|
Sommaire du Carnet de Route:
01-
De Tel Aviv à Jérusalem
Vous pouvez lire les notes à la suite où vous rendre directement à la rubrique souhaitée en cliquant sur l'un des numéros soulignés ci-dessus. Les mots sensibles dans le texte renvoient aux pages de photos. |
De Tel Aviv
à Jérusalem (les
photos sont ici )
J'arrive à Tel Aviv depuis l'Iran. Je ne viens pas à proprement parler d'un pays ennemi, bien qu'il soit musulman. A cette époque, le Shah y règne et le gouvernement de Téhéran est encore un allié des États-Unis. L'Iran est même le gendarme du Moyen Orient, en leur nom; le nombre d'avions militaires américains que l'on peut voir sur l'aéroport de Téhéran l'atteste. Tel Aviv s'étale le long de la Méditerranée. C'est une cité moderne, populeuse et étendue. C'est là que se trouvent l'essentiel des ambassades, nombre de pays ne reconnaissant pas Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël. La vieille ville arabe de Jaffa lui est voisine et a même été rattachée à elle. La ville nouvelle est relativement récente; elle a vu le jour, au début du 20ème siècle, par suite de l'obligation faite aux Juifs de Jaffa de changer périodiquement de logements; ils se sont installés à l'écart de Jaffa pour être tranquilles. Tel Aviv jouit d'un climat méditerranéen, avec de fortes chaleurs, une période de sécheresse d'avril à octobre et des hivers humides mais doux. Lorsque j'y arrive, on est en hiver et il fait en effet un temps très agréable. Des attentats assez fréquents endeuillent la ville, mais cela n'empêche nullement ses habitants de vaquer à leurs affaires et à leurs plaisirs, ni de fréquenter la plage. Je loge dans un hôtel qui m'a été
conseillé par une amie, lors de mon passage chez elle, à
Singapour.
Le lendemain de mon arrivée, je me rends dans une agence de voyages
pour organiser mon séjour dans le pays. Voyageant seul, je vais
le nez au vent, mais préfère ici me mêler à
un groupe. Je profite du temps libre pour visiter la ville et effectuer
quelques emplettes; j'achète notamment un bijou pour ma mère,
il est confectionné avec des pierres des mines du roi Salomon: dès
l'arrivée, me voici de plein pied dans la Bible; cette pierre demie
précieuse est verte et opaque.
Je pars ensuite pour Jérusalem en autocar avec mon groupe de touristes. La route traverse une région cultivée, puis s'élève à travers des collines boisées; il nous faut monter de près de 800 m pour atteindre la capitale contestée de l'État d'Israël. Notre guide nous fait remarquer des véhicules gisant dans le fossé; ce sont les vestiges des conflits qui se sont déroulés dans ce petit pays; certains datent de la période de la création d'Israël, en 1948. Le guide nous rappelle que les Juifs de la diaspora prononçaient autrefois rituellement chaque année le souhait: "l'an prochain à Jérusalem". Il entonne un chant hébreu que je ne comprends pas mais où revient à plusieurs reprises le nom de la ville: Yerousalaïm. La ville de Jérusalem
nous apparaît comme une grosse bourgade aux maisons blanches d'où
émergent des édifices modernes, des églises et les
dômes rutilants de quelques mosquées. Je partage ma chambre
avec un Juif espagnol, qui porte la kippa pour dire sa prière avant
de dormir et parle français. Nous ne nous dérangerons pas
l'un l'autre.
