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au texte relatif à l'un des lieux visités en cliquant son
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23 octobre:
Après une nuit passée dans l'avion, nous atterrissons le
matin à Johannesburg. Nos billets pour Le
Cap, sur la compagnie Kulula, ont été achetés
depuis l'étranger et, comme nous n'avons pas les titres de transport,
il nous faut faire la queue pour nous les procurer. Heureusement, nous
les obtenons à temps pour enregistrer nos bagages et embarquer dans
le vol espéré.
A l'aéroport du Cap, nous nous dirigeons, bagages en main, vers le comptoir d'Avis. Les files d'attente sont relativement longues et les employés plus ou moins rapides. Tomber dans la bonne file est une affaire de chance. La voiture a été retenue elle aussi de l'étranger et les formalités ne sont pas trop longues à partir du moment où l'on a pu rejoindre le comptoir. Nous prenons avec la voiture un téléphone portable. C'est une sage précaution qui peut s'avérer utile en cas d'incident. Et puis, il reste encore deux nuits pour lesquelles nous n'avons pas de lieu d'hébergement. Nous comptons sur le téléphone et le guide des beds and breakfasts que je me suis procuré à Paris pour nous tirer d'affaire. Avec les clés de la voiture, on nous remet une documentation intéressante qui comporte notamment des cartes du pays et des plans de ses principales villes. Ici, on roule à gauche. Ma compagne de voyage, qui tient le volant, doit d'emblée se familiariser avec cette particularité et notamment manoeuvrer le levier de vitesse de la main gauche, ce qui ne semble pas particulièrement facile. Pour ma part, je suis chargé de décrypter les cartes et d'indiquer le chemin. Bien sûr, je vais me tromper quelquefois ou laisser traverser le carrefour avant de dire qu'il aurait fallu tourner. Sur l'autoroute N2 qui conduit de la ville à l'aéroport, la circulation est dense mais fluide. Assez rapidement, on aperçoit devant nous les montagnes aux flancs desquels la ville du Cap est construite: Signal Hill (350 m), Table Mountain (1067 m) et Lion's Head (669 m). La configuration des lieux, et aussi le fait que le territoire a appartenu aux Anglais, après avoir été hollandais, a fait surnommer la ville le "Gibraltar de l'Océan Indien", bien qu'elle soit située tout entière sur l'Atlantique. A l'entrée de la cité, l'autoroute N2 se sépare en deux et, comme les deux tronçons continuent de porter le même nom, je ne sais trop lequel conseiller pour gagner Sea Point où se trouve notre hôtel. Nous prenons celui de gauche, à tout hasard. Il nous amène dans la ville où la voie perd son numéro d'autoroute pour prendre un nom de rue. Le tronçon de droite nous aurait permis de contourner le quartier, ses feux rouges et ses embouteillages. Nous le saurons pour la prochaine fois. Nous parvenons sans trop de difficultés jusqu'à l'hôtel, le Cap Town Ritz. Par la fenêtre de notre chambre, située assez haut dans les étages, on jouit d'une belle vue sur la colline de la Tête de Lion et sur les immeubles construits à ses pieds. Après quelques minutes consacrées à nous rafraîchir, nous repartons en voiture pour visiter le jardin botanique de Kirstenbosch. Nous reprenons la N2 en direction de l'aéroport. Nous n'aurons qu'à nous informer une seule fois pour parvenir au jardin botanique. Lorsque nous garons notre voiture sur le parking, l'après-midi est déjà bien avancée. Mais le jardin, qui ferme à 19 heures en cette saison, est encore ouvert. Les dépliants touristiques le présentent comme l'un des six plus beaux royaumes floraux du monde. Sur plusieurs dizaines d'hectares, il abrite des milliers d'espèces de plantes dont certaines sont endémiques. Il jouit d'un climat méditerranéen, avec des pluies d'hiver, des saisons bien identifiées, et d'une végétation luxuriante. Le jardin botanique de Kirstenbosch s'étend au pied de la Montagne de la Table, sur le versant opposé à celui qui regarde l'Atlantique. Ce site a été habité par l'homme depuis une période très reculée, comme en témoignent les vestiges préhistoriques qui y ont été découverts. En octobre 1652, Jan van Riebeeck, commandant de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales explora les lieux et, en 1657, il nomma Leendert Cornelissen premier forestier. La tâche de ce dernier consistait à garder les forêts qui dominent le jardin et à fournir la Compagnie en bois de construction. En 1659, la vigne y fit son apparition. Dix mille pieds de muscats furent plantés sur les versants de la colline qui prendra le nom de Wynberg. Pendant l'hiver 1660, des naufragés français, en route pour Madagascar, furent chargés de planter une haie d'amandiers sauvages pour délimiter les possessions du comptoir hollandais. Puis Van Riebeeck sema du blé et planta des vergers ainsi que de nombreux arbres (chênes, châtaigniers, peupliers) sur son domaine privé qu'il avait baptisé Boschheuwel. Au cours du 18 ème siècle, les terres furent exploitées par J.F. Kirsten pour le compte de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Kirsten, qui donna peut-être son nom au jardin, instaura un péage près de la porte Rycroft actuelle. Après la seconde occupation britannique, en 1806, les terres furent acquises par le secrétaire aux Colonies, Henry Alexander, et son adjoint, le colonel Christopher Bird à qui l'on doit le bain de briques qui porte son nom. Au 19 ème siècle, D.G. Eksteen et son gendre Henry Cloete, propriétaires du domaine de Groot Constantia, se rendirent célèbres par la qualité de leurs vins. Cecil John Rhodes fut le dernier propriétaire privé de Kirstenbosch. Il l'acheta en 1895 pour contenir le développement urbain hors du versant oriental de la Montagne de la Table. A sa mort, survenue en 1902, il légua le domaine à la nation et, le 13 juillet 1913, un jardin botanique, consacré à la culture et à l'étude des plantes indigènes d'Afrique du Sud, y fut créé. Le professeur Harold Pearson, diplômé de l'Université de Cambridge, en fut le premier directeur et W. Mathews, formé à Kew, le premier conservateur. Après avoir franchi le guichet où l'on nous a délivré nos billets, nous nous dirigeons vers le jardin sec où l'on apprend comment préserver ses plantes avec le minimum d'eau. Nous traversons ensuite le jardin de la péninsule où l'on peut voir quelques-unes des 2500 espèces végétales dénombrées dans la péninsule du Cap. Puis nous nous rendons au Marais où poussent les plantes palustres. Un peu plus bas, sur la gauche, nous traversons une vaste pelouse sur laquelle sont exposées des statues d'artistes africains. Sur une autre pelouse, voisine de celle des statues, des pintades sauvages en liberté nous donnent un avant goût de la faune que nous découvrirons dans les parcs. Nous arrivons au Conservatoire de la Société botanique trop tard pour visiter ses collections de plantes grasses des régions désertiques. Il ferme à 17 heures. Nous remontons l'allée des camphriers, tracée par Cecil Rhodes en 1898, le long de l'ancienne route de Hout Bay. Nous arrivons à la haie de Van Riebeeck plantée en 1660 par les naufragés français. Nous passons ensuite devant la plantation de roseaux du Cap. Puis nous gravissons le sentier du fynbos, cette végétation typique de broussailles fines du maquis sud-africain, pour arriver au jardins des protéacés. Ce jardin comporte une grande variété de plantes, de tailles et de formes différentes. Il est inutile de tenter d'en retenir les noms. Ces plantes fleurissent pour certaines en hiver, pour d'autres au printemps et pour d'autres encore en été. Nous avons droit aux fleurs de saison. Nous revenons par le jardin des éricacés où l'on peut voir environ 600 espèces de bruyères locales. En redescendant, nous passons à proximité du bain du colonel Bird et de la tombe de Pearson, le premier directeur. Nous traversons le vallon humide, où furent trouvées d'imposantes haches de pierre préhistoriques, et nous arrivons dans l'allée qui sépare, à gauche, les plantes utiles des plantes médicinales, à droite. Ces dernières n'appellent aucune explication particulière. Quant aux plantes utiles, c'est une sorte de fourre-tout où l'on a fait figurer des variétés qui servent à des usages hétéroclites: infusions, teintures, cordages, vannerie... Notre dernier regard se porte sur le jardin des parfums où sont cultivées les plantes odorantes. Nous ne prendrons pas le sentier en braille, conçu pour les non-voyants. Il se fait tard. On ne voit plus personne derrière les guichets. L'entrée semble abandonnée. Mais il n'en est rien. Le gardien nous attend patiemment devant la dernière voiture encore sur le parking: la nôtre. Nous avions décidé d'aller dîner en ville dans un restaurant choisi sur notre guide. Hélas, nous avons beau parcourir la rue dans les deux sens, le restaurant demeure introuvable. Nous revenons donc à l'hôtel, où nous laissons la voiture, et nous nous rabattons sur un restaurant indien situé suffisamment près de l'hôtel pour que nous puissions nous y rendre à pied. Ambiance, couleur locale et curry d'agneau épicé, avec du riz et des haricots rouges. 24 octobre: Le petit déjeuner de l'hôtel, copieux et savoureux, nous permettra de faire l'impasse sur le repas de midi. Nous économiserons ainsi un temps précieux car le programme de la journée est plutôt chargé. Nous partons en voiture pour une excursion de la journée à la péninsule du Cap. De l'hôtel, nous remontons jusqu'à la rue Anchor Bay. Nous tournons sur la gauche pour nous rendre au bord de l'océan, d'où l'on aperçoit le phare de Green Point, sur la droite. Là, nous tournons encore à gauche sur la M6, la route des plages, en direction du sud. Nous traversons ou longeons une succession d'agglomérations: Saunders Rocks, Bantry Bay, Clifton, Camps Bay... qui semblent constituer l'une des banlieues fortunées de la ville du Cap. On y rencontre, sur la droite de la route, plusieurs plages. Mais aussi de nombreux écueils sur lesquels les vagues viennent se heurter dans un jaillissement d'écume blanche. Le paysage est relativement accidenté avec, sur la gauche de la route, des collines parfois assez escarpées. Je note que l'une d'elles, s'appelle Lion's Head, comme la montagne du Cap dont elle semble d'ailleurs une réplique. Nous quittons la M6 sur la droite pour nous rendre en contre-bas jusqu'à la bourgade de Llandudno et à sa plage. Les belles maisons sont ici la norme. Le long de l'océan, en direction du nord, s'alignent des rochers de forme cylindrique. Ce sont les douze apôtres qui vont jusqu'à Camps Bay. Nous revenons sur la M6 et poursuivons notre chemin jusqu'à Hout Bay. Là, nous nous rendons au parc animalier de la ville: "Le monde des oiseaux". C'est le plus grand parc de ce type en Afrique. Il contient plus de 3000 espèces d'oiseaux et d'autres animaux: petits oiseaux, casoars, nandous, cigognes, grues, flamands, canards, ibis, perroquets, calaos, vautours, hiboux, pingouins, aigles, pélicans, pigeons... Il y en a de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Et aussi des tortues, des porcs-épics, des singes, des babouins, des marsupiaux... Parcourir toutes les allées du parc prend une bonne partie de la matinée. Je note que le nom des personnes qui ont adopté des animaux, et dont la générosité alimente le parc en moyens financiers, est gravé de place en place sur des plaques. La visite achevée, nous poursuivons notre chemin en direction du sud en empruntant la Chapman's Peak Drive, une des plus belles routes d'Afrique du Sud. Nous montons jusqu'au sommet d'où l'on jouit d'une vue splendide sur Hout Bay, de l'autre côté du golfe. Malheureusement, la route s'arrête là. Une barrière a été posée en travers et il nous faut rebrousser chemin. Nous apprendrons deux jours plus tard, au hasard d'une conversation, que des éboulements se sont produits un peu plus loin et que des automobilistes, qui y passaient à ce moment là, y ont perdu la vie. Nous revenons donc vers Hout Bay et nous cherchons pendant un bon moment, en vain, le prolongement vers le sud de la M6. En fait, à partir de Hout Bay, elle se confond avec la Chapman's Peak Drive! Pour nous rendre à notre destination nous n'avons donc pas d'autre choix que de traverser la péninsule. Nous passons à proximité du jardin botanique de Kirstenbosch, visité la veille, puis nous prenons la M3 en direction de Muizenberg située au bord de l'océan, mais sur la façade est, au nord de la péninsule. Nous traversons ensuite Fish Hoek, Simon's Town et nous nous arrêtons à Boulders. La plage de cette petite ville doit sa célébrité à la présence d'une colonie de pingouins. Il s'agit d'une espèce de manchots africains, les "Jackass", qui étaient en voie d'extinction et qui ont trouvé ici un lieu de reproduction favorable. Des chemins de planches permettent d'accéder à proximité de la colonie, mais des barrières maintiennent les curieux à distance. Il paraît qu'autrefois on pouvait aller caresser les oiseaux. