La Chine n'est plus le pays arriéré qui hante encore la pensée de tant d'Européens. Les taux de croissance y flirtent avec les 10%. Les journaux économiques nous l'ont appris. Mais la confrontation d'un occidental avec la réalité chinoise l'amène encore à réviser un peu plus son jugement tant ce qu'il voit est au delà de ses attentes. Je précise ma pensée: la Chine est plus en avance que je ne m'y attendais. Les aéroports, les autoroutes, les nombreux chantiers de construction, la multiplicité des téléphones portables... témoignent que ce pays est entré de plein pied dans notre ère. Il est loin le temps où tout le monde portait la même veste et j'aime à croire aussi que l'on ne pense plus au pas (est-ce une illusion?). En tous cas, ce n'est pas dans ce pays qu'un européen se sentira le plus dépaysé. A quelques exceptions près, les gens y sont vêtus comme lui. Et c'est parfois dommage car les rares Chinoises qui portent une robe de soie sont plus séduisantes que les autres! Plus moyen de rencontrer des femmes aux petits pieds contraints dans des bandelettes. La dernière est morte. Toutes les femmes peuvent maintenant prendre le large.
Mais on rencontre bien sûr aussi de nombreux archaïsmes. Les Chinois n'ont pas abandonné l'habitude, surprenante pour nous, de cracher par terre, voire même de soulager leur vessie, là où le besoin s'en fait sentir, sans gêne apparente (mais n'était-ce pas ainsi aussi chez nous dans ma jeunesse?). Les couleurs préférées du pays continuent d'être celles des empereurs: le rouge et le jaune. Il se trouve que ce sont aussi celles du drapeau d'une République qui persiste à se prétendre communiste, bien que l'idéologie du grand timonier ait été abandonnée depuis belle lurette. Son petit livre fait maintenant la fortune des antiquaires.
La réhabilitation de l'économie de marché, dans un pays qui ne l'avait jamais véritablement expérimentée, est une révolution sans doute encore plus radicale que la révolution culturelle. Les entrepreneurs ont remplacé les gardes rouges. Les mandarins ont cédé la place aux hommes d'affaires! Jusqu'à Mao, y compris, il fallait être lettré pour appartenir à l'élite. Désormais, on doit se montrer capable de pénétrer les arcanes de l'économie. Pour combien de temps? Cette orientation nouvelle, concrétisée par l'ouverture de deux bourses de valeurs mobilières, est à l'origine de l'évolution accélérée du pays. Pourtant, elle comporte aussi des aspects négatifs. De nombreuses entreprises publiques non rentables ont dû fermer leur porte et le taux de chômage atteint des sommets dans certaines zones. Les régions agricoles de l'ouest sont restées à la traîne, malgré les efforts de l'État. Leur situation tend même à se dégrader par suite de la liberté qui est désormais laissée à leurs habitants les plus instruits d'aller tenter leur chance ailleurs. C'est un facteur de déséquilibre qui pourrait s'avérer lourd de conséquence si les pouvoirs publics ne parviennent pas à le maîtriser.
Si la Chine relève les défis auxquels elle est confrontée: chômage, déséquilibre entre les provinces..., elle est appelée à devenir l'une des puissances majeures du 21ème siècle, c'est certain. Mais rien n'est jamais acquis et l'histoire mouvementée de ce gigantesque pays, émaillée de révoltes paysannes et de rébellions locales d'inspiration séparatiste, doit inciter les pronostiqueurs à la prudence. Un nouveau Mao ou quelque seigneur de la guerre ne sont- ils pas déjà nés quelque part en Asie centrale ou sur les bords du Fleuve Jaune?
A Shangaï
Au 19ème siècle,
des barbares au long nez, forts de leur suprématie militaire, imposèrent
à la Chine impériale la création d'enclaves placées
sous leur administration. Le régime des concessions venait de faire
son apparition. C'est ainsi qu'un petit village de pêcheurs se transforma
peu à peu, sous l'influence occidentale, en l'un des plus grands
ports du monde doublé d'une importante place financière.
On trouve encore, dans ce grand port rendu à sa mère patrie,
des vestiges de cette époque coloniale, notamment un quartier français
dont les artères sont bordées de platanes.
Aujourd'hui, un gigantesque quartier des affaires ajoute ses tours aux immeubles hérités de la période coloniale, car Shangaï est toujours en plein développement. L'une des deux bourses de valeurs mobilières chinoises s'y est d'ailleurs installée.
