Le milieu du monde
Visite de Quito: cathédrale, palais présidentiel, balcons de fer forgé de style colonial espagnol, églises baroques où le christianisme est mêlé de symboles païens locaux (l'emblème solaire inca), statue colossale sur une colline qui domine la ville; cette dernière, vue d'en haut, me rappelle La Paz, musée de l'or... Ensuite, départ pour le milieu du monde. C'est l'endroit de l'Équateur où,
selon les calculs de Charles Marie de la Condamine ( 1701-1774), passe
la ligne équatoriale qui est matérialisée par une
bande jaune dans un complexe monumental rappelant cette découverte
mémorable. La statue de l'inventeur y figure naturellement en bonne
place. A proximité, s'élève un monument militaire
derrière lequel on peut lire cette fière devise: "Ils
devront nous arracher de la terre dont ils prétendent nous dépouiller"
(traduction libre). L'Équateur a été privé
d'une grande partie de son territoire par de belliqueux voisins au cours
de guerres fratricides. Il n'y a pas si longtemps un conflit frontalier
l'a encore opposé au Pérou au sujet de gisements de pétrole;
en fait, deux sociétés pétrolières américaines
se seraient battues là par armées sud-américaines
interposées!
|
L'Amazonie
Nous partons en direction de l'Amazonie équatorienne. Nous traversons des paysages de montagnes volcaniques entrecoupés de profondes vallées qui me rappellent un peu l'Auvergne. Une halte aux sources chaudes de Papallacta nous offre la possibilité d'un bon bain dans une piscine en plein air, où l'eau est à peu près à la température du corps humain, sous le regard placide d'un lama à la laine brun foncé. Vision folklorique d'une laitière (?) avec son âne chargé de bidons de lait sur une route cimentée. En soirée, nous arrivons sur les bords du rio Napo. Le lendemain matin, une marche de quelques kilomètres à l'intérieur de la forêt vierge nous permet de nous intéresser à la flore locale (lianes à curare, hévéas ou arbres à caoutchouc à l'état sauvage...). Les Indiens qui nous accompagnent arrachent les écorces des arbres et nous montrent les petites fourmis qui courent dessous. D'un coup de langue le long de l'écorce, ils nous initient à la manière de se procurer les indispensables compléments alimentaires qui manquent à leur nourriture. Je les imite: ces fourmis ont un goût acidulé qui rappelle les bonbons anglais. Nous continuons notre progression en empruntant le lit d'un ruisseau, chemin naturel à travers l'impénétrable barrière végétale qui nous entoure. Heureusement, nous sommes chaussés de solides bottes de caoutchouc. De superbes papillons bleus volent au-dessus de nos têtes. Nous déjeunons sur le pouce au bord du rio Napo. Ensuite, les Indiens confectionnent le radeau avec lequel les plus audacieux vont descendre la rivière; j'en suis. Sous le poids de ses passagers, le radeau s'enfonce dans l'eau qui le recouvre complètement. Nous passons sous des branches basses qui nous obligent à nous coucher. Au bout de peu de temps, nous n'avons plus rien de sec sur nous. Il fait chaud et nos vêtements sécheront rapidement. Mais nous aurons tout de même supporté l'humidité une partie de la journée. Nous nous rendons ensuite dans un village indien
où l'on nous offre, dans un bol où chacun boit tour à
tour, une boisson blanchâtre, à l'apparence laiteuse, fabriquée
avec des feuilles mâchées puis crachées dans un récipient
où le tout fermente. J'ai goûté aux fourmis, mais je
m'abstiens de tester ce breuvage! Les autochtones nous initient au tir
à la sarbacane. Les flèches sont affûtés sur
des dents de piranha; en bois dur et très pointues, elles pénètrent
bien dans la cible; le tout et de l'atteindre; les essais européens
sont tristement décevants: la plupart des flèches tombent
au pied du tireur! Pour la chasse, la pointe des flèches est enduite
de curare qui, contrairement à la légende, ne tue pas l'animal
blessé mais le plonge seulement dans un profond sommeil, ce qui
permet au chasseur de l'attraper. Les dames sont maquillées au rocou,
une teinture végétale de couleur rouge vif. Une sorte de
jardin zoologique nous propose une panoplie d'animaux locaux: sapajous,
perroquets chatoyants, félins rappelant le tigre, serpents, tapirs...