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Mais on est tout de même assez proche pour bien les observer et les photographier. Nous nous promenons ensuite un moment jusqu'à la plage aux baigneurs. Le long du chemin, de nombreux commerçants ambulants proposent leurs objets d'art africain: masques, statuettes, saladiers et bols de bois, tissus... Leurs articles sont disposés à même le sol ou installés sur des tréteaux. Il y a aussi quelques boutiques. Nous poursuivons notre route vers le parc de la péninsule du Cap. A l'entrée du parc, on nous délivre un dépliant illustré d'une carte. Sa lecture donne quelques renseignements sur la faune, la flore et les lieux intéressants de l'endroit: plages, baignades, restaurants, aires de picnic, sentiers de randonnées, points de vue etc... L'apparence du parc est semi-désertique. Le sol rocailleux est recouvert d'une maigre végétation de buissons ras. C'est le fameux fynbos (fine bush). On y trouve plusieurs espèces de protéacés et d'éricacés. La faune est rare. On y rencontre des oiseaux, dont certains se nourrissent du nectar des fleurs, des lézards, des tortues, des serpents, des insectes et de petits mammifères. Quelques rares troupeaux de zèbres, d'élans et d'antilopes parcourent aussi cet espace où les ressources nutritives sont plutôt minces. Il y a aussi des babouins Chacma qui se sustentent de fruits, de racines et de bulbes, de miel sauvage, d'insectes et de scorpions, ce qui est commun, mais aussi de coquillages qu'ils recherchent sur les plages, ce qui est moins ordinaire. Il est déconseillé de s'approcher d'eux, de les agacer, et il est interdit de leur donner à manger. Ces recommandations ont été pour nous superflues. Nous n'avons vu ni babouins, ni zèbres, ni animal marin, seulement quelques oiseaux, des lézards et des insectes. Nous laissons la voiture sur un parking très encombré aménagé à l'entrée du funiculaire qui conduit à la station de météorologie de Cape Point. Le funiculaire est en panne et il nous faut gravir à pied les centaines ne marches qui conduisent en haut de la falaise. C'est une occasion de faire un peu d'exercice, de prendre l'air marin et de bénéficier d'un admirable panorama. L'extrémité de la péninsule comporte en fait trois caps: Cape Point à l'est, le cap de Bonne Espérance à l'ouest et Cape Maclear entre les deux. Du haut de Cape Point, la vue s'étend à l'est sur la vaste étendue de l'Océan Atlantique qui porte le nom de False Bay et sur les montagnes qui la bordent. L'atmosphère est légèrement brumeuse. La mer, le ciel, les confins montagneux sont bleus et ne se distinguent les uns des autres que par des nuances plus ou moins foncées. Un chemin piéton permet d'aller de Cape Point au Cap de Bonne Espérance à travers la falaise. Nous ne disposons pas du temps nécessaire pour le parcourir et il nous faut revenir à notre voiture. Nous repartons en voiture pour le Cap de Bonne Espérance. Chemin faisant, nous jetons un coup d'oeil sur les quelques sites d'intérêt mentionnés sur la carte (Overnight Hut, Rooikrans). Le Cap de Bonne Espérance n'est pas la pointe australe de l'Afrique et il ne sépare pas les eaux de l'Océan Atlantique de celles de l'Océan Indien. C'est le Cap Aghulas, plus à l'est, qui remplit cet office. Le Cap de Bonne Espérance est moins imposant que Cape Point. Mais il est cependant plus connu. Il est situé au confluent des courants chauds de l'est et des courants froids de l'ouest et constitue, en quelque sorte, le point de retournement du continent. Après l'avoir franchi, lorsqu'on vient de l'orient, on est bien définitivement dans les eaux de l'Atlantique. C'est une haute falaise de roches jaunâtres qui s'émiettent et au pied de laquelle les lames se brisent avec violence. En revenant vers la sortie du parc, nous faisons un détour jusqu'à Buffelsbaai, sur la côte est. Puis nous remontons vers l'ouest, par la M65, en direction de Kommetjie. A proximité de cette ville, sur le bord de l'océan, se dresse un phare dont les rayons, dit-on, portent jusqu'à Hout Bay. De Kommetjie, nous traversons la péninsule en direction de Fish Hoek et Muizenberg. La Chapman's Peak Drive étant fermée, c'est un chemin obligé. Nous reprenons la M3 vers le nord. Nous passons devant Constantia, renommé pour son vignoble, puis nous tournons sur la gauche pour revenir vers Hout Bay et, de là, rentrer au Cap en longeant la côte au large de laquelle le soleil est en train de s'éteindre dans l'océan. Nous arrivons trop tard en ville pour monter en haut de la Montagne de la Table comme nous l'espérions. Le soir nous avons prévu de dîner dans un restaurant typique dont nous avons trouvé l'adresse dans l'un de nos guides. Comme il est situé sur le Waterfront, nous en profiterons pour visiter ce quartier commerçant à la vie nocturne intense. Pour éviter les problèmes de stationnement, nous nous y rendons en taxi. Malheureusement, renseignement pris auprès d'un policier veillant à l'intérieur du centre commercial où était supposé se trouver le restaurant, nous apprenons qu'il n'existe plus. Nous nous promenons à travers les boutiques. Le centre commercial est vivement illuminé et encore très animé à cette heure tardive. Victoria and Alfred Waterfront est un quartier moderne construit sur d'anciens docks qui n'a rien à envier à ceux que l'on peut voir ailleurs à travers le monde. Après avoir consacré un temps raisonnable au lèche-vitrine, et comme notre estomac commence à se creuser, nous partons en quête d'un lieu où nous restaurer. Encore convient-il qu'il nous agrée. Nous finissons par en dénicher un. Mais il est plein et il nous faut patienter. Ce ne sera pas long. Le repas, arrosé pour moi de vin blanc, n'est pas gastronomique, mais il est correct. Nous rentrons à l'hôtel en taxi.
Sur le chemin, deux grands noirs arborant des pancartes de carton, sur
lesquelles est inscrit quelque chose que je n'ai pas le temps de lire,
s'approchent de notre véhicule arrêté à un carrefour.
Le chauffeur remonte prestement sa vitre qui était baissée.
Ce simple geste en dit plus long qu'un discours sur le sentiment d'insécurité
qui prévaut dans la ville. L'Afrique du Sud est l'un des pays du
monde où la criminalité est la plus élevée.
Il n'est pas indiqué d'errer la nuit trop longtemps dans les rues.
En cas d'agression, mieux vaut ne pas résister, ce qui serait courir
au devant des plus grands dangers. Cependant, il ne faut rien exagérer
et, sans commettre d'imprudence, on peut tout de même se promener
sans risquer sa vie à chaque instant. Il n'est pas indispensable
de se calfeutrer, dès que la nuit tombe, dans sa chambre d'hôtel.
25 octobre: Le matin, après le petit déjeuner pris comme la veille à l'hôtel, nous quittons définitivement Le Cap par la N2 que nous commençons à bien connaître. Le temps est nuageux et la Montagne de la Table est enturbannée de brume. Le jour serait mal choisi pour en faire l'ascension. De toute manière, elle n'est pas à notre programme. Avant d'arriver à Somerset West, nous quittons la N2 sur la gauche et nous nous engageons sur une route régionale en direction de Stellenbosch. Très vite, des montagnes commencent à apparaître et nous sommes séduits par la beauté du paysage. On comprend l'attirance que cette région exerça sur le gouverneur de l'époque, Simon van der Stel, lorsqu'il la découvrit en 1679. Nous entrons sur la Route des Vins. Je devrais plutôt dire l'une des routes des vins car chaque bourgade, Stellenbosch, Paarl, Franschhoek... possède la sienne. Des vignes sont plantées au pied des collines, jusqu'au bord de la route. Stellenbosch (le bush de van der Stel), où nous arrivons bientôt, s'est édifiée à partir de 1682. C'est la seconde plus ancienne ville d'Afrique du Sud, après Le Cap. Avec ses maisons blanches ornées de frontons ouvragés, ses rues bordées d'arbres centenaires, elle a gardé le charme désuet des cités coloniales d'antan. Son université fut longtemps la première du pays. Elle reste encore aujourd'hui importante et renommée. Plus de 20000 étudiants y suivent des cours dispensés principalement en Afrikaans. Son institut d'oenologie est réputé et c'est dans son département d'ingénierie électronique que fut conçu le premier satellite artificiel africain. Nous garons notre voiture devant l'ancien magasin général Oom Samie Se Winkel. La boutique se compose d'une grande pièce principale ouvrant sur la rue et de plusieurs autres pièces plus petites autour de la pièce principale. On y trouve tout ce que l'on veut: des graines, des liqueurs, des friandises, des boîtes de conserve, du biltong, la viande séchée des Boers, des ustensiles divers, des antiquités: vieux téléphones, postes de radios d'autrefois etc... Je remarque des mains de cuir clouées au bout d'un manche de bois. S'agit-il de tapettes à mouches ou d'instruments pour donner la fessée aux enfants désobéissants? Dans l'une des arrières boutiques, sur la gauche, je découvre une boîte de pâté de crocodile. Je l'achète, ainsi qu'un sachet de biltong d'autruche, pour satisfaire ma curiosité culinaire. Nous nous promenons à pied à travers la ville. Nous passons devant une maison au fronton caractéristique. Elle porte un nom français: la Gratitude. Après la révocation de l'édit de Nantes, beaucoup de protestants, qui refusaient de se convertir, quittèrent la France. Certains d'entre eux se réfugièrent aux Pays-Bas. Les plus aventureux vinrent tenter leur chance dans la colonie hollandaise du Cap. L'Afrique du Sud leur doit, au moins en partie, l'essor de sa viticulture. Nous visitons quelques boutiques d'art et d'artisanat. Nous flânons sur une grande place entre les étals des marchands de masques africains. Nous jetons un coup d'oeil sur un monument blanc constitué de deux arches qui jouxte un temple datant de 1840, date gravée sur la façade. Nous voici maintenant devant la poudrière flanquée de son canon, puis devant le musée, une autre maison traditionnelle remarquable, en face d'une petite église environnée d'arbustes aux feuilles colorées d'un assez joli effet. Il fait beau et la promenade dans cette charmante petite ville est très agréable. Notre tour de ville achevé, nous reprenons la route en direction de Franschhoek, le coin des Français. Dans cette bourgade, comme son nom l'indique, vivent des descendants de protestants français, les huguenots. Les vignes sont de plus en plus nombreuses le long de la route. Plusieurs propriétés portent des noms bien de chez nous comme, par exemple, la Provence. Franschhoek est située au pied des montagnes, de part et d'autre d'une longue rue qui s'achève en face du monument élevé à la mémoire des huguenots. Je ne dirai rien des qualités artistiques de ce monument. Je me demande seulement pourquoi on l'a gratifié en son milieu d'une statue qui évoque la vierge alors que les protestants refusent justement le culte marial. On trouve dans le bourg plusieurs maisons de style colonial intéressantes et fort jolies. Le musée huguenot est l'une d'elles. Sur quelques édifices flotte le drapeau tricolore, indice que leurs habitants n'ont pas complètement oublié leurs origines. D'ailleurs, la politique d'assimilation plus ou moins forcée des gouverneurs hollandais s'est heurtée, on le sait, à de nombreuses résistances. Mais