Carnet  de  route  d'un  voyage  en Jordanie
novembre 2008 (suite 4)
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7 ème jour (22 novembre): vers Amman  (les photos sont  ici ) 

Après le petit déjeuner, nous reprenons la route en direction du nord, vers Amman. Notre première halte a lieu en sortie des pistes, dans une manière d'oasis, au premier garage, pour y regonfler les pneumatiques, dont la pression a été réduite, pour mieux rouler dans le sable. Cette station arbore, comme enseigne, un vieux pneu entouré de papier doré, d'où le nom que je lui attribue généreusement: "Au pneu d'or"! Des chambres à air, fraîchement réparées, sèchent au soleil, pendues à des crochets; sur l'une d'elles, on ne compte pas moins de sept grosses rustines; ici, on use les chaussures jusqu'à la corde; les jantes sont à l'avenant: martelées et cabossées. A côté de l'entrée du garage, un olivier chargé de fruits violacés, presque mûrs, voisine avec des enveloppes de caoutchouc hors d'usage. 
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L'olivier près du garage
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Nous revenons vers la capitale par l'autoroute d'Aqaba, alors que nous sommes arrivés au désert pas la Route des Rois. Du voyage, il n'y a pas grand chose à dire. Nous nous arrêtons dans un petit centre commercial, pour nous reposer et nous rafraîchir; il y a un café, une station service et aussi un magasin pour touristes; j'y achète un DVD sur la Jordanie. Nous abordons Amman par les beaux quartiers, le sud et l'ouest; de superbes maisons aux façades claires, agrémentées de jardins arborés, affichent l'aisance de leurs propriétaires. Les avenues sont larges, les voitures sont nombreuses, mais la circulation demeure fluide. Nous déjeunons, avant de nous rendre à l'hôtel; les piments sont très forts, tout à fait à mon goût. Ensuite, une sieste, et surtout une bonne douche, nous remettent en état; nous en avons bien besoin, après deux journées passées dans les sables, sans salle de bains. 

Le soir nous visitons les quartiers populaires. En nous y rendant, je demande à notre chauffeur où se trouve le palais du roi. Il me répond que le roi possède plusieurs palais, qu'il n'habite jamais le même, et que l'endroit où il se trouve n'est pas divulgué; il ajoute qu'il se garderait bien de le demander: cela pourrait le rendre suspect et lui valoir l'intérêt de la police. Notre cicérone nous invite à rester bien groupés; nous ne sommes plus dans le désert et, à Amman comme dans toutes les grandes villes du monde, les vide-goussets ne sont pas rares. 
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L'emblème d'Amman
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La capitale de la Jordanie est une ville fascinante et pleine de contrastes; mélange de modernisme et de vestiges antiques, elle est bâtie sur plusieurs collines, 7 à l'origine, comme Rome, et 19 aujourd'hui, culminant à 1029 m, entre le désert et la fertile vallée du Jourdain. Cité ancienne, capitale du royaume biblique des Ammonites, elle n'existait pratiquement plus au milieu du 19ème siècle et sa population a été multiplié par 1000 depuis la fin du dit siècle. Au milieu du siècle suivant, en trente ans, elle doubla de superficie et compte maintenant plus de 3 millions d'habitants. Ces derniers sont cosmopolites, éduqués, hospitaliers, chaleureux, et ils prennent plaisir à accompagner le visiteur, afin de lui montrer leur ville; mais ils ne sont pas exempts des défauts qu'apporte l'ouverture au monde. Beaucoup de taxis sont dépourvus de compteurs et le prix de la course doit se négocier, en n'oubliant pas que le chauffeur n'aura probablement pas de monnaie; le passager a intérêt à se munir de petites coupures pour faire l'appoint. La ville basse, que nous allons parcourir, est plus vieille et plus traditionnelle, avec ses petits commerces de toute sorte, variant des bijoux aux appareils électroniques. La moitié des Jordaniens habitent dans la zone d'Amman, en raison de la prospérité de la ville et de son climat tempéré. Les quartiers résidentiels se composent de rues et d'avenues, bordées d'arbres et flanquées d'élégantes maisons blanches, nous en avons vu des exemples en arrivant. Une loi impose que toutes les façades soient couvertes de pierres locales. 
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Au marché d'Amman: les aubergines rondes
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Nous nous arrêtons sur une place, à proximité de colonnes antiques, pas très loin du théâtre romain, et nous partons à pied, explorer les rues aux alentours du marché, où l'on retrouve l'atmosphère de tous les souks orientaux. Les étalages de légumes y sont variés, bien achalandés et très colorés; je remarque des aubergines rondes, de petits poivrons jaunes, à moins que ce ne soient de gros piments; j'achète un paquet de dattes. Une de nos compagnes de voyage étant prise d'un malaise, le médecin de notre groupe lui dispense quelques soins, assise sur une chaise, dans une boucherie; elle regagne ensuite notre hôtel. Les boutiques se touchent et offrent au promeneur le choix le plus hétéroclite: des produits de bouche aux vêtements, en passant par la musique et la chaudronnerie. A l'entrée de l'une d'elles, pendent des plantes séchées exotiques, parmi lesquelles les amateurs de cuisine orientale reconnaissent des gombos; à l'intérieur, des pyramides de poudres colorées s'exhibent au regard des chalands; j'achète de petites pastilles noires, soi disant souveraines contre les maux de gorge; à l'usage, je devinerai qu'elles sont à base de propolis. Nous faisons ensuite halte chez un disquaire; on fouine dans les rayons, on écoute, on choisit; en matière de musique locale, je ne trouve rien qui retienne mon attention. En flânant, nous passons devant des boutiques de mode, où des mannequins de cire présentent les parures féminines du pays, très colorées mais surtout très décentes. Sur le trottoir, armé d'une sorte de pochoir, un camelot dessine, avec des crayons à bille de couleur, sur une feuille de papier, des figures géométriques qui font penser à des fractales, mais qui n'en sont pas; voilà un jeu bon marché pour distraire les enfants! Nous passons devant une grande mosquée, précédée d'une vaste esplanade; je présume qu'il s'agit de la mosquée Al-Hussein, fondée au 7ème siècle et reconstruite de 1924 à 1987, par les souverains hachémites; elle porte le nom de l'émir, père de l'indépendance et fondateur de la dynastie actuelle. 

