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Ce document éclaire la
brouille qui amena Wellington à se séparer momentanément
de ses auxiliaires espagnols pendant la campagne des Pyrénées.
Wellington au général Freyre.
J’avais déjà donné ordre le 22 de rappeler celui que j’avais donné le 18 à la division Morillo de se tenir sous les armes. La question entre ces messieurs et moi est s’ils pillent ou non les paysans français. J’ai écrit et fait écrire plusieurs fois au général Morillo pour lui marquer ma désapprobation sur ce sujet, mais en vain; et enfin j’ai été obligé de prendre des mesures pour m’assurer que les troupes sous mes ordres ne feraient plus de dégâts dans le pays. Je suis fâché que ces mesures soient de nature à déplaire à ces messieurs; mais je vous avoue que la conduite qui les a rendues nécessaires est bien plus déshonorante que les mesures qui en sont la conséquence. Je suis, et toute ma vie j’ai été trop accoutumé aux libelles pour ne pas les mépriser; et si je ne les avais pas méprisés, non seulement je ne serais pas où je suis, mais le Portugal au moins, et peut-être l’Espagne, seraient sous la domination française. J’ai perdu 20000 hommes dans cette campagne, et ce n’est pas pour que le général Morillo, ni qui que ce soit, puisse venir piller les paysans français; où je commande, je déclare hautement que je ne le permettrai pas. Si on veut piller, qu’on nomme un autre à commander, parce que moi, je déclare que si on est sous mes ordres, il ne faut pas piller (1). Vous avez de grandes armées en Espagne, et si on veut piller le paysan français, on n’a qu’à m’ôter le commandement et entrer en France. Je couvrirai l’Espagne contre les malheurs qui en seront le résultat; c’est-à-dire que vos armées, quelque grandes qu’elles puissent être, ne pourront pas rester en France pendant quinze jours. Vous savez bien que vous n’avez ni argent, ni magasins, ni rien de ce qu’il vous faut pour tenir une armée en campagne, et que le pays où vous avez passé l’année dernière est incapable de vous soutenir l’année prochaine. Si j’étais assez scélérat pour permettre le pillage, vous ne pouvez pas croire que la France, toute riche qu’elle est, puisse soutenir votre armée. Pour ceux qui désirent vivre des contributions du pays, il paraît essentiel que les troupes ne soient point autorisées à piller (2). Mais malgré tout cela, on croirait que je suis l’ennemi, au lieu d’être le meilleur ami de l’armée, en prenant des mesures décisives pour empêcher le pillage, et que ces mesures la déshonorent! Je pourrais dire aussi quelque chose en justification
de ce que j’ai fait, qui regarderait la politique (3); mais j’ai assez
dit, et je vous répète qu’il m’est absolument indifférent
que je commande une grande ou une petite armée, mais que, grande
ou petite, il faut qu’elle m’obéisse.»
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