Jérusalem (les photos sont ici ) Notre première visite est pour une colline (sans doute le Mont des Oliviers, mais je n'en suis pas certain) qui domine la Vallée du Cédron ou Vallée de Josaphat, ainsi nommée parce qu'elle contient le tombeau du roi Josaphat, avec ceux de Zacharie et d'Absalom. Cette vallée s'étend du nord au sud, le long du côté oriental de l'enceinte de Jérusalem, entre le Mont Moriah à l'ouest et le Mont des Oliviers à l'est. Le torrent de Cédron y coule du nord au sud, quand il le peut; son nom signifie en hébreu: noir, trouble; cet affluent de la Mer Morte est à sec une partie de l'année. D'après un texte du prophète Joël, c'est dans ce lieu à l'aspect triste, sec et caillouteux, qui convient parfaitement à un cimetière, que les hommes comparaîtront un jour devant leur juge céleste. Le tombeau de Zacharie, l'un des douze premiers prophètes, a la forme d'un cube taillé dans la roche; sa face visible est ornée de quatre colonnes et il est surmonté d'un toit pyramidale à quatre pans. Nous nous rendons ensuite sur le Mont Sion. Cette colline de Jérusalem est souvent prise comme symbole de Jérusalem. Le mot hébreu "Sion" est le nom du promontoire sur lequel fut bâti le noyau originel de la ville. La colline se dresse au sud de la vieille ville, entre les vallées du Cédron et du Tyropoeon. Les Jébuséens, fondateurs de la cité, désignée alors sous le nom de Jébus, y construisirent une forteresse; celle-ci fut prise, vers l'an 1004 avant notre ère, par le roi David qui la fortifia; il y établit son palais. Aussi, selon la tradition juive, le mont Sion est-il considéré comme le lieu de la demeure royale et celui du cénacle. Le monastère de la Dormition, la "Sion chrétienne", s'y élève; on aperçoit de loin la tour massive au toit pointu de son église flanquée de tourelles plus minces. Sur le Mont Sion, nous visitons le monastère, où la vierge est supposée être morte, la salle du cénacle où se tint le dernier repas du Christ, la cène, et le tombeau du roi David. D'une colline voisine, nous bénéficions
d'une belle vue sur le Mont des Oliviers.
Cette colline, constituée de plusieurs mamelons, est située
à l'est de Jérusalem. Elle est un lieu sacré pour
les trois religions du Livre; il s'y trouve plusieurs églises et
des mosquées. Elle tient son nom des nombreux oliviers qui y croissaient
autrefois. Le souvenir du roi David et surtout celui du Christ lui sont
associés. Lorsque Jésus vint à Jérusalem en
compagnie de ses disciples, à l'occasion de la Pâque, il résida
à Béthanie, un village situé sur le versant est du
mont des Oliviers; c'est non loin de là que, avant son entrée
à Jérusalem, il envoya des disciples chercher un ânon,
et c'est lorsqu'il approchait de la descente du mont qu'il fut acclamé
par ceux qui l'accompagnaient (Luc); c'est aussi de là qu'il contempla
les grandes constructions du temple et qu'il en annonça la destruction
prochaine; c'est encore vers cet endroit qu'il se dirigea après
son dernier repas, jusqu'à un domaine du nom de Gethsémanie,
qui signifie pressoir à huile en araméen; l'évangéliste
Jean mentionne un jardin, de l'autre côté du Cédron,
où Jésus passa les dernières heures avant son arrestation.
Aujourd'hui, de nombreuses constructions montent à l'assaut des
pentes.