Le soir, nous dînons dans un restaurant réputé, dont la nourriture abondante est délicieuse; la spécialité y est une boisson que l'on nomme limonade, mais qui n'a rien à voir avec celle de chez nous; elle est rafraîchissante, composée sans doute de jus de citron sucré à la menthe; j'en boirai deux verres, pour accompagner les brochettes et les petites saucisses au boeuf et au mouton, les purées d'aubergines et de pois chiches, les carottes confites et surtout les piments grillés. 
 

8 ème jour (23 novembre): Amman  (les photos sont  ici ) 
 
Ce matin, levé de bonne heure, mes bagages préparés, car nous devons rejoindre Madaba dans la journée, je descends prendre mon petit déjeuner. La salle n'est pas encore préparée et on m'invite à patienter. Dès que le buffet est dressé, je me sers et passe à table. Arrivent successivement beaucoup d'Orientaux, hommes et femmes, de stature plutôt élevée, habillés dans un style qui n'est pas celui d'Amman. Renseignement pris auprès d'un accompagnateur, il s'agit de Palestiniens, en route pour le pèlerinage de la Mecque. 
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La maquette de la première salle de la mosquée du roi Abdullha Ibn Al-Hussein
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Ce matin, nous commençons par la visite d'une mosquée, celle du roi Abdullha Ibn Al-Hussein, terminée en 1990, un magnifique édifice, au dôme revêtu de faïence bleue flanqué de deux sveltes minarets blancs. Cette mosquée n'est pas uniquement consacrée au culte; on y trouve aussi une fondation royale, un centre culturel islamique et un musée. A côté d'elle, juste de l'autre côté de la rue, se dresse le clocher d'une église copte frappé de la croix tréflée. Les dames sont invitées à passer au vestiaire, pour s'y procurer un complément vestimentaire destiné à rendre leur tenue décente, selon les normes locales. Tout le monde devra quitter ses chaussures à l'entrée de la salle de prières.  

Les décorations de la première pièce que nous visitons, bien que modernes, sont traditionnelles; il s'agit d'arabesques, colorées de teintes claires, sur un fond plus foncé, qui les met en valeur; le plafond est une véritable dentelle de stuc; des faïences bleues, d'un ton vif, couvrent le soubassement; l'effet de cet ensemble est assez harmonieux. Dans un coin de la pièce, une  maquette de la ville et de la mosquée repose sur un jeu de tables. La visite se poursuit par celle d'un auditorium aux fauteuils cramoisis, à la scène ornée des portraits des deux derniers souverains jordaniens, l'actuel et son père décédé. Vient ensuite un musée, où se trouvent les maquettes des mosquées les plus significatives du monde arabe; je n'ai malheureusement pas retenu leur nom. Nous passons ensuite à la salle de prière; il y règne un demi jour propice à la méditation; le sol est recouvert d'un immense tapis rouge, cloisonné d'étoiles et autres dessins géométriques; sous la coupole nervurée d'arcs, pend un large lustre à plusieurs étages d'ampoules; la base de la coupole est percée de petites fenêtres pourvues de vitraux multicolores. Un panneau lumineux affiche des informations essentielles: date, heure, température extérieure, heures des prières... Une niche, décorée de rectangles, de dorures et de panneaux voûtés, est creusée dans un des murs, face à la Mecque, derrière un microphone, à côté de la chaire de bois finement ajouré où prêche l'imam. 
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Les vitraux le la mosquée du roi Abdullha Ibn Al-Hussein
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Nous gravissons ensuite le chemin de la Citadelle qui s'élevait sur une colline. Du haut de cette éminence, à l'entrée du site, on jouit d'une belle vue sur l'est d'Amman, où se concentrent les quartiers populaires; les maisons cubiques, étroitement tassées les unes contre les autres, s'étagent sur une pente.  

