Montmajour et Fontvieille |
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. Bâtie en plein coeur du pays d'Arles, à trois kilomètres de la ville, l'abbaye bénédictine de Montmajour résume huit siècles d'histoire architecturale: un monastère primitif carolingien, en partie troglodytique, flanqué d'une nécropole rupestre, une abbatiale romane à deux niveaux, une chapelle de pèlerinage médiévale, une tour fortifiée datant de la guerre de Cent Ans, enfin les ruines grandioses d'un monastère classique. Juchée à flanc de rocher, sur une ancienne île désertique, elle domine la plaine marécageuse, face aux Alpilles, pareille à une sentinelle. Avant de passer à la visite détaillée de l'abbaye, rappelons brièvement son histoire. Historique Le site de Montmajour aurait été considéré comme un lieu sacré à l'époque préhistorique, puis par les Celtes et les Romains. Au début du 5ème siècle, selon la légende, Saint Trophime, un grec d'Ephèse converti par Saint Paul, venu évangéliser la Provence, aurait pris l'habitude de venir se reposer de ses travaux dans une grotte sur la butte de Montmajour. Il y aurait attiré un grand nombre de disciples. Plus tard, Childebert 1er, fils de Clovis, ayant rencontré une troupe de religieux réduit à vivre dans les bois, aurait été ému par leur détresse et aurait fait bâtir pour eux une maison sur la colline. En 502, Saint Césaire, devenu évêque d'Arles, résiste aux menaces des rois Alaric et Théodoric, et maintient l'intégrité de la foi en Provence. Il se délasse de ses travaux, de ses luttes et des pénibles fonctions de son ministère en faisant retraite à Montmajour, où son éloquence et sa réputation de sainteté attirent beaucoup de monde. Il pose la première pierre d'un établissement monastique qui devient le siège d'une colonie de pieux cénobites. Au 8ème siècle, les Sarrasins envahissent la Provence et détruisent les églises. Mais Charlemagne les bat et rétablit les lieux du culte. En octobre 949 Teucinde, une femme de l'aristocratie bourguignonne, qui a suivi Hugues d'Arles en Provence, soeur du prévôt du chapitre Gontard, achète l'île de Montmajour à l'archevêque d'Arles et en fait donation aux religieux qui y vivent; l'abbaye est fondée. Dès 960, de nombreuse autres donations sont effectuées en faveur du monastère. Puis en 963, le pape Léon III le place sous son autorité directe. En 977, Teucinde confirme sa donation. En 1016, la construction des édifices encore visibles aujourd'hui est entreprise. En 1018, le comte de Provence Guillaume II est inhumé dans la crypte. 1019: Rambert est abbé. Le 3 mai de cette année, le pèlerinage de Montmajour, appelé Pardon de Montmajour est créé; ce pèlerinage est institué, lors de la consécration de l'église Sainte-Croix, par l'archevêque d'Arles, Pons de Marignane, qui accorde à cette occasion la première indulgence historiquement attestée. En 1026, la comtesse Adelaïde est inhumée
dans la crypte.
Au 12ème siècle, les corps de
Guillaume II, Adélaïde et Geoffroy sont transféré
dans le cloître. Louis VI le Gros (1108-1137) aurait chargé
les moines de défricher et d'assainir les marécages des alentours.
En 1251, Guillaume de Bonnieux est abbé.
A la fin du 13ème siècle, l'influence de Montmajour s'est étendue; elle est à la tête d'un réseau de 56 prieurés qui va de la Méditerranée à l'Isère. Au 14ème siècle, la chapelle
Notre-Dame-La-Blanche est construite.
Au 15ème siècle, la sacristie
et de la salle des archives sont aménagées.
Au seizième siècle, pendant les guerres de Religion, le Parlement de Provence impose l'occupation de l'abbaye par les soldats. A Saint-Germain-des-Prés, à Paris, naît un mouvement de réforme qui s'étend bientôt aux grandes abbayes bénédictines de France pour constituer la congrégation de Saint-Maur, du nom d'un compagnon de Saint-Benoît, fondateur de l'ordre des bénédictins. Cette réforme vise à rétablir l'observance stricte de la règle de Saint-Benoît; elle favorise les travaux intellectuels et relance la réflexion spirituelle tout en initiant des recherches à caractère scientifique. Les mauristes, organisés en réseau, mèneront une campagne systématique de restauration des bâtiments monastiques. Au 17ème siècle, Le clocher est doté d'une horloge mécanique. En 1703, la galerie ouest du cloître
s'effondre et doit être remaniée; la construction du monastère
Saint-Maur débute.