Nous parcourons la Via Dolorosa, dans le vieille ville. C'est une rue bordée de boutiques aux toits en auvent, très populeuse. Selon la tradition, ce chemin de la souffrance est la voie que Jésus emprunta pour se rendre au Golgotha où il fut crucifié. Il est marqué par neuf des quatorze stations du chemin croix; les cinq dernières sont à l'intérieur de l'Église du Saint-Sépulcre. Cette voie constitue l'un des lieux de pèlerinage majeurs de la chrétienté. L'Église du Saint-Sépulcre recouvre à la foi le Golgotha et le tombeau du Christ. Elle est située au fond d'une cour légèrement en contrebas par rapport à la rue. On accède à la Chapelle du Calvaire en gravissant un escalier qui conduit à l'étage supérieur, sur la gauche; cette chapelle est richement décorée; la pièce est encombrée d'icônes, de statues et d'objets en métaux précieux, tout à fait dans le goût oriental; l'emplacement de la croix est marqué par un trou rectangulaire bordé d'argent. Au rez-de-chaussée de l'église, on montre un plateau de pierre sur lequel aurait été déposé le corps du Christ pour y être lavé. Le tombeau est un peu plus loin; c'est une grotte parée d'un monument; le corps de Jésus y aurait été placé sur une sorte d'entablement, ou plutôt de lit de pierre, contre le mur de gauche. Au moment de quitter l'église, je me sens tiré par la manche; c'est un prêtre de je ne sais plus quelle église orientale qui m'invite à venir admirer les reliques dont il a la charge et qui sont, bien sûr, les seules authentiques. Les rivalités entre chrétiens ne sont pas absentes de ces lieux et il arrive assez souvent qu'elles dégénèrent en rixes! J'avoue avoir été déçu par cette visite; j'imaginais le Golgotha comme une colline et non comme l'entresol d'un bâtiment; en outre, je pensais que le tombeau du Christ était plus éloigné du lieu de son supplice. Bref, tout cela m'a semblé peu crédible et surtout trop chargé d'or et d'argent. La Via Dolorosa est émouvante, mais l'église ne m'a pas convaincu. L'endroit de la crucifixion et celui de la sépulture sont d'ailleurs contestés, mais il existerait des preuves archéologiques authentifiant les sites officiels. L'Église du Saint-Sépulcre souffrit des vicissitudes du temps et de l'histoire; plusieurs incendies y firent des dégâts; les premiers bâtiments furent respectés par les premiers conquérants musulmans, mais la situation des chrétiens devint précaire avec l'arrivée des Fatimides; ceux-ci détruisirent le Saint-Sépulcre en l'an 1009; l'ensemble actuel fut édifié plus tard, notamment à l'époque des Croisades. Poursuivant notre visite de la vieille ville, nous passons sous un porche, dans une rue encombrée, où officient des marchands d'articles de cuir. .
Nous parvenons à l'Esplanade du Temple et le guide nous indique l'endroit où Jésus est supposé avoir été emprisonné. La Mosquée du Dôme se dresse à l'endroit autrefois occupé par le temple détruit à deux reprises, la seconde version ayant été construite par Hérode; après la démolition de cette dernière par les Romains, l'emplacement avait été laissé en friche. La mosquée fut édifiée sur ordre du calife omeyyade Abd al-Malik ben Marwan. Achevée en 691 ou 692, elle est l'un des plus anciens monuments de l'islam. Elle est aussi son troisième lieu saint, après La Mecque et Médine. Selon certaines traditions, le sacrifice d'Isaac par Abraham aurait eu lieu ici et, au début de l'islam, on aurait situé là aussi l'endroit depuis lequel Dieu quitta la Terre après sa création pour retourner au ciel. On suppose que l'édifice fut bâti pour tenter de détourner les fidèles de La Mecque, alors au pouvoir d'un rival du calife. Malgré des ajouts ultérieurs, pas toujours heureux, avec sa majestueuse coupole dorée, sa colonnade extérieure et ses mosaïques à ton bleu, cette mosquée reste un splendide exemple de l'art religieux musulman à ses débuts. Le Mur des Lamentations est un vestige de l'enceinte ouest d'Hérode et aussi un soutènement de l'Esplanade du Temple. Les Juifs viennent déposer des papiers, sur lesquels sont écrits des voeux et des prières, dans les interstices de ses pierres et balbutient devant lui en balançant la tête, les femmes séparément des hommes. Cet endroit est proche du Saint des Saints où se trouvait jadis l'Arche d'Alliance. En pénétrant dans un tunnel on peut admirer la colossale partie du mur qui fut ensevelie sous les constructions et que les archéologues israéliens ont dégagée. Une salle souterraine voûtée sert de bibliothèque où sont rangés les livres saints (Thora). Nous passons