Un peu d'histoire
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Une place forte existe sur le rocher volcanique de Polignac dès le début du 10ème siècle (vers 930). La famille de Polignac s'installe sur le site à la fin du 11ème siècle et commence à y construire une forteresse. La montée en puissance de cette famille s'inscrit dans le contexte de l'époque, marqué par les invasions normandes, qui amènent les rois carolingiens affaiblis à déléguer la défense des provinces aux barons locaux, lesquels acquièrent une sorte d'autonomie préludant à l'établissement du système féodal, basé sur les allégeances entre vassaux et suzerains. Les Polignac, issus de Brioude, sont vicomtes, c'est-à-dire administrateurs de haut rang, dès la fin du 9ème siècle; ils ne dissimulent pas leurs ambitions territoriales et vont se heurter à l'évêque du Puy, non moins ambitieux. En 1098, Héracle 1er, vicomte de Polignac participe à la Première croisade en Terre Sainte; l'évêque du Puy, Adhémar de Monteil, est nommé légat du pape et son porte-étendard, n'est autre qu'Héracle 1er, ce qui met pour quelque temps leur conflit sous le boisseau; mais Héracle 1er est tué au siège d'Antioche, en 1098, et les rivalités vont bientôt reprendre. Aux 12ème et 13ème siècles, les seigneurs de Polignac sont donc vicomtes du Velay et s'opposent à l'évêque du Puy, un chef religieux puissant investi de charges comtales qui, lui aussi, prétend régner sur la contrée et qui érige une cathédrale monumentale, laquelle paraît défier la forteresse, sur les hauteurs de la ville. Cette rivalité entraîne des luttes violentes pour la conquête et la préservation du pouvoir pendant plus de deux siècles. Parallèlement, le Puy, se trouvant sur la route du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, attire les convoitises de voleurs de grand chemin qui rançonnent les voyageurs; les Polignac ne seraient pas étrangers aux exactions commises et, du haut de la falaise sur laquelle s'élevait jadis leur nid d'aigle, on montre un autre château, situé au voisinage de la route, au Collet, où depuis 1134, les Polignac ont installé un péage lucratif, en dépit des multiples interdictions royales. En 1213, Pons IV de Polignac, cousin de l'évêque du Puy Bertrand de Chalencon, suspend par esprit de famille ces prélèvements illégaux. Mais ceux-ci reprennent bientôt et le problème ne sera véritablement réglé que 5 siècles plus tard, lorsque les Polignac quitteront la région. En 1251, le fief de Lavoûte est rendu aux Polignac qui vont fortifier le château et en faire leur résidence d'été. Au 13ème siècle, les Polignac
sortent du Velay et, soutenus par des alliances extérieures, ils
guerroient en Languedoc et même en Normandie, contre des seigneurs
rivaux, les Anglais et les routiers. Ils se ruinent à plusieurs
reprises, mais se refont aussitôt, grâce à de riches
mariages, de sorte que leurs terres ne cessent de s'agrandir; c'est notamment
le cas en 1300, lorsque Armand VII épouse Catherine de Bouzols qui
lui apporte les terres de Bouzols, Brives, Orzilhac, Queyrières,
Servissac, Saint-Agrève avec leurs revenus et leurs juridictions.
En 1349, la survie du nom, en l'absence d'héritier mâle, est
assurée par le mariage de Valpurge de Polignac avec Guillaume de
Chalencon qui devient vicomte de Polignac et apporte les signeuries de
Chalencon, Craponne, Usson, Pontempeyrat... Au 14ème siècle,
les affaires s'arrangent avec l'évêque, et les seigneurs de
Polignac occupent le premier rang des 18 barons des nouveaux États
du Velay, placés sous la dépendance des États du Languedoc,
où les Polignac tiennent le cinquième rang.
Pendant la Guerre de Cent ans, la forteresse est pourvue d'un puissant donjon carré chargé de la défense de la région (1385-1421). Pendant cette période agitée, les Polignac s'illustrent. En 1364, Armand X, est envoyé comme otage en Angleterre. De retour, il se bat, dans son fief de Salzuit, près de Brioude, avec une telle fougue, qu'on le surnomme "le Taureau de Salzuit". Les hordes de routiers sont chassées du Velay. Armand apprécie beaucoup Lavoûte qu'il agrandit et fortifie. Après sa mort, sa veuve fonde, en 1421, la congrégation des Clarisses du Puy. En 1467, le roi Louis XI, qui ne badinait pas, confisque le château et jette en prison le vicomte Claude Armand XIV de Polignac, pour avoir soutenu la tentative de rébellion des seigneurs féodaux qualifiée de Ligue du Bien Public. Il sera contraint d'épouser, contre son gré, Jacqueline de Chabannes qu'il ignorera et tiendra enfermée pendant 36 ans à Lavoûte. Les turbulents Polignac sont soumis à l'autorité royale dans le cadre de la tentative royale de mettre les seigneurs au pas. Armand XIV deviend aveugle après avoir blasphémé contre le "saint clou" de Chamalières-sur-Loire et retrouve non moins miraculeusement la vue après s'être repenti. Vers la fin du 15ème siècle et au début du 16ème, les vicomtes construisent une nouvelle résidence, plus conforme que l'austère donjon aux goûts de luxe et de confort de la Renaissance. François-Armand XVI, orphelin de père à 3 ans, est envoyé à la cour de François 1er, comme page, à 10 ans; il s'y lie d'amitié avec le dauphin. En 1533, le roi François, qui se rendait en pèlerinage au Puy, séjourne à Polignac; il salue les maîtres des lieux de "rois des montagnes". Le château joue un rôle de premier plan au cours des Guerres de religion; il devient alors le chef-lieu des royalistes et s'oppose aux Ligueurs du Puy, bastion catholique rebelle au roi Henry IV d'origine huguenote, rééditant, d'une autre façon, l'ancienne querelle de la famille Polignac avec l'évêque du Puy. L'ère féodale cependant touche à sa fin et la vieille forteresse ne jouera plus aucun rôle militaire dans l'avenir; l'invention de l'artillerie, et surtout la puissance royale, rendent désormais son existence sans objet. Au 16ème siècle, les Polignac
s'installent au château de Lavoûte qu'ils embellissent. Des
vicomtes sont amenés à se remarier plusieurs fois, les décès
en couches n'étant pas rares à l'époque. En 1559,
Françoise de Polignac succombe néanmoins après avoir
enterré cinq époux.