En 1840, l'abbaye est inscrite sur la liste des monuments nationaux, grâce à l'action de Prosper Mérimée, sauf l'ancien cellier converti en carrière. En 1872, le cloître est restauré par Henri Revoil, architecte des monuments historiques. En 1927, les restes de l'ancien cellier sont
inscrits sur la liste des monuments nationaux.
La visite Abordé par la route qui y mène,
l'édifice apparaît au visiteur massif et imposant, avec les
murs quasi aveugles de l'abside à pans coupés qui enferme
les chapelles rayonnantes de la crypte, surmontés par l'église
signalée par trois baies encadrées de colonnettes. On est
accueilli par le crissement des cigales; elles adorent paraît-il
les troncs des micocouliers; mais il est très difficile de les apercevoir,
compte tenu de leur couleur et de leur taille; elles m'ont semblé
plus petite que celles que je me souviens avoir vues pendant mon enfance,
dans mon Auvergne natale, mais il est possible que ma mémoire ne
magnifie quelque peu ces dernières.
On accède d'abord à la crypte, au niveau inférieur. La crypte (12ème siècle) La crypte, située sous l'église abbatiale, est creusée dans le rocher sur son côté sud et construite en pierres de taille dans ses parties nord. Elle rattrape ainsi la déclivité du roc et sert de fondation au monastère. Les murs massifs, la courbe large du choeur et l'épaisseur imposante des arcs plein cintre, au-dessus du transept, sont les traits essentiels de son architecture. Son plan est composé d'une rotonde centrale entourée d'un déambulatoire et de cinq chapelles rayonnantes qui forment chevet. Ces éléments, hérités de l'Antiquité romaine, caractérisent l'éclosion du style roman provençal au 12ème siècle. La taille parfaite de la pierre rend compte du savoir-faire remarquable des carriers. Certaines pierres sont gravées de lettres majuscules, marques des confrérie de tailleurs ou tâcherons; on y trouve aussi parfois le nom d'un moine. Les sept chapelles de la crypte étaient vouées à la liturgie, à la célébration des messes privées et aux offices funéraires; un accès direct conduit au cimetière qui enveloppe le chevet. Cette crypte a rempli d'admiration les architectes qui l'on visitée. On monte ensuite à l'église abbatiale
en suivant un plan incliné.
L'abbatiale (12ème siècle) L'abbatiale est l'église principale du monastère. Bâtie sur un plan en croix latine, elle est au-dessus de la crypte. Elle se compose d'une nef terminée par une abside en cul-de-four et d'un transept. La nef est couverte d'une voûte en berceau brisé, avec des arcs doubleaux, destinés à renforcer la voûte en la séparant en sections, les travées; ces caractéristiques font de l'abbatiale un édifice exemplaire de l'art roman provençal; la nef culmine à une hauteur de seize mètres. L'abside est éclairée par trois baies. Des cinq travées prévues au départ, deux seulement furent réalisées, laissant l'édifice inachevé. Le choeur, s'ouvrant totalement sur la nef, est percé de trois fenêtres décalées sur son côté sud alors que, au nord, un mur plein épaule la construction. Les trente moines de choeur s'y rassemblaient pour célébrer les offices liturgiques: vigiles, laudes, tierce, messe, sexte, none, vêpres et complies. Le dépouillement actuel des lieux permet difficilement d'imaginer l'abondance et la richesse du mobilier au 18ème siècle: autels en marbre, stalles et sièges de bois, lutrin, retables, tableaux, vitraux peints et ferronneries. Voici ce qui ressort de l'inventaire que l'on en fit le 27 février 1790, lorsque l'abbaye devint bien national: "La boiserie de tout le choeur, en bois de noyer, est chargée d'ornements en sculpture; elle contient trente deux stalles hautes et vingt-quatre stalles basses; au-dessus, deux rideaux d'étoffe rouge sont aux fenêtres; de grands tableaux à cadres sculptés représentent les principaux événements de la vie de Saint-Pierre; le grand autel est de marbre de différentes espèces incrustées, avec un tabernacle de même matière; les portes sont de cuivre doré; un grand crucifix et six chandeliers de cuivre le décorent; au pied des degrés de l'autel, se dressent deux candélabres de bronze, chacun à trois branches; à côté se trouve une crédence en marbre, et au milieu du choeur un lutrin. La boiserie du choeur se termine de deux côtés par deux petits autels uniformes, placés en avant, dont le bas est de différentes espèces de marbre incrustées, le dessus est de boiserie peinte, chargée de beaucoup d'ornements en sculpture dorée, chacun ayant son tableau représentant les Saintes-Maries de la Mer, auxquelles ces autels sont dédiés." Au même niveau que l'abbatiale, la chapelle
Notre-Dame-La Blanche, la sacristie et les archives la complètent
en son transept nord.