Dès l'arrivée, nous sommes mis en garde: éviter de payer avec des grosses coupures. Attention à la fausse monnaie dont on accuse Taïwan d'inonder la Chine continentale! A la différence de ce qui se passe dans d'autres pays d'Asie, le dollar n'est pas ici la monnaie reine. En Chine, on l'accepte sans le rechercher. Le yuan chinois, le vrai, est aussi prisé. On remarquera que les Chinois condescendent à orner de quelques caractères occidentaux leurs billets et leurs pièces. Le reste est en caractères chinois donc illisible pour la plupart d'entre nous.
On aperçoit quelquefois, du haut d'un échangeur d'autoroutes, des enseignes d'entreprises européennes, dont quelques-unes sont françaises. Et puis, dans toutes les villes, on va retrouver l'enseigne KFC, avec le fameux poulet frit du colonel Saunders. Sont aussi présents, bien sûr, Coca-Cola et Mac-Donald.
La vieille ville constitue un îlot parmi toute cette modernité. Certains quartiers ont conservé leurs ruelles bordées de maisons d'autrefois, plus ou moins sordides. Mais elles sont promises à la pioche des démolisseurs, malgré l'opposition de leurs habitants. Il y a vingt ans, les étrangers n'avaient pas le droit de se promener dans ces lieux.
Des échafaudages de bambous! J'en ai déjà vu naguère à Singapour. On en retrouve ici.
Le temple du bouddha de Jade a été préservé de la fureur iconoclaste des gardes rouges par une ruse des moines: ils le tapissèrent de portraits de Mao!
Peut-être remarquerez-vous que le dragon du jardin du mandarin Yu ne possède pas cinq griffes. C'est que ce mandarin était une personne avisée. Dans l'ancienne Chine, le dragon était, en effet, un animal impérial. Oser le représenter chez soi tenait du crime de lèse majesté. Mais un dragon ne possédant pas cinq griffes n'était évidemment qu'un faux. Comment aurait-on pu reprocher à quelqu'un de se placer sous la protection d'un simulacre!
Le jour de mon anniversaire, j'ai eu l'agréable surprise de trouver dans ma chambre un énorme gâteau, accompagné d'une carte de voeux, offert par la direction de l'hôtel. Celle-ci m'a d'ailleurs présenté ses souhaits par téléphone (en Anglais).
Visite d'un centre d'artisanat où une charmante Chinoise découpe devant nous, en quelques coups de ciseaux précis, dans du papier rouge, deux coqs se combattant. Est-ce un hommage à notre bon vieux coq gaulois?
Suzhou
Suzhou est une sorte de Venise
chinoise. Cette ville doit sa célébrité à ses
canaux et surtout à de magnifiques jardins dont le jardin de la
Politique des Simples et le jardin du Maître des Filets.
Visite d'une usine de fabrication de la soie avec explications sur la genèse du vers, la manière de l'élever et le traitement du cocon. Les cocons doubles, de qualité inférieure, servent à la fabrication de couettes. Le dévidage des fils, sur des batteries de machines, exige une très grande dextérité. Nous arrivons dans l'atelier à l'heure du déjeuner, pris sur place. Des enfants ont rejoint les ouvrières pour manger avec elles. Le repas n'est pas collectif: chacun a apporté sa gamelle.
Guilin
Les paysages de la région
de Guilin ont inspiré de nombreux peintres chinois. Des collines
karstiques, hautes et escarpées, s'y dressent au milieu des rizières
et des plantations de thé. Ces collines, résultat d'une lente
érosion du plateau calcaire surgi autrefois des fonds marins, ont
un aspect très pittoresque. La rivière Li chemine à
travers elles en de nombreux méandres. L'humidité du climat
confère à l'atmosphère un caractère vaporeux
très prisé des Chinois qui y voient une marque de spiritualité.
Les collines sont truffées de grottes où l'on peut admirer
des stalactites et stalagmites mises en valeur par de judicieux éclairages
colorés.
Cette région est désormais protégée et les installations industrielles en sont bannies. On y cultive du riz et du thé.
Le centre de Guilin est en cours de reconstruction. Ici, comme dans les autres villes chinoises, la main d'oeuvre du bâtiment est fournie par les paysans des campagnes qui trouvent là une occasion de venir arrondir leurs maigres revenus.
