L'usage de la force du vent pour mouvoir les ailes des moulins découle probablement de la navigation à voiles qui lui est antérieure. Les voiles des bateaux auraient inspiré aux premiers meuniers l'emploi de la toile sur les ailes des moulins. Au début du 19ème siècle, les ailes de la majeure partie des moulins à vent, sur les côtes françaises de la façade ouest, étaient couvertes de toile, même si la façon de fixer cette dernière variait d'un endroit à l'autre. A Ally, particularité unique en France, les ailes n'étaient pas garnies de toile mais de minces planches de bois, accrochées à des résilles, dont le nombre s'adaptait à la force du vent. Rectangulaires et symétrique, les ailes des moulins d'Ally étaient classiques. Elles tournaient dans le sens des aiguilles d'une montre, comme celles de nombre d'autres moulins français. Chaque moulin possédait quatre bras, c'est-à-dire quatre ailes, sauf un, qui en avait six, et dont il ne reste plus rien. Comme les ailes se voient de loin, les moulins
servaient parfois de sémaphores, au moyen d'un langage codé.
Les ailes en croix signifiaient que le moulin était disponible pour
le prochain client. Les ailes en X signifiaient un arrêt prolongé.
Les ailes en croix légèrement inclinées sur le droite
indiquait l'arrivée d'un heureux événement. Les ailes
en croix légèrement inclinées à gauche annonçaient
un décès. Le meunier bloquait les ailes dans la position
voulue au moyen d'une grande perche de châtaignier fourchue qu'il
plantait dans le sol.
Plusieurs fois séculaire, l'ère des moulins à vent connut son apogée et sa chute de 1820 à 1930. Elle débuta, on l'a dit, avec l'abolition des droits seigneuriaux et s'acheva avec l'industrialisation. Les moulins à vent furent les premiers sacrifiés au progrès technique. Les moulins à eaux subsistèrent encore un temps, modernisés, grâce à la vapeur, à l'apport de roues en pierre de meilleure qualité et à l'emploi du moteur hydraulique à turbine. Cette turbine introduisit parfois l'électricité dans les villages. La vapeur, en consacrant le passage des énergies naturelles, eau et air, aux énergies dépendantes: vapeur, gaz, diesel puis électricité, entraîna la disparition des moulins. Techniquement, l'antique système des meules de pierre superposées céda la place, vers 1920, aux modernes mécaniques à cylindres. Au 20ème siècle, les moulins traditionnels continuèrent à tourner, mais de moins en moins, et presque exclusivement pour la farine. Sur certains d'entre eux, les engrenages en bois furent remplacées par des engrenages métalliques. Abandonnés peu à peu, mal entretenus, détruits par les guerres, les moulins à vent, exposés aux intempéries, se désagrégèrent rapidement. Les moulins d'Ally, à eau comme à vent, étaient encore en exploitation dans les années 1930 et celui de Pargeat, qui se visite, possède encore ses dents de bois. Pendant la seconde guerre mondiale, certains moulins à vent furent remis en exploitation ou servirent de moyen de signalisation et de réunion à la Résistance. Le dernier moulin en activité à Ally fut celui de la Maison Blanche qui ne s'arrêta qu'en 1956. Ce n'est pas sans nostalgie que l'on évoque la période des meuniers, ces drôles de pierrots enfarinés, et leurs moulins qui suscitaient la curiosité des enfants. "Chacun sur leur colline, ce sont des personnages un peu fiers qui montent une garde d'honneur autour de nos villages. Mais dès que le vent se lève, les voici qui frémissent, s'agitent, craquent... Le mouvement est en eux. Le meunier monte alors dans son domaine, fait pivoter le toit, pose les panneaux sur leurs nervures, enlève la cale - les ailes commencent leur ronde. Le maître referme la porte sur lui et dans la pénombre alimente ses meules, surveille sa mécanique tout en rêvant, pendant que le bâtiment gémit. En mettant la tête à la petite fenêtre, il peut contempler ce gigantesque ballet qui danse aux environs d'Ally". "Ally, village arabe en Auvergne" - 1988 - Gabriel Beyssat. |