le drapeau est frappé, sur sa bande blanche, d'un éléphant noir. D'origine française, d'accord, mais aussi africain! On se demande d'ailleurs si les références à la France ne sont pas tout simplement destinées à faire couleur locale pour attirer les touristes. Nous visitons quelques boutiques artisanales avant de nous rendre dans un vignoble pour y déjeuner en compagnie de deux Sud-Africaines. Le vignoble est situé entre Franschhoek et Stellenbosch. Nous l'avons repéré en passant. Il nous faut donc revenir sur nos pas. Les vignobles sud-africains sont conçus selon un modèle qui rappelle un peu ceux du Bordelais. L'habitation et ses dépendances sont construites sur la propriété. Même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un château, la maison de maître est de belle apparence avec sa façade blanche. L'ensemble respire la prospérité. Souvent, outre les dégustations de vins, on y trouve également un restaurant et aussi parfois des chambres d'hôtes. Je me régale d'un bobotie, spécialité locale qui est une sorte de pâté de viande et de légumes probablement liés avec un oeuf. Le repas achevé, nous reprenons notre route qui va être longue. Nous retraversons Stellenbosch et prenons la direction de Somerset West. Sur la droite de la route, nous apercevons une ferme d'élevage de moutons, preuve que la région ne produit pas que du vin. D'ailleurs, dans une propriété de Franschhoek, où nous sommes allés jeter un coup d'oeil, nous avons vu aussi un troupeau d'autruches. A Somerst West, nous retrouvons la N2. La ville semble être une localité industrielle assez importante. La circulation est d'autant plus intense que la N2, qui était jusque là une autoroute, ne tarde pas à se resserrer et à se transformer en route nationale ordinaire. Heureusement, les voitures commencent à se clairsemer au fur et à mesure que l'on s'éloigne de l'agglomération. Nous passons successivement à Grabouw, Betrivier, Caledon, Riviersonderend avant d'atteindre Swellendam qui possède un quartier ancien avec des demeures typiques de l'époque coloniale. On y fabrique une liqueur de youngberry qui jouit d'une certaine notoriété et elle est voisine d'un parc où l'on peut voir une espèce d'antilope en voie de disparition, le bontebok. Après Swellendam, nous quittons la N2 et prenons sur la droite la R324 en direction de Witsand où nous devons passer la nuit. La route n'est pas asphaltée. Nous roulons pendant plusieurs kilomètres sur un gravier plus ou moins confortable. Nous sommes en pleine campagne sud-africaine. De part et d'autre de la route, à perte de vue, ce ne sont que champs et prairies. Notre voiture se met à brinquebaler bizarrement. Nous nous arrêtons pour constater que nous venons de crever et, comme les malheurs n'arrivent jamais seuls, nous avons également perdu l'enjoliveur de la roue. Le pneu est littéralement déchiqueté. Nous nous apprêtons à changer la roue lorsqu'une camionnette à l'arrière découvert fait son apparition. C'est un de ces "bakkies" des fermiers sud-africains courants dans la région. Plusieurs campagnards blancs, mieux musclés que nous, en descendent pour nous prêter main forte. J'observe que l'un d'eux marche pied nus sans que les pierres du chemin ne semblent le gêner le moins du monde. La réparation est réalisée en un tour de main et nous nous séparons à renfort de salutations joviales non sans que l'un des fermiers ne me demande au moins pour la dixième fois: "Parlez-vous français?". C'est probablement la seule phrase qu'il sache dire en notre langue. Nous reprenons la route derrière la camionnette que nous voyons peu à peu s'éloigner dans un nuage de poussière blanchâtre. Le même paysage se déroule de chaque côté de la route: champs, prairies, fermes, élevages d'autruches et autres animaux... avec à l'horizon le moutonnement des collines. Après un temps
qui nous semble interminable, nous arrivons enfin à Port Beaufort,
à proximité de la mer. Witsand
n'est plus loin. Nous trouvons sans difficulté l'hôtel, le
Whale Watchers Inn. C'est un charmant petit établissement situé
au bord de l'océan, qui n'est désormais plus Atlantique mais
Indien. Au large, de l'autre côté de la baie de Saint Sébastien,
on aperçoit le Cap Infante. Une fois installés dans notre
chambre, la nuit tombe et l'heure est venue de songer au dîner. Nous
le prendrons dans une guinguette au bord de l'eau. C'est une sorte de chalet
de bois où l'on sert des repas du genre fish and chips arrosés
de bière ou de vin.
26 octobre: Nous prenons notre petit déjeuner dans la salle commune de l'hôtel en compagnie de Sud-Africains. Je lie conversation avec une femme d'origine suisse qui parle très bien le français. Elle me dit, qu'avec les problèmes nés de l'immigration, nous devons commencer, en Europe, à mieux appréhender la réalité sud-africaine. Ces propos m'amènent à m'interroger sur l'avenir du pays que nous visitons. Le rêve de Nelson Mandela d'un État multiracial, où chacun vivrait en bonne intelligence avec son voisin, ne risque-t-il pas, dans un avenir plus ou moins éloigné, d'être remis en cause? Le niveau de la criminalité actuelle n'est pas très encourageant. Pourtant, on ne perçoit nulle part d'animosité entre les différentes populations, pas plus qu'à l'égard des étrangers. Il n'est pas facile d'avoir une idée exacte de la situation, surtout en ne faisant que traverser un pays aussi vaste et peuplé d'autant d'ethnies différentes. Le petit déjeuner achevé, nous nous rendons sur le balcon pour observer les évolutions des baleines dans la baie. Elles sont ce matin plusieurs à folâtrer dans le voisinage. Mais elles se tiennent au large et la possession d'une paire de jumelles, sans être absolument indispensable, n'en apporte pas moins un avantage significatif pour les observer. On nous a dit qu'on les voyait de beaucoup plus près à Hermanus mais nous n'aurons pas l'occasion de le vérifier: cette ville est désormais loin derrière nous. Nous quittons Witsand en début de matinée et nous prenons la R322 en direction de Heidelberg. Cette route est asphaltée et en bon état. Nous longeons un moment un vaste élevage d'autruches , ces volatiles qui ne volent pas, dont on dit qu'ils enfoncent leur tête dans le sable pour ne pas voir le danger, en ajoutant que leur oeil est plus gros que leur cervelle; nous nous arrêtons pour prendre quelques photos. A Heidelberg, nous cherchons un garage pour équiper à neuf notre roue de rechange. Nous prenons ensuite la N2 jusqu'à Riversdale. Là, nous tournons à gauche sur la R323 en direction de Muiskral et Ladismith. Dans la traversée de Muiskral, nous nous trompons de chemin et nous engageons sur une route, goudronnée sur quelques kilomètres, qui se transforme ensuite en chemin de campagne. Il nous faut rebrousser chemin. Mais cela nous a valu, une fois de plus, de prendre contact avec la campagne sud-africaine. Au fur et à mesure que l'on avance vers le nord, en direction de Ladismith, le paysage devient de plus en plus montagneux. Nous sommes entrés dans le Petit Karoo. Des champs de céréales s'étendent autour de nous. Bien que l'on ne soit encore qu'au printemps, la plupart sont déjà moissonnés. Avant d'arriver à Ladismith, la R323 aboutit à la R62 sur laquelle nous continuerons jusqu'à Oudtshoorn. Autour de Ladismith, on peut voir de nombreux vergers. Cette cité est réputée pour ses fruits confits, les abricots en particulier. Nous nous y arrêtons pour acheter de la nourriture et de la boisson. Pour ne pas perdre de temps, nous déjeunerons sur le pouce. Une vingtaine de kilomètres plus loin, en direction de Calitzdorp, sur la droite de la route, on aperçoit la mission de Amaliensten, avec son intéressante église, construite en 1853 par la Société des missionnaires de Berlin. Calitzdorp, que nous abordons ensuite, est un charmant petit village, où il fait bon séjourner, selon les guides. Nous ne ferons que le traverser. Oudtshoorn est la capitale de la plume d'autruche. Quand celle-ci servait d'ornement aux élégantes des pays riches, elle assurait la prospérité de la ville et de la région qui l'entoure. Mais la première guerre mondiale et l'évolution de la mode ont réduit considérablement les bénéfices de ce commerce. Aujourd'hui Oudtshoorn n'est plus ce qu'elle était jadis. L'élevage des grands oiseaux subsiste néanmoins, même s'il tourne au ralenti par rapport à l'époque de son âge d'or. Les fermiers ont réorienté leur production vers la viande et le cuir. Nous décidons de faire l'impasse sur la visite d'une ferme. L'après-midi est déjà bien avancé et nous avons encore beaucoup de choses à faire. En revanche, nous consacrons un peu de temps au magasin d'artisanat de cuir d'autruche. Puis, grâce à notre téléphone portable, qui va s'avérer bien utile, nous retenons une chambre dans un bed and breakfast, à Wilderness. Nous n'avions pas encore d'endroit où loger ce soir et il était temps d'y songer. Ensuite, par la R328, nous nous dirigeons vers les grottes de Cango, au nord d'Outshoorn. Sur le chemin, nous faisons une halte au Crocodile Ranch. On nous y montre ces peu gracieux reptiles avec force commentaires très intéressants mais, comme je n'ai pas pris de notes, j'avoue avoir presque tout oublié. On leur jette quelques ailes d'autruches en guise de nourriture. Nous passons devant un bassin où des tortues font la sieste sur un rocher et l'on nous emmène vers la section réservée aux fauves: guépards, pumas, léopards, lions... C'est un avant-goût de ce qui nous attend dans les réserves, sauf qu'ici les animaux sont derrière des grilles et qu'ils paraissent débonnaires. On peut même aller caresser les guépards. Ma compagne de voyage se laisse tenter par l'expérience. Ce n'est pas tous les jours que l'ont peut entendre ronronner sous sa main un chat aussi gros. Lorsque nous arrivons aux grottes de Cango, situées dans un paysage montagneux, le départ du dernier groupe de visiteurs a déjà eu lieu. Le préposé à la vente des billets refuse de nous en délivrer. Il nous conseille cependant de demander à un guide de nous y laisser entrer par la sortie. Nous verrons ce que nous pourrons. Nous tombons sur un sud-africain bienveillant qui nous conduit dans une immense salle voûtée aux murs recouverts de stalagmites et stalactites qui scintillent sous la lumière électrique et dont les couleurs pâles tranchent sur l'obscurité des fonds. Par un couloir bien aménagé, nous accédons à d'autres salles moins vastes mais non moins bien décorées. Ces merveilles naturelles valent le déplacement même si elles rappellent d'autres sites déjà vus en France ou à l'étranger. Les grottes de Cango ont servi d'habitat à l'homme préhistorique africain. Une interprétation le rappelle sous l'une des voûtes. Mais nous ne la verrons pas. Notre brève visite s'achève par le magasin où j'achète quelques boîtes de pâté supplémentaires: autruche, kudu, impala. Nous reprenons la R328, mais cette fois vers le sud. A Outshoorn, nous quittons la R328 au profit de la R62 ou de la N12, comme on voudra puisque, selon la carte, la route porte les deux noms! Nous laissons sur la droite la chaussée de Mossel Bay, lieu de débarquement du premier européen, Bartolomeu Dias, en 1488, pour nous diriger sur George. A Mossel Bay, on peut encore voir l'arbre où l'on déposait autrefois les lettres et colis postaux. Nous avons jugé que cette curiosité ne méritait pas le détour. D'ailleurs, nous ne disposons pas d'assez de temps. Nous devons franchir une montagne et le temps se gâte. Nous roulons sous la pluie et dans un brouillard heureusement peu épais. Au bas de la descente vers George, alors que nous nous rapprochons de la côte, la pluie cesse et nous achevons notre voyage, sinon sous le soleil, au moins dans un temps acceptable. Après George, agglomération importante, nous retrouvons la N2 que nous suivons jusqu'à Wilderness. La maison où nous
devons loger est sur la droite, de l'autre côté d'une voie
de chemin de fer, peut-être celle du petit train de la
Route des Jardins. Nous la trouvons sans difficulté. Elle est
tenue par une vieille dame qui semble être d'ascendance germanique.