Ici comme ailleurs, il nous faut prendre un guide local; celui-ci recueillera son dinar pendant que je prendrai des photos et je m'apercevrai, au moment de partir, que je n'ai pas payé mon écot. La première chose que je remarque est le massif mur d'enceinte qui ceinturait la ville ancienne; il est démoli et laisse voir son appareil de pierres: petites au milieu, de maçonnerie à gauche et de grosses pierres de taille à droite; il doit dater de l'époque romaine. La cité antique s'élevait autour de la citadelle; elle n'est plus qu'un champ de ruines, dominé par les colonnes du temple d'Hercule et le dôme d'une mosquée omeyyade. De l'autre côté de la colline, vers l'ouest, on aperçoit les beaux quartiers d'Amman, avec deux tours jumelles, qui n'ont rien de commun avec celles du World Trade Center, une énorme tour ronde qui est celle, je crois d'un hôtel de luxe, et beaucoup d'espaces verts; l'architecture est évidemment très différente de celle des quartiers populaires.  
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Pour visionner le site de la citadelle d'Amman vu d'un satellite, cliquez ici
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La colline de la citadelle est le lieu le plus anciennement habité d'Amman. On pense qu'elle fut peuplée depuis des temps très reculés, en raison de la présence d'eau, qui en faisait un lieu d'habitat potentiel intéressant; des dolmens ont d'ailleurs été trouvés dans les environs; des restes, datant des âges du bronze et du fer, ont été dégagés, parmi les vestiges hellénistiques et Romains; des établissements humains y auraient existé à l'époque chalcolithique (-3500) et à l'époque des Hyksos (-1600). A l'époque biblique, l'ancienne Amman portait le nom de Rabbah Ammon et fut la capitale des Ammonites; elle entra à plusieurs reprises en conflit avec ses voisins; le roi David y envoya une ambassade, dont le monarque ammonite se méfia et qu'il retint captive; une guerre s'en suivit et la cité fut conquise par les troupes juives; on suppose que ces dernières assaillirent la citadelle par le nord, endroit le plus vulnérable; c'est donc là qu'aurait péri Urie le Hittite, époux de Bethsabée, officier dans l'armée du roi David, que ce dernier ordonna de placer à l'endroit le plus exposé. Plus tard, la cité redevint ammonite, puis assyrienne, perse et babylonienne, avant de tomber sous la coupe des Ptolémée, Grecs d'Égypte, qui la nommèrent Philadelphia, avant de la perdre au profit des Séleucides, des Syriens, puis des Nabatéens. Elle fit partie de la Décapole, créée en -66, et fut conquise par les Romains, un peu avant le début l'ère chrétienne (-30); ces derniers effacèrent du site la plupart des vestiges antérieurs. Elle atteignit son apogée aux 2ème et 3ème siècles; sa position stratégique, sur la piste caravanière, qui reliait Bosra, en Syrie, à Pétra puis Aqaba, assurait alors sa prospérité. Elle fut le siège d'un évêché à l'époque byzantine, prit le nom d'Amman sous les Ghassanides (des chrétiens arabes), puis fut conquise par les musulmans en 635. Florissante sous les Omeyyades, elle déclina lentement, par suite du déplacement du centre du pouvoir, de Damas à Bagdad, sous les Abassides. Plusieurs tremblements de terre la secouèrent et elle fut pratiquement abandonnée du 13ème siècle jusqu'à la fin du 19ème siècle, époque où des Circassiens (musulmans du Caucase persécutés par le régime tsariste) s'y installèrent.  
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Le drapeau jordanien flottant au-dessus des quartiers populaires à l'est d'Amman
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Le bref exposé historique ci-dessus fournit une entrée en matière et un cadre à la visite d'un petit musée archéologique, où sont présentées de nombreuses pièces découvertes, non seulement sur l'emplacement de la citadelle, mais à travers toute la Jordanie. L'escalier qui conduit au musée est gardé, de chaque côté, par des divinités antiques sculptées sur de la pierre noire. En haut des marches, à gauche, une énorme main ferme la rampe; c'est tout ce qui reste d'une statue de dix mètres de haut qui faisait l'orgueil du temple d'Hercule. La collection du musée est exceptionnellement intéressante et bien présentée; il est évidemment impossible de tout citer; je me bornerai donc à présenter, dans l'ordre chronologique, les objets qui ont le plus attiré mon attention. 

Du néolithique est venu jusqu'à nous un buste humain en terre qui serait la plus ancienne statue façonnée de main humaine. Cette pièce rare a été trouvée dans les environs de Jéricho. 

Le site deTeleilat Ghassul appartient à la période chalcolithique (de pierre et cuivre: - 4500 à -3200). Il est situé sur la rive occidentale du Jourdain, presque en face de Jéricho, à 300 m au-dessous du niveau de la Méditerranée, à quelques kilomètres de la Mer Morte. Six tertres y ont été fouillés depuis 1929. Les découvertes réalisées permettent de penser que les agriculteurs et éleveurs de cette époque se logèrent d'abord dans des habitations entièrement creusées dans le sol, puis dans des maisons rectangulaires en briques crues. La civilisation ghassoulienne est caractérisée par l'apparition de structures techno-économiques adaptées aux régions sèches; au sein de petites collectivités vivant de la culture des céréales et de l'élevage du gros et du petit bétail, apparut un véritable artisanat; dès cette période, on note l'émergence de structures hiérarchiques et politiques, telles les chefferies; Teleilat Ghassul connut les prémices de l'urbanisation et de l'édification de temples, pour lesquels des objets d'un grand raffinement servaient à la célébration du culte. Le matériel exhumé comporte des articles en cuivre, des pierres taillées, de grandes jattes à fond plat, des figurines en ivoire et en terre cuite et surtout des poteries totalement vitrifiées.  

Une peinture murale provenant de ce site est exposée au musée. Cette peinture a été découverte en 1977, lors de fouilles réalisées par des archéologues de l'Université de Sydney, à peu près à 3 km au nord-est de la Mer Morte. Elle est datée de -4200 (époque chalcolithique ancienne). La scène représenterait une procession religieuse, peut-être en direction d'un temple ou de tout autre sanctuaire. Le personnage principal semble porter un sceptre courbe sur l'épaule droite. Un objet similaire en ivoire a d'ailleurs été également trouvé. Les personnages sont vêtus de manière très élaborée et traités de façon curieuse; leurs yeux sont exagérés; ces particularités sont typiques de la culture chalcolithique. Cette peinture murale, qui s'était effondrée face contre terre, fut retirée morceau par morceau, par les membres de l'expédition, pour la reconstituer. Le travail de consolidation et de nettoyage a été confié à Miss A. Searight du British Museum. La préservation et l'arrangement final de la peinture furent réalisés par l'École de Conservation de Rome de l'UNESCO. 

Les murs intérieurs de beaucoup de maisons de cette période étaient recouvert d'un fin enduit blanc qui se prêtait bien à la peinture. Les sujets représentés sur ce support relevaient de thèmes naturalistes ou reproduisaient des motifs géométriques; il semble que les surfaces étaient régulièrement repeintes, peut-être annuellement. Plus de vingt couches successives ont été comptées sur certains murs. La peinture utilisée était d'origine minérale et les teintes les plus courantes consistaient en nuances de rouge, de noir, de jaune et accessoirement de bleu et de vert. 