Notre guide, qui répond au nom léger d'Hirondelle, nous renseigne sur le régime de la propriété foncière. La terre serait cédée à bail pour une durée de trente ans à ceux qui la cultivent. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une propriété privée. Mais, si l'on approfondit un peu le raisonnement, on tire la conclusion que ce système n'est pas si différent de celui qui prévaut dans nos pays où la transmission s'effectue, à peu près au même rythme, à la faveur des successions.
Autre information: les familles qui ont plus de deux enfants doivent payer une amende au moment de la naissance d'un nouvel enfant. Encore convient-il de préciser que cette disposition s'applique aux minorités ethniques dont fait partie notre guide. Pour la majorité Han, elle est encore plus sévères et s'applique dès qu'une famille a plus d'un enfant, comme je l'apprendrai au cours d'un autre voyage.
Au début de la matinée, de nombreux habitants de Guilin se livrent à des exercices de gymnastique ou à la danse, sur les bords de la rivière Li. On nous dit, qu'en début d'après midi, les Chinois font traditionnellement la sieste et, le soir venu, on les voit à nouveau danser sur les trottoirs et sous les viaducs autoroutiers, ici comme à Xian ou à Pékin.
Du bord de la voie qui domine les berges, on peut apercevoir quelques vieux cabotins qui plongent dans l'eau trouble de la rivière. Un peu plus haut, face à la colline de l'éléphant, des plots de ciment permettent de franchir à gué, juste au dessous de la cataracte d'un petit barrage, ce qui ressemble à un torrent. L'eau recouvre les pierres du gué et l'on peut lire, en Chinois et en Anglais, sur une pancarte, ces mots non dépourvus d'humour: "Pour traverser la rivière, faites attention où vous mettez les pieds".
Une fois la nuit venue, on peut assister à la pêche au cormoran. Chaque pêcheur dispose de quatre ou cinq oiseaux. Leur cou est serré par un lien, afin qu'ils ne puissent pas avaler leur proie. Ils plongent dans la rivière et reviennent sur la barque, au pied de leur maître, une fois leur bec plein. L'homme fait alors dégorger l'oiseau dans un seau. Puis il le remet à l'eau.
On montre un immense chaudron où l'on pouvait cuire le riz pour nourrir un millier de soldats. C'était il y a moins de cinquante ans, à l'époque des communes populaires. Ce récipient est maintenant devenu une pièce de musée.
Les repas sont copieux, mais servis d'une manière qui nous désoriente: les plats sont apportés quand ils sont prêts et souvent la soupe et le riz après le désert! Heureusement, nous avons parfois la chance de manger dans un self-service.
On nous fait goûter à un apéritif local à base d'osmantus. On en parfume aussi le thé.
Visite d'une plantation de thé, suivie d'une dégustation, avec, notamment, du thé à l'osmantus.
Xian
La ville de Xian est située
sur un plateau occidental de la Chine. Son climat, continental et chaud,
est assez pénible, d'autant que les vents y amènent la poussière
de loess du désert. Aux alentours, se trouvent de nombreux vergers
et champs de céréales, notamment de blé. Les raviolis
sont l'une des spécialités culinaires régionales.
La vieille ville est entourée de remparts monumentaux. Le sommet de la muraille a la largeur d'une avenue. On visite également à Xian un musée d'architecture Tang, une mosquée de style chinois, les pagodes de l'Oie Sauvage et la Forêt des Stèles. Mais cette ville est surtout célèbre par la grande fouille du tombeau de l'empereur Qin Shi Huan Di.
Autour de cette ancienne capitale on peut en effet observer de nombreux tumulus funéraires. Ces sépultures, imposantes collines artificielles, font l'objet de fouilles. Mais elles sont loin d'avoir livré tous leurs trésors. Un projet d'édification d'un musée, destiné à recevoir les objets découverts, a été élaboré et les futurs visiteurs de la région pourront admirer des pièces pour l'instant inaccessibles.
La fouille du tombeau de l'empereur Qin Shi Huan Di, unificateur des sept royaumes combattants et constructeur de la grande muraille, constitue, à juste titre, l'un des sites les plus visités de Chine. Cette fouille contient les vestiges, partiellement reconstitués, d'une armée de plus de 6000 guerriers d'argile, avec des chevaux et des chars, grandeur nature. Après la mort de Qin Shi Huan Di, une révolte paysanne, comme la Chine en connut tant, renversa son successeur et envahit le tombeau. Les statues furent brisées et les révoltés mirent le feu aux constructions de bois qui soutenaient les plafonds des galeries. L'ouvrage s'effondra et l'oubli fit son oeuvre. Une malédiction semblait s'attacher à ces lieux que les paysans de la région refusèrent longtemps de cultiver. Il fallut attendre une vingtaine de siècles avant qu'un cultivateur ne mette par hasard à jour des vestiges qui attirèrent l'attention des archéologues.