Nous nous installons dans notre chambre. Puis nous nous mettons en quête
d'un lieu pour dîner. Les deux ou trois restaurants du coin sont
de l'autre côté de la voie ferrée et de la N2. On peut
facilement s'y rendre à pied en traversant les rails à niveau
et la route sous un pont. Après avoir examiné les menus exposés
à l'extérieur, nous arrêtons notre choix. Ce soir,
je dégusterai un ragoût de warthog, un sanglier sud-africain.
27 octobre: Après un petit-déjeuner copieux et savoureux, nous prenons congé de notre hôtesse: embrassades et salutations. Nous nous écartons de la N2 pour pénétrer dans le parc de Wilderness. A l'entrée de celui-ci, nous nous arrêtons pour prendre de la documentation. De coquets chalets de bois vernis s'offrent au repos des touristes. Dans un grand arbre touffu, une colonie de nids d'oiseaux s'est installée. Ces nids ressemblent à de grosses pelotes de foin. J'en ai vu de semblables en Guyane. Mais je ne parierais pas qu'ils servent de logis aux mêmes hôtes. Par une route de terre, nous cheminons le long d'une succession de plans d'eau: le lac à l'île (Eilandvlei), le lac long (Langvlei), le lac rond (Rondevlei) avant de retrouver la N2. Bien que la mer soit proche, nous traversons un paysage de montagnes boisées. La N2 enjambe le lac noir (Swartvlei) puis longe un peu plus loin le lac vert (Groenvlei). Nous nous rapprochons de l'océan pour nous rendre jusqu'à l'une des nombreuses plages qui le bordent. Je ne me souviens plus s'il s'agit de Victoria Bay ou de Buffelsbaai. Dans une boutique où je suis allé renouveler notre provision d'eau pour la soif, mon oeil se porte par hasard sur le titre qui fait la une du journal local. C'est ainsi que j'apprends qu'une prise d'otages à Moscou vient de s'achever dans le sang. Depuis notre arrivée en Afrique du Sud, tout à nos découvertes, nous étions restés à peu près sans nouvelles du reste du monde. Nous nous rendons ensuite à Knysna. Cette ville s'élève sur les bords d'une lagune qui communique avec la haute mer par un pertuis serré entre deux collines que l'on nomme les têtes. On trouve dans la lagune, parmi d'autres espèces marines, un petit hippocampe en voie de disparition, l'hippocampe de Knysna. Mais la ville est surtout réputée pour ses huîtres, finement iodées, que l'on déguste accompagnées d'une bière locale. Nous nous laissons rançonner dans la bonne humeur par un jeune sud-africain qui prétend être le préposé à la garde des voitures rangées le long du trottoir et nous allons nous promener, au hasard des rues et des centres commerciaux, plus ou moins à la recherche d'un lieu pour déjeuner. En semaine, il est possible de prendre son repas à la ferme ostréicole mais, le dimanche, celle-ci est fermée et nous devons nous rabattre sur un restaurant ordinaire. On nous avait parlé d'huîtres si grosses que nous nous attendions à voir arriver dans notre assiette des coquillages monstrueux. Notre déception est à la mesure de notre attente. Celles qu'on nous sert, du point de vue de la taille, sont en dessous du médiocre. Mais elles n'en sont pas moins délicieuses. Une seconde commande nous permet de nous régaler d'huîtres un peu plus grosses mais qui sont loin du gigantisme. Peut-être les huîtres monumentales ne sont-elles en vente qu'à la ferme. Une conversation avec la serveuse nous apprend que les huîtres que nous venons de manger ont été importées de France afin de conserver la qualité du produit et sa réputation. Elles ont seulement été affinées sur place. A défaut de bière, nous les avons accompagnées d'un vin blanc sec du pays fort agréable. Nous reprenons la N2 en direction de l'est. Nous passons à Plettenberg Bay, une charmante station balnéaire. Plus loin, nous quittons la N2 pour emprunter la route touristique R102 qui est conseillée par les guides. Nous roulons d'abord sur un plateau relativement dénudé d'où l'on aperçoit, à la faveur de l'échancrure d'une vallée, le pont autoroutier le plus grand d'Afrique avec ses 451 mètres. La route en lacets plonge ensuite vers la vallée de la rivière Vark. Nous sommes dans la forêt de Tsitsikamma où se rencontrent des arbres séculaires ornés de fougères et d'orchidées. La végétation est exubérante. Nous revenons ensuite vers la N2 pour continuer en direction de Homansdorp et Jeffreys Bay où nous couchons ce soir dans un bed and breakfast retenu de Paris par Internet. Jeffreys Bay est une bourgade relativement importante située sur le bord de l'Océan Indien. Il nous faut chercher un moment à travers les rues avant de trouver notre gîte. Celui-ci est coquet avec sa façade blanche et son toit vert. Mais sa caractéristique principale réside dans la pente abrupte qui y conduit. La maison est en surplomb par rapport à la rue sans en être très éloignée. Avant d'arriver à l'escalier de l'entrée, il faut gravir, soit à droite, soit à gauche, une double rampe pavée de briques. Jamais je n'ai vu de pente aussi raide. C'est pourtant par ce chemin qu'il faudra monter les bagages et le redescendre le lendemain. Sur le pas de la porte, nous sommes accueillis cordialement par la maîtresse de maison. Elle nous a réservé la suite africaine. Nous avions demandé une chambre avec vue sur la mer et c'était la seule d'où, à partir du balcon, sur les toits et à travers les arbres, on aperçoit effectivement un petit coin d'océan. Pendant que ma compagne de voyage se livre à ses ablutions, je prend le frais sur le balcon en face d'un citronnier chargé de fruits. Au-dessous du balcon, le maître de maison, en compagnie d'autres personnes, qui sont peut-être d'autres touristes, s'active autour d'un braai, le barbecue boers. Si le temps n'était pas aussi pluvieux, l'atmosphère serait agréable, presque idyllique. Mais la pluie, dans cette région supposée ensoleillée, nous a trop longtemps suivi pour que nous ne soyons pas quelque peu désenchantés. Pour ma part, je suis satisfait d'avoir vu la Route des Jardins, mais je partage l'avis de ma compagne selon laquelle, compte tenu du temps qui nous était imparti, il aurait peut-être mieux valu séjourner plus longtemps dans la région du Cap et prendre directement l'avion pour Durban. Nous dînons en ville dans un restaurant indiqué par notre hôtesse. Le repas, arrosé de vin rouge sud-africain, est excellent. 28 octobre: Notre petit-déjeuner absorbé, on nous aide à descendre nos bagages par la rude pente de briques et nous prenons la route de Port Élisabeth. Même s'il ne pleut pas constamment, le temps est encore humide et maussade. La N2 traverse une région verdoyante. Quelques vaches paissent dans les pâturages. A Port Élisabeth, nous cherchons un concessionnaire Toyota pour acheter un enjoliveur et rendre la voiture en bon état. Puis nous nous rendons à l'aéroport. Nous laissons le véhicule à l'agence Avis et nous allons au guichet de la compagnie South African Airlines. Une désagréable surprise nous y attend. Nos billets ont bien été achetés, notre compte a bien été débité, mais nos réservations sont annulées! On nous met sur une liste d'attente: nous partirons si l'avion n'est pas complet! Dire que nous ne sommes pas contents, et que nous le manifestons, est parler par euphémisme. Si nous n'embarquons pas, nous ne serons pas en mesure d'arriver le soir même à notre étape. Nous perdrons une journée et c'est toute la suite de notre voyage qui sera remise en cause. Mais que faire, sinon patienter en se rongeant les sangs et en maudissant une compagnie d'aviation qui traite ses passagers avec autant de légèreté! Grâce à Dieu, il reste de la place dans l'appareil et, au dernier moment, nous embarquons pour Durban. A l'aéroport d'arrivée, nous allons louer une nouvelle voiture à l'agence Avis. Derrière les guichets, les employés qui nous reçoivent sont manifestement d'origine hindoue. Nous décidons de prendre une automobile à transmission automatique. Elle sera plus facile à conduire, elle est plus spacieuse et elle ne coûte pas beaucoup plus cher. Nous prenons la N2, toujours elle, en direction du nord: Tongaat, Stanger (Dukuza), Empangeni, Mtubatuba. Au bord de la route, on aperçoit des champs de canne à sucre. A un moment, il y a même un babouin qui, assis sur l'accotement, regarde passer les voitures. Plus loin, dans les terres, sur la gauche, s'étend la région des champs de batailles des guerres entre Anglais et Boers, Anglais est Zoulous. C'est au cours des premières que furent, dit-on, inventés les camps de concentration. Les Allemands de la seconde guerre mondiale ne seraient que des imitateurs ayant surpassé leur maître. Pendant la guerre anglo-zoulou, le prince impérial français, fils de Napoléon III, qui servait dans l'armée britannique, trouva la mort. Tout ceci uniquement dit pour l'anecdote historique puisque nous n'avons pas l'intention de nous rendre sur ces sites. A Mtubatuba, nous quittons la N2 et bifurquons vers l'est pour rejoindre le parc de Hluhluwe-Umfolozi par la R618. Cette route est beaucoup moins bien entretenue que la précédente. Par endroits, elle est en assez mauvais état. Des travaux y sont entrepris et l'on ne peut alors rouler que sur une seule file. Il est donc difficile de rouler vite et nous parvenons à la porte Nyalazi du parc alors que l'après-midi est déjà bien avancée. Nous y achetons des guides très bien faits comportant des cartes, des dessins représentants les animaux susceptibles d'être rencontrés et une foule de renseignements utiles (emplacement des restaurants, boutiques, postes à essence etc...). Cette documentation est indispensable pour s'orienter sur les routes et pistes du parc et pour identifier les animaux. Elle nous sera très utile. Le parc, créé en 1895, est le plus ancien du pays. Il s'étend sur 96000 hectares, au coeur du pays zoulou, sur un territoire qui servait autrefois de chasse aux monarques de ce royaume aux guerriers redoutables. Les deux sections du parc, Umfolozi au sud et Hluhluwe au nord étaient naguère séparées. Elles sont maintenant réunies dans une seule entité. Le paysage est constitué d'une succession de collines couvertes de savanes herbues, de broussailles, d'arbustes hérissés de longues épines et de forêts. Bref, une nature de début du monde. La diversité de la végétation et sa relative abondance y ont attiré de nombreuses espèces de mammifères, d'oiseaux et de reptiles. Les cinq grands d'Afrique du Sud: lion, rhinocéros, éléphant, buffle et léopard peuvent y être vus. On peut également y rencontrer beaucoup d'autres animaux comme la girafe, le zèbre, l'impala, le kudu, le gorgon bleu que l'on appelle aussi gnou, le guépard etc... Mais Hluhluwe est surtout renommé comme conservatoire du rhinocéros blanc qui se distingue du noir non pas en raison de sa couleur mais par sa façon de se nourrir. Dans les parcs, la vitesse est limitée à 50 km/h sur les routes asphaltées et à 40 km/h sur les pistes de terre. Mais, pour observer les animaux, il est préférable de rouler moins vite. C'est une vélocité qui est compatible avec ma dextérité. Depuis longtemps, je ne conduis que très rarement et il eût été périlleux de me confier le volant sur la grand route. Je change donc de place avec ma compagne de voyage. Elle va pouvoir se détendre un peu et profiter au maximum de l'observation des animaux. Nous tournons à gauche, vers le sud, en direction du camp Mpila où nous devons coucher. Nous sommes sur Umfolozi. Au hasard de notre errance, sur route et pistes, nous voyons de très près des femelles de kudu et de plus loin, à flanc de colline, un troupeau de buffles ou de gnous, on ne sait trop. Puis des zèbres, pris dans le faisceau des phares de notre voiture, car la nuit tombe et il est temps de nous rendre au camp. A l'entrée de celui-ci, une dizaine, peut-être plus, de gracieux impalas nous souhaitent la bienvenue. Ils seront les seuls à le faire car, à l'accueil du camp, il n'y a plus personne. Tout est fermé: guichets, centre d'information et boutique. On nous avait dit qu'il fallait impérativement arriver avant le coucher du soleil sur les lieux d'hébergement. Nous le vérifions à nos dépens. Heureusement, nos noms, avec le numéro de notre bungalow, figurent sur un tableau bien en évidence. Il n'est pas trop difficile de retrouver l'endroit où nous allons dormir. Il faudra nous passer de dîner. Le camp ne comporte pas de restaurant. La boutique, on l'a vu, est fermée. Le dernier lieu habité est au diable. Il nous reste de l'eau minérale pour nous désaltérer. C'est une chance. Il faudra nous en contenter. Le bungalow est en fait une grande tente de
toile très épaisse installée sur une armature de bois,
le tout sur pilotis. On accède à la fermeture éclair
de l'entrée par un escalier suivi d'un chemin de bois, surélevé
par rapport au sol inégal, qui dessert plusieurs logements. Ceux-ci
sont précédés d'une terrasse sur laquelle donne l'entrée.