Pendant la saison de fouilles de 1977, on exhuma également un atelier de peintures. D'importantes quantités d'ocres, rouge, blanc et jaune, ont été mises à jour, avec les pierres polies employées à écraser et réduire en poudre les pigments. Les ocres se rencontraient dans une zone situé à mi-chemin du fond de la vallée et du sommet du plateau est, à hauteur de la route qui se dirige actuellement vers Amman. La palette primitive de l'artiste était à proximité des tas de couleurs. 

L'âge du bronze nous a transmis un crâne humain qui porte des traces de trépanation. Cette intervention chirurgicale remonte à la nuit des temps; elle s'opérait en perçant des trous dans la boîte crânienne; les patients parvenaient à survivre et c'est ce qui arriva très certainement à l'heureux possesseur du crâne exposé dans la vitrine du musée; en effet, on aperçoit, près du milieu du crâne, un trou fermé presque complètement; malheureusement, les trois opérations suivantes ne rencontrèrent pas le même succès et il est probable que la dernière entraîna le décès du sujet. Ce crâne fut exhumé dans les environs de Jéricho. 

Cinq cercueils anthropoïdes ont été découverts en 1966, sur le terrain du Palais Raghadan, à Amman, parmi d'autres vestiges archéologiques d'une tombe à l'apparence de citerne. Ces cercueils de terre cuite sont pourvus chacun de quatre poignées, qui servirent à les transporter de la fabrique à l'endroit de leur usage. L'un de ces cercueils comporte aussi deux rangées de huit poignées chacune, à l'arrière, qui permettaient vraisemblablement de le soulever, lorsqu'il était étendu horizontalement. A l'emplacement de la tête du défunt, un couvercle est découpé; des poignées en forme de crochet, une sur le couvercle et l'autre sur le corps du cercueil, sont disposées afin d'attacher le couvercle au reste du cercueil; sur deux des couvercles, les portraits des défunts sont tracés; on notera les nez pointus, les yeux petits et allongés en amande, les sourcils arrangés de manière à s'intégrer aux traits du visage; les oreilles sont grandes et décollées, les lèvres fines et droites, les barbes assez longues. De chaque côté des cercueils, des bras semblent sortir de deux d'entre eux. Au moment de leur exhumation, chaque cercueil contenait deux ou trois squelettes. Cette pratique funéraire était assez peu fréquente en Jordanie et en Palestine; citons les sites de Sahab, au sud de Amman, Lachish, Tell al-Far'ah, Besan et Deir al-Balah en Palestine; elle fut en usage du 13ème siècle au 7ème siècle avant Jésus-Christ. Des cercueils comparables ont été découverts à Gaza; ces cercueils de terre cuite seraient inspirés des sarcophages égyptiens, le port palestinien étant dans l'Antiquité une plaque tournante du commerce à l'est de la Méditerranée; plusieurs cercueils, ramenés par Moshe Dayan, lors de la guerre des six jours, sont actuellement exposés dans un musée d'Israël, à Jérusalem. 
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De belles poteries antiques
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L'époque préhistorique est encore représentée par bien d'autres objets, dont un squelette féminin, d'admirables poteries bien décorées, aux formes parfois étranges, un moulin en pierre de belle facture, dont je me demande encore s'il servait à moudre le grain ou à écraser les olives, et tant d'autres choses encore... 

Dans la facture de la statue de pierre d'un homme de l'âge de Fer (- 1100), on perçoit une influence égyptienne et perse. Une inscription ammonite, en phénicien, découverte dans la citadelle d'Amman, relève de la seconde période de l'âge du fer. Elle avoisine une tête probablement phénicienne. 

Nous retrouvons au musée une copie de la stèle noire de Mesha déjà vue au musée archéologique de Kérak. On le sait, cette stèle fut érigée à Dhiban (la Dibon moabite), vers l'an 850 avant Jésus-Christ. Le roi Mesha de Moab remerciait ainsi le dieu moabite Chemosh d'avoir délivré son pays des Israélites. Cette stèle fut redécouverte en 1868. Elle fut détruite par des chercheurs de trésor, après que l'archéologue français Charles Clermont-Ganneau eut heureusement relevé le texte gravé sur elle; l'archéologue sauva également les deux tiers des fragments de la stèle brisée et la reconstitua. Elle est aujourd'hui exposée au Musée du Louvre à Paris. Trente et une lignes du texte ont été déchiffrées et seulement quelques lignes finales ont été perdues. Tout cela était déjà expliqué à Kérak. 

La signification de la stèle de Mesha est double. Elle constitue d'abord le premier témoignage visuel que nous possédions sur l'histoire de la Jordanie et de la Palestine, au cours du premier millénaire avant notre ère; la Bible, principale source sur cette période, a été compilée beaucoup plus tard. C'est aussi, en second lieu, un authentique monument de la langue moabite (reliée au phénicien, à l'hébreu, au judaïque, à l'ammonite et à l'édomite) qui reflète la littérature, la culture et la religion moabite. Son compte rendu des guerres de Mesha est sans doute inspiré des annales royales. Le concept moabite de royauté et d'intervention divine, pour orienter le cours des événements, est commun aux peuples du Moyen Orient antique. 

Voici ce que l'on a traduit des inscriptions. La stèle est un monument dédicatoire, érigé dans un sanctuaire, que Mesha, roi de Moab, natif de Dibon, construisit à son dieu, celui de son pays, Chemosh, pour l'avoir sauvé du danger et de l'oppression (lignes 1 à 4). Le roi israélite Omri occupait le nord du Moab (la région de Madaba) jusqu'au Wadi Wala et au Wadi al-Thamad (lignes 4 à 8). Les Israélites avaient construit deux forteresses sur leur nouvelle frontière, Ataroth (maintenant Kirbet Attarus) et Jahaz (al-Rumail ou Khirbet al-Medeyyineh), à partir desquelles ils menaçaient Dibon, la capitale de Mesha (lignes 10-11 et 18-19). Mesha détruisit Ataroth, la menace principale, et rompit les deux flancs des forces ennemies (lignes 11 à 14). L'armée israélite se concentra, pour passer à la contre-offensive, à Jahaz (lignes 18-19), mais Mesha évita une confrontation directe; il conduisit une partie de son armée sur la ville de Nébo (Khirbet al-Mukhayyat), dont il s'empara par surprise (lignes 14 à 18). Les Israélites se retirèrent derrière la frontière moabite. Mesha attribua son succès à Chemosh plutôt qu'a son astucieuse stratégie (ligne 19). Dans la suite du texte, Mesha présente à Chemosh les travaux qu'il entreprit à travers son royaume, comme témoignage de sa volonté de remplir les obligations contractées envers son peuple, en lui apportant toujours plus de prospérité. Il retrace aussi des campagnes militaires dans le sud et au sud-ouest de Moab (ligne 31). 