La chapelle Notre-Dame-La-Blanche (14ème siècle) - La sacristie et les archives (15ème siècle) Ces trois salles bordant le côté nord de l'église sont de style gothique. La chapelle Notre-Dame-La-Blanche abritait le tombeau de Bertrand de Maussang, abbé de Montmajour de 1298 à 1316. Un ciboire et une crosse abbatiale découverts dans sa sépulture sont exposés aujourd'hui au musée du Louvre (section des objets d'art). Cette chapelle funéraire comprenait un autel surmonté d'un retable et d'un groupe statuaire représentant la Vierge et des saints. Dans la sacristie, les moines conservaient les vases sacrés, les vêtements sacerdotaux et les ornements liturgiques. Le reliquaire de la "Vraie Croix" y était déposé. Un lavabo, placé au 18ème siècle, complétait ce mobilier. Dans la salle des archives, on conservait les actes de donations, d'achats et les privilèges confirmant les biens et les droits de la communauté. Ils étaient rangés et classés dans des armoires. Passons maintenant au cloître, en direction
du sud.
Le cloître Le cloître était le centre de la vie monastique. Il desservait et reliait tous les bâtiments conventuels. Côté est se trouve le chapitre ou salle capitulaire; l'abbé, entouré des moines, y lisait chaque jour un chapitre (du latin capitulum) de la règle de Saint Benoît. Dans cette pièce se déroulaient des événements importants de la vie communautaire: élection de l'abbé, prise d'habit, gestion des biens... Enfin, les moines s'exerçaient à reconnaître leurs fautes lors du chapitre des coulpes. Côté sud, le réfectoire, voûté en berceau surbaissé, était situé sous l'ancien dortoir collectif; ce dernier fut divisé en petites chambres au 17ème siècle; on y accédait par un escalier à vis, aujourd'hui ruiné, dont la porte est ornée du blason de l'abbé de Foix (1450-1462). A l'ouest, les bâtiments médiévaux: cellier, cuisine, four à pain, bibliothèque et hôtelleries, ont été détruits en 1704, pour laisser place aux nouvelles constructions des religieux de Saint-Maur; on procéda alors au réaménagement de la galerie ouest. L'ensemble du cloître, édifié en pierres de taille, est dominé par le clocher (12ème siècle) sur les murs duquel subsiste le décor classique d'une horloge mécanique installée au 17ème siècle. Dans les galeries du déambulatoire, on note la présence de plusieurs sépultures; ce sont celles des princes et princesses de la maison d'Anjou et des seigneurs des Baux ainsi que des archevêques et des abbés, comme celle du comte Raymond Bérenger IV, bienfaiteur de l'abbaye, dont le corps repose dans un enfeu (niche funéraire à fond plat aménagée dans un mur). Des pilastres surmontés de chapiteaux sont ornés de chameaux dans lesquels on a vu des allégories arabes. Plusieurs autres animaux et personnages, plus ou moins fabuleux, y figurent aussi: tarasque, Salomon et la Reine de Saba, Jonas et la baleine... que les visiteurs interprètent selon leur imagination. Mais le plus intéressant de la visite réside en une importante série de navires gravés sur le mur ouest du déambulatoire. Découverte en janvier 1993, par l'archéologue Albert Illouze, cette série de graffiti navals médiévaux, datés de la fin du 12ème siècle et du début du 13ème siècle, représente un intérêt considérable pour la connaissance des navires du Moyen-Âge, en raison de leur caractères archaïques (proues et poupes relevées, voiles latines triangulaires, gouvernails latéraux dits "timons latins", mâts inclinés vers l'avant). La datation a été réalisée par les chercheurs en confrontant les graffiti à d'autres iconographies, telles que les enluminures des manuscrits ou les mosaïques, ainsi qu'à des textes d'époque. Les graffiti marins dispersés dans les
bâtiments religieux ne sont pas rares; ils participaient du grand
élan de foi populaire commun à la période médiévale;
on les interprète généralement comme une dédicace
à un saint ou à la Vierge Marie; ils consistent alors, au
travers de quelques traits figuratifs, à demander aide et protection
avant un départ ou à remercier d'avoir échappé
à un péril et peuvent alors être considérés
comme des ex-voto. Mais l'abondance des gravures naïves de Montmajour
interpelle les spécialistes. Ils y voient l'illustration d'un événement
contemporain de grande importance; il pourrait s'agir de la venue en Arles
d'un grand personnage accompagnée de manifestations festives à
la mesure du personnage qui aurait impressionné le peuple par le
luxe déployé. A peine fondée, l'abbaye de Montmajour,
devint en effet rapidement un centre important de la spiritualité
chrétienne. Le prestige lié à sa position en fit un
lieu de pèlerinage fréquenté par une population en
attente de miracles et d'oraisons. La présence de ces graffiti navals,
dont la précision laisse supposer qu'ils sont l'oeuvre de marins,
conduit donc à penser que le cloître fut le lieu d'importants
rassemblements populaires en certaines occasions.