Des portes, placées aux endroits stratégiques, barrent la
voie à d'éventuels intrus. Il n'y a pas d'éclairage
extérieur et la torche achetée à Paris, en prévision
de cette situation, va s'avérer très utile. Je fais le tour
de notre demeure pour dérouler les pans de toile qui obturent les
fenêtres grillagées de la tente. Nous voici à l'intérieur
d'une chambre qui, si elle n'est pas hermétiquement close, n'en
est pas moins bien protégée des agresseurs ailés.
Ce n'est ni luxueux, ni très confortable, mais il y a l'essentiel:
deux lits pourvus de moustiquaires, des toilettes, une douche. J'y passerai
pourtant une bien mauvaise nuit. Il fait trop chaud et j'ai du mal à
m'endormir. La moustiquaire me tombe sur le nez et je m'en débarrasse.
Son utilité est d'ailleurs contestable. Elle est déchirée
en plusieurs endroits et les morceaux de papier collant employés
pour la rafistoler ne semblent pas une solution vraiment efficace. J'ai
renoncé à prendre mes cachets contre la malaria: ils m'incommodaient.
A la grâce de Dieu. Toute la nuit j'entendrai rôder les bêtes
sauvages autour des habitations.
Au cours de notre trajet en direction du nord, vers Hluhluwe, nous allons voir de nombreux animaux en train de se nourrir: des herdes d'impalas, tant mâles que femelles; des buffles, aperçus du haut d'un pont, sur une langue de sable au bord d'une rivière; un nyala mâle superbement encorné, des girafes et des zèbres; un kudu mâle aux cornes torsadées caractéristiques; un canard noir; un couple de rhinocéros (noirs ou blancs?) paissant au flanc d'une colline verdoyante; des warthogs, le phacochère sud-africain, et des cochons sauvages; un troupeau de buffles dans une prairie, en lisière d'une forêt... Nous traversons ainsi Umfolozi et Hluhluwe, observant les animaux dans leur milieu naturel, et nous ressortons au nord par la Memorial Gate. Nous nous y arrêtons pour refaire notre provision d'eau et fouiner dans une vaste boutique d'art et d'artisanat local. A l'extérieur, trois ou quatre jeunes Zoulous, en costumes de guerriers traditionnels, se démènent en frappant sur un tambour pour faire couleur locale. Nous poursuivons ensuite notre chemin vers la bourgade de Hluhluwe. Nous longeons le parc privé d'Ubizane où nous devons passer la nuit. Puis nous nous dirigeons vers St Lucia. Nous y achetons de quoi grignoter un peu avant de visiter le Crocodile Center où l'on montre des reptiles, des serpents, des tortues et bien sûr des crocodiles. Ensuite nous remontons vers Cape Vidal, en suivant la route qui court entre l'océan et des lacs intérieurs. La région est très riche en oiseaux. Nous en apercevons beaucoup et nous les identifions sans trop de difficulté grâce à la documentation achetée à l'entrée d'Umfolozi. Celui que nous rencontrons le plus fréquemment est le Burchell's Coucal. Des abris ont été aménagés pour les observer sans les effaroucher. Mais nous n'aurons pas le loisir de nous y attarder beaucoup. Nous aurons aussi l'occasion de voir des mangoustes zébrées, de petits singes vervet, ainsi qu'un chacal à dos noir, sur le chemin du retour. Revenus à Ubizane, nous nous installons dans un confortable chalet sur pilotis agrémenté d'un balcon donnant sur la forêt toute proche. En fin de journée, nous participons à un safari animalier qui s'achève la nuit. Le guide nous donne beaucoup d'explications concernant la faune et la flore (albizias, marulas, arbres à saucisses...). La faune n'est pas d'une richesse exceptionnelle. On retrouve des impalas, des nyalas, des kudus, des gnous, des girafes... comme dans le parc d'Umfolozi-Hluhluwe. Nous avons tout de même la bonne fortune d'apercevoir un duiker, petite chèvre que nous n'avions pas encore vue. Une fois la nuit tombée, le guide s'amuse à effrayer les impalas avec sa lampe et cela nous vaut d'admirer le ballet de ces sveltes et agiles animaux bondissant de face ou de côté à des hauteurs et sur des distances surprenantes. C'est aérien, gracieux, très beau. Le restaurant est situé près
des bois. Des animaux, des nyalas femelles,
par exemple, vaquent à proximité immédiate. La salle
est largement ouverte sur la nature. On compose soi même son repas
à partir des différents buffets: entrées, viandes
et légumes, desserts. Ils sont abondamment pourvus d'une nourriture
variée et savoureuse. Ce sera la même chose le lendemain pour
le petit déjeuner. A l'heure du thé, celui-ci est servi auprès
d'une cheminée, sur une terrasse de bois couverte d'un toit conique.
Les amateurs d'apéritifs et autres boissons alcoolisées ont
un bar à leur disposition. En bref, au plan du confort, le parc
privé d'Ubizane est bien supérieur au camp du parc d'Umfolozi.
Mais, pour ce qui concerne les animaux, il est relativement limité.
D'ailleurs ses guides proposent des safaris dans le grand parc national
voisin.
30 octobre: Après le petit déjeuner, nous retournons dans le parc de St Lucia pour faire une promenade sur le lac. Malheureusement, à l'entrée proche de l'embarcadère, on nous prévient que les excursions en bateau ont été annulées. Nous profitons de la présence d'une pompe à essence pour faire le plein. Deux personnes sont requises pour cette opération. Il faut tenir l'embout du tuyau dans l'embouchure du réservoir avec un bâton! En Afrique du Sud, on trouve fréquemment des stations à essence sur la route, dans les villes et les villages. Mais le seul moyen de paiement accepté est l'argent liquide. Il est donc important d'en posséder toujours assez sur soi. Dans les parcs, surtout ceux qui sont privés, il n'est pas toujours possible de se procurer du carburant. On doit donc prendre ses précautions et s'enquérir à l'avance, lorsque c'est possible, des points où l'on trouve des stations. En cas de panne au milieu de la nature, il n'y a pas d'autre solution que l'attente à l'intérieur du véhicule jusqu'au passage d'autres visiteurs qui préviendront les gardiens du parc lesquels viendront ensuite assurer le dépannage ou chercher les personnes restées dans la voiture immobilisée. On rencontre ainsi parfois des automobiles paraissant abandonnées sur le bord d'une piste. Essayer de regagner le camp le plus proche à pied serait extrêmement périlleux. Pour les animaux sauvages qui vivent en liberté dans les parcs, l'homme est perçu naturellement comme une menace ou comme une proie. Il n'y a pas de vrai moyen de leur échapper si l'on n'est pas armé, ce qui est interdit sauf pour les guides. Nous revenons sur la N2, toujours elle, et nous la remontons en direction du nord jusqu'à Bayala. Dans ce village, nous tournons sur la gauche et empruntons une route de terre pour nous rendre dans la réserve de Mkuzi (ou Mkhuze). Nous roulons un assez long moment avant d'arriver à un carrefour dépourvu d'indication. La carte précise, qu'à partir du village, il faut quitter la route de terre sur la gauche, au bout de 8,5 km, pour se diriger vers l'entrée du parc. Avons-nous parcouru cette distance? Comme nous n'avons pas pris la précaution de noter le kilométrage inscrit au compteur à la sortie du village, nous ne sommes pas en mesure de répondre à cette question. A tout hasard, nous nous engageons sur la chaussée de gauche. Nous roulons pendant quelques kilomètres entre des terrains sommairement cultivés, des friches et des pâturages. Nous abordons une région montagneuse et la route devient de plus en plus mauvaise. Bientôt des villages zoulous apparaissent avec leurs chaumières aux murs de terre et au toit de chaume dont la forme arrondie évoque des ruches. Nous croisons sur la route un troupeau de chèvres conduit par un enfant. Des adultes nous regardent passer avec surprise. Nous nous sommes manifestement fourvoyés, mais cela nous a permis de nous écarter des sentiers battus et de prendre un rapide contact avec le pays zoulou profond. Nous revenons sur nos pas et finissons par rejoindre le bon chemin. Dans le parc de Mkuzi,
on trouve presque tous les animaux d'Afrique australe, à l'exception
des éléphants et des lions. En empruntant le réseau
de pistes, on découvre une flore exceptionnelle autour des étangs
et des points d'eau entourés de figuiers sauvages. Nous nous rendons
jusqu'à une plate-forme d'observation dissimulée dans les
arbustes sur le bord d'un plan d'eau. Un hippopotame,
dont on n'aperçoit guère que le dos et le mufle, s'y prélasse
en compagnie de nombreux oiseaux parmi lesquels nous identifions plusieurs
échassiers, des ibis et un african spoonbill au bec en forme de
cuillère. Nous repartons et, chemin faisant, le hasard nous fait
rencontrer un groupe de singes gris à face noire. L'un d'eux se
gratte sans vergogne en exhibant un sexe brandi, sommé d'un gland
écarlate, qui se dresse au dessus de testicules d'un magnifique
bleu pâle. Voilà un floraison certainement digne de séduire
bien des guenons!