Les chaumières du village indien sont construites sur pilotis, sans
doute pour protéger leurs habitants des inondations, des bêtes
sauvages et peut-être aussi pour des raisons sanitaires. Les habitants
ne sont pas ces farouches Guaranis dont notre guide nous dit que certains,
réfugiés au plus profond de la forêt, refusent tout
contact avec les blancs et tuent systématiquement ceux qui tentent
de les approcher pour éviter qu'ils ne leur transmettent des maladies.
|
La vallée d'Otavalo
Ce matin, nous nous rendons à Otavalo, une ville située dans une belle vallée, où se tient un marché pittoresque et coloré. Est-ce le repas de la veille ou le bain pris sur le radeau au fil du rio Napo, je me sens mal en point. Le malaise persistera pendant pratiquement toute la suite du voyage et j'en ressentirai encore les effets pendant un mois après mon retour en France. Très rapidement, il s'avère que je ne peux pas suivre les autres. Je me promène un moment seul dans le marché et regagne notre bus où je cherche le sommeil. A midi, nous sommes accueillis en musique à l'auberge où nous devons prendre notre repas. Je troque celui-ci contre une chambre où je parviens à me reposer un peu. L'après-midi, nous nous arrêtons sur les rives d'un lac andin où une excursion en barque est prévue; je ne suis pas en forme et préfère m'abstenir. Nous regagnons Guayaquil d'où nous nous envolons pour Baltra, aux Galápagos, lieu de départ de notre croisière à travers l'archipel. Sur le bateau, je suis soigné par le médecin du bord qui me prescrit d'abord de garder la chambre, ce que je ne ferai pas, ensuite de boire beaucoup d'eau tiède pour me réhydrater et enfin d'absorber régulièrement les sachets de poudre qu'il me donne. Sa potion me rétablit assez pour profiter à peu près pleinement de mon passage aux Galápagos. Heureusement, car il s'agissait du but principal de mon voyage. Le récit du séjour aux Galápagos
fait l'objet d'une autre
page. Ensuite, nous reviendrons sur le continent, à Guayaquil,
d'où nous repartirons pour Riobamba, une charmante bourgade située
au milieu des montagnes. L'hôtel, décoré de fleurs
tropicales est agréable. Mais je me sens à nouveau faiblard.
|
Le Petit Train des Andes
Ce petit train emmène ses passagers
à travers des montagnes escarpées, au long de gorges profondes.
Du haut de l'impériale, c'est-à-dire assis sur le toit, on
jouit d'une vue superbe sur des pentes vertigineuses. Au village de Guamote,
le marché se tient en partie sur la voie. Une halte est donc obligatoire;
les voyageurs ont le temps d'apprécier le pittoresque d'un marché
indien très coloré avant que les marchands ne rangent leurs
étals pour laisser passer le train. Nous longeons à nouveau
de profondes vallées, en direction du Nez du Diable, une pente évocatrice.
Les virages sont parfois si serrés qu'il faut aller jusqu'au fond
d'un cul-de-sac et repartir en sens inverse comme le train du Machu-Picchu.
Le petit train des Andes ne termine semble-t-il presque jamais son voyage
sans dérailler. Le nôtre n'échappe pas à cette
règle, qui avait été aussi vérifiée
quelques jours plus tôt par un autre groupe, lequel nous avait prévenu.
Nous regagnons à pied le terminus à travers la campagne andine;
je sens à nouveau très vite la fatigue me gagner: je ne suis
pas encore tout à fait guéri, malgré les soins compétents
de l'esculape équatorien.
|
|
Le volcan Chimborazo
La dernière excursion de notre voyage nous emmène sur les flancs du Chimborazo, un volcan équatorien qui culmine à 6268 m d'altitude. Nous gravissons une trentaine de kilomètres en voitures avant de nous rafraîchir dans un restaurant. Ensuite, un chemin caillouteux, qui serpente sur une pente assez raide, conduit jusqu'au dernier refuge, avant la partie réservée aux alpinistes chevronnés. Ce refuge est situé à 5000 m d'altitude. J'hésite un moment avant de me lancer dans l'aventure. Finalement, je me dis que je pourrai toujours revenir sur mes pas si l'ascension s'avère trop pénible. D'ailleurs, le refuge ne paraît pas si éloigné. Me voici donc parti. J'avance, en me retournant de temps à autre, pour évaluer, à partir du chemin parcouru, ce qui me reste encore à faire. Parvenu à peu près à mi-parcours, je me sens très fatigué, mais je me dis qu'il est stupide d'être venu jusque là pour renoncer. Je repars donc. Les bords du chemin sont jalonnés de plaques à la mémoires des alpinistes qui ont perdu la vie en tentant l'ascension de ce sommet qui ne paraît pourtant pas si terrible; il y en a plusieurs dizaines; certains téméraires sont morts avant d'atteindre la cime, d'autres en redescendant; plusieurs noms sont français. J'arrive au refuge presque à bout de forces, mais content d'avoir accompli cet exploit, malgré mon indisposition. Après le refuge, commencent les pentes meurtrières parsemées de neige; ce jour là, elles sont noyées dans un brouillard vaporeux. La descente est facile, même pour un malade. Le retour dans la vallée devrait s'effectuer
normalement en VTT. Il n'en est évidemment pas question pour moi,
et je le regrette vivement, mais ma condition physique ne me le permettrait
pas. Il pleut avant que tout le groupe ne soit parvenu au point de rencontre
terminal. Les derniers arrivés sont couverts de boue de la tête
au pieds. Heureusement, ils pourront se nettoyer avant le repas de midi.
|