devant la Knesset où se dresse un monumental chandelier à sept branches, symbole de l'assemblée législative israélienne. Ensuite, nous nous rendons au Musée de la Déportation. Je suppose qu'il s'agit du mémorial national du Souvenir des martyrs et des héros de la Shoah, Yad Vashem, créé pour commémorer le souvenir des six millions de Juifs, hommes, femmes et enfants assassinés par les nazis et leurs collaborateurs, de 1933 à 1945. J'en ai rapporté le souvenir d'un groupe sculpté surgissant de l'ombre dans un douteux clair obscur. Ensuite, nous allons visiter le Musée d'Israël, le plus grand et plus important centre culturel du pays; ce Musée rassemble des centaines de milliers de pièces archéologiques et anthropologiques, se divisant entre l'art international et israélien, judaïque et ethnographique; il abrite des manuscrits de la Mer Morte, le plus vieux manuscrit biblique au monde, des reliques de la période de Bar Kochva et la plus importante collection mondiale d'art juif; il présente les différentes facettes de l'histoire juive et de l'art international, réparties dans plusieurs bâtiments. Dans le Jardin Billy Rose, sont exposées des oeuvres de Henry Moore et Pablo Picasso. Vu de l'extérieur, l'ensemble me fait penser à un tableau de Chirico. Je ne me souviens plus si c'est à la boutique de ce musée que j'ai acheté une réplique miniature des jarres dans lesquelles étaient enfermés les manuscrits de la Mer Morte; elle contenait un rouleau avec une reproduction d'un manuscrit et un texte en hébreu, peut-être la traduction de l'extrait. Il y aurait beaucoup d'autres musées
à voir à Jérusalem, mais nous n'en aurons pas le temps.
Avant de quitter la ville, j'achète une carte postale pour tenir
une promesse: je l'enverrai à mon chauffeur tamoul de Ceylan; il
était chrétien et s'arrêtait à chaque église
rencontrée sur notre chemin, afin de glisser une piécette
dans le tronc; je suis certain que ce souvenir des lieux saints lui fera
plaisir. En dehors des sites visités,
quelle image garderai-je de Jérusalem? Celle d'une ville où
l'on construit beaucoup. On y rencontre de nombreux immeubles neufs aux
façades claires. Il faut bien loger tous les immigrés qui
font leur alia! Une chose me
revient à l'esprit: nous avons visité un cimetière;
je ne me souviens plus où ni quand mais j'ai observé que
notre guide ne passait jamais devant la tombe d'un soldat israélien
mort au combat sans déposer un petit caillou dessus.
De Jérusalem à la Cisjordanie (les photos sont ici ) A quelques distances de Jérusalem, nous
nous arrêtons au Mémorial John
Kennedy et à la Forêt de la Paix. Ce monument fut édifié
grâce à la contribution de citoyens américains, en
mémoire de l'assassinat, en 1963, du président des États-Unis
John F. Kennedy. Il a la forme d'un tronc coupé, de 18 m de haut,
dont la base diverge en simulant des racines, l'ensemble symbolisant la
vie brutalement interrompue. A l'intérieur, un buste du Président
assassiné voisine avec une flamme perpétuelle signifiant
que l'esprit ne s'éteint pas. Chacune des cinquante et une colonnes
qui entourent l'édifice porte l'emblème d'un des États
américains et celui du District de Columbia. Ce monument a été
conçu par l'architecte israélien David Resnick. Alentour,
une forêt a été plantée, où les gens
de la ville viennent prendre l'air et pique-niquer les jours de repos.
Le contraste est saisissant entre ce territoire arboré et les collines
arides qui s'élèvent au-delà.
En entrant en Cisjordanie, notre guide nous prévient que nous allons longer des camps de réfugiés palestiniens. Ils nous invitent à ne pas les regarder car notre curiosité pourrait être jugée insultante et nous valoir une volée de pierres: ces gens ne sont pas des bêtes curieuses et ils sont disposés à le rappeler avec force. A un moment, nous passons à côté d'un complexe immobilier neuf entouré de barbelés et hérissé de miradors; l'entrée est défendue par deux hommes armés. C'est une colonie juive qui vient de s'installer au milieu des territoires arabes; ses habitants doivent se rendre en ville pour travailler, avec les risques qu'un tel déplacement comporte. Notre guide nous dit que, si quelqu'un parmi nous souhaite venir s'installer en Israël, il sera accueilli ici avec joie; beaucoup d'appartements sont vides et les candidats ne se pressent pas. On les comprend; outre le travail, il leur faudra monter la garde à leur tour pendant la nuit, dans un environnement hostile, quasiment concentrationnaire, au moins c'est l'image qui m'en est restée! .