Notre brève incursion dans le parc de Mkuzi s'achève. Nous allons jusqu'à la bourgade de Mkuze où nous retrouvons la N2. Nous la prenons en direction du nord-ouest, vers Pongola, Tholulywazi, Berbice, Piet-Retief. Nous contournons ainsi par le sud le Zwaziland, où nous devons coucher ce soir. Cela nous permettra de réduire au maximum le temps passé sur les routes de ce royaume, enclavé dans l'Afrique du Sud, où la vitesse est limitée à 80 km/h. Nous croisons ou nous doublons assez fréquemment des tracteurs tirant des remorques chargées de cannes à sucre. A Kemp, à quelques kilomètres au nord de Piet-Retief, nous abandonnons définitivement la N2 au profit de la R33 en direction d'Amsterdam. Là, nous tournons à gauche, sur la R65. Nous ne sommes plus très loin du poste frontière de Nerston. Comme l'entrée des parcs, les postes frontières sont fermés après une certaine heure et les attardés n'ont plus qu'à revenir sur leurs pas. Les horaires varient d'un poste à l'autre et il est donc nécessaire de prendre ses précautions à l'avance. La frontière est matérialisée par deux hauts grillages de fer, l'un du côté de l'Afrique du Sud et l'autre du côté du Swaziland. Le passage semble bien gardé! Dans l'espace qui s'étend entre les deux grillages, s'élèvent les bâtiments des douanes et de la police des frontières. Les formalités sont assez rapidement accomplies, sous la pluie. La route du Swaziland est conforme à ce que l'on attendait. C'est une chaussée étroite, asphaltée mais en médiocre condition, où abondent les nids de poule et autres occasions de cabosser des jantes. Elle chemine à travers un paysage montagneux dont nous ne pouvons guère apprécier le charme sous la pluie et dans le brouillard. De nombreux rochers gris ponctuent de notes claires la dominante verte des prairies et des forêts. Un autocar renversé gît à l'écart de la route. Nous apprendrons plus tard que des touristes ont trouvé la mort dans cet accident. Au fond d'une vallée, l'odeur caractéristique de la pâte à papier nous accueille à l'entrée d'une cité industrielle. Nous traversons ensuite la capitale, Mbabane, où nous nous réapprovisionnons en essence. Je me rends à des toilettes où l'odeur est si forte que l'on ne peut y pénétrer qu'en apnée. Ma compagne de voyage devra se résigner à soulager sa vessie dans la campagne. Puis nous passons par Motjane, Forbes Reef, Enkhaba avant d'atteindre Piggs Peak à la nuit tombée. Il nous faut maintenant trouver le chemin de la réserve naturelle de Phophonyane: oiseaux, cascade, un vrai paradis terrestre, notre destination. C'est parfaitement indiqué mais il reste 14 km à accomplir, sur une route de terre argileuse rendue glissante par la pluie, lorsque nous parvenons au carrefour. Nous voici roulant, en pleine nuit à travers bois, sur un chemin qui serait déjà difficile en plein jour et par temps sec! Alors que nous abordons une descente, il me semble apercevoir une large flaque d'eau qui luit au fond de la vallée. Allons-nous devoir franchir une rivière à gué? Je n'aurai jamais la réponse à cette question puisque nous nous embourbons avant d'y parvenir. J'ai soudain l'intuition désagréable que nous allons passer la nuit au milieu de la forêt, dans la voiture. Nous essayons en vain à plusieurs reprises de téléphoner à Phophonyane. Nul ne répond! Nous constatons une fois de plus que, passée la chute du jour, l'entrée des parcs et réserves naturelles est irrémédiablement fermée. Après être parvenus à nous désembourber, nous tentons de chercher de l'aide auprès des habitants d'un lodge voisin. C'est un vaste lotissement, bien éclairé, et il y a visiblement des gens à l'intérieur. Nous sonnons et resonnons. Mais personne ne commet l'imprudence de venir nous tirer d'affaire! L'ensemble est entouré de barbelés et d'une clôture électrifié. Après une autre tentative aussi infructueuse
de rejoindre Phophonyane par un autre chemin, nous abandonnons l'espoir
d'y parvenir. Comme j'ai remarqué qu'un casino et son hôtel
de luxe existait dans les environs, lorsque j'ai retenu à Paris
cette nuitée, nous décidons d'y tenter notre chance. Par
bonheur, il reste de la place. Nous nous consolons de notre mésaventure
autour d'un bon repas arrosé de vin sud-africain. Nous allons passer
une bonne nuit, dans une chambre confortable. Nous l'avons bien mérité,
après une étape de plus de 500 km accomplie dans la journée!
31 octobre: Le temps s'est dégagé et nous pouvons admirer le paysage de notre fenêtre. Petit déjeuner au restaurant de l'hôtel. Nous téléphonons à Phophonyane. Cette fois-ci, il y a du monde. Notre interlocuteur s'étonne: "Que s'est-il passé? Nous vous attendions hier soir. Venez aujourd'hui, cela n'a pas d'importance." Notre emploi du temps ne nous permet pas de séjourner un jour de plus au Swaziland. Nous préférons perdre l'argent de notre location (une des plus coûteuse de tout le voyage!). Nous prenons la route pour Hhohho et le poste frontière de Matsamo qui est vite atteint. Voici ce que je lirai dans le journal
Le Monde, quatorze
ans plus tard, le 13 septembre 2016. Le Swaziland est l'une des dernières
monarchies absolues d'Afrique tenue d'une main de fer par le roi Mswati
III. La fête des roseaux, où des jeunes filles en costume
traditionnel, auréolées de pompons et de colliers colorés,
dansent les seins nus devant l'autocrate pour célébrer leur
virginité, attire les touristes qui repartent avec une vision souriante
du pays. La réalité est quelque peu différente. La
population y est misérable, accablée d'impôts pour
gorger de richesse le satrape et ses nombreuses femmes. Et ils ne jouissent
d'aucun droit démocratique.
Nous entrons dans le parc Kruger, le plus vaste du pays, par la porte Malelane. Presqu'aussitôt une famille d'éléphants (deux adultes et deux petits) traverse la route devant nous et il nous faut lui céder le passage. Nous nous dirigeons vers Skukuza, où nous devons passer la nuit, en suivant le chemin des écoliers. Le paysage est plus plat que dans le parc Umfolozi-Hluhluwe et moins verdoyant. Par endroit subsistent des traces d'incendies sans que l'on sache s'ils sont volontaires ou accidentels. Les animaux que nous rencontrons sont déjà de vieilles connaissances: girafes, pintades, rhinocéros... Nous nous rendons à Lower Sabie. Pause café. A proximité du camp, un étang sert de baignoire à de nombreux hippopotames. Des crocodiles somnolent sur la plage et de nombreuses variétés d'oiseaux aquatiques vaquent ou se tiennent immobiles, dans l'eau et sur ses bords. Poursuite de notre périple qui doit nous ramener, en fin d'après-midi, à Skukuza. Un gros mille-pattes noir, de la taille du petit doigt, pullule sur les pistes. Il est pratiquement impossible de ne pas en écraser. De nombreux animaux s'offrent à nos regards et à l'objectif de nos appareils photographiques: girafes, zèbres, sur une terre brûlée couverte de cendres où de maigres arbustes ont cependant résisté... calao (ground hornbill), canard noir, hirondelles à tête marron, francolin, une sorte de perdrix africaine dont il existe plusieurs espèces que nous verrons toutes... waterbuck femelle... et enfin, le clou de la journée, une hyène en train de dévorer sa proie, probablement un impala, au milieu des arbres d'un bois. Le soir, nous dînons au restaurant de
Skukuza: steak de kudu et saucisse aux herbes, celle qui est traditionnellement
utilisée pour le braai, le barbecue boers. Ce n'est pas un repas
gastronomique, mais il est convenable. La terrasse du restaurant évoque
le quai d'une gare. Quelques wagons anciens y stationnent rappelant l'époque
où le parc était relié aux lieux habités par
une voie ferrée. Ensuite, nous nous rendons au magasin du camp.
Il est bien approvisionné en articles d'art et d'artisanat. Ma compagne
de voyage s'intéresse à des housses de coussins et à
une peau de kudu. Quant à moi, je regarde des peaux de zèbres
et d'impalas... Mais je les trouve trop encombrantes.
1 novembre: Après une nuit passée dans un bungalow relativement confortable, nous prenons de bon matin la route en direction du nord, vers Satara et Olifants où nous devons coucher la nuit prochaine. Les animaux sont surtout denses dans la partie sud du parc. Toutefois, certains d'entre eux ne se rencontrent que dans la partie nord. Chaque espèce a son habitat préféré, choisi en fonction de l'abondance et de la qualité de la nourriture. Les herbivores ne se trouvent que là où il y a de l'herbe ou des feuillages accessibles dont la texture et le goût leur conviennent. Les carnivores se tiennent à portée de leur gibier préféré. Une connaissance approfondie de la topographie du parc et de la flore qui y pousse dans les différents endroits ainsi que des habitudes alimentaires des différentes espèces d'animaux facilitent donc leur recherche. Des indications utiles sont données dans la documentation disponible à l'entrée des parcs. Lorsqu'on ne dispose que d'informations rudimentaires sur le sujet, les points d'eau constituer des lieux d'affût intéressants. Avec du temps et de la patience on peut espérer voir des bêtes venir s'y désaltérer. Sinon, il n'y a pas d'autre solution que de flâner le nez au vent sur les pistes, à vitesse réduite et l'oeil constamment aux aguets. C'est ce que nous faisons. La chance nous sourit et nous commençons la journée par l'observation de lionnes couchées dans les taillis. Malheureusement, elles sont assez éloignées du chemin et les fourrés sont plutôt touffus. Nous ne les voyons que très imparfaitement. C'est dommage car nous n'en rencontrerons pas d'autres. Un rapace, aigle ou buse, se pose devant notre voiture et déambule quelques instants devant nous aucunement gêné, semble-t-il, par notre présence. Puis ce sont à nouveau des calaos, des francolins, des impalas et zèbres mêlés... Un rhinocéros apparaît sur notre droite et manifeste l'intention d'aller sur notre gauche. Nous nous arrêtons et il traverse la piste, sans se hâter, quelques mètres seulement devant le capot de notre voiture. Nous avons tout le loisir de le regarder et tout le temps d'en tirer plusieurs clichés. Un peu plus loin, après quelques zèbres, un calao, un éléphant et un troupeau de gnous, nous faisons connaissance avec des steenboks qui paissent en compagnie de deux kudus, un mâle et une femelle. Des oiseaux sont quelquefois perchés sur le dos des mammifères où ils se nourrissent en débarrassant leur perchoir mouvant de sa vermine. Et encore deux girafes avec des impalas, des éléphants, juste sur le bord du chemin... L'un d'eux esquisse quelques pas de danse dépourvus d'aménité et nous ne nous attardons pas. Nous admirons un moment un énorme sycomore. Puis nous découvrons, sur les bords d'une rivière à peu près asséchée, un couple d'hippopotames pour une fois hors de l'eau et un bouquetin non identifié parce qu'il était trop éloigné. Nous poussons jusqu'à Letaba , au commencement de la partie nord du parc. De petits écureuils de couleur claire et probablement un bushbuck quêtent leur pitance au milieu des bungalows. On y apprend que des lions ont été aperçus pas très loin d'Olifants. Nous nous proposons d'aller jeter un coup d'oeil par là. Sur la route du retour, je n'aperçois qu'au dernier moment un gros serpent gris, sans doute un python, qui rampe sur l'asphalte. Je ne peux l'éviter et nous sentons nettement nos roues lui passer sur le corps. Survivra-t-il? C'est peu probable. De retour sur une piste, nous descendons du véhicule pour enlever du chemin une tortue léopard qui y risque sa vie. Sortir ainsi de son habitacle protecteur n'est pas conseillé. Un fauve peut être caché derrière un buisson et, même si on ne le voit pas, lui nous voit. Mais nous sommes bien obligés parfois d'enfreindre la règle, ne serait-ce que pour nous remplacer au volant. Un aigle, perché en haut d'un arbre, scrute l'horizon. La soirée avance et l'heure du repas s'approche. Dans un fourré, des babouins s'épouillent amicalement à côté d'un buisson aux curieuses fleurs jaunes en forme de pompons allongés. Le paysage est, dans cette partie du parc, plus vallonné, plus boisé et un peu plus vert qu'au sud. Nous nous dirigeons vers le lieu où des lions ont été aperçus. Mais il se fait tard et nous renonçons bientôt à une chasse qui s'avère infructueuse. En regagnant le camp d'Olifants, nous avons droit à un beau coucher de soleil sur les collines. Au restaurant, il n'y a plus de place. Plusieurs
personnes font déjà la queue en attendant que des tables
se libèrent. Il faut réserver. On nous appellera quand viendra
notre tour. Je vais acheter une bière au magasin et, tandis que
ma compagne de voyage s'affaire ailleurs, je la bois en attendant
sur la terrasse qui surplombe la vallée, en imaginant cette dernière
car la nuit ne me permet pas de la voir. Après un temps assez long,
on nous invite à prendre place à une table d'une propreté
douteuse. Le buffet n'est guère appétissant et ce que nous
voyons dans les assiettes de nos voisins ne nous met pas vraiment l'eau
à la bouche. Nous décidons de renoncer à ces agapes
rustiques. Nous retournons au magasin, beaucoup moins bien achalandé
que celui de Skukuza, et nous y achetons quelques pommes, un paquet de
biscuits, des graines, une bouteille de vin et des couteaux pour dîner
dans notre chambre. Notre repas, arrosé d'un vin tiède à
peine buvable, sera d'une frugalité monacale. Les graines tombent
en poussière et il n'y a que les pommes et les gâteaux qui
soient mangeables. Notre bungalow lui même n'est pas aussi confortable
que celui de Skukuza. Mais nous ne nous y reposerons pas moins bien des
fatigues d'une journée bien remplie.