La fouille est maintenant protégée par une construction imposante, fort bien réalisée, et le travail de recherche et de reconstitution se poursuit. Cependant ces merveilles seraient menacées de destruction par la pollution.
Une blonde en Chine! Je ne croyais pas une telle rencontre possible. De dos, je l'ai prise pour une touriste. Mais de face elle avait les joues rondes et les yeux bridés.
Visite d'un marché couvert très pittoresque, très coloré et très bien achalandé. On ne perçoit jamais la moindre pénurie dans la Chine d'aujourd'hui. On y voit des épices, des crevettes séchées, d'énormes grenouilles, flasques et laides comme des crapauds, des amoncellements de fruits rouges et jaunes, et l'on y écorche des serpents vifs. De quoi mettre en appétit!
A midi, les cuisiniers chinois ont fabriqué sous nos yeux des nouilles, à la main, avec une dextérité époustouflante. Le soir, le vin chinois, bu avec la vingtaine de sortes de raviolis du dîner, était d'une qualité plus qu'honorable. Cela nous a changé de la bière, d'ailleurs bonne, qui arrose habituellement nos repas. La culture de la vigne paraît se développer. On en voit assez souvent du bord des routes.
Visite d'une fabrique d'objets de jade. Ce matériau possède une grande variété de couleur et de dureté. Du blanc au marron, en passant, bien sûr, par le vert. Les objets sont beaux, mais hors de prix.
Pékin
La capitale de la Chine frappe
par son aspect monumental. La place Tien An Men ne compte pas moins de
500 par 800 mètres. Le gigantisme semble d'ailleurs être un
des traits immémoriaux du caractère chinois. Dès avant
notre ère, les sépultures des premiers empereurs, la grande
muraille, qui étend son double ruban de pierres sur 2600 kilomètres,
en portaient témoignage. Plus tard, les tombeaux des Ming (leur
description par Francis Garnier est ici),
la galerie couverte du Palais d'Été, qui est la plus longue
du monde, la Cité Interdite, une ville dans la ville, l'esplanade
du temple du Ciel... prolongeaient la tradition. Et la Chine d'aujourd'hui
la perpétue. Le mausolée de Mao, à peu près
au centre de la place Tien An Men, rappelle, par sa taille, les sépultures
des anciens empereurs. Il est accompagné de
sculptures qui évoquent la statuaire soviétique,
sauf que les combattants ont ici les yeux bridés. A côté,
le monument aux héros de la révolution a la forme d'un obélisque.
De part et d'autre de la place s'élèvent deux imposants bâtiments.
Celui de droite, lorsqu'on regarde la porte Tien An Men, est un musée.
L'autre est le siège de l'assemblée du peuple: le parlement
chinois. En face du portrait de Mao, qui surmonte toujours la porte Tien
An Men, malgré l'abandon de son idéologie, flotte pendant
le jour le drapeau rouge frappé des étoiles jaunes. Il est
descendu au soleil couchant pour être à nouveau levé
à l'aube. La cérémonie des couleurs attire d'assez
nombreux spectateurs. D'autres préfèrent profiter des derniers
feux du jour pour s'amuser à faire palpiter au dessus de la place
les ailes de leurs cerfs-volants. Par contraste à toute cette pompe,
la résidence du président de la République, à
proximité de la place, s'efface presque, sous la verdure, derrière
son mur couleur de brique. On l'ignorerait si deux militaires en faction
ne signalaient la présence d'un édifice public.
Les avenues, qui se coupent à angle droit, paraissent aller jusqu'à l'infini. Certaines font plusieurs dizaines de kilomètres. Leur largeur et celle des trottoirs sont à l'avenant. La foule est importante. Mais l'espace est plus que suffisant pour que l'on ne se marche pas sur les pieds et l'on ne ressent nullement l'impression de grouillement associé à l'Asie dans beaucoup d'esprits européens. Les cyclistes sont encore nombreux et de larges couloirs leur sont réservés de chaque côté des avenues. Mais les automobiles sont loin d'être rares et Pékin connaît déjà ses embouteillages aux heures de pointe. On rencontre surtout des véhicules de marques japonaises, européennes et aussi chinoises. Je n'ai pas vu de voitures américaines. Les cyclo-pousse ont presque totalement disparu au profit des taxis.