Au 17ème siècle, la forteresse est abandonnée et les Polignac vivent à la cour de France où ils occupent de prestigieuses fonctions. En 1605, dernier soubresaut d'un féodalisme à l'agonie, Annet de Polignac est décapité pour avoir tué le comte d'Apchier, rival de son frère, Gaston-Armand XVIII; les seigneurs n'ont plus le droit de se faire justice eux-mêmes! En 1611, les Polignac font l'acquisition d'un hôtel particulier au Puy, manifestant ainsi une fois de plus leur manque d'intérêt pour la vieille forteresse. En 1614, les Polignac obtiennent le titre de marquis. Armand XVIII exerce de hautes fonctions militaires sous Louis XIV. Ses armes surmontent la porte du château de Lavoûte qu'il transforme en résidence convenant à son rang. Les nominations prestigieuses: ambassadeurs, dignitaires de l'Église... se succèdent dans la famille qui jouit de la faveur royale. Melchior de Polignac (1661-1741) est envoyé comme ambassadeur en Pologne pour 5 ans en 1693; son ambassade, destinée à obtenir l'alliance de la Pologne contre la maison d'Autriche, ne sera pas couronnée de succès, mais le roi ne lui en tiendra pas rigueur; auteur de l'Anti-Lucrèce, un traité philosophique en vers, il entrera à l'Académie française en 1704 et sera nommé cardinal en 1713. Au 18ème siècle, on retrouve les Polignac à Versailles, dans l'entourage de la reine Marie Antoinette, et Louis XVI en fait des ducs en 1780. La très séduisante Yolande de Polastron, première duchesse de Polignac, est la favorite de le la reine. Elle se liera étroitement au comte d'Artois, le futur Charles X. Mais cette vie coûte cher et les Polignac sont amenés à vendre une partie de leur patrimoine. La Révolution met un terme à
l'ascension sociale d'une famille dont la fortune foncière est largement
entamée. La forteresse, confisquée, est vendue comme bien
national; cette situation nouvelle précipite sa ruine. L'hôtel
particulier du Puy devient, en 1800, la préfecture de la Haute-Loire
et le restera jusqu'en 1825. Le château de Lavoûte est également
vendu comme bien national. Les Polignac sont parmi les premiers à
fuir en exil. Yolande de Polastron meurt en décembre 1793, à
Vienne, en Autriche, minée par un cancer et par le chagrin, après
avoir appris l'exécution de la reine; le Comte d'Artois la regrettera
beaucoup.
Les Polignac refont surface à la Restauration. En 1820, les Polignac sont princes romains. En 1830, le prince Jules de Polignac est ministre des Affaires étrangères de Charles X lorsqu'éclate la révolution des Trois Glorieuses qui renverse la branche aînée des Bourbons. Il a eu néanmoins le temps de racheter la forteresse qui est classée monument historique en 1840. En 1888, Guy, marquis de Polignac, rachète le château de Lavoûte. A la fin du 19ème siècle, les
Polignac, s'accomodent de la République. Quand ils ne s'adonnent
pas aux affaires, ils se font artistes ou défenseurs des causes
humanitaires. Le prince Edmont, l'un des fils du prince Jules, est un musicien
compositeur de talent; il épouse sur le tard Winaretta Singer, dont
le père tient son immense fortune des machines à coudre.
La princesse Armande, arrière petite-fille de Yolande de Polastron,
est la première femme chef d'orchestre, au début du 20ème
siècle. Par son mariage avec Jeanne Pommery, Guy, marquis de Polignac,
fait entrer le champagne dans la maison des Polignac; le fils issu de cette
union dirigera plus tard la marque Pommery. En 1915, le prince Henri meurt
au champ d'honneur; sa veuve, qui était aussi sa cousine, Diane
de Polignac, se dévoue sans compter dans les hôpitaux; elle
devient présidente de la Croix-Rouge française de Reims et,
durant la Seconde Guerre mondiale, elle dirigera les centres de blessés
de la ville; elle est co-fondatrice et présidente de l'oeuvre nationale
de l'Ossuaire de Douaumont. Le Comte Pierre de Polignac, neveu du prince
Edmond, épouse en 1920 la princesse Charlotte de Grimaldi et accède
au titre de prince de Monaco; il est le grand-père du prince Albert
de Monaco.
Des travaux de restauration de la forteresse sont entrepris à la fin du 19ème siècle (vers 1893). Ils sont poursuivis au 20ème siècle. En 1998, la princesse Constance de Polignac, petite fille de Diane de Polignac, héritière des lieux, crée la Fondation Forteresse de Polignac. En 2012, une association est constituée pour valoriser le site: l'Association Forteresse Polignac Patrimoine. |