2 novembre: Aux aurores nous quittons Olifants pour nous diriger vers la porte de Phalaborwa où nous devons sortir du parc Kruger. Chemin des écoliers faisant, nous rencontrons des buffles couchés dans un taillis, puis un marabout, que nous qualifions d'oiseau sale (dirty bird) car ses plumes sont maculées de boue. Sur une piste nous en sommes réduits, derrière un autre véhicule, à suivre au pas un éléphant facétieux qui passe sans arrêt de la droite à la gauche et vice versa. Le chemin est trop étroit pour tenter un dépassement sans risquer d'indisposer l'animal. Enfin, ce dernier se tasse sur la gauche, je double la voiture qui nous devance et je tente le dépassement en roulant le plus à droite possible. L'imposante bête ne bronche pas. A Phaloborwa, nous faisons laver notre voiture, qui est couverte de poussière jaunâtre, et nous avalons un copieux petit déjeuner. Puis nous prenons la R40 en direction de Hoedspruit. A l'entrée de cette ville, un warthog folâtre à la recherche de nourriture. Peut-être fait-il les poubelles. Quelques kilomètres après la sortie de l'agglomération, nous tournons à gauche, sur le chemin de l'aéroport, pour nous rendre à Akeru, un parc privé du Timbavati. Nous nous engageons sur une interminable route de terre si longue, qu'à un moment, après avoir vu une pancarte indiquant qu'il s'agissait d'un cul-de-sac, nous nous demandons si nous n'avons pas fait fausse route. Mais nous sommes bien sur le bon chemin et nous finissons par atteindre une porte aperçue d'abord dans le lointain. A partir de là, les voies d'accès aux différents parcs privés sont parfaitement indiquées. En fin de matinée, nous atteignons Akeru où nous sommes cordialement accueillis par le couple responsable du camp. Primitivement, nous avions choisi Chitwa Chitwa, dans le Sabie Sand, plus au sud. Mais il n'y avait plus de place et on nous conseilla Akeru, dont le nom évoque le lion blanc. C'est de bonne augure. Le complexe est de petite taille. Il ne comporte que quelques bungalows où l'on ne peut guère accueillir plus d'une quinzaine de personnes. Rien à voir donc avec la foule des camps du parc Kruger. Nous sommes en pleine nature et il n'y a pas d'électricité dans les chambres. On s'y éclaire avec des lampes à pétroles. Mais la qualité de l'hôtellerie, tant pour le gîte que pour le couvert, est sans commune mesure avec celle des parcs nationaux. Le service est bien fait et le personnel a le temps de s'occuper de visiteurs qui ne sont pas légion. Nous déjeunons, sur une terrasse en plein air, à la table commune autour de laquelle s'installent une dizaine de convives. Le repas achevé, le responsable du camp vient bavarder avec ses hôtes et nous initie à la vie en brousse. Nous prenons ensuite un peu de repos avant de partir pour le safari de fin d'après-midi qui s'achèvera de nuit. La veille nos devanciers ont eu la chance d'assister à la chasse d'un léopard au moment où il se jetait sur sa proie. C'est un événement rarissime qui mérite d'être commenté. Le moment venu, nous prenons place sur les banquettes d'un 4x4, trois couples, le responsable du camp, armé d'une carabine de guerre, qui se met au volant, et un pisteur noir, qui se juche sur un siège rudimentaire installé à l'avant du véhicule. Nous rencontrons tour à tour: un hippopotame dans son bain qui daigne bâiller largement pour nous saluer, plusieurs oiseaux (oie d'Égypte, francolin, rapace en haut d'un arbre mort...), un éléphant en train de dépouiller un arbre de ses branches, une girafe et son girafon... Malgré l'oeil exercé du pisteur, nous n'avons malheureusement pas la chance d'apercevoir le moindre lion. La nuit tombe. Nous passons devant des amas d'ossements blancs, restes de repas des fauves élevés autrefois par la réserve. Cette pratique coûteuse a cessé depuis que les grillages séparant les différents camps ont été arrachés. Les bêtes circulent maintenant librement et les parcs privés n'ont plus intérêt à investir dans l'élevage d'animaux qu'ils ne sont plus en mesure de garder sur leur territoire. Nous faisons halte dans une vaste savane et nous prenons notre apéritif, accompagné d'amuse-gueules, tandis que le soleil se couche au loin sur les monts du Drakensberg. C'est véritablement un moment très agréable. Nous revenons au camp en pleine nuit. Attiré par la lumière des phares, des myriades d'insectes à carapace dure viennent se jeter contre nous. Il s'accrochent à nos vêtements par dizaines. Je passe mon temps à tenter en vain de m'en débarrasser. Certains parviennent à se loger jusque sous ma chemise. Nous les retrouverons au petit matin sur notre terrasse et sur l'eau de la piscine. Nous dînons à l'intérieur,
toujours autour d'une table commune, ce qui contribue à entretenir
la convivialité. Pendant la nuit, un éléphant s'approche
des habitations et le personnel du camp s'efforce de l'éloigner
comme il peut. Mais je dors à poings fermés et je n'entends
rien de ce charivari.
3 novembre: A l'aube, je découvre un énorme escargot sur le bord de la piscine. A la surface de l'eau flottent une grande quantité d'insectes noyés. Il y aurait là de quoi mettre en joie un entomologiste! Nous repartons en 4x4 pour de nouvelles aventures. Nous croisons d'abord de petits animaux, du genre chèvre, trop éloignés pour que je puisse les identifier. Puis nous observons assez longuement un groupe de buffles. Deux sont debout, les autres couchés dans l'herbe. Un oiseau est juché entre les énormes cornes courbes de l'un d'eux, sur le bourrelet osseux du sommet de son crâne, comme entre des branches. Notre chauffeur est en communication constante, par radio, avec l'autre équipe, afin d'être averti si un gibier intéressant venait à être découvert. Nous sommes sur la trace des lions. Nous approchons ensuite de très près deux rhinocéros. Notre ranger frappe de la main la carrosserie pour faire du bruit et avertir de notre présence ces animaux dont l'acuité visuelle laisse à désirer. Leurs yeux sont vraiment petits pour une bête aussi énorme. Il est préférable de ne pas les effrayer par une apparition subite. Halte auprès d'un point d'eau dans lequel nagent des tortues. Autour, c'est la savane, avec des arbres chétifs dont beaucoup sont secs, des épineux. Nous sommes dans une vaste plaine bordée de montagnes à l'horizon. On nous signale que les lions viennent de sortir du territoire d'Akeru et que nous devons renoncer à l'espoir de les voir. En revanche un groupe de guépards a été localisé et nous nous rendons à cet endroit. Trois fauves se reposent à l'ombre des buissons en deux groupes. Nous en approchons le plus près possible. Ils ne semblent pas très rassurés par notre présence et sont visiblement aux aguets. Au bout d'un moment, ils se déplacent pour s'éloigner un peu. Nous continuons notre promenade à travers une forêt d'arbres brisés comme après le passage d'une tornade. C'est le travail des éléphants. Ces pachydermes sont redoutables pour les forêts qu'ils détruisent. Nous rentrons au camp prendre une collation. Après, une excursion botanique pédestre est prévue. Ceux qui sont intéressés pourront ainsi se familiariser avec la flore locale. Nous devons malheureusement prendre congé et nous n'en profiterons pas. Nous quittons Akeru par le même chemin qu'à l'allée. Nous n'avons pas intérêt à nous égarer car la jauge à essence nous montre qu'il reste juste assez de carburant dans le réservoir pour parvenir jusqu'à Hoedspruit. Akeru n'est pas suffisamment important pour justifier la présence d'une station service. Nous roulons tranquillement sur la piste de terre blanche. Elle est bordée de grillages et nous pensons être en dehors des parcs. Soudain, une girafe, que nous n'avions pas vue, s'engage sur la chaussée, pour la traverser, à quelques mètres devant nous. Aussi surprise que nous, elle fait un bon de côté. Nous frôlons sa croupe. Elle vient sûrement d'éprouver une belle peur et nous aussi. Cet incident nous rappelle que, si la vitesse est limitée à 40 km/h sur les pistes, ce n'est pas sans raisons. Nous faisons le plein à l'entrée d'Hoedspruit puis nous prenons la R527 qui devient un peu plus loin la R36. Nous traversons une plaine plantée de vergers fermée à l'horizon par la masse imposante du Drakensberg que nous allons devoir franchir. Au bord de la route, dans les premiers lacets de la montagne, se sont installés des marchands ambulants d'art et d'artisanat africains. Nous y jetons un coup d'oeil. Les articles qu'ils proposent sont réellement destinés aux touristes et n'ont rien d'authentiques. Ils ne nous tentent pas. Nous quittons la R36 pour nous engager sur la R532 qui nous amène sur un plateau au-dessus du canyon de la rivière Blyde. Ce canyon, long de 20 kilomètres et profond de 700 mètres, est le troisième plus important du monde. Nous nous arrêtons à une aire de stationnement pour jouir d'un point de vue magnifique. La route continue de sinuer à travers la montagne. Nous passons à proximité de Bourke's Luck Potholes où un nommé Bourke découvrit, dit-on, les pépites de sa vie. La route se poursuit maintenant au sommet d'une très haute falaise. Plusieurs parkings permettent de s'arrêter pour regarder, en contrebas, la plaine s'étendre jusqu'au Timbavati et au parc Kruger. Nous arrivons à la Fenêtre de Dieu (God's Window) d'où le panorama sur la plaine est particulièrement impressionnant. C'est un endroit d'arrêt obligé pour tous les touristes. Nous y retrouvons des Canadiens Anglais rencontrés à Akeru. Plusieurs étals offrent aux touristes des masques et autres objets d'arts locaux qui semblent plus authentiques que ceux que nous avons vus précédemment au bord de la route. Nous poursuivons en direction de Graskop. Nous sommes dans une région escarpée où une bonne dizaine de cascades dévalent les pentes abruptes. Nous ne rendrons visite à aucune d'entre elles, faute de temps. Nous prenons à droite la R533 et passons bientôt à Pilgrim' Rest. En 1873, un important gisement d'or y fut découvert. L'exploitation du filon ne cessa qu'en 1970. C'est maintenant un pittoresque village minier classé monument historique. Plus loin, nous retrouvons la R36 sur laquelle nous nous engageons en direction du sud. Nous traversons Ohrigstad et Lydenburg, lieux où subsistent des témoignages de l'épopée des Boers. Nous prenons ensuite la N577 qui doit nous conduire jusqu'à Dullstroom, le royaume de la pêche à la mouche. C'est dans les environs de ce village que nous avons retenu la veille, grâce à notre portable, la chambre où nous dormirons ce soir, dans une vallée qui porte le nom poétique de l'arc-en-ciel, à cause des truites abondantes dans les rivières des environs. L'hôtel est situé à plus de 10 kilomètres du village, d'après les informations en notre possession. Mais nous ne savons pas si c'est au nord ou au sud. Aussi, décidons-nous de téléphoner à la réception afin d'obtenir