Les bâtiments de verre, d'acier et de béton, qui bordent les rues des quartiers modernes, sont grandioses et ont plutôt belle allure, lorsqu'ils sont de construction récente car ils semblent mal vieillir. Les architectes ont souvent ajouté quelque détail, un toit de pagode, par exemple, pour nationaliser, en quelque sorte, les constructions et leur donner un air de famille. Les grands magasins, en revanche, sont assez anonymes et, si les vendeuses n'étaient pas chinoises, on pourrait parfois se croire en Amérique du Nord. Il est facile de se rendre compte que, comme dans beaucoup d'autres pays, il en existe pour les riches, luxueux et chers, et d'autres pour les pauvres, plus simples et meilleur marché. Mais ces derniers, au moins ceux dans lesquels j'ai pénétré, n'étaient pas misérables et ce qu'ils proposaient pouvaient faire l'affaire d'un étranger au long nez. La preuve: j'y ai laissé quelques yuans. Un signe de la pléthore de main d'oeuvre: on voit des "aboyeurs" essayant d'attirer le client devant plusieurs lieux de vente.
La nuit, les édifices sont bien éclairés, parfois avec des lumières de couleur, ce qui est d'un effet assez joli. On peut alors voir, comme dans les autres villes chinoises, des gens danser sur les trottoirs. Pendant le jour, sous les arcades du temple du Ciel, des retraités se distraient, certains en jouant de la musique d'autres en dansant... La retraite s'obtient de bonne heure: à cinquante ans pour les femmes et à cinquante cinq ans pour les hommes. Mais l'espérance de vie est plus courte que chez nous.
L'émergence du Pékin moderne n'a pas complètement fait disparaître la ville impériale. En dehors de la Cité Interdite, de nombreux souvenirs du passé subsistent encore. Mais il m'a semblé qu'ils étaient maintenant quelque peu noyés dans le neuf, un neuf qui tend d'ailleurs à se multiplier car la Chine est un immense chantier en perpétuelle évolution. Il n'est pas rare d'entendre des visiteurs affirmer qu'ils ne reconnaissent plus une agglomération où ils étaient venus voici à peine deux ans! Cette frénésie de construction commence à poser problème: nombreux seraient les locaux ne trouvant pas preneurs. Ils seraient trop chers pour la bourse des Chinois! Des experts redoutent les conséquences sur les banques de ce début de crise.
Je n'ai pas rencontré de mendiants à Pékin et les rues que j'ai parcourues étaient d'une propreté exemplaire. Bref, il se dégage une ambiance de prospérité de cette capitale d'un pays où le niveau de vie est pourtant encore très faible, selon nos normes. Les éléments d'appréciation qui nous ont été donnés m'amènent toutefois à penser que le revenu des Chinois moyens se compare plutôt favorablement à celui des ressortissants de plusieurs pays d'Asie du sud-est. Par ailleurs, un rapide calcul permet de constater que le rapport prix d'un appartement/salaire est voisin de celui de la France. A l'époque de l'économie planifiée, les loyers étaient dérisoires. Ils ont depuis fortement augmenté et les Chinois sont ainsi incités à acquérir leur logement. Encore convient-il que l'offre, en terme de prix, soit compatible avec la demande ce qui, comme on l'a vu plus haut, ne paraît pas toujours être le cas.
Visite d'une fabrique de cloisonnés. Dans le magasin, on ne marchande pas, comme presque partout ailleurs. Un touriste qui s'y est avisé s'est fait rabroué. La vendeuse s'est visiblement sentie offensée.
Chengde
Chengde est située
en Mandchourie, du moins c'est ce que m'affirma notre guide, d'autres parlent
du nord de la province du Houbei, en tous cas pas très loin de la
Sibérie et de la Mongolie. L'empereur, fuyant Pékin après
la défaite de ses troupes devant les soldats franco-britanniques,
s'y réfugia et y périt de chagrin.