Notre premier arrêt est à Bethléem où nous visitons la Basilique de la Nativité, une des plus anciennes églises du monde. Elle est située au bout d'une vaste place. On pénètre à l'intérieur par une petite porte, celle de l'humilité; les entrées d'origine, plus hautes, ont été bouchées. L'ensemble architectural est composé de deux églises et d'une crypte qui contient la grotte. Les murs de la nef sont ornés de mosaïques byzantines du 12ème siècle en mauvais état; le plancher original, de style roman, a été recouvert, mais, par une ouverture ménagée dans celui qui le recouvre, on peut apercevoir les mosaïques d'origine; les poutres de la charpente ont été données, au 15ème siècle, par le roi Édouard IV d'Angleterre; pour couvrir le toit, ce monarque avait également accordé du plomb, mais celui-ci, retiré ultérieurement par les Turcs, leur a servi à confectionner des munitions; des escaliers, de chaque côté du sanctuaire, permettent d'accéder à la grotte, par des marches usagées. La grotte est plutôt exiguë; c'est un abri peu profond qui n'était certainement pas très protecteur; une étoile marque la place où Jésus naquit, entre un boeuf et un âne. Le site m'est apparu plus convaincant que celui du Saint-Sépulcre. La cité de Bethléem n'est qu'à une dizaine de kilomètres de Jérusalem; mais elle est palestinienne. A proximité se trouve le Tombeau de Rachel. C'est là que fut enterrée la femme de Jacob, morte en donnant naissance à Benjamin, le douzième enfant du couple. Ce site est le troisième lieu saint du judaïsme, après le Mont du Temple et le Tombeau des Patriarches. Avec les années, le tombeau de Rachel est devenu un endroit de pèlerinage pour les juifs, en particulier les femmes aux couches difficiles. Suivant la tradition, quand les Juifs furent exilés à Babylone, ils passèrent devant le tombeau, et Rachel pleura sur le triste sort de ses enfants. .
Notre prochaine étape est à Hébron, au Tombeau des Patriarches. Hébron est une ville de Cisjordanie, dans la région des monts de Judée, à une trentaine de km au sud de Jérusalem et à 930 m d'altitude. C'est une cité très ancienne emplie de souvenirs. Des fouilles ont montré qu'elle possédait d'importantes fortifications à l'âge du bronze ancien. Elle fut ensuite une ville royale cananéenne avant de devenir la capitale du royaume de Juda, jusqu'à la prise de Jérusalem. Le tombeau des Patriarches constitue le centre spirituel de la vieille ville. Selon la tradition juive, quatre paires de couples bibliques y seraient inhumés: Adam et Eve, Abraham et Sarah, Isaac et Rébecca, Jacob et Léa, d'où son nom hébreu de Sépulcre aux tombes doubles. A l'époque d'Hérode le Grand, une construction monumentale protégea les tombeaux. Les musulmans transformèrent le monument en mosquée d'Ibrahim. Lors de notre visite, nous croisons un groupe de soldats israéliens venus se recueillir dans ce lieu sacré. Le désert de Judée et la Mer Morte (les photos sont ici ) L'aridité et les difficultés de communications expliquent pourquoi le désert de Judée n'attira jamais guère que des gens soucieux de se tenir à l'écart de leurs congénères. Fuyant le roi Saül, jaloux de la gloire que lui avait valu sa victoire sur Goliath, David s'y cacha à plusieurs endroits pour ne pas être tué. Jean-Baptiste y prêcha. Jésus y jeûna 40 jours et 40 nuits, y fut tenté par le démon et en fit le cadre de la parabole du Bon Samaritain. Hérode y construisit deux forteresses: Hérodium et Massada. Après avoir franchi le point culminant
de notre route, nous descendons en direction de la Mer Morte. Le désert
de Judée est pratiquement inhabité, ce qui ne m'empêche
pas d'apercevoir un campement de Bédouins au hasard d'un virage;
je me demande comment ils peuvent survivre dans un milieu aussi inhospitalier,
mais eux le savent. Nous nous arrêtons auprès d'une borne
qui marque le niveau de la mer; pourtant, nous sommes encore à flanc
de colline; il nous faudra encore dévaler de plus de 400 m pour
nous retrouver sur les rives de l'immense étendue d'eau salée.