les précision nécessaires et ne pas manquer l'embranchement qui y mène. Hélas, le réceptionniste ne peut pas répondre à cette question compliquée sans en référer à son patron et il se contente de nous donner le numéro de téléphone de ce dernier! Nous poussons donc jusqu'à Dullstroom où nous nous renseignons au bureau d'information. Là, on nous dit que l'hôtel est à une vingtaine de kilomètres. Nous prenons le chemin conseillé. C'est une route de gravelle où affleurent ça et là de grosses pierres. Nous roulons, roulons, roulons, à travers des villages africains et des étendues de prairies au milieu desquelles s'élèvent des fermes. Aucun panneau n'indique la direction de la vallée de l'arc-en-ciel. Nous demandons notre chemin à un africain en vélo qui paraît bien renseigné. Pourtant, après avoir encore roulé pendant un temps qui nous semble excessif, nous n'avons encore rien trouvé. La journée s'avance et l'expérience de Phophonyane nous revient à l'esprit. Des villageois interrogés ne savent manifestement pas de quoi nous voulons parler. Nous avons bien l'idée de nous adresser à quelques fermes, mais les bâtiments sont très éloignés de la route et le chemin d'accès est soigneusement barricadé. Enfin, nous finissons par découvrir une porte ouverte et nous pénétrons sur un chemin de terre qui nous mène jusqu'à la pelouse d'un vieux monsieur blanc moins pusillanime que les autres. Ils nous reçoit aimablement, sur le pas de sa porte, et nous donne toutes les indications qui nous manquaient. Mais nous sommes encore loin. La route est de plus en plus mauvaise. Ce n'est plus qu'une voie grossière pavée de caillasses. Enfin, une pancarte salvatrice nous prévient que nous sommes à l'entrée de la vallée de l'arc-en-ciel. Il fait encore jour. Nous nous engageons dans un chemin de terre bordé d'ornières et nous ne tardons pas à arriver à l'hôtel qui est placé, on ne sait trop pourquoi, sous le signe des peuples précolombiens. Imaginez un bâtiment blanc, entouré de pelouses, d'arbres et de fleurs avec, sur l'arrière, un ruisseau capté qui tombe en gazouillant, de marche en marche, sur une succession de terrasses de briques. Un calendrier aztèque de terre cuite orne la façade, au-dessus de la porte qui donne sur cette cascade artificielle. Voici l'hôtel. Imaginez maintenant un appartement parisien. Vous aurez les dimensions de la suite inca qui nous a été attribuée. J'exagère à peine. La chambre est immense. La salle de bains et les toilettes sont à l'avenant. Les deux lits sont pharaoniques. Ont pourrait y reposer aisément en travers. Armoire, canapé, fauteuils, table basse, tables de nuit... Rien ne manque. Le réceptionniste n'est peut-être pas très dégourdi, mais il est serviable. Que demander de plus? La bière, prise en apéritif, est fraîche. Le dîner copieux est bon avec, bien entendu, de la truite au menu. Mais le vin, mal conservé, laisse à désirer. Nous ne nous marchons pas sur les pieds. Le service n'est pas retardé par une clientèle trop nombreuse. Il n'y a qu'un autre couple dans la salle du restaurant: des Sud-Africains d'origine hindoue. Nous allons passer notre dernière nuit
en Afrique du Sud dans d'excellentes conditions.
4 novembre: Nous mettons la dernière main à nos bagages sensiblement plus encombrants qu'à l'arrivée. Ce soir, si tout se passe bien, ils seront dans l'avion. Ensuite, nous descendons prendre notre petit déjeuner. Il nous faut chercher le réceptionniste, qui est aussi le serveur, car rien n'est encore préparé. Ce n'est pas long. Nous mangeons de bon appétit le copieux breakfast qui nous est servi, en laissant toutefois de côté le beau filet de poisson accompagnant les oeufs et le bacon. Puis nous partons pour Johannesburg. Au lieu de suivre le même chemin que la veille, nous prenons la route en sens inverse à la sortie de la vallée. Elle paraît en meilleure état et nous conduit, au bout d'une dizaine de kilomètres, à un village dont j'ai oublié le nom. Les indications du guide étaient donc exactes, mais la distance non asphaltée était comptée en partant de ce village. Alors pourquoi Dullstroom y figurait-il comme le bourg le plus proche? Mystère. La R33 nous conduit à Belfast sur la N4 que nous prenons en direction de Middelburg où la N4 devient une autoroute. La circulation se fait de plus en plus dense et les villes sont de plus en plus rapprochées. Nous avons quitté le Mpumalanga pour le Gauteng, une région très peuplée. A Witbank, nous nous arrêtons. Il me faut retirer de l'argent à un distributeur. La seule langue de l'appareil, l'Afrikaans, est à peu près incompréhensible pour moi. Je me débrouille comme je peux en supposant que les touches ont la même signification que chez nous... et ça marche. Nous abordons les faubourgs de Pretoria par Silverton. Pretoria est la capitale administrative de l'Afrique du Sud. On la surnomme la "Cité Jardin". Les espaces verts n'y manquent pas. Les rues sont souvent bordées de jacarandas qui fleurissent en octobre. Nous cherchons un concessionnaire Toyota pour changer un enjoliveur que j'ai égratigné en sortant du parking à Lower Sabie. La réparation effectuée, nous voilà partis pour un tour de ville. Elle n'est pas immense et cela ne devrait pas nous prendre beaucoup de temps. Nous nous rendons sur la place centrale, bordée d'immeubles administratifs, au centre de laquelle trône la statue de Paul Kruger, avec le secret espoir d'y stationner pour continuer à pied notre promenade. Malheureusement, c'est impossible. Toutes les places sont prises et il faut nous contenter d'un tour de ville en voiture. En nous débrouillant comme nous le pouvons avec les sens uniques, nous passons, par la rue Jacob Maire, devant la Melrose House, une villa victorienne, colorée comme une maison autrichienne, où fut signé, en 1901, le traité qui mit fin à la guerre entre les Anglais et les Boers. Puis nous cherchons la N14 et la N1, c'est-à-dire la direction de Johannesburg ou plutôt celle de Sandton, un de ses faubourgs. La densité des voies de communication, sur la carte, et celle des véhicules, sur la route, ne facilitent pas les choses. Une fois sur la N1, nous cherchons la M9, appelée aussi Rivonia Road, que nous allons suivre jusqu'à Sandton City. La Rivonia Road est vraiment très longue. Les quartiers qu'elle traverse doivent être agréables à habiter. Les maisons y sont de belle apparence. Bref, on sent que les gens qui vivent là ne sont certainement pas les mêmes qu'à Soweto. Arrivé à Sandton City, un quartier de hauts buildings, nous nous rendons dans un garage pour y faire laver la voiture. Puis nous allons déjeuner dans un restaurant du centre commercial. Le repas est excellent. Ensuite, nous consacrons notre temps disponible à acheter quelques souvenirs dans les nombreuses boutiques du vaste complexe où nous venons de déjeuner. On y trouve à peu près de tout: cyber center, vêtements, bijoux, art et artisanat etc... Il n'a rien à envier aux centres commerciaux les plus modernes d'Europe et d'Amérique. L'heure étant venue de nous rendre à l'aéroport, nous repartons par la M85, ou rue Katherine, en direction du nord-est. Il nous faut retrouver la M1 pour la prendre en direction du sud. Je m'aperçois alors qu'il existe une route N1 et une route M1 et que, sur ma carte, la lettre n'existe pas. Deux routes portent donc le même numéro. Elles ne se différencient que par la couleur. C'est évidemment une source de confusion. Grâce à l'instinct de la conductrice, nous prenons néanmoins la bonne voie. Nous traversons tout Johannesburg, du nord au sud, dans un flot de véhicules digne des heures de pointe de la banlieue parisienne, sans voir réellement la ville, sauf en de rares endroits, car nous sommes sur une voie souvent encaissée. La cité est très étendue. Le peu que nous en apercevons n'est guère engageant mais n'est pas pire que ce que l'on trouve dans la plupart des grandes villes des pays développés. Nous tournons à gauche sur la 2, puis encore à gauche sur la 3, puis enfin à droite sur la 12 et nous voici à l'aéroport international. Nous remettons la voiture chez Avis et nous
nous rendons à l'enregistrement. A partir de ce moment, j'attendrai
patiemment le moment d'embarquer effondré dans un fauteuil tandis
que ma compagne de voyage effectue ses derniers achats et accomplit des
formalités douanières. Je suis littéralement vanné.
Nous avons parcouru plus de 4200 kilomètres en deux petites semaines,
sans compter les trajets en avion! C'est beaucoup.
Quels enseignements puis-je tirer de ce voyage? D'abord qu'il est possible de le faire, comme nous, par ses propres moyens, avec une voiture de location et que cette solution n'est pas beaucoup plus coûteuse que celle d'un voyage organisé. Ensuite, que deux semaines est un temps trop bref pour l'itinéraire que nous nous étions fixé. Sans doute eût-il été sage de faire l'impasse sur la Route des Jardins. Mais notre frustration eût peut-être été encore plus grande. Car j'avoue être resté quelque peu sur ma faim. L'Afrique du Sud est un pays très vaste. Les choses à y voir sont très nombreuses. Les amateurs de safaris photos animaliers peuvent y trouver leur compte, mais il n'y a pas que cette activité qui vaille la peine. Les paysages, les curiosités, les sites préhistoriques, les lieux historiques, les témoignages de l'activité humaine récente, comme les vignobles et les mines, la culture africaine... autant de centres d'intérêt susceptibles d'attirer les touristes. Nous étions venus essentiellement pour observer la vie sauvage et, de ce point de vue, notre voyage est une réussite. Nous avons rencontrés, dans leur milieu naturel, quatre des cinq grands: le lion, le léopard, l'éléphant, le rhinocéros et le buffle. Certes, nous n'avons pas vu de lion, mais nous avons aperçu des lionnes. Le léopard seul manque à notre tableau de chasse. Cependant, nous sommes passés à côté de nombreux sites intéressants sans avoir le temps de nous y arrêter: cascades, grottes, sites préhistoriques, villages autochtones... A condition de respecter à la lettre les consignes mentionnées sur les guides, on peut visiter l'Afrique du Sud seul sans trop de risque. Quant au choix entre parcs privés et parcs nationaux, c'est une question de goût. Ceux qui privilégient l'hôtellerie s'orienteront vers les parcs privés où les conditions de d'hébergement et la nourriture sont meilleures. Pour les autres, les parcs nationaux suffiront. Ils y trouveront une vie sauvage plus intense. L'expérience de ce voyage m'amène à conclure que c'est dans les parcs nationaux que l'on a le plus de chance de rencontrer le maximum d'animaux. Les illustrations de cette page sont des exemples de celles que l'on trouve sur la documentation diffusée par l'Office du Tourisme Sud-Africain et dans les brochures vendues à l'entrée des parcs. |
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