Mesha (9ème siècle avant J.-C.) fit inscrire sur sa stèle: "Chamosh me dit: Enlève Nébo aux Israélites. J'y suis allé la nuit et j'ai combattu contre eux depuis l'aube du jour jusqu'à midi; je l'ai prise et je les ai tous mis à mort, 7000 hommes". A l'époque d'Isaïe (15,2) la ville était toujours aux mains des Moabites. 

Divers objets culturels et artistiques ressortent de la période qui va du 9ème au 6ème siècle avant notre ère. Plus de trente personnages peints en pierres calcaires ou, plus occasionnellement, basaltiques, trouvées dans la citadelle de Khirbet al-Hajjar et dans les environs d'Amman, constituent une forme d'art local particulièrement remarquable; en dehors de ces endroits, cette forme d'art n'a été rencontrée que dans le Moab; les figurines et têtes sont dans un état variable de conservation. Les sculptures tri-dimensionnelles sont environ du quart de la taille d'un être réel et dépeignent des personnes de sexe masculin, dans des poses égyptiennes, avec des vêtements et une coiffure inspirés de la Mésopotamie et de l'Égypte. Le style de la coiffure et de la barbe, quoique semblable à celui des Assyriens et des Syriens du nord, n'est toutefois pas complètement similaire. L'une des statues a été identifiée par une inscription comme étant Yereah-'Azar, officier d'un roi ammonite, ou peut-être le roi Amminadab lui-même. Trois têtes féminines à double face, de grandeur nature, ont été également découvertes dans la citadelle. Leurs traits, leur coiffure, leurs bijoux, pareils à des pièces d'ivoire (La Madonne à la Fenêtre) suggèrent qu'elles proviennent de la période néo-babylonienne (6ème siècle). Les trous à leur sommet laissent supposer qu'il s'agit déléments architecturaux, peut-être des chapiteaux. En plus des sculptures, les artisans de cette époque excellaient dans la confection au tour de poteries, lissées et polies, peintes en rouge, en noir et en blanc; des chevaux et leurs cavaliers, des sceaux en ivoire finement ciselés sont venus jusqu'à nous. Sur un sceau monté en argent, exhumé d'une tombe creusée sur les pentes de la citadelle, on peut lire cette inscription: "Adoni-Nur, serviteur (courtisan) d'Amminadab". Amminadab (Ammon) fut le nom de deux rois du royaume d'Ammon, au milieu du 7ème siècle avant Jésus-Christ; le premier est mentionné dans les annales assyriennes comme un vassal rebelle qui fut puni par Assurbanipal pendant la dernière campagne d'Arabie. 

La période hellénistique (333 à 63 avant J.-C.) fournit le lien entre l'Europe et l'Asie ainsi que la base idéologique de l'empire romain. Le Macédonien Philippe II, après avoir soumis à son influence la Grèce centrale, songea à se venger de la Perse, qui avait tenté de réduire le monde grec en esclavage. En -333, son fils, Alexandre le Grand, battit Darius III Kodomannos à la bataille de la rivière Issus, dans le nord de la Syrie. Cette date marque le point de départ de la conquête du Moyen Orient par les troupes macédoniennes. C'est le début de l'influence majeure que la Grèce exerça sur l'Orient. La langue grecque devint le moyen de communication universel de l'ancien monde. La période hellénistique dura jusqu'à l'an 63 de notre ère en Jordanie. Elle se caractérise par un mélange de la culture grecque avec des éléments culturels issus de l'Orient. En Palestine et dans les contrées voisines, les dynasties grecques des Ptolémée, basées à Alexandrie, luttèrent contre les Séleucides pour la suprématie. Après la victoire des Séleucides, les Hasmonéens juifs se dressèrent contre la domination grecque et imposèrent leur loi à la Palestine et au nord de la Jordanie. La plupart des villes grecques accueillirent en libérateurs les Romains de Pompée. On connaît peu de choses sur la culture de cette époque. Nombre d'anciennes cités jordaniennes furent refondées par les conquérants grecs, comme Dio, Pella*, Gadara, Gerasa et Philadelphia qui furent ensuite qualifiées de villes macédoniennes. Elles ont d'ailleurs de nombreux traits en commun avec des centres urbains hellénistiques réputés, comme Antioche et Alexandrie. Peu de monuments de cette période ont été préservés. Le palais d'Hyrcanos à Iraq al-Amir est un exemple exceptionnel de l'influence ptolémaïque à l'est de la Palestine, durant le second siècle avant notre ère. En sculpture et dans les arts mineurs, on s'attachera à la statue de Dédale présente dans le musée. Les innombrables pièces de monnaies, les morceaux de poteries, les lampes et les figurines constituent d'autres témoignages de la présence grecque en Jordanie. Une partie de la poterie était fabriquée localement, mais la majeure partie était importée de Grèce continentale. Les amphores frappées aux timbres de l'île de Rhodes attestent l'ancienneté des échanges commerciaux entre la Palestine et le centre de la Méditerranée. Les objets en poterie et en verre, décorés de belles couleurs, trouvés à Muqablain, Um Othayna et Sabastia, appartiennent à la période hellénistique ainsi que le buste d'un acteur tenant un masque à la main et la statue d'un éphèbe, quelque peu efféminée, mais très bien réalisée. 