Voici les détails relevés sur quelques-unes de ces représentations. D'abord, une galère, navire typique par sa propulsion mixte, à rames et à voile, représentée, comme bien souvent, dans son entier, hors de l'eau et tournée vers la droite; son identification est rendue possible, sans équivoque, par le fait que la palamente (ensemble des rames) est bien représentée. Ensuite, un second graffiti illustre parfaitement le souci du détail de ces traits aussi précis que naïfs: élancement de la poupe surmontée d'une hampe munie de sa bannière, timon latin (gouvernail latéral), rames au nombre de 10, arbre (mât) incliné vers l'avant, voile latine triangulaire tenue par différentes manoeuvres, présence d'un personnage, peut-être guerrier, sur le pont. Un troisième dessin, d'apparence un peu confuse, présente néanmoins des caractéristiques tout à fait intéressantes: une possible échelle d'échouage (à l'extrémité supérieure gauche), dont on se servait pour tirer les bateaux à terre; une gabia (nid de pie), représentée de façon quelque peu exagérée, en tête de mât; un timon latin, dont le trait central figure la mèche de ce gouvernail de type compensé. En sortant par l'ouest, on parvient au monastère
Saint-Maur.
Le monastère Saint-Maur (18ème siècle) Le monastère Saint-Maur fut édifié au 18ème siècle sur l'emplacement de bâtiments médiévaux, ainsi qu'on l'a déjà dit. Il constitue aujourd'hui la plus imposante partie de l'ensemble, celle qui se voit du plus loin. Il fut construit par la communauté réformée des religieux de Saint-Maur, qui prirent possession de l'abbaye en 1639, selon la volonté de Louis XIII. Ces religieux confièrent les travaux à l'architecte Pierre Mignard, puis à Jean-Baptiste Franque; ces travaux se poursuivirent pendant une quinzaine d'années. Vendu comme bien national en 1790, le monastère fut ensuite exploité comme carrière de pierres. Classé monument historique en 1927, il est, depuis lors, l'objet de restaurations, comme la mise hors d'eau et la consolidation de la ruine en 1995. Le bâtiment, d'une hauteur de 25 m, comprenait cinq niveaux avec des salles richement décorées; on a dit qu'il ressemblait davantage à un palais qu'au modeste asile de religieux voués au renoncement des biens de ce monde. L'ancienne cave à vins accueille aujourd'hui un espace conçu en 1998 par l'architecte Rudy Ricciotti; les photographies de Lucien Clergue, réalisées en 1955, sur les tombes du cimetière, illustrent la vocation du lieu pour cet art contemporain. Avançons vers le sud, en direction de
la terrasse qui surplombe la vallée; à droite se trouve la
porterie.
