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Les
gens |
Bouvet (Pierre
Henri François Etienne), marin né à l'île Bourbon (île de la
Réunion) le 28 novembre 1775, fils du capitaine de vaisseau Pierre
René Servais, et de Marie Etiennette Claudine Périer d'Hauterive, mort à
Saint-Servan en juin 1860. Dès l'âge de onze ans, il fit une campagne aux
Indes Orientales avec son père qui commandait la flûte le
Nécessaire. Rentré en France, il embarqua comme timonier sur la
corvette le Goéland, puis sur le vaisseau le Tourville. En
1792, il subit avec succès les examens d'aspirant entretenu; c'est en
cette qualité qu'il embarqua de nouveau avec son père commandant de
l'Aréthuse, avec laquelle il prit part à la campagne de Traguet sur
les côtes d'Italie et de Sardaigne. Après cette expédition, Pierre Bouvet
fut promu enseigne de vaisseau. Il suivit encore son père à Toulon sur
la Ville de Marseille et sur le Patriote; celui-ci, resté
fidèle à la République, ramena le Patriote à Brest, lorsque Toulon
fut livré aux Anglais; il fut cependant emprisonné comme suspect; son fils
partagea sa captivité. Après la mise en liberté et la mort presque
immédiate de son père, Bouvet fut, paraît-il, contraint d'armer un petit
navire au bornage, pour subvenir aux besoins de sa famille.
De 1796 à 1801, Pierre Bouvet fit la guerre de course, soit comme premier lieutenant, soit comme capitaine de corsaire. Les trois campagnes qu'il entreprit en cette qualité se terminèrent par la capture du navire qu'il montait; il put cependant regagner la France, soit en s'échappant, soit à la suite d'échanges. En 1803, après une courte campagne aux Antilles, pendant laquelle il servit sous les ordres de son parent le contre-amiral François Bouvet, il embarqua sur l'Atalante dans la division du contre-amiral Linois. Cette force navale placée sous les ordres du général Decaen, avait pour mission de recouvrer les possessions françaises de l'Inde; mais l'expédition était à peine arrivée à sa destination, qu'elle y prit la rupture de traité d'Amiens. Malgré la reprise des hostilités, Bouvet épousa à la Réunion sa cousine germaine, Mlle Henriette Périer d'Hauterive. Après plusieurs engagements, Linois vint mouiller avec sa division à Table-Bay, mais dans un violent coup de vent, l'Atalante fut jetée à la côte. Chargé de passer au général Decaen des dépêches de son commandant, Pierre Bouvet prit passage sur un navire américain le Charles, mais ce dernier fut visité par la frégate le Pitt, et Bouvet de nouveau prisonnier de l'Angleterre ne fut remis en liberté qu'après avoir signé l'engagement de ne pas servir avant d'avoir été échangé; cette formalité s'accomplit en 1807. C'est alors que commencèrent ses exploits qui devaient le rendre redoutable aux Anglais. Pendant sa captivité à bord du Pitt, Pierre Bouvet avait remarqué que les Anglais ne visitaient jamais les nombreux patmars qui fréquentaient la côte du Malabar, persuadés qu'ils étaient que d'aussi petits navires ne pouvaient traverser l'Océan Indien et venir par suite de l'une de des possessions françaises. C'est sur un navire de ce type, l'Entreprenant, construit sur ses plans à la Réunion, qu'il se décida cependant à tenter la fortune, espérant échapper aux croisières anglaises. Il le fit avec succès. Il fut nommé capitaine de frégate en 1809 et commandant de la frégate la Minerve l'année suivante. En cette qualité, il prit part au combat du Grand-Port pendant lequel il dut remplacer le commandant en chef Duperré, mis hors de combat. Il fut nommé capitaine de vaisseau en récompense des brillants services qu'il rendit dans cette occasion. Bouvet commanda ensuite une croisière sur la côte occidentale d'Afrique; elle fut marquée par la prise de la frégate l'Africaine qui, après un combat acharné, fut contrainte d'amener; malheureusement, un retour offensif du commodore Rowley le força à se retirer devant des forces très supérieures, en abandonnant son trophée; il rentra en France après la capitulation de l'île de France (île Maurice). En 1812, il fut mis à la tête d'une petite division composée de deux frégates : le Rubis (capitaine Olivier), et l'Aréthuse. Le 7 février, dans le voisinage des îles Lagos, il livra seul, le Rubis étant échoué, un combat acharné à la frégate Amelia, et la contraignit à abandonner le champ de bataille après avoir subi des pertes considérables. Le vainqueur de ce combat, l'un des plus brillants de nos annales maritimes, ne reçut comme récompense que le grade d'officier dans la Légion d'honneur. Pendant les dernières années de l'empire, Pierre Bouvet n'exerça aucun commandement; après l'abdication de Fontainebleau, il fut chargé d'une mission à Anvers, puis il rentra dans la vie privée. Après avoir sollicité plusieurs fois sa mise à la retraite, il l'obtint en 1822, avec le titre de contre-amiral honoraire. Dans une de ses demandes, il résumait ainsi ses états de services : « Trente-six ans de services, dont vingt-deux en temps de guerre, en grande partie sous voiles et dans les climats qui usent le plus la vie, 25 campagnes, dont 12 sous mon commandement, 12 combats à la mer, dont 7 sous mon commandement, 2 blessures graves ».Après 1830, il fut élu député par le collège d'Ille-et-Vilaine; il siégea à la Chambre dans les rangs des libéraux, et prit part aux discussions concernant la marine et les colonies. Il fut nominé grand-croix de la Légion d'honneur en 1831. En 1832, les habitants de la Réunion lui confièrent le mandat de les représenter au Conseil des colonies. En 1840, au moment où la guerre était imminente, il publia sous le titre : Précis des campagnes du capitaine de vaisseau Pierre Bouvet, l'histoire de ses combats, ouvrage dans lequel parut son mécontentement. Antérieurement, il avait publié un opuscule intitulé Observations sur le marine (Paris, 1821), qui avait été l'objet de vives répliques de la part de Boursaint et du baron Tupiner, sous le pseudonyme de Nautophile. En 1853, il fut réintégré par décret dans le cadre des contre-amiraux titulaires, faisant partie de la réserve de l'armée navale. Son nom a été donné successivement à deux avisos de la marine militaire. -(E.C). Bouvet fut un chef militaire de la plus haute valeur, joignant à une grande hardiesse le plus grand calme pendant l'action. Dans une note pleine d'intérêt adressée à Decrès, il exposait ainsi qu'il suit sa méthode pour combattre : « Je préfère recevoir la première volée de l'ennemi que de tirer le premier, de trop loin ou obliquement. Je fais ordinairement diriger toutes les pièces en belle et à l'horizon; lorsque je me trouve en bonne position, je pointe ma batterie avec le gouvernail. En suivant ce principe, mon feu se nourrit et se soutient sans interruption sur le même ton qu'il a commencé; ce que l'on n'obtient pas lorsque par empressement d'envoyer sa première bordée à l'ennemi, on pointe obliquement sur l'avant ou sur l'arrière.-»
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© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.