* En 66, lorsqu'éclata la première grande révolte juive contre les Romains, les membres de la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem s'enfuirent et se réfugièrent à Pella, cité de la Décapole dont les vestiges se trouvent en Jordanie. Désireux de préserver la paix, ils se mettaient ainsi hors de portée des rebelles, les Zélotes, qui les persécutaient. 
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Les manuscrits de la Mer Morte (sur rouleaux de cuivre)
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La période nabatéenne commence au 4ème siècle avant Jésus-Christ est se termine au début du 2ème siècle (106) de notre ère. Les Nabatéens sont arrivés à Pétra plus tôt, mais, en -312 et -313 leur résistance aux lieutenants d'Alexandre le Grand les fait entrer dans l'histoire. Les dates principales de cette période figurent sur la page consacrée à Pétra: ici. Une statue d'Atargatas, déesse nabatéenne des fruits et de la fertilité, trône dans une des salles du musée; elle fut découverte en 1936. 

La période romaine commence un peu avant le début de notre ère et se termine au 4ème siècle. Un groupe de statues en terre (cavaliers, déesse, buste...) de facture romaine a attiré mon attention ainsi qu'un tête en marbre de la déesse Tyché, fille de Zeus. Cette divinité, déesse de la fortune et du hasard, était la protectrice de la ville d'Amman; une porte voûtée placée sous son égide donnait accès à la Citadelle; cette sculpture fut trouvée dans le jardin du Musée en 1957. 

Une pièce est consacrée aux manuscrits de la Mer Morte ou rouleaux de Quram. La citée de Quram était située au nord-ouest de la Mer Morte, à quelques centaines de mètres du rivage. Les rouleaux de la Mer Morte, comptent parmi les manuscrits les plus célèbres de l'Antiquité. Ils furent découverts dans des grottes ouvertes dans les falaises. Les ruines de la bourgade on été fouillées afin de rétablir les rouleaux dans leur contexte historique et religieux. Ce site est maintenant reconnu comme l'un des plus importants de la secte des Esséniens, une secte juive qui se développa en réaction contre le judaïsme officiel de Jérusalem, lequel s'était teinté d'hellénisme. Dans l'espoir de hâter la venue du Messie, les Esséniens s'efforcèrent de retrouver le pur héritage des origines de leur religion: le sacerdoce, la pratique et l'interprétation de la loi mosaïque et le respect scrupuleux des rites. Ils s'adonnaient à l'amour fraternel de leur prochain, renonçaient à la richesse et aux plaisirs profanes et se consacraient intégralement à la prière, en vue d'atteindre la perfection spirituelle. La secte semble n'avoir jamais compté plus de 4000 membres dispersés à travers la province syrio-palestinienne. Ils formaient des sociétés secrètes dans les villes, celle de Damas étant la plus connue; mais de petits groupes préféraient s'établir en communautés isolées, loin de l'agitation du monde, souvent même dans les déserts. Quram est tenu pour l'un des centres les plus importants de ces groupes, à cause de sa situation entre Jéricho et 'Ain Geddi. La répression romaine, à l'époque de la première révolte juive, en 69-70, anéantit probablement la communauté et détruisit Quram. 

Au printemps de 1947, des Bédouins Ta'mireh, qui vivaient sur les bords de la Mer Morte, trouvèrent des jarres contenant des rouleaux dans les grottes et les fissures des falaises, en face de Quram. Le grand âge de ces rouleaux fut rapidement reconnu et des investigations systématiques de la zone furent entreprises. Onze grottes contenant dix rouleaux complets, en forme de rectangle de peau, cousus bout à bout, et enroulés, furent mises à jour. Les jarres renfermant les rouleaux, longues et étroites, semblaient avoir été conçues spécialement pour contenir ces documents. Elles étaient scellées avec un bouchon de terre cuite ayant la forme d'un bol renversé; quelques-unes paraissaient avoir été scellées avec du bitume en provenance de la Mer Morte. Cinquante autres jarres brisées contenaient plus de 600 manuscrits endommagés par les insectes et les souris. Des milliers de petits fragments ont été sauvés et sont encore en cours de rassemblement. 

Une page sur les Manuscrits de la Mer Morte est  ici

La période byzantine s'étend de 324 à 636 (voir la chronologie historique ici ). 

La période islamique va de 636 à nos jours.  

En matière environnementale, au début de cette dernière période, les conditions climatiques sont identiques à celle d'aujourd'hui: un climat méditerranéen, avec des hivers froids et humides et des étés chauds, dans les régions montagneuses de l'ouest, et de vastes étendues de steppe sèche et de désert à l'est. L'exploitation intensive des forêts primitives, aux époques romaine et byzantine, a causé une sévère érosion des zones montagneuses.  

En matière économique, la fertilité du sol encourage une agriculture prospère de culture et d'élevage. L'olivier et le blé demeurent populaires tandis que de nouvelles récoltes (notamment le sucre) sont introduites à partir de l'est. La vallée du Jourdain devient un centre majeur de production de sucre pendant la période mamelouke (1250-1517). Une activité industrielle se développe, avec la poterie et la fonte du fer. Des cités, comme Amman, tirent profit du commerce inter-régionnal, notamment avec l'Égypte. Les échanges concerne surtout les matières premières.  

En matière démographique, la période islamique s'inscrit dans le prolongement de la colonisation antérieure, une grande partie de la population continuant à vivre dans des communautés rurales. Beaucoup de ces endroits sont encore occupés aujourd'hui. Les cités classiques, nées de l'ambition romaine, s'affaiblissent après le 8ème siècle, en réponse au changement politique et à la nouvelle donne économique. Au temps des Mamelouks et au début de la période ottomane, la densité d'occupation de la Jordanie est élevée. 