Il faut se souvenir que la dynastie qui régnait alors sur la Chine était d'origine mandchoue. Le trône, devenu vacant, fut occupé par une concubine de l'empereur qui lui avait donné un fils. L'impératrice Tsou Hi, inaugura son règne par l'exécution des ministres. A sa mort, un enfant lui succéda. Ce fut le dernier empereur. Singulière destinée que celle de ce prince. Encore enfant, il accède à un trône trop grand pour lui. Il en est bientôt chassé sans s'en douter. Adolescent, il est expulsé de la Cité Interdite. A l'âge adulte, il devient l'éphémère monarque d'une Mandchourie sous contrôle japonais. Il se réfugie ensuite en Union soviétique, pour échapper au châtiment que lui a promis le Kuo Min Tang. Rapatrié en Chine après la victoire de Mao Tsé Toung, il y sera placé pendant douze ans en résidence surveillée. Et il finira ses jours comme conseiller en archéologie dans un pays chamboulé par la révolution culturelle. Destinée qui interpelle nos mentalités d'occidentaux accoutumés à ce que les rois perdent la vie avec leur couronne.
Chengde conserve plusieurs souvenirs de l'époque impériale. Pourtant, le plus intéressant n'est pas là. Il réside dans la forte influence que le bouddhisme tibétain a exercé en Mandchourie, influence qui s'est concrétisée par la construction de monastères très caractéristiques, dont une reproduction du Potala de Lhassa.
La question du Tibet n'est pas abordée directement. Tout au plus nous dit-on que le Dalaï Lama est plus connu en Occident que le Panchem Lama, parce qu'il réside à l'étranger. La Chine se montre très chatouilleuse sur le principe de son unité territoriale. Quiconque s'avise de remettre ce principe en cause, même indirectement, se fait immédiatement rappeler à l'ordre. Ce fut le cas du Premier ministre japonais qui s'était simplement permis de féliciter le nouveau président de Taïwan lors de son accession au pouvoir.
Chengde est une ville provinciale assez rustique, nettement moins riche que Pékin ou Shangaï, mais peu différente, sur ce plan, de Xian ou Guilin. Un détail frappe le visiteur: les statues y sont toutes peintes en blanc. Les explications fournies pour expliquer cette particularité m'ont paru peu convaincantes. Autres détails: près de la muraille qui ceint la résidence impériale, on a construit un hôtel dont les pavillons évoquent des yourtes mongoles. De là, on aperçoit, sur les collines proches, une immense pierre levée, et, à côté d'elle, un rocher nu qui a la forme d'une grenouille ou d'une tortue. En dehors de cela, la ville ne présente pas grand intérêt. On peut y voir des gens jouant aux cartes assis sur le trottoir et y marchander quelqu'objet à la brocante qui s'y tient dans une rue, à même le sol poussiéreux, après la tombée du jour.
A l'hôtel, une fois la nuit venue, le personnel vérifie que les portes des chambres sont bien fermées, ce qui laisse supposer la possibilité de cambriolages. Les villes chinoises souffrent-elles d'insécurité? Il est difficile de répondre à cette question, mais j'ai remarqué que les chauffeurs de taxis y sont physiquement séparés des passagers par des grillages.
Visites de centres d'art et d'artisanat (peinture traditionnelle, papiers découpés...).
Le retour
Les voyages en train, de
Shangaï à Suzhou et de Pékin à Chengde, nous
ont permis d'apprécier le confort convenable du réseau ferré
chinois. Rien à voir, naturellement, avec le T.G.V.. Mais les compartiments
sont propres et le service à bord est assuré par des agents
aimables beaucoup plus nombreux que chez nous, au moins dans la classe
où j'ai voyagé. Il paraît qu'il existe plusieurs autres
classes, tant assises que couchées, ces dernières s'appelant
"les classes molles"! Mais je n'en parlerai pas puisque je ne les ai pas
vues. Les routes que nous avons empruntées étaient larges,
asphaltées et bien entretenues. Quant aux avions, tous ceux que
nous avons pris étaient des Airbus à peu près neufs.
Un article lu dans l'avion du retour m'apprend l'arrestation d'un réseau qui enlevait des femmes dans le sud de la Chine pour les marier de force en Mongolie intérieure.
Et puis, un mois plus tard, cinquante huit Chinois meurent dans un camion frigorifique en tentant d'entrer clandestinement en Grande-Bretagne. Cet événement me remet en mémoire l'image que le guide de Shangaï se faisait de la France: un grand jardin! Et aussi un pays qui délivre parcimonieusement les visas de peur que les bénéficiaires ne s'installent définitivement à Paris, dans le 13ème ou le 20ème arrondissement.
Autant d'autres pièces à rapprocher de ce que j'ai vu pour tenter d'approcher la réalité chinoise.
Dif