au bénéfice commun de l'Asie et de l'Occident. L'effondrement de l'empire byzantin et de l'empire
mongol porta une atteinte fatale à la Route de la Soie terrestre.
Cependant, qu'en Europe, l'apparition de l'artillerie contribuait fortement
à la disparition du monde féodal et à l'intégration
d'États dont la doctrine économique s'inspirait d'un mercantilisme
défavorable aux importations, en Asie, le nomadisme cédait
progressivement la place à la sédentarisation et l'empire
volait en éclats. La Renaissance, avec les grandes expéditions
maritimes européennes, portèrent le coup de grâce à
la route terreste qui périclita au profit de la route maritime qui
lui fut préférée.
Elle pourrait toutefois renaître aujourd'hui de ses cendres sous les apparences d'une Route du Pétrole. La Chine, grosse consommatrice d'énergie, aurait en effet intérêt à sécuriser ses approvisionnements maritimes, vulnérables en cas de conflit, en les doublant par des approvisionnements terrestres, plus faciles à protéger, tant que le Sinkiang est sous sa juridiction. |