Voici quels sont les événements historiques majeurs de cette longue période. Les batailles de Fihl (635) et Yarmouk (636) sécurisent la Jordanie en tant qu'État musulman. Les califes omeyyades (660-750) développent le pays depuis leur capitale, Damas, en construisant d'impressionnantes résidences sur la steppe. Entre 750 et 969, la Jordanie fait partie de l'empire abasside; il appartient ensuite aux Fatimides (969-1099); ces deux époques ne sont pas exemptes de troubles politiques. Après l'expulsion des Croisés, la Jordanie connaît une nouvelle ère de prospérité sous les Ayyoubides (1171-1250) et les Mamelouks. Mais, sous l'administration ottomane, un profond malaise et des troubles sociaux affectent malheureusement le pays.  

L'architecture omeyyade comprend des palais, des mosquées et les "châteaux du désert" justement célèbres. Des quartiers d'Amman, de Pella et de Jerash datent de cette période. Pella et d'autres villes furent détruites par un terrible tremblement de terre en 747, et reconstruites. Le château d'Aljun, bâti en 1184-1185, pour résister aux Croisés, est un remarquable exemple d'architecture militaire. Les mosquées de Pella et d'Azraq, les fortifications qui jalonnent la route du pèlerinage de la Mecque ainsi que les moulins à eau méritent aussi d'être signalés. 

Plusieurs pièces du musée se réfèrent à la période islamique. Citons: un modèle réduit en plâtre du Dôme du Bain du Palais Hisham bin Abdel-Malik à Khirbet Almafjar, Jéricho, période omeyyade (661-750), on notera la représentation de visages humains en cercle autour de la fleur centrale; un très bel ensemble de chenets de bronze, décorés de niches et de griffons ailés pourvus de roues, pour les déplacer plus facilement, découvert à Al-Fudayn-Mafraq, qui date de l'époque omeyyade (8ème siècle). De nombreux monuments portent témoignage de la magnifique culture qui fleurissait au début de la période islamique. Les fresques de Qasr'Amara, la sculpture de Mushatta ainsi que des objets de la vie courante, comme les décorations des poteries omeyyade et abbaside, en fournissent des exemples. Plus tard, les poteries mamelouks comprirent de la vaisselle vernissée et des articles peints décorés de motifs géométriques. Outre le Dôme du Bain du Palais Hisham bin Abdel-Malik à Khirbet Almafjar, déjà cité, j'ai remarqué encore au musée une magnifique stèle ajourée de dessins géométriques, qui en font une véritable dentelle de pierre, ainsi que de très belles faïences ou porcelaines bleues et vertes. 
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La carte de Jordanie du Musée
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Avant du quitter le musée, j'accorde un regard à quelques mosaïques récentes. Je remarque, sur la robe d'un personnage probablement religieux, deux svastikas, croix gammées inversées, et des représentations d'animaux (coq, félin). Le haut de la porte du bureau de l'administration du musée est encadré par une belle carte en couleur de la Jordanie, d'Israël et de la Palestine. Ce petit musée est trop riche pour être visité au pas de course; il faudrait lui consacrer plusieurs heures. 

Nous contournons le musée par l'ouest en direction du nord, où s'élevait autrefois le château (al-Qsar). C'est, en effet, au nord de la colline de la Citadelle, qu'un grand complexe palatial fut construit, durant la période omeyyade (premier tiers du 8ème siècle). Le Palais comportait trois parties: une partie publique incluant une entrée monumentale avec un bain, une citerne destinée à la fourniture de l'eau et une grande place. Neuf édifices résidentiels, avec leurs voies d'accès et leurs cours, étaient situées dans la zone intermédiaire. A l'extrémité nord, se trouvait le palais proprement dit, avec sa salle d'audience, sa salle du trône et quatre bâtiments d'habitation similaires à ceux déjà mentionnés. Le Hall d'entrée, construit sur un ancien édifice byzantin, adoptait la forme d'une croix; son riche décor sculpté, d'inspiration persane sassanide, était traditionnel; il révèlait les influences subies par l'art islamique originel; l'espace central était couvert par un vaste dôme; la magnificence de cette partie visait à impressionner les visiteurs, conduits d'abord là, avant de rencontrer le maître du Palais. 