La porterie (18ème siècle) L'entrée principale de l'abbaye était située dans l'angle sud-ouest de la clôture, orientée en direction d'Arles, que l'on devine au loin. La vue panoramique de la terrasse offre au regard les marais, la plaine de la Crau, la chaîne des Alpilles (492 m) et le mont Cordes (65 m) abritant un hypogée, ou tombe collective, datée de 4000 ans. Les anciennes terrasses sont plantées d'oliviers, de micocouliers et de pins d'Alep. Lors de son séjour à Arles, de 1888 à 1889, Vincent Van Gogh exécuta plusieurs dessins depuis Montmajour: la Crau, les rochers, les oliviers, les pins, les vestiges de l'abbaye, le train de Fontvieille... C'est de la terrasse que l'on observe le mieux l'articulation des deux bâtiments monastiques, celui du 12ème siècle et celui du 18ème siècle, reliés par deux arcs monumentaux surmontant l'escalier d'accès au monastère Saint-Maur. Dirigeons-nous maintenant vers l'est, où
s'élève une haute tour.
La Tour (14ème siècle) La tour crénelée, aux murs de pierres à bossage, se dresse sur l'ancien cimetière; elle fut bâtie vers 1373, à l'initiative de l'abbé-cardinal Pons de l'Orme (1368-1380), placé sous l'autorité du pape d'Avignon. Cette construction visait à protéger la communauté qui subissait, comme toute la région, le contre-coup de la guerre de Cent Ans (invasion des "Grandes Compagnies"; Bertrand Duguesclin, sénéchal du roi de France, assiége Arles en 1368; le seigneur des Baux, Raymond de Turenne, en conflit contre la maison d'Anjou, terrorise la Provence). Haute de vingt-six mètres, la tour comportait quatre niveaux surmontés d'une terrasse entourée de créneaux et de mâchicoulis. Elle dominait les terres du monastère et symbolisait le pouvoir de l'abbé sur sa seigneurie. Son architecture rappelle celle des tours du palais pontifical d'Avignon (14ème siècle) et celle du rempart d'Aigues-Mortes (13ème siècle), dont les pierres sont également taillées en bossage. Cet édifice fut sauvé de la destruction grâce à l'intervention de M. Réattu qui en fit l'acquisition au moment où l'abbaye allait être transformée en carrière de pierres. Dans la salle du bas, on remarque un puits
et, en contrebas, la voûte percée d'un souterrain qui menait
je ne sais où. On accède aux étages supérieurs
par un escalier à vis. D'en haut, sur une terrasse crénelée,
on jouit d'une belle vue sur l'ensemble du monastère, sur la campagne
environnante, sur le cimetière rupestre et sur la chapelle Saint-Croix.
Le cimetière rupestre - La chapelle Sainte-Croix (12ème siècle) La création du cimetière précéda l'édification de l'abbaye. Les moines ensevelissaient les morts, célébraient les messes privées demandées par les familles et recevaient en échange des droits de mortalage (testaments). Le cimetière, dont les tombes étaient creusées dans le roc, s'étendait à l'est de l'abbaye, depuis le chevet de l'abbatiale jusqu'aux bâtiments construits sur l'ermitage Saint-Pierre. Les sépultures étaient de forme trapézoïdale, la grande base étant destinée à recevoir le haut du corps; leur profondeur moyenne était d'environ 70 cm; il n'y fut trouvé aucun vestige humain; leur dimension variable laisse supposer la présence d'adultes et d'enfants. Au-dessus du cimetière, on peut apercevoir la citerne à eau. La chapelle
Sainte-Croix, construite hors de la clôture du monastère,
était le sanctuaire le plus important de l'abbaye. Une relique de
la "Vraie Croix" y était vénérée tous
les trois mai, à l'occasion du pèlerinage nommé le
"Pardon de Montmajour". Église reliquaire dédiée
à la Crucifixion, la chapelle symbolisait dans le paysage la présence
du Saint-Sépulcre de Jérusalem; son plan rayonnant, en forme
de trèfle à quatre-feuilles, reproduit en effet l’image d’un
reliquaire monumental. Elle permettait aux pélerins d'assister au
Pardon sans pénétrer dans l'enceinte de l'abbaye.
Elle était également l'église funéraire de
la partie du cimetière réservée aux laïcs. C'est
pourquoi elle avait été pourvue d'une lanterne des morts,
ou fanal.
L'ermitage Saint-Pierre (10ème siècle) Cet ermitage, situé au sud-est de l'abbaye est constitué de deux nefs dont l'une est taillée dans la roche. Derrière l'abside sud, se trouve les vestiges du premier monastère qui aurait été occupé par Saint Trophime; ses chapiteaux préromans sont décorés de feuilles, palmettes et entrelacs Remarques: les dessins Jean-Baptiste-Joseph
Jorand proviennent de la Bibliothèque Nationale (Gallica)
et la dernière image a été reproduite d'après
une carte postale. Les autres illustrations ont été tirées
de mes photos.
