En ce début du 21ème siècle,
la commune d’Auzers ne compte plus que 170 habitants (en 2013) alors qu’elle
en comptait près 993 en 1793, lors du premier recensement, et 1035
en 1901. Son église n’a extérieurement rien de remarquable
mais on trouve à l’intérieur quelques statues dignes d’intérêt,
dont une pietà. On peut également voir dans la commune et
ses environs, de vieilles bâtisses en pierres sèches couvertes
de lauzes caractéristiques de l’architecture locale.
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En 1364, Géraud de Bompar y édifia un château. On était en pleine guerre de Cent ans, au début du règne de Charles V le Sage, à un moment crucial qui marqua la fin de la première phase cette guerre, après les défaites de Crécy (1346) et Poitiers (1356), mais avant celle d’Azincourt (1415). Les Anglais occupaient alors le Limousin et la frontière, matérialisée par la Dordogne, n’était qu’à une quinzaine de kilomètres d’Auzers. Le château était donc probablement conçu dans un but défensif. Il se composait d'un corps de logis rectangulaire flanqué d'une tour de défense au Sud-est et d'une tour d'escalier au Nord-est. Il était probablement ceinturé par un chemin de ronde continu et crénelé, supporté par des corbeaux de pierre, à ciel ouvert ou coiffé avec le reste de la construction d'une toiture à faible pente, afin que, d'une tourelle qui dépassait la tour d'escalier d'un niveau, le guet puisse surveiller les environs.
Il faut rappeler que, outre les Anglais, les villageois redoutaient également les routiers, soldats désœuvrés qui, pendant les périodes de paix, se réunissaient en bandes irrégulières et ravageaient les campagnes pour se nourrir. Les uns et les autres étaient particulièrement actifs en Haute-Auvergne où ils tenaient maints châteaux. Il y sévit également un temps une insurrection dite des tue-chiens qui s’en prenait aux nantis. Le duc de Berry dut monter une expédition pour débarrasser le pays de cette jacquerie. C’est dans ce contexte troublé que le château d’Auzers fut pillé et brûlé vers 1450, peu de temps avant la fin de la Guerre de Cents ans, qui se termina après la victoire française de Castillon (1453). L’incendie détruisit presque tout le château. Le corps de logis principal s’effondra sur la voûte du rez-de-chaussée qui résista. En dehors de cette dernière, ne restèrent partiellement debout que les tours.
Blandin de Bompar, petit-fils de Géraud, régisseur du comte de Chabannes, gouverneur de Guyenne, pour ses biens de Madic, près de Bort, puis régisseur général du baron de la Tour, comte d'Auvergne, maria sa fille Alix, en 1470, à Antoine de Douhet, licencié ès loi, lequel s'installa au château et prit le nom de Douhet d'Auzers. Il devint par la suite chancelier des comtes d'Auvergne. Les blasons des deux familles (une tour pour l’une, une licorne pour l’autre) furent alors réunis pour former celui des Douhet d’Auzers : écartelé au premier et au quatrième d'azur à la tour d'argent, crénelée et patinée de sable et cerclée à trois contours; au deuxième et troisième de gueule à la licorne passante d'argent, ayant le pied droit levé; sommé d’une couronne; devise : Vires ex Alto, c’est-à-dire : "A juste guerre, Dieu combat". Après le mariage, la restauration du château fut entreprise ; elle s'acheva vers 1510.
Le nouvel édifice fut construit dans le goût de la Renaissance, pour en faire une demeure de plaisance, sans toutefois renoncer complètement à son caractère défensif. Le corps de bâtiment fut prolongé vers l'Ouest où une nouvelle tour, pendant de celle de l'Est, fut dressée au Sud-ouest. Le chemin de ronde, qui encercle tout le pourtour et confère à l'ensemble son unité, fut englobé, avec le reste des constructions, sous une toiture à pente raide en lauzes disposées en écailles de poisson, à quatre pans pour le bâtiment central, en poivrière pour les trois tours et les deux échauguettes qui, portées sur des culs de lampe à cinq quarts de rond superposés, ornent les angles vifs du chemin de ronde. La porte et les fenêtres de la tour d'escalier, ainsi que quelques autres fenêtres du bâtiment, furent encadrées de moulures.
En 1528, Gabriel de Douhet d'Auzers fut lieutenant du roi dans la prévôté de Mauriac et, en 1555, il devint gouverneur de Clermont. En 1578, les terres des seigneurs d'Auzers furent érigées en baronnie par le roi Henri III, en récompense des services rendus par Pierre III de Douhet d'Auzers.
En 1641, Pierre d’Auzers décida par testament qu’en l’absence d’héritier, le château deviendrait la propriété du collège des Jésuites de Mauriac (Cantal). Revenant sur sa décision 10 ans plus tard, il voulut récupérer la minute de l’acte de donation laquelle avait été transmise entre temps aux religieux, par son fils Pierre-Marion. A la mort de Pierre d’Auzers en 1661, les Jésuites prirent possession du château. Le fils aîné de Pierre d’Auzers dû ester en justice pour que soit annulé l’acte signé précédemment par son père. C’est son neveu, Jacques de Douhet de Marlat, héritier de ses biens, qui solda la créance équivalente à un million d’euros, en 1720, et recouvrit le bien familial.