Auparavant, nous découvrons, par delà les sables, la cité
de Jéricho, vieille de plus de 9000 ans, une des plus anciennes
du monde, ville des palmiers, établie à l'ouest du Jourdain,
qui bénéficie de son eau bienfaisante et où l'on cultive
les citrons, les oranges, les bananes, les plantes oléagineuses,
les melons, les figues, les raisins et même la canne à sucre
introduite par les Croisés; nous sommes maintenant à plus
de 200 m au-dessous du niveau de la mer. Nous passons ensuite devant les
grottes de Quram, où furent découverts les manuscrits de
la Mer Morte, laissés là par des Juifs esséniens,
qui préféraient y vivre dans la solitude, plutôt que
de côtoyer leurs coreligionnaires moins respectueux de la tradition
religieuse (voir ici).
Je ne dirai rien de ma découverte du grand lac exagérément saumâtre où nous arrivons puisque j'ai déjà écrit sur lui lors d'une visite plus récente (voir ici). Pour cette fois, la rive qui s'élève de l'autre côté est jordanienne; une trentaine d'années plus tard, je verrai l'endroit où je me trouve depuis l'autre bord. Les deux rivages me paraîtront aussi désolés l'un que l'autre et, pourtant, que ce soit en 1977 ou en 2008, j'étais loin d'y être seul! La forteresse de Massada
se dressait sur une plate-forme en haut de pentes presque verticales. Elle
était jugée imprenable. Les falaises du côté
est, surplombant la Mer Morte, dominaient leur base de 450 m; à
l'ouest elles atteignaient une hauteur d'environ 100 m. L'accès
au sommet du piton était difficile. Le plateau épousait la
forme d'un triangle d'environ 600 sur 300 m. Un rempart, équipé
de nombreuses tours, d'une longueur de 1400 m et d'une épaisseur
de 4 m, en verrouillait l'approche. La forteresse comprenait des entrepôts,
des citernes alimentées par l'eau de pluie, des casernes, des palais
et une armurerie. Trois chemins, étroits et sinueux, s'élevaient
jusqu'aux portes fortifiées. En 66, au début du soulèvement
juif contre les Romains, un groupe de rebelles, les sicaires, du parti
des zélotes, s'emparèrent de Massada. En 70, d'autres sicaires
et leurs familles, expulsés de Jérusalem par les autres Juifs,
les rejoignirent. Pendant les deux années suivantes, les rebelles
utilisèrent la forteresse comme base pour piller les habitants des
environs et harceler les campements romains. En 72, Lucius Flavius Silva,
marcha sur Massada pour en faire le siège. Les légionnaires
construisirent un mur d'encerclement, puis une rampe de 100 m de haut,
contre la face ouest du plateau, avec des milliers de tonnes de pierres,
de terre battue et de troncs d'arbres. Les sicaires, sûrs de l'abri
de leurs murailles, bien pourvus de provisions et d'eau, ne firent rien
contre ces travaux pharaoniques. On dit aussi que les Romains employèrent
des prisonniers hébreux pour effectuer cet ouvrage, les Juifs répugnant
à tuer d'autres Juifs pour assurer leur survie. Huit mille
Romains encerclaient un millier de rebelles et la topographie des lieux
interdisait tout espoir de fuite. La rampe fut achevée au printemps
73. Les assaillants enfoncèrent l'enceinte avec un bélier
monté sur une tour mobile. Quand ils pénétrèrent
dans la forteresse, les défenseurs avaient mis le feu aux bâtiments,
à l'exception des entrepôts de nourriture, et s'étaient
suicidés en masse plutôt que de risquer la défaite
et la capture. La religion juive interdisant le suicide, mais autorisant
le meurtre sous certaines conditions restrictives, les sicaires s'entre-tuèrent
vraisemblablement, chaque père supprimant sa femme et ses enfants,
puis un tirage au sort désigna les hommes qui exécuteraient
les survivants. Des tuiles ayant servi au tirage ont été