Fontvieille et le moulin d'Alphonse Daudet (les photos sont ici ) La visite de Montmajour terminée, nous prenons le chemin de Fontvieille (la vieille source), à travers les garrigues, les oliveraies vertes et grises, les bosquets sombres et les champs colorés des premières Alpilles. Chemin faisant, nous apercevons quelques chevaux camarguais, qui broutent tranquillement l'herbe chiche semés de joncs d'une prairie. Ils sont accompagnés des oiseaux qui les débarrassent de leur vermine et se délectent de leur crottin. Le village de Fontvieille est situé en plein coeur de la Provence, à deux pas d'Arles, des Baux de Provence, de Saint-Rémy et pas très loin d'Avignon qui n'est pas à plus d'une trentaine de kilomètres. Cette agglomération provençale est pittoresque, avec ses maisons anciennes, construites avec la pierre des fameuses carrières qui se développèrent ici au 15ème siècle mais dont certaines remontent à l'Antiquité; on en voit des vestiges en bord de route; c'est la même pierre qui fut choisie pour édifier les arènes d'Arles et de Nîmes, ainsi que le château de Tarascon, entre 1429 et 1434, puis, plus récemment, le Palais Longchamps et la Bourse de Marseille. Dans la bourgade, on remarque, entre autres curiosités, un des plus grands lavoirs du 19ème siècle et un restaurant à la façade décorées de scènes régionales, avec des personnages grandeur nature, vêtus d'habits folkloriques; il n'y manque ni le moulin, ni le meunier et son âne. Alphonse Daudet vécut à Fontvieille où il écrivit les célèbres "Lettres de mon Moulin". C'est d'ailleurs ce moulin et son petit musée que la plupart des touristes viennent visiter; nous ne dérogerons pas à cette règle. La voiture garée sur une aire de stationnement, à la sortie du bourg, nous grimpons la colline où se tient le moulin, attraction du lieu. Le moulin à vent Saint-Pierre (ou Moulin Ribet), désormais moulin d'Alphonse Daudet (1840-1897), situé sur une hauteur, fut construit en 1814; il cessa de tourner en 1915; il était le dernier encore en activité. On dit que l'écrivain trouva son inspiration dans ce décor de caillasse, sur cette butte venteuse entourée d'oliviers, de pins et de chênes verts; il imaginait ses personnages en écoutant les bergers. Pourtant, si Daudet aimait à se rendre en ces lieux, il n'habita jamais le moulin, qui était d'ailleurs presque ruiné lorsqu'il en fit l'acquisition, du moins selon ses dires, et il n'y écrivit probablement pas une seule page des "Lettres de mon Moulin" (1866), du "Petit Chose" (1868), de "Tartarin de Tarascon" (1872), de "L'Arlésienne" (1872) ou des "Contes du Lundi" (1873). Un chemin à travers les pinèdes conduit jusqu'au Château de Montauban, où Daudet passa les dernières années de sa vie. L'écrivain aimait flâner à travers ces bois agréables, qui ont été jusqu'à présent préservés des incendies. La promenade offre l'occasion d'apercevoir les restes des trois autres moulins qui décoraient jadis la colline: le Moulin Sourdon, construit en 1791, le Moulin Ramet et le Moulin Tissot-Avon; ce dernier moulin est le plus à l'est des trois, sur un mamelon élevé, à proximité du Château de Montauban; il est environné de pins qui le dissimulent à demi; son voisinage du château lui valut de fréquentes visites d'Alphonse Daudet; le père Avon et son fils Trophime furent les meuniers que l'écrivain vit le plus souvent; le moulin cessa de tourner en 1905 et Trophime Avon en fut le dernier exploitant. Le Château de Montauban ne présenterait pas grand-chose de remarquable s'il n'avait pas abrité les dernières années de l'auteur de la "Chèvre de Monsieur Seguin". Son style architectural n'attire pas vraiment l'attention. On peut cependant y voir une exposition relative à l'histoire de Fontvieille; elle était fermée lorsque nous y sommes passés. Dans le parc qui entoure le château, j'ai remarqué un de ces énormes mûriers dont les feuilles nourrissent les vers à soie. En dehors d'Alphonse Daudet, les peintres Léo Lelée et Carl Liner vécurent aussi à Fontvielle; on peut voir une exposition permanente du premier dans le vieux village. |
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