Une brève description du complexe omeyyade de la Citadelle d'Amman: le Palais et la Médina, est dispensée aux visiteurs sur des panneaux explicatifs. On y lit que l'ensemble date du 8ème siècle, et que l'on y distingue deux zones principales: le Palais, situé à l'intérieur du mur de la Temenos, l'enceinte sacrée romaine, à l'extrémité nord du Jabal (djebel) al-Qala, colline sur laquelle se trouve la Citadelle, et la Médina, qui s'étendait sur le reste de l'éminence. A l'endroit où se trouve aujourd'hui la ville, une ère d'habitat urbain existait déjà. Le Palais s'articulait le long d'un axe qui commençait avec le Vestibule ou Hall d'Entrée, continuait le long d'une rue à colonnades et se terminait à la Salle du Trône. Neuf unités résidentielles indépendantes, construites chacune autour d'une cour, complétaient l'ensemble palatial. La Médina s'étendait entre les murs, autour de la Place du Marché (Souq) et de la Mosquée qui constituaient, en quelque sorte, le noyau de la cité. Les bains, la citerne ouverte (birka) et l'église byzantine, que les Omeyyades paraissent avoir respectée, constituaient les autres éléments significatifs de cet ensemble architectural. Les trois artères principales, qui partaient de la Place du Marché, se dirigeaient directement vers les portes principales de la Citadelle, d'où l'on pouvait se rendre facilement à la ville basse. Le réseau des rues secondaires, interconnecté aux artères principales, donnait accès aux quartiers habités. 
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Le Hall d'Entrée (Mosquée) en coupe
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Depuis les années 1970, une Mission Archéologique Espagnole travaille sur place à la préservation des vestiges omeyyades de Jordanie, tout particulièrement ceux du Palais d'Amman. La campagne actuelle a commencé en 1995; elle a considérablement amélioré la connaissance et l'apparence du site du djebel al-Qala, grâce à la découverte du centre de la Médina, la restauration de la Mosquée et la mise à jour des quartiers résidentiels. Ce résultat est d'autant plus intéressant qu'il n'existe aucun autre site omeyyade aussi bien conservé. Le projet actuel est mené de concert entre le Département Jordanien des Antiquités, le ministère du Tourisme, l'Agence Espagnole pour la Coopération Internationale et l'Ambassade d'Espagne. Il s'agit d'un programme à long terme destiné à préserver l'architecture omeyyade, laquelle appartient au patrimoine commun de la Jordanie et de l'Espagne. Il inclut le sous-projet qualifié de "Route des Omeyyades" qui consiste à dresser un itinéraire touristique reliant les  villes et les sites témoignant des échanges entre Al-Andalus et Billard al Shama. 
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Une reconstitution de l'intérieur
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La présentation au public du site constitue l'une des priorités de l'équipe archéologique. Dans cet esprit, le réseau original des rues est dégagé, afin qu'elles puissent être parcourues par les visiteurs, comme elles l'étaient à l'époque omeyyade; par ailleurs, un programme d'explication utilisant toutes les ressources disponibles: images reconstituées par ordinateur, vidéos, panneaux explicatifs, brochures, exposition de pièces significatives au musée... est développé. La reconstitution informatique virtuelle du site offre aux visiteurs une meilleure compréhension; il évite les reconstructions peu crédibles, dans les zones où les matériaux sauvés sont insuffisants. Au début de la visite, un film permet de visualiser l'endroit tel qu'il était à l'époque omeyyade et de le comparer aux reste actuels; des brochures complètent cette présentation. Lorsque le nouveau Musée National Archéologique sera achevé, le musée actuel pourra recevoir et montrer au public les pièces retirées des ruines qui, replacées dans leur contexte, offriront aux visiteurs une image approfondie de la vie dans la Citadelle, à l'époque omeyyade. La visite de ce musée terminera celle du site.  

Nous nous rendons d'abord devant un mur, percé d'une porte rectangulaire, qui se dresse face à la Mosquée et paraît en clôturer la cour. Au-delà du mur, s'étend une vaste esplanade, d'où l'on voit parfaitement la ville nouvelle d'Amman; je présume qu'il s'agit de la place où se tenait autrefois le marché. La margelle d'un puits en occupe le centre; il était encore en eau récemment. Plus loin, s'élève l'édifice qualifié de Mosquée, laquelle constituait l'entrée monumentale du complexe. Ce bâtiment est surmonté d'une coupole  reconstituée en bois; l'intérieur, de plan presque carré, en forme de croix grecque, présente quatre renfoncements, pour chacun des bras de la croix; on y accède par deux entrées, une au sud et l'autre au nord; les plafonds des bras sont voûtés en berceau; chacune des salles est et ouest possède une voûte, à l'avant, et une demi-coupole reposant sur de fausses trompes, à l'arrière; un bandeau décoratif de niches aveugles, en fer-à-cheval, soutenues par des demi-colonnes, court tout au long des murs; les niches étaient peintes et décorées de sculptures en pierre et de bandeaux de stucs à motifs floraux et géométriques; quatre salles occupent les angles. Ce monument a été édifié sur une construction antérieure datée du 5ème siècle (époque byzantine); son plan et sa décoration montrent comment l'art et l'architecture des débuts de la période islamique absorbèrent les traditions artistiques étrangères, notamment sassanides, pour créer leur propre style, ainsi que cela a déjà été dit plus haut. Il n'est pas sans intérêt de rapprocher cette décoration de celle des "châteaux du désert". 
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Vue aérienne de la Citadelle en 1997 (le nord est en bas) 
1: Temple d'Hercule  2: Musée archéologique  3: Mosquée  
4: Rue à colonnades  5: Palais  6: Citerne  7: Maisons byzantines  
8: Basilique byzantine
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Entrés par la porte sud, nous avons traversé l'édifice, pour ressortir par la porte nord. En face de celle-ci, au-delà d'une vaste cour, une rue à colonnades menait autrefois au Palais; il n'en reste que des ruines. Nous allons jeter un coup d'oeil sur les vestiges des bâtiments résidentiels, qui s'élevaient sur la gauche, avant de revenir à droite, où se dressaient leurs pendants. Nous traversons les bains, cloisonnés en briques, puis passons à côté d'un vaste et profond bassin, au fond duquel on descendait par un escalier. Ensuite, se présente à nous les débris d'un quartier byzantin. Nous revenons du côté de l'est. A gauche du chemin que nous suivons, quelques colonnes corinthiennes rappellent l'existence d'une basilique byzantine, des 6ème et 7ème siècles, avec son baptistère extérieur. Nous revenons vers le temple d'Hercule, édifié au 2ème siècle, et nous approchons de la muraille sud de la Citadelle; notre guide nous invite a en apprécier l'épaisseur. Du haut de la colline, au bord de la vallée, nous pouvons admirer, en dessous de nous, au pied du djebel qui nous fait face, le théâtre romain d'Amman; ce théâtre pouvait contenir une assistance de 6000 personnes; il était utilisé pour des spectacles mais aussi pour des réunions publiques; il était conçu de telle sorte que l'ombre de la pente le surplombant protégeait l'assistance de la chaleur du soleil; une avenue bordée de colonnes passait devant son front. A proximité, nous reconnaissons la place à côté de laquelle nous avons stationné la veille. 

Ici s'achève notre visite de la Citadelle d'Amman. Nous allons partir pour Madaba, où nous passerons notre dernière nuit en Jordanie. Nous déjeunons au premier étage, bas de plafond, d'un restaurant sur notre route. L'après-midi sera consacré à la visite de Madaba et du Mont Nébo. 


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