En 1779, le troisième fils de Jacques-François d'Auzers et de Marie-Charlotte de Saint-Chamans, Joseph, entra au régiment de La Fère, infanterie, dont son oncle, le marquis de Saint-Chamans, était colonel; il émigra en 1790, avec le grade de capitaine; il rentra en France en 1793, pour combattre à Lyon dans les rangs fédéralistes et monarchistes, aux côtés de M. de Précy; après la prise de la ville par les troupes de la Convention, il réussit à s'échapper et se réfugia à Passy, sous un nom d'emprunt, sa tête ayant été mise à prix et, malgré sa situation précaire, il parvint à assurer l'entretien de sa famille pendant la tourmente révolutionnaire, et vécut retiré sous l'Empire; il était cousin germain des MM. de Meulan dont l'un fut préfet sous l'Empire et la Restauration, et l'autre, le général Théodore de Meulan, fut blessé à la cuisse par un coup de fusil, à l'affaire de Roda en Espagne, dans la Grande Armée; la soeur de ces Messieurs, Pauline de Meulan, épousa l'éminent historien et ministre de Louis-Philippe François Guizot en 1812. Un frère de Joseph, Charles, devint curé de Mauriac, puis grand vicaire d'Amiens, et enfin évêque de Nevers, où il mourut en 1834; Jean-Baptiste Serres lui a consacré une biographie: Vie de Monseigneur Charles de Douhet d'Auzers, évêque de Nevers - Toulouse: Privat, 1893. Un autre frère, Jean-Louis, élève de l'Ecole militaire de Paris en 1784, y eut comme condisciple Bonaparte, avec qui il noua une amitié durable.
Le château survécut à la Révolution, alors que les biens de l’église d’Auzers subirent les affres révolutionnaires. Les d’Auzers entretenaient de bonnes relations avec les villageois et ceux-ci les protégèrent. C’est ainsi que purent être conservés intacts les précieux terriers. Les biens de la famille d’Auzers furent tout de même mis sous séquestre. La mainlevée de la confiscation n’intervint définitivement qu’en 1801.
Jean-Louis, chevalier de Malte, revint en France à la dissolution de l'ordre consécutive à l’expédition d’Egypte commandée par Bonaparte. Il entra ensuite dans l'Administration de l'Empire français. En 1808, Napoléon en fit le directeur général de la police des départements au-delà des Alpes. Il y devint un intime de la famille Borghèse, épousa une Italienne et se lia à la famille Cavour qui devait tenir un rôle si important dans la fondation du royaume d’Italie, sous l’égide du roi de Sardaigne Charles-Albert de Savoie Carignan, un prince francophile qui avait été nommé lieutenant de dragons par Napoléon 1er à la fin de l’Empire. Avec son épouse, Jean-Louis d’Auzers acheta, en 1814, le domaine de Belangero, près d'Asti. Tous deux sont enterrés dans le caveau des Cavour, au château de Santena, près de Turin, où Jean-Louis décéda en 1831.
Après la chute de Napoléon, la famille se rallia au pouvoir royal. A la Restauration, Joseph d’Auzers, cité plus haut, devint maire de la commune d’Auzers et commandant de la garde nationale de Mauriac; il mourut en 1840. Dans la seconde moitié du 19ème siècle, Joseph d'Auzers, second du nom (1836-1924), épousa Marie de Vergennes (1839-1904), une descendante de l’illustre ministre des Affaires étrangères de Louis XVI, Charles Gravier, comte de Vergennes (1719-1787), qui mourut à la veille de la Révolution. Ce mariage apporta au château d’Auzers d’émouvants souvenirs des derniers Bourbons.
En 1844, des rénovations du château furent entreprises : la toiture fut refaite à l'identique, de nouvelles fenêtres furent percées, d'autres élargies, un appentis fut ajouté contre la tour de l'Est afin d'y loger un second escalier.
En 1883, le fils unique de Joseph II, Louis (1868-1938), lieutenant-colonel d'infanterie, officier de la Légion d'Honneur, assista aux obsèques du duc de Chambord, dont la robe de baptême est toujours au château.
Celui-ci est ouvert aux visites depuis 1972.
En 1983, il fut inscrit sur la liste des monuments historiques.
Nous gagnons ensuite une chambre meublée
avec du mobilier empire offert par Napoléon 1er à Jean-Louis
d’Auzers. Un buste de l’Empereur en marbre blanc y trône sur une
cheminée. Une statuette du même, en uniforme, se tient au
milieu d'une rangée de livres de la bibliothèque qui occupe
le pan de mur, de l’autre côté du lit.
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