retrouvées sur place; elles attestent que l'affaire s'est bien terminée
ainsi et que seuls de rares survivants purent la raconter. Les soldats
de l'armée israélienne prêtent aujourd'hui le serment
suivant: "Massada ne tombera pas une nouvelle fois". La fin tragique
de la forteresse de Massada a donc été récupérée
à des fins politiques, pour magnifier la résistance indomptable
du peuple juif; mais, comme pour notre 14 juillet, le symbole est trompeur;
les défenseurs de la citadelle n'étaient pas représentatifs
de l'ensemble du peuple juif, loin s'en faut; ces rebelles étaient,
au contraire, très minoritaires; à l'issue de la répression
de la révolte, les rescapés s'exilèrent, mais la majorité
de la population resta sur place; certains se convertirent au christianisme,
puis à l'islam, d'autres gardèrent la foi de leurs ancêtres;
lorsque Tsahal pénétra en Cisjordanie et à Jérusalem
est, les soldats israéliens y rencontrèrent des adeptes du
judaïsme qui vivaient là, parmi les musulmans, sans interruption
depuis des siècles.
Avant de revenir à Tel Aviv, pour prendre l'avion, un petit crochet par le désert du Neguev s'impose. Nous ne faisons que passer dans une ville que je crois être Beer-Sheva, sans plus trop bien en être sûr. Ce qui est certain, c'est qu'elle ne me laisse pas un souvenir impérissable. Tout ou à peu près y paraît neuf, même les arbres qui sont encore jeunes. Indéniablement, cette cité témoigne de l'ardeur des Israéliens à convertir le désert en lieu habitable, mais une telle entreprise m'apparaît quelque peu artificielle. Bref, j'avoue préférer les vieilles pierres. A l'aéroport, on ne se contente pas de nous faire passer sous un portique, comme ailleurs; une fouille au corps en règle, dans une cabine, nous est imposée: sécurité oblige. Les nombreux objets que je rapporte de mon tour du monde, intriguent le préposé au contrôle. Un éléphant de bois noir, en provenance de Ceylan, stimule son imagination: le ventre de cet animal pourrait bien être gonflé d'explosifs! Il m'amène auprès de son supérieur; je vois venir le moment où la statuette va être sciée en deux, pour vérifier qu'elle ne contient rien de répréhensible! Finalement, on me la restitue intacte, après quelques explications données dans mon mauvais anglais. Le voyage se déroule d'abord normalement. Mais, au moment de l'approche d'Athènes, (je me propose de passer une semaine en Grèce, avant de regagner Paris), les choses se gâtent. Dès que le pilote réduit la vitesse, l'avion tombe. Comme je suis au bord de la fenêtre, je vois distinctement le sol mouillé de pluie se rapprocher dangereusement. Je constate qu'un certain fatalisme s'empare de moi: advienne que pourra, le destin des passagers est entre les mains de l'équipage, à défaut d'être dans celles de Dieu! Chaque chute est suivie d'une reprise de vitesse et d'une remontée, mais, dès que l'avion ralentit, c'est à nouveau la chute, de sorte que nous descendons en dents de scie, comme rebondirait une balle sur les marches d'un escalier. Une nouvelle tentative d'atterrissage s'achève par une glissade sur l'aile gauche. Cette fois, c'est la panique à bord; les passagers perdent leur sang froid, plusieurs crient. Le pilote n'insiste pas: il prend de la hauteur et on nous informe que nous mettons le cap sur Rhodes, pour y refaire le plein de carburant. L'aventure continue; je savoure par avance cet imprévu qui va me valoir la chance de visiter une île non prévue au programme. Las, après nous avoir fait patienter un assez long moment, dans la salle d'attente de l'aéroport, on nous convie à remonter dans l'appareil; aucun passager ne se lève; personne n'est disposé à risquer sa vie; le refus est unanime. Il faut que le commandant de bord vienne nous exhorter à lui faire confiance; il n'y a plus aucun risque: les conditions atmosphériques ne se prêtaient pas à l'atterrissage à Athènes, en raison d'une tempête, mais, à Tel Aviv, tout est normal; un hôtel va nous y recevoir; nous mangerons, prendrons un peu de repos et, dès que la situation le permettra, nous repartirons pour Athènes. Ces paroles apaisantes finissent par nous convaincre. Nous revenons sans encombre à Tel Aviv. On garde nos bagages et nos passeports, afin d'accélérer les formalités d'embarquement, si nous devions repartir rapidement. La nuit s'écoule et, au matin, après le petit déjeuner, nous voilà tous réunis autour d'une hôtesse d'El Al, dans le salon d'accueil de l'hôtel. On nous rend nos bagages, pour notre toilette, car la situation ne s'améliore pas, au contraire. Au cours de la journée, les nouvelles sont de plus en plus décourageantes: les aéroports se ferment les uns après les autres sur le pourtour de la Méditerranée. Je sors un instant dans les rues, autour de l'hôtel, sans trop m'en écarter, n'ayant pas récupéré mon passeport. Vers la fin de la journée, ne sachant trop ce que l'avenir nous réserve, je demande à l'hôtesse s'il est possible de rentrer à Paris; elle me répond par l'affirmative. Alors, adieu à mon idée de séjour en Grèce, j'irai une autre fois, ce n'est pas si loin. Parti de France depuis plusieurs mois, j'ai maintenant hâte de regagner mes pénates. L'hôtesse accomplit les formalités nécessaires pour effectuer le changement de billet, et je passe ma seconde nuit à l'hôtel; cette fois, je dors avec sérénité. Le lendemain matin, tout le monde part, les autres pour Athènes et moi pour Paris; il n'est plus question de changer mon billet une fois de plus! Mais celui dont je dispose n'est pas tout à fait régulier. Une hôtesse m'accompagne jusqu'à l'enregistrement, puis me plante là. On me délivre une carte d'embarquement qui n'en est pas tout à fait une; de plus, ma valise n'a pas été contrôlée, comme elle aurait dû l'être. Bref, me voici livré à moi-même, passager irrégulier, dans l'un des aéroports les plus contrôlés du monde. Le préposé à la fouille m'indique qu'on m'appelle par haut parleur; il m'invite à me rendre à un comptoir où personne ne se révèle capable de me dire ce que je dois faire. Finalement, on me montre le chemin de l'avion. J'y monte bon dernier et vais m'asseoir à ma place. Un long moment s'écoule; on ne démarre pas; les passagers s'impatientent. Deux policiers apparaissent à l'avant de l'appareil; ils se dirigent vers moi, exigent mes papiers et mon billet d'avion; tous les yeux sont braqués dans ma direction; suis-je un dangereux terroriste? La moutarde me monte au nez et je réponds, sur un ton dépourvu d'aménité, dans mon anglais approximatif, à mes deux interrogateurs que, mon billet d'avion, je l'ai naturellement remis à l'enregistrement! Finalement, les policiers repartent comme ils sont venus et nous décollons. Mon voisin, qui parle français, me calme en me rappelant la nécessité de la prudence dans un pays soumis à tant de dangers. Je suis d'accord avec lui mais, pour éviter tous ces malentendus, n'aurait-on pas pu me faire accompagner jusqu'à l'appareil par une hôtesse? A Paris, l'avion se range sur la piste, très loin des hangars et des limites de l'aéroport, pour se mettre hors de portée d'éventuels tireurs. Un autobus vient nous y chercher. Je récupère mes bagages; ma valise forcée bâille et je comprends enfin pourquoi j'ai été appelé à l'aéroport de Tel Aviv: c'était pour en vérifier